TELEMAQUE 07/01/2010 @ 08:16:15
...le travail d'historien demeure essentiel.

J'ai jadis lu de Paul Veyne "Comment on écrit l'Histoire": le titre à lui seul est tout un programme.

Veyne est un auteur fécond, profond et sa prose est à la hauteur du sujet qu'il traite. Il me faut donc remercier Torquemada d'avoir mis à ma disposition la critique de "Quand notre monde est devenu chrétien", qui constitue une fiche de lecture engageante, un résumé clair d'un livre qui je n'en doute pas vaut la peine qu'on le lise.

Ce que je ferai sans doute quand je serai venu à bout de ma LAL...

Provis

avatar 07/01/2010 @ 14:55:21
Bel exercice, Torquemada !!

Je me permets de te conseiller "L'empire gréco-romain", un autre petit bijou de la même veine, si j'ose dire..

Peut-être le connais-tu déjà ?
(auquel cas j'espère, tu auras l'idée de nous en faire bientôt une belle critique ? moi je ne peux pas, je suis spécialisé dans les "Oui-Oui".. :o)

Jules
07/01/2010 @ 15:42:10
Les idées reçues pullulent et ont la vie bien dure ! Seul l'esprit critique et l'envie d'aller plus loin peuvent les vaincre mais uniquemment pour celui qui ferait cet effort puis le partagerait avec d'autres personnes à l'esprit aussi ouvert.

Un exemple: Hiroshima et Nagasaki.

Aujourd'hui nous savons que ces deux bombes étaient inutiles puisque le Japon envisageait déjà, plus que sérieusement, de capituler avant elles. Un ou deux bombardements classiques pouvaient faire l'affaire (et c'était déjà assez horrible !)

Mais, d'une part, les US entendaient avoir des essais en situations réelles et, d'autre part, ils entendaient faire une démonstration de leur puissance vers un Staline qui n'était pas aussi facile que Roosevelt l'avait cru.

Nombreux sont les historiens américains qui ont souhaité une correction des livres d'histoire qui défendent toujours la thèse de l'emploi de ces bombes pour économiser de nombreux morts parmi leurs troupes.

Le sénat des Etats-Unis l'a interdit sous le prétexte que cela aurait donné de l'Amérique une idée qu'ils estimaient nuisible.

Or, dans le livre "Paroles de l'ombre" qui remplit nos librairies en ce moment c'est toujours la vieilles version qui est donnée.

Et il en va ainsi pour beaucoup d'autres choses... L'histoire est, bien souvent, une des première chose à être manipulée.

Torquemada

avatar 07/01/2010 @ 15:49:00
Bel exercice, Torquemada !!

Je me permets de te conseiller "L'empire gréco-romain", un autre petit bijou de la même veine, si j'ose dire..

Peut-être le connais-tu déjà ?
(auquel cas j'espère, tu auras l'idée de nous en faire bientôt une belle critique ? moi je ne peux pas, je suis spécialisé dans les "Oui-Oui".. :o)


Très chers Provis et Telemaque,

Merci pour ces panégyriques. J'avoue que les écrits de P. Veyne m'inspirent mais ils sont néanmoins peu aisés à synthétiser... Cela prend du temps et fatalement limite la multiplication de mes critiques. Provis, l'ouvrage du même auteur que vous évoquez fait partie de mes lectures actuelles. Il est passionnant, et riche en informations mais sera bigrement plus délicat à critiquer....Il vous faudra patienter quelque peu.

Bien à vous

T.T.

Débézed

avatar 07/01/2010 @ 18:18:11
Mais, d'une part, les US entendaient avoir des essais en situations réelles et, d'autre part, ils entendaient faire une démonstration de leur puissance vers un Staline qui n'était pas aussi facile que Roosevelt l'avait cru.


Eh oui, toujours chercher à qui profite le crime et l'intérêt réel de l'opération qui est rarement celui affiché !

TELEMAQUE 08/01/2010 @ 08:28:43


Merci pour ces panégyriques. J'avoue que les écrits de P. Veyne m'inspirent mais ils sont néanmoins peu aisés à synthétiser...

C'est ce qui fait l'intérêt de ta critique, qui donne envie de lire, mais pas à la façon d'une 4è de couverture. C'est en quelque sorte un débroussaillage...


Mieke Maaike
avatar 09/01/2010 @ 13:17:17
C'est vrai que ce livre semble très intéressant. Dès que ma pile à lire fera moins plier la planche de mon étagère, il y a des chances que je l'achète aussi.

Et dans la série "le travail d'historien est essentiel" et le "on a menti pendant des années", il y a aussi pas mal à dire sur le rôle de la Belgique au Congo. Je viens dévorer "les fantômes de Léopold II" particulièrement éloquent sur ce sujet: http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/21898

Ca ouvre vraiment les yeux.

Torquemada

avatar 09/01/2010 @ 16:43:14
C'est vrai que ce livre semble très intéressant. Dès que ma pile à lire fera moins plier la planche de mon étagère, il y a des chances que je l'achète aussi.

Et dans la série "le travail d'historien est essentiel" et le "on a menti pendant des années", il y a aussi pas mal à dire sur le rôle de la Belgique au Congo. Je viens dévorer "les fantômes de Léopold II" particulièrement éloquent sur ce sujet: http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/21898

Ca ouvre vraiment les yeux.


Très chère Mieke Maaike,

Brillante synthèse et critique de cet ouvrage qui reprend effectivement un pan méconnu/déformé du colonialisme Belge. Léopold II était un homme aux vastes desseins, à l’étroit dans son « petit état ». Il écumait l’Afrique bien avant son accession au trône et bien qu’autoritaire, il laissa la Belgique se gouverner librement (en laissant en particulier progresser le parti libéral). En homme d’affaire avisé, il s’intéressa effectivement plutôt à l’Afrique via son homme de main Stanley. Il faut rappeler que Léopold II, au même titre que J. Chamberlain, J. Ferry, E. Etienne, T. Roosevelt et bien d’autres ont catalysé l’expansion impérialiste et dirigé des associations sur les thèmes suivants : « il s’agit de civiliser les races inférieures »[1], en assumant « la fardeau de l’homme blanc »[2], mais aussi d’éviter toute politique de « recueillement » qui serait le chemin de la décadence, de se ménager des points d’appuis pour la flotte, de trouver des débouchés et des fournisseurs de matières premières, de placer des capitaux et de favoriser l’émigration.

On peut donc noter le caractère très international de cette démarche honteuse.

Bien à vous
T.T.

[1] J. Ferry - 28 juillet 1885 Assemblée Nationale Paris
[2] R. Kipling, titre original « «Take up the White Man's burden», février 1899. Prix Nobel de littérature 1907

Saule

avatar 09/01/2010 @ 18:22:29
Alors la, bravo Mieke. Je ne savais pas que Léopold II avait fait du Congo sa possession personnelle, c'est quand même étonnant !

Quant au musée d'Afrique Centrale à Tervueren, il faut y aller pour le bâtiment et le parc. L'intérieur aussi, mais il faut voir ça comme un témoignage de l'esprit de l'époque !

Mieke Maaike
avatar 09/01/2010 @ 19:41:43
En effet Torquemanda (et bienvenue sur ce site). Le plus interpelant dans l'histoire n'est pas tant ce qui a été commis, mais la différence entre la réalité et la façon dont on en a informé la population belge convaincue que la Belgique oeuvrait pour le bien des Congolais en leur apportant la civilisation. Et bien sûr que la dimension internationale était prépondérante. Ceux qui critiquent la mondialisation actuelle doivent comprendre qu'elle existe depuis bien longtemps. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, aujourd'hui on vit dans un monde moins ultra-libéral qu'à l'époque.

Saule, concernant le musée de Tervueren, pour qu'il soit réellement présenté comme le reflet d'une époque, il faut qu'il soit mis en perspective avec les autres recherches historiques. Un musée ne doit pas être considéré comme une oeuvre littéraire par exemple. Un livre est figé et n'évolue pas. C'est normal qu'on conçoive un livre comme un témoignage d'une époque et le reflet d'une certaine façon de penser. Donc loin de moins l'idée de vouloir censurer Tintin au Congo ou de mentionner un quelconque avertissement dans cette BD, par exemple. Par contre, un musée a comme but premier d'informer les visiteurs sur un sujet particulier dans une perspective historique. Il est donc logique qu'il évolue en fonction des nouvelles recherches historiques et soit au plus proche de la réalité qu'il a pour vocation de présenter.

Débézed

avatar 09/01/2010 @ 22:30:08
C'est vrai que ce livre semble très intéressant. Dès que ma pile à lire fera moins plier la planche de mon étagère, il y a des chances que je l'achète aussi.

Et dans la série "le travail d'historien est essentiel" et le "on a menti pendant des années", il y a aussi pas mal à dire sur le rôle de la Belgique au Congo. Je viens dévorer "les fantômes de Léopold II" particulièrement éloquent sur ce sujet: http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/21898

Ca ouvre vraiment les yeux.


A propos je suis en train de lire un livre du Malien Ibrahima Ly qui botte le cul à pas mal d'idées reçues sur l'esclavage et qui a un joli titre "Les noctuelles vivent de larmes"

Débézed

avatar 09/01/2010 @ 22:32:51
C'est vrai que ce livre semble très intéressant. Dès que ma pile à lire fera moins plier la planche de mon étagère, il y a des chances que je l'achète aussi.

Et dans la série "le travail d'historien est essentiel" et le "on a menti pendant des années", il y a aussi pas mal à dire sur le rôle de la Belgique au Congo. Je viens dévorer "les fantômes de Léopold II" particulièrement éloquent sur ce sujet: http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/21898

Ca ouvre vraiment les yeux.


Très chère Mieke Maaike,

Brillante synthèse et critique de cet ouvrage qui reprend effectivement un pan méconnu/déformé du colonialisme Belge. Léopold II était un homme aux vastes desseins, à l’étroit dans son « petit état ». Il écumait l’Afrique bien avant son accession au trône et bien qu’autoritaire, il laissa la Belgique se gouverner librement (en laissant en particulier progresser le parti libéral). En homme d’affaire avisé, il s’intéressa effectivement plutôt à l’Afrique via son homme de main Stanley. Il faut rappeler que Léopold II, au même titre que J. Chamberlain, J. Ferry, E. Etienne, T. Roosevelt et bien d’autres ont catalysé l’expansion impérialiste et dirigé des associations sur les thèmes suivants : « il s’agit de civiliser les races inférieures »[1], en assumant « la fardeau de l’homme blanc »[2], mais aussi d’éviter toute politique de « recueillement » qui serait le chemin de la décadence, de se ménager des points d’appuis pour la flotte, de trouver des débouchés et des fournisseurs de matières premières, de placer des capitaux et de favoriser l’émigration.

On peut donc noter le caractère très international de cette démarche honteuse.

Bien à vous
T.T.

[1] J. Ferry - 28 juillet 1885 Assemblée Nationale Paris
[2] R. Kipling, titre original « «Take up the White Man's burden», février 1899. Prix Nobel de littérature 1907


Certainement, je partage mais il faut compléter avec le livre que je cite plus haut car l'esclavage a existé bien avant la colonisation !

Saint Jean-Baptiste 14/01/2010 @ 11:56:44

Un exemple: Hiroshima et Nagasaki.
Aujourd'hui nous savons que ces deux bombes étaient inutiles

.

Jules, je crois que les Américains portent en eux le remords d’avoir commis l’esclavagisme africain, le massacre des Indiens et la bombe atomique. Trois crimes qui n’ont pas fini de hanter la mémoire collective des Américains.

Mais pour les bombes atomiques, je comprends la position du Sénat américain.
Après coup on peut trouver toutes sortes de raison pour démontrer qu’elles étaient inutiles.
Mais au moment même… ?
L’Empereur du Japon était un homme mesuré et intelligent. Mais il était le seul au Japon à croire qu’il n’était pas le Dieu vivant et que son peuple n’était pas le « peuple élu ». Il envisageait de capituler depuis le début des hostilités. Et beaucoup pensent que Pearl Harbor l’a mis devant le fait accompli.
Les Japonais étaient des fanatiques. Leur vie était réussie s’ils avaient tué deux Américains avant de mourir eux-mêmes. Toute leur vie consistait à mourir en beauté. Ils méprisaient les Américains qui ne se donnaient pas la mort quand ils étaient battus.

Je crois que de toutes façons, le chef de guerre qui possède une arme capable d’arrêter les massacres de ses troupes se trouve dans l’obligation de l’employer. Churchill, pour arrêter les bombardements sur Londres, l’aurait certainement employée. Quant à De Gaulle, n‘en parlons même pas…

Cette bombe atomique est un sujet qui a passionné les gens après la guerre. Je me souviens que ma grand-mère avait juré qu’elle supprimerait toutes les réunions de famille si ses fils et ses gendres parlaient encore une seules fois de la bombe… Ces discussions finissaient toujours par des disputes !

Peut-être que les temps sont mûrs pour donner les deux points de vue dans les manuels d’Histoire américains. Mais c’est courir le risque de ranimer les vieilles querelles et d’alimenter cette vague de culpabilité qui n’en finit pas d’inonder le monde occidental.

Torquemada

avatar 22/10/2012 @ 10:00:07
Très chers tous,

Après un long silence, je confirme mes craintes quant à l'écriture d'une critique circonstanciée et exhaustive de la bible de Paul Veyne "Le monde gréco-romain". Trois années de doctorat ne suffiraient pas à en extraire la substantifique moelle : c'est complet, très documenté, scientifiquement bien amené et toujours argumenté. J'en suis désolé pour Provis qui attendait peut être (encore) une critique de ce monument afin de pouvoir passer à autre chose que "oui-oui et le gendarme".

Bien à vous
T.T.

Provis

avatar 23/10/2012 @ 19:06:03
Très chers tous,

Après un long silence, je confirme mes craintes quant à l'écriture d'une critique circonstanciée et exhaustive de la bible de Paul Veyne "Le monde gréco-romain". Trois années de doctorat ne suffiraient pas à en extraire la substantifique moelle : c'est complet, très documenté, scientifiquement bien amené et toujours argumenté. J'en suis désolé pour Provis qui attendait peut être (encore) une critique de ce monument afin de pouvoir passer à autre chose que "oui-oui et le gendarme".

Bien à vous
T.T.

Très cher Torquemada,

Comme disait notre ami Plutarque, jamais il n'est trop tard pour bien faire, et comme vous nous aviez très civilement demandé de ronger un peu notre frein, nous vous accordons bien volontiers quelques semaines encore pour mener à bien votre travail de romain.
Veuillez avoir l'obligeance de bien vouloir noter cependant que, passé ce délai, vous nous feriez beaucoup de peine en ne nous fournissant à nouveau, en récompense de notre longue patience, que vos plates excuses.

Ruse et longue patience...

Bien à vous,
A.P.

Windigo
avatar 24/10/2012 @ 04:06:28
L'histoire est, bien souvent, une des première chose à être manipulée.


Ce commentaire me rappel le roman ''1984'' de George Orwell que j'ai lu il y a quelques mois à peine. Dans ce livre, l'histoire était justement modifié dans l'intérêt du gouvernement, tout ça pour soumettre le peuple.

Windigo
avatar 24/10/2012 @ 04:16:19
Pour ce qui est du livre de Paul Veyne, c'est vrai qu'il a l'air intéressant. C'est le genre de livres que j'aime lire ces temps-ci.

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