Saint Jean-Baptiste 14/01/2010 @ 17:15:42
J’ai un vague souvenir de la première sortie de ce livre écrit par un journaliste américain en 1998.
Il n’avait pas provoqué la vague d’indignation espérée par l’auteur tant il était bourré d’inepties, de contrevérités pour ne pas dire d’inventions délirantes – ou hilarantes, c’est selon.
Il avait provoqué, ici en Belgique, quelques haussements d’épaules affligés des historiens du Congo.

Mais je me souviens qu’il avait alimenté, chez les jeunes des années septante, la rage de s’ériger en justicier contre tout ce que les anciens avaient fait : à commencer par la Belgique et sa belle colonie, mais aussi l’industrie, le progrès, le capitalisme, sans oublier, bien sûr le clergé catho, grande puissance occulte et maléfique à l’origine de toutes les frustrations et des refoulements de notre belle jeunesse…

Mais revenons à notre bon Roi Léopold II et à sa chère colonie.
La critique que tu fais de ce livre est tout à fait magistrale, tu en fais un compte-rendu qui démontre parfaitement son cortège d’inepties et de délires.

Car enfin, 10 millions de morts de 1885 à 1908 ! Sur une population de 15 à 20 millions d’habitants ! Comment aurait-on pu installer une paisible colonie dès les années 1910, où d’immenses territoires de plantations étaient administrés par une poignée d’hommes et quelques missionnaires ? C’est insensé ! Partout dans le monde, un massacre de population est toujours le prélude à des révolutions qui se terminent toujours par des bains de sang.
Léopold II n’a jamais envoyé de troupes armées au Congo. L’AIA Association Internationale Africaine, crée à la demande de Léopold II en 1876 et réunissant les grandes puissances coloniales, ne l’aurait jamais permis. L’administration belge avait tout juste mis en place, dès 1885, une force publique composée d’indigènes encadrés par des Belges.
Il faut lire l’Histoire de la Force Publique par le Général Janssens.

Ce qu’on dit de l’expédition de Stanley est du délire ; on dirait que l’auteur s’est inspiré de la Conquête de l’Ouest...
La vérité est que Stanley était surveillé de très près par le Roi qui avait financé l’expédition. Il avait des craintes que Stanley ne s’offre au plus offrant, en particulier aux Anglais. Heureusement, la Reine Victoria ne l’aimait pas parce qu’il se tenait mal à table...
Il était aussi surveillé de très près par l’AIA, dont tous les membres, la France, l’Angleterre, l’Allemagne, le Portugal voulaient se partager le Congo.
Sur cette expédition nous avons les comptes rendus pratiquement journaliers du Conseillé du Roi, Théodore Van Schendel. Et chaque pays avait ses observateurs qui ont laissé des documents qu’on peut consulter, mais je doute que notre journaliste américain ne se soit donné cette peine…
Sur les 68 porteurs que Stanley avait recrutés à Zanzibar, il y en avait 51 qui avaient déjà accompagné Stanley dans ses deux premières expéditions dans la région des Grands lacs et à la recherche du missionnaire anglais Livingstone.
J’y vois au moins la preuve que Stanley ne tuait pas tous ses auxiliaires…
Il y avait 14 Européens, plus « des nègres » (terme qui n’était pas péjoratif à l’époque).
Évidemment, ce ne fut pas une excursion pour les petites filles des écoles chrétiennes : il y eut 6 Européens tués et 22 noirs.
Tués, pour la plupart, par les flèches des populations inhospitalières et cannibales que les coloniaux se sont appliqués à pacifier dès le début de la colonie. Dès 1888 la paix était conclue avec les 400 chefs de tribut qui bordaient le fleuve Congo.

Je pourrais continuer des heures, car cette histoire de la colonie m’a toujours passionné.
Je reste convaincu, sauf preuve du contraire, que ça a été une aventure humaine unique dans l’histoire du monde.
Aucune expérience coloniale n’a ressemblé à celle du Congo et je pense qu’elle vaut la peine de s’y intéresser en s’informant chez les historiens, qui sont de vrais historiens, qui ne « défendent pas un cause », mais qui sont objectifs et sérieux.

Feint

avatar 14/01/2010 @ 18:12:18
Tués, pour la plupart, par les flèches des populations inhospitalières et cannibales que les coloniaux se sont appliqués à pacifier dès le début de la colonie. Dès 1888 la paix était conclue avec les 400 chefs de tribut qui bordaient le fleuve Congo.

Je n'y connais rien, mais quelque part un nègre en moi se pose des questions d'ordre lexical à propos des mots "inhospitalières" et "pacifier".

Saint Jean-Baptiste 14/01/2010 @ 18:43:05
Tués, pour la plupart, par les flèches des populations inhospitalières et cannibales que les coloniaux se sont appliqués à pacifier dès le début de la colonie. Dès 1888 la paix était conclue avec les 400 chefs de tribut qui bordaient le fleuve Congo.


"pacifier".

Et si je remplace pacifier par pactiser, ça pourra aller, M’sieur ?
;-))

Feint

avatar 14/01/2010 @ 18:56:03
Je t'ai souvent lu et je sais que tu connais le sens des mots : j'ai bien peur que "pacifier" signifie "pacifier" (sans chercher à en faire un euphémisme). J'ai un peu de mal avec les pacificateurs venus d'ailleurs, même armés de bonnes intentions - ce qui reste toujours à prouver.

Saint Jean-Baptiste 14/01/2010 @ 19:39:18
Pacifier dans le sens de conclure la paix, donc ce serait plutôt pactiser que j’aurais dû dire. (Mea culpa, comme on dit chez Provissimus).
Ce qui, dans un conflit entre un plus fort et un plus faible est généralement dans l’intérêt du plus faible. Pour autant que les conclusions de paix soient équitables, ce qui fut le cas. La suite heureuse des événements l’a démontré à foison.

Saule

avatar 14/01/2010 @ 20:42:16
Oula SJB, je pense que tu t'engages dans une mauvaise cause...

Même si je suis trop vieux que pour être un des jeunes des années 70 dont tu parles, je crois que la cause du colonialisme est entendue : il s'agissait d'aller dans des pays exotiques, et, profitant de notre avantage technologique (on avait des fusils, eux pas), s'approprier leur matières premières et asservir les populations.

Il a fallu se donner bonne conscience : on a inventé le racisme, on a utilisé l'argument religieux (cfr les hollandais qui ont vu dans l'Afrique du Sud le pays réservé par Dieu pour son peuple élu), bref on a tellement bien légitimé notre pillage que les anciens croient toujours de bonne foi à ces bonnes intentions.

Cette histoire s'est répétée un peu partout : les portugais en Amérique du Sud, les européens en Amérique du nord (massacre des indiens), en Afrique,...

Il est évident que les colons de l'époque n'étaient pas des gens mauvais, il y avait des gens de grande qualité, et la plupart étaient probablement persuadé d'agir pour une bonne cause (apporter la civilisation chez les sauvages). Il ne faut pas juger les gens de l'époque avec les critères de maintenant. Le racisme existait bel et bien, même si c'était une invention.

Mais bon, ces "sauvages" étaient chez eux, et ils n'avaient rien demandé, surtout pas qu'on leur apporte notre sois-disant civilisation. Et puis ils faut se rendre compte que notre civilisation n'était qu'un verni : en 14 on s'est étripé dans les tranchées à plus grandes échelle que les pygmées avec leur sarbacanes !

Mieke Maaike
avatar 14/01/2010 @ 21:32:52
Aaah, SJB, j'attendais ta réaction ! ;-)))

Alors pour commencer, le journaliste en question est quand même prof d'unif à Berkeley. C'est donc a priori pas le dernier des cons. Ce qui est surtout important pour les historiens (et les juristes ;-) ), ce sont les sources. A la fin du livre, il y a 70 pages de notes et de références bibliographiques qui permettent à tous les lecteurs d'aller vérifier consciencieusement les affirmations de l'auteur. On n'est donc pas dans un article façon Paris-Match. Alors d'accord, ce n'est pas un historien en tant que tel, mais il a l'avantage de rédiger l'histoire dans un style très dynamique, tout à fait accessible au grand public.

Evidemment, la première chose que j'ai faite en fermant le livre, c'était de me précipiter sur internet pour trouver des critiques de celui-ci. Mais force est de constater qu'après avoir écumer le net, je n'ai trouvé aucun article qui remettait fondamentalement en question ce que Hochschild a écrit. Au contraire, j'ai surtout trouvé des confirmations d'historiens. Les quelques maigres critiques que j'ai trouvées portent sur des points de détails, comme le fait qu'il n'explique pas avec grande précision les lieux où avaient lieu les massacres et les concentrations de populations mises au travail. Une autre critique récurrente est qu'il ne présente qu'un seul aspect de la situation au Congo (en l'occurrence les exactions et le régime de terreur), sans présenter la totalité du contexte, y compris les choses positives qui avaient lieu. Mais l'essentiel de ses recherches ont été validées par les historiens.

J’ai un vague souvenir de la première sortie de ce livre écrit par un journaliste américain en 1998.
Il n’avait pas provoqué la vague d’indignation espérée par l’auteur tant il était bourré d’inepties, de contrevérités pour ne pas dire d’inventions délirantes – ou hilarantes, c’est selon.
Il avait provoqué, ici en Belgique, quelques haussements d’épaules affligés des historiens du Congo.

Ce n'est pas du tout le souvenir que j'en avais à la sortie du livre. Que du contraire, je trouve qu'il a eu un certain retentissement. Suite à ce livre, un documentaire a été réalisé: « Le Roi blanc, le caoutchouc rouge, la mort noire » qui est passé sur plusieurs chaines, dont ARTE (qui n'est pas TF1 question qualité des émissions). J'ai vu ce documentaire à l'époque. Alors tu veux des témoignages d'historiens, il y en a ici lors du débat suite à ce documentaire sur ARTE:
http://arte.tv/fr/histoire-societe/…

S'il y a des nuances entre ces historiens (deux Belges, une Anglaise et deux Congolais), aucun ne remet en question les atrocités qui y ont été commises. Vraiment, je te recommande de regarder ce débats d'historiens, tu verras qu'aucun ne remet en question le régime de la terreur sous Léopold II.

Mais je me souviens qu’il avait alimenté, chez les jeunes des années septante, la rage de s’ériger en justicier contre tout ce que les anciens avaient fait : à commencer par la Belgique et sa belle colonie, mais aussi l’industrie, le progrès, le capitalisme, sans oublier, bien sûr le clergé catho, grande puissance occulte et maléfique à l’origine de toutes les frustrations et des refoulements de notre belle jeunesse…

Je n'en sais rien, je ne veux pas parler pour tous les jeunes des années '70, d'autant que je me considère surtout comme une jeune des années '90. Ceci dit, mon intérêt tout particulier pour le Congo ne vient pas d'une rage quelconque post-septante-huitarde, mais surtout vient du fait que j'ai passé toute mon adolescence au Congo. Et ce qui m'a le plus choquée, c'est le comportement des blancs là-bas. La plupart d'entre eux étaient d'un racisme hallucinant. On était au milieu des années '80, et je peux te dire que j'étais choquée au quotidien par leurs paroles et leurs faits et gestes. La plupart d'entre eux (et les pires) étaient des descendants de coloniaux. Voyant leur comportement, je me suis souvent dit "mais qu'est-ce que ça devait être avant !", à l'époque où ils avaient réellement les pleins pouvoirs comme administrateur de la colonie. Et en lisant le livre de Hochschild, non seulement j'ai retrouvé certaines choses que j'ai encore connu au Congo presqu'un siècle plus tard, mais surtout je me suis régulièrement dit "ça ne m'étonne pas".

Car enfin, 10 millions de morts de 1885 à 1908 ! Sur une population de 15 à 20 millions d’habitants !

Ce sont les chiffres cités régulièrement par les historiens. Regarde le débat dont je t'ai mis le lien ci-dessus, tu verras que même l'historienne la plus pro-Léopold II mentionne au moins 4 millions de morts. L'estimation tourne autour de ces chiffres, même si beaucoup de recherches démontrent d'une part la difficulté d'évaluer les morts, et d'autre part d'affiner en fonction des différentes causes de mort (massacre, maladies, etc).

Comment aurait-on pu installer une paisible colonie dès les années 1910, où d’immenses territoires de plantations étaient administrés par une poignée d’hommes et quelques missionnaires ? C’est insensé ! Partout dans le monde, un massacre de population est toujours le prélude à des révolutions qui se terminent toujours par des bains de sang.

Ben oui, c'est le cas. Le régime de la terreur a été mis en place en réaction aux populations locales qui ont décidé de prendre les armes. D'où les villages incendiés, les expéditions punitives et les milliers de morts tués par les soldats auxquels ils devaient couper la main pour justifier l'utilisation de leurs cartouches. Pendant toute la période coloniale, il y a eu un régime fort mis en place pour contenir la population. Pourquoi les Belges se sont tous enfui du Congo en 1960 au moment de l'indépendance ? Parce qu'il y a eu une série d'exactions commises en réaction à ce régime de contrainte.

Léopold II n’a jamais envoyé de troupes armées au Congo. L’AIA Association Internationale Africaine, crée à la demande de Léopold II en 1876 et réunissant les grandes puissances coloniales, ne l’aurait jamais permis. L’administration belge avait tout juste mis en place, dès 1885, une force publique composée d’indigènes encadrés par des Belges.

Ben oui, les soldats étaient des soldats congolais enrolés par des Blancs, qui recevaient des armes et munitions en provenance de belgique et qui devaient tous les soirs remettre leurs cartouches à leur chef pour éviter qu'ils les accumulent en vue d'une mutinerie. Les cartouches manquantes devaient être justifiées en présentant les mains coupées.

Quant à Stanley, je ne vois pas ce qu'il y a de contradictoire entre ce qu'Hochschild écrit et toi. Hochschild n'a jamais prétendu que Stanley tuait tous ses porteurs juste pour le plaisir. Il se fait qu'ils n'étaient pas particulièrement bien traités (c'est un euphémisme). Quand à la risposte par des armes à feu sur ces indigènes qui tirent des flèches, ben, je ne sais pas si je dois vraiment m'étendre sur la démonstration, mais on pourrait se demander pourquoi quelqu'un d'aussi gentil et doux que Stanley qui voulait juste avancer le long du fleuve avec paix et amour pour dessiner une jolie carte des environs pour Léopold II, se voyait accueillir par des flèches. Ah oui, c'est vrai, c'est peut-être parce qu'il traversait une région plein de méchants barbares, de sauvages sanguinaires et de dangereux cannibales. Mais oui, bien sûr, ça doit être ça, comment n'y ai-je pas pensé... ;-) Technique très simple pour justifier les massacres d'humain que de les considérer comme des sous-hommes. D'autres ont utilisé la même technique quelques décennies plus tard.

Je pourrais continuer des heures, car cette histoire de la colonie m’a toujours passionné.
Je reste convaincu, sauf preuve du contraire, que ça a été une aventure humaine unique dans l’histoire du monde.
Aucune expérience coloniale n’a ressemblé à celle du Congo et je pense qu’elle vaut la peine de s’y intéresser en s’informant chez les historiens, qui sont de vrais historiens, qui ne « défendent pas un cause », mais qui sont objectifs et sérieux.

Et bien, c'est exactement ma démarche. Moi aussi l'histoire du Congo m'a toujours passionnée. Et moi aussi je me suis intéressée au travail des historiens sur ce sujet. Donc je ne peux que te recommander de regarder le débat d'historiens sur Arte dont je t'ai mis le lien ci-dessus. Peut-être que la différence entre toi et moi, c'est que toi tu as été baigné pendant toute ta jeunesse dans un discours vantant l'oeuvre civilisatrice de la Belgique au Congo. Tandis que moi, j'ai vécu au Congo 20 ans après son indépendance et j'en ai gardé une vision quelque peu différente de la tienne.

Saint Jean-Baptiste 14/01/2010 @ 21:57:08
Ma parole, on vous a trituré la matière grise que vous avez entre les deux oreilles quand elle était encore malléable et maintenant qu’elle est durcie, je crois bien que c’est foutu ! On ne pourra plus jamais vous extirper de la cervelle ce que des malfaisants vous y ont fourré… Vous êtes programmé à vie !

J’en appelle à mon saint Patron qui prêcha toute sa vie dans le désert et qui termina avec sa tête sur un plateau… Que faire ? Quand j’aurai la réponse, je vous dirai quoi…

En attendant, s’il te plait Saule, ne compare pas nos Belges au Congo avec ces boers Hollandais en Afrique du Sud : aucun Belge n’a jamais cru que Dieu lui réservait un petit coin de sa planète et qu’il était son peuple élu !
Ne les compare pas non plus à ces Portugais ou Espagnols en Amérique du Sud et au Mexique, ou à ces Européens de la conquête de l’Amérique et du Canada. Ni aux Européens qui ont conquis leurs colonies par les armes ni aux Anglais qui se sont taillé un empire à l’échelle du monde.
Au moins que notre belle jeunesse des années septante et un peu avant, sache que l’aventure des Belges au Congo est un phénomène absolument unique dans l’histoire de l’humanité ; rien de semblable n’avait existé avant et je crois que rien de semblable n’existera plus jamais.

Là où nos violons s’accordent, c’est pour dire qu’en ’14 nous étions des sauvages et qu’en ’60, au moment de l’Indépendance du Congo, nous étions enfin civilisés, grâce aux Congolais...
;-))

Feint

avatar 14/01/2010 @ 22:57:08
Je crois que j'ai compris ce que sont les populations "inhospitalières" : ce sont les populations qui n'accueillent pas les envahisseurs à bras ouverts.

Saint Jean-Baptiste 14/01/2010 @ 23:11:44
Mieke
C’est vrai que j’ai baigné toute ma jeunesse dans le discours bénissant l’œuvre des coloniaux – mais pas l’œuvre « civilisatrice » des coloniaux. Les Belges n’ont jamais eu la prétention de civiliser qui que ce soit. Évangéliser peut-être mais ça, c’est une autre histoire.
Dans toutes les familles belges il y avait des administrateurs territoriaux, des médecins, des missionnaires et des religieuses infirmières qui écrivaient des lettres qui se lisaient en famille et qui donnaient une idée assez complète de la situation du Congo au début du siècle dernier.
Mais les jeunes, dont j’étais, étaient comme toujours réactionnaires, et si les grandes personnes étaient « pour » ils se devaient d’être « contre ». Ce qui m’a amené à chercher chez les historiens tout ce qui condamnait la colonie.
J’ai trouvé beaucoup de choses, avec lesquelles je suis encore aujourd’hui tout à fait d’accord, mais jamais des massacres de populations… Il faut lire les historiens belges qui étaient à la source, et qui souvent étaient des anti-colonialistes, pour se rendre compte que parler d’holocauste… c’est du délire.

Ce journaliste américain, sauf ton respect, est un farceur. N’est-ce pas lui qui dans son top 10 des plus grands malfaiteurs de l’humanité, mettait Léopold II entre Hitler et Staline ? Ça ne mérite même pas l’effort d’un haussement d’épaules…

Quant à ARTE, si je peux me permettre, ce n’est pas parole d’évangile. Il y a actuellement une série d’émissions sur la Bible, qui m’intéressent ; mais j’ai vu un spécialiste de la Bible qui tombe à la renverse devant les manipulations de textes qui y sont faites.
Encore une fois, ces gens utilisent les textes pour argumenter leur thèse mais pas pour établir la vérité.

Contrairement à ce qu’on croit, la documentation sur les débuts de la colonie, comme sur toute l’histoire de la colonie du reste, est surabondante. Elle provient de sources très multiples et on peut très facilement la recouper.
Avec le recul du temps on est arrivé aujourd’hui à écrire l’histoire de la colonie avec suffisamment d’objectivité pour qu’elle ne soit plus contestée.
Il vaut mieux lire ça que cette histoire écrite par ce cow-boy de journaliste à la manque, prof d’Unif et alors ? qui aurait été mieux inspiré s’il avait écrit l’histoire de son pays avec conquête de l’Ouest et massacres, pour ne pas dire génocide, des Indiens…

Saint Jean-Baptiste 14/01/2010 @ 23:12:37
Je crois que j'ai compris ce que sont les populations "inhospitalières" : ce sont les populations qui n'accueillent pas les envahisseurs à bras ouverts.

Grrrrr !!!

Mieke Maaike
avatar 14/01/2010 @ 23:24:57
Quant à ARTE, si je peux me permettre, ce n’est pas parole d’évangile.

Oui mais à partir du moment où 5 historiens commentent le documentaire qui est entre autre basé sur le livre; que parmi ces 5 historiens, il y en a une clairement pro-Léopold II; et que tous les 5 confirment les massacres, les exactions et la terreur au Congo sous Léopold II, j'ai quand même du mal à balayer ça d'un revers de la main et me limiter à un haussement d'épaule. Que penses-tu du débat dont je t'ai mis le lien plus haut ? Que ces 5 historiens issus de 5 universités différentes, eux même de sensibilité diverses, sont tous des cow-boys qui n'y connaissent rien ?

Saint Jean-Baptiste 15/01/2010 @ 01:02:09
Je lis dans ce reportage d’Arte que Léopold II a réduit des millions de Congolais en esclavage.
Or le premier souci du Roi a été de mettre fin au commerce d’esclaves. Par philanthropie ou par opportunisme, je n’en sais rien. Mais il est certain que le nouveau Congo n’a pas de pires ennemis que les trafiquants arabes.
Tout est raconté par le menu dans les livres d’histoire. Un des principaux trafiquant, un dénommé Tipo Tip, un Allemand arabisé, avait reçu du Roi le gouvernement de la province de Stanleyville en échange de son renoncement à son trafic.
En 1890, le Roi convoque à Bruxelles une conférence antiesclavagiste où il décide de prélever 10 % sur toute la production du Congo pour financer la lutte contre l’esclavage.
C’est dans ces combats, menés par la Force Publique congolaise, que sont tombés le sergent De Bruyne et le lieutenant Lippens dont la mémoire est encore honorée dans tous nos livres d’Histoire.
Tout ça est raconté en long et en large dans les livres et ce n’est plus jamais remis en question, tant les preuves sont irréfutables.

On parle de la fortune colossale du Roi ? mais c’est invraisemblable ! La Belgique ne voulait pas du Congo. Léopold II y a laissé sa fortune personnelle (une des plus grosse d’Europe) dans la construction du chemin de fer sur 400 Km réalisée par Albert Thys dès 1889.

Des tonnes d’ivoire chargé dans des bateaux ? mais c’est du délire : le commerce d’ivoire existait bien avant Léopold II.
Le nom des trafiquants est bien connu : l’Anglais Stockes qui fut capturé par la force publique et jugé puis pendu en Angleterre le 15 janvier 1895. Le nom des sultans qui le protégeaient, lui fournissaient des armes et assuraient le trafic, est bien connu. Ce trafic a été complètement démantelé et n’a pratiquement plus existé sous Léopold.
Le commerce du caoutchouc, un monopole, et des bois précieux, a tout juste redressé la situation financière du Congo à partir de 1900.
C’est à ce moment que le Roi a proposé à la Belgique de lui céder la colonie en échange du remboursement d’un emprunt contracté 10 ans plus tôt et qui venait à échéance.
Et il faut lire les discussions des parlementaires belges pour savoir s’il fallait ou non accepter le Congo, ça vaut de l’or…
Le gouvernement avait envoyé en observateur le président du parti ouvrier Emile Vandervelde en 1908 et c’est lui qui a forcé la décision de la Chambre le 20 août et du Sénat le 9 septembre.
Son rapport sur le Congo est extraordinaire !

Dans les années d’avant guerre, l’historien français Robert Cornevin écrivait :
« Ce demi siècle belge, malgré certaines erreurs, constitue une des plus remarquables réussites de la colonisation européenne en Afrique. Juristes précis, travailleurs et méthodiques, les Belges, administrateurs ou magistrats, ont accompli dans leur colonie une tâche écrasante et exemplaire…

- N’en déplaise aux détracteurs d’ARTE…

Mieke Maaike
avatar 15/01/2010 @ 10:14:24
Oui SJB, tu me racontes une fois de plus la version officielle sur le Congo, celle qui était dans les livres d'histoires des enfants et des jeunes durant la colonisation (tu fais toi-même référence à un historien d'avant guere...). Il se fait qu'aujourd'hui, tous les historiens sont d'accord pour dire que cette version ne correspondait pas à la réalité. Léopold a prétendu haut et fort qu'il luttait contre l'esclavage arabe, uniquement pour des raisons politiques et permettre aux autres puissances occidentales d'accepter sa main-mise sur ce territoire. Alors non, il n'a lui-même pas pratiqué l'esclavage, mais il a mis en place un système économique où les populations locales étaient transformées en travailleurs forcés. Et pour moi, même s'il en refusait l'appellation, je vois très peu de différence entre la situation d'un esclave et la situation d'un travailleur congolais qui n'était pas rémunéré en argent (parce qu'à l'époque il était interdit pour les congolais d'utiliser de l'argent) mais en petites babioles sans valeur et en maigre nourriture, et qui recevaient des coups de fouet à la moindre incartade.

Tipo-Tip est mentionné aussi dans le livre d'Hochschild. Cet ancien trafiquant d'esclaves s'est vu accorder une province du Congo non pas en échange de l'arrêt de ses activités, mais pour en raison d'une alliance politique avec ce trafiquant pour stabiliser la région et arrêter des combats réguliers entre les hommes de Léopold et les siens. Belle promotion de Léopold que de nommer un trafiquant d'esclaves gouverneur d'une province, lui qui prétendait haut et fort lutter avec acharnement contre ces méchants négriers arabes.

Quant à la fortune de Léopold, c'est vrai qu'il était au bord de la faillite au moment de la construction du chemin de fer. Mais dès la découverte de caoutchouc, il n'a plus rien eu à craindre de ce côté-là. Et à son décès, on a passé presque vingt ans à reconstituer l'ensemble de sa fortune éparpillée dans un montage économique très complexe. Et vraiment, c'était loin d'être un pauvre.

Mais bon, tout ça est bien expliqué notamment par les historiens dans le débat sur ARTE. Je ne comprends pas pourquoi tu ne veux pas regarder ce débat. C'est un débat d'une heure où les 5 historiens de sensibilité différente, et de nationalités différentes (2 Belges, 2 Congolais et 1 Anglaise) qui, unanimement, admettent que les exactions et cette terreur ont eu lieu sous Léopold. Quand tu me dis "Tout ça est raconté en long et en large dans les livres et ce n’est plus jamais remis en question, tant les preuves sont irréfutables.", et bien si, justement, tout ça est largement remis en question depuis pas mal d'années, tant les preuves sont accablantes.

Micharlemagne

avatar 15/01/2010 @ 10:26:09
Joli débat. En fait, le livre incriminé n'est que le nième avatar d'un livre publié en 1904 à Londres, intitulé "King Leopold's Rule in Africa" et complété par un autre en 1906 : "Red Rubber". Ils sont signés par un certain Edmund Dene Morel mais sont en fait basés sur les dépêches et le rapport de sir Roger Casement. Ce dernier rapport, fort atténué, fut publié par le Foreign Office le 12 février 1904.
Pour replacer la chose dans le contexte, il convient de relire le chapitre XXIV (pp. 242-251) de l'irremplaçable biographie de Léopold II, signée Barbara Emerson, qui retrace tout cet épisode dans le détail.
"Les fantômes" néglige de dire quelle fut la réaction de Léopold II lorsqu'il prit connaissance de ce qui se tramait au Congo, loin de son regard, comment il voulut y porter remède et pourquoi, finalement, il fut contraint d'admettre que la Belgique avait son mot à dire. Comment enfin, il finit par admettre que seule la Belgique pouvait mettre fin à ces abus en annexant sa propriété personnelle.

Mieke Maaike
avatar 15/01/2010 @ 11:03:20
Une dernière chose, SJB, tu cites Vandervelde et tu as raison, c'est une figure marquante de gauche qui connaissait très bien la situation au Congo. Il s'y est d'ailleurs lui-même rendu en 1909 pour assurer la défense de deux missionnaires américains, Sheppard et Morrison, qui ont été trainés devant la justice en raison de la publication d'articles dénonçant la situation au Congo, en particulier les agissement de la Compagnie du Kasaï. Il y a fait un brillant plaidoyer et Sheppard et Morrison ont été innocentés. C'est une pièce parmi d'autres qui constitue la preuve supplémentaire des exactions commises à cet époque.

Saint Jean-Baptiste 15/01/2010 @ 12:35:04
Exactement, Mich, je salue ton arrivée et je ploussoie…
Toute cette littérature prend sa source dans les écrits de sir Casement, consul britannique à Boma et du journaliste Charles Morel qui ont recueilli les témoignages de missionnaires protestants anglais qui oeuvraient sur place avant les Belges et se voyaient remplacés par les missions catholiques subsidiées par la Belgique.
Ils étaient envoyés au début du siècle par les grandes puissances pour alimenter la campagne anti-Léopold II.
Charles Morel était rapporteur pour la France de Jules Ferry qui avait été bernée par le « Roitelet d’opérette de l’éphémère petite Belgique ».

Pour l’anecdote on notera que ces deux personnages ont été convaincus de haute trahison au profit de l’Allemagne durant la guerre ’14-18. Casement fut pendu à la Tour de Londres, mais les Anglais prenait pour preuve qu’il n’avait pas menti, le fait qu’il était Irlandais (humour British… ?)

Les Anglais se sont déchaînés contre Léopold dès 1891, quand le haut responsable du commerce avec l’Afrique, l’Écossais John Holt, a constaté que les produits d’Afrique qui avaient toujours transités par Liverpool étaient désormais dirigés sur Anvers.

Pour savoir la vérité il est beaucoup plus intéressant de lire les rapports secrets que le Gouverneur général Wahis adressait en 1893 à Léopold II, et les ordres donnés par le Roi en réponse : « …si la loi n’est pas respectée, nous serions plus sauvages que les indigènes pour faire cesser les déplorables abus qui entachent notre réputation…» etc, etc…
Il faut lire aussi le rapport d’une Commission internationale envoyée sur place en octobre 1904 et composée, entre autres, de l’Italien Nisco, du Suisse Shumacher, des Belges Edmond Janssens et Henri Grégoire de l’ULB.
Il faut lire encore le rapport de la délégation américaine envoyée sur place en 1907.

Ce sont des documents à partir desquels on construit une Histoire authentique et objective, qui n’est pas du tout de « l’Histoire officielle trafiquée » pour les écoles, ni les élucubrations de journalistes américains en mal de conscience au souvenir du glorieux passé de leur propre « colonie » !

Mieke Maaike
avatar 15/01/2010 @ 14:05:19
Effectivement, Cassement a été un des hommes qui a dénoncé la situation au Congo. Puis il a eu un poste de diplomate au Brésil et enfin il s’est engagé pour défendre la cause irlandaise, ce qui particulièrement fâché l’angleterre. Et en plus il était homosexuel, ce qui a joué en sa défaveur lors de son procès pour trahison (à cette époque c’était particulièrement grave, souvenez-vous d’Oscar Wilde).

Alors oui, Léopold a envoyé une commission d’enquête au Congo pour avoir un aperçu de la situation. Ce rapport est éloquent sur les exactions commises et c’est notamment une des pièces supplémentaires au dossier. Il y a deux versions du rapport : le rapport en lui-même qui évoque toutes ces exactions, et un résumé de ce rapport fait par l’administration de Léopold destiné aux journalistes. Ce résumé a fortement adouci les choses.

Enfin SJB, je ne comprends toujours pas pourquoi tu refuses d’écouter le débat des 5 historiens que je t’ai mentionné plus haut. Je te rappelle pour la 3ème ou 4ème fois que ce sont deux historiens belges (profs d'unif à l'ULB et à l'UCL), deux historiens congolais et une historienne anglaise qui donnent leur avis sur la situation de l’époque. Je ne comprends pas pourquoi tu ne veux pas prendre en compte leur analyse.

Mieke Maaike
avatar 15/01/2010 @ 14:09:48
Tiens, je te remets le lien vers ces cinq historiens:
http://arte.tv/fr/histoire-societe/…

Mieke Maaike
avatar 15/01/2010 @ 14:52:42
Voilà un autre document, un extrait de ce rapport de la commission d'enquête qu'on peut trouver sur le site de l'université de Gand:

http://cas1.elis.ugent.be/avrug/violence/…

Je relève quelques extraits:

On apprenait vite les atrocités suivantes que la justice va plus tard confirmer pour la plupart.

- 55 femmes prises en otage par un agent blanc étaient pendues pour non livraison de ctc par leurs maris. 25 femmes et 2 enfants étaient tués parce que les pirogues pour le transport de ctc étaient arrivées en retard.
- Un autre avait tué 250 hommes et coupés 60 mains.
- Un autre a fait pendre des femmes et enfants et des hommes. De ces derniers il exposait leurs parties génitales et leur tête à la palissade.


On trouve également dans le jugement un considérant qui est particulièrement éloquent sur la situation:

Attendu cependant

-qu'il est juste de tenir compte pour l'application de la peine qu'il est prouvé notamment par les correspondance versée au dossier que les chefs de la société concessionnaire, ont, si non par des ordres formels, tout au moins par leurs exemples et leur tolérance amené les agents à ne tenir compte des droits, de la propriété, de la vie des indigènes, à user des armes et des soldats qui auraient dû servir à leur défense et au maintien de l'ordre, pour forcer les indigènes à leur fournir leurs produits et à travailler pour la Société, ainsi que pour chasser comme des rebelles hors de la loi, ceux qui tentaient de se soustraire aux prestations qu'on leur imposait.
- que surtout le fait d'arrêter des femmes et les détenir pour obliger les villages à fournir des produits et des travailleurs était toléré et admis même par certaines autorités administratives de la région.
(...)

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