Palorel

avatar 12/10/2009 @ 15:13:25
Chez nous, on dit piquer du pouf.

Provis

avatar 12/10/2009 @ 15:20:01
Provis, qu'attends-tu pour me convaincre ?
Je suis en train de piquer du nez devant mon clavier d'ordi... l'horreur
J'attendais que tu me demandes, pardi !! Merci de m'avoir donné le prétexte de le faire.. :o)
(mais ce sera pour un peu plus tard, parce que là le devoir m'appelle)

En attendant tu peux faire comme Palo (hein, Palo ? :o)..), aller voir dans le Petit Robert, l'essentiel y est, même si c'est bien court et pas très explicite..

Nomade 12/10/2009 @ 16:22:45
Non, hors de question d'aller feuilleter les pages du Petit Robert.
J'attenderai, à très bientôt Provis

Nomade 12/10/2009 @ 16:31:10
Je sais...

Bis comme Bis, deux fois
Et trot ou trot du verber trotter.
Les cavaliers, une fois sortis de ce troquet où coulait à flot l'alcool remontait complètement souls et le cheval trottait deux fois plus vite !

Micharlemagne

avatar 12/10/2009 @ 16:55:15
"Pouf" : tomber à pouf = tomber à pic par hasard. Faire un pouf : faire un crédit. Au bistro...
Pour moi, jamais Robert, toujours Larousse : bistro : "origine indécise".
Bistroquet : inconnu mais sans doute déformation de mastroquet.
On commande l'Orval, mais on ne sait pas encore qui va la payer...

Micharlemagne

avatar 12/10/2009 @ 16:58:10
Pour les roberts, voir mon avatar très provisoire...

Micharlemagne

avatar 12/10/2009 @ 17:11:46
Attention, Provis... Je n'accepte pas Wikitruc comme une source fiable. J'ai une autre explication, que j'aime beaucoup, mais qui est sans doute fantaisiste...

Nomade 12/10/2009 @ 17:14:57
Attention, Provis... Je n'accepte pas Wikitruc comme une source fiable. J'ai une autre explication, que j'aime beaucoup, mais qui est sans doute fantaisiste...


Vas-y Micharlemagne, lance toi, le ridicule ne tue point, la preuve...

Provis

avatar 12/10/2009 @ 18:34:08
Non, hors de question d'aller feuilleter les pages du Petit Robert.
J’espère que ce n’est qu’une impossibilité matérielle, pas un principe tout de même ?? :o)

Bis comme Bis, deux fois
Et trot ou trot du verber trotter.
Les cavaliers, une fois sortis de ce troquet où coulait à flot l'alcool remontait complètement souls et le cheval trottait deux fois plus vite !
Pour les origines fantaisistes, « bistro(-ot) » est certainement un des mots qui en a donné le plus. On pourrait en faire une collection, et avec « bis » et « trop », plus ou moins déformés, il y a matière à en sortir des plus gratinées (Mich lui-même n'ose pas..) :o)


Pour les roberts, voir mon avatar très provisoire...
C’est fiable comme source ? Plus que Wiki ? Et puis on a dit on a dit le PETIT Robert, au singulier, rien d’autre.. :o)


Oui, Mich, commande cinq caisses d'Orval. C'est combien de bouteilles, une caisse ?

La véritable origine n'étant pas connue avec certitude, je répète la question : "L'origine du mot bistro est-elle russe ?"
J’ai tout un texte, mais il y a beaucoup de mots en italiques : un gros boulot d’éditer ça avec notre éditeur, et sans les italiques ça va être dur à lire.
Je prépare un extrait pour ce fil, et j'essaierai de mettre le texte complet sur Vos Ecrits. (hé oui, pourquoi pas ?)

Micharlemagne

avatar 12/10/2009 @ 19:17:37
Dans l'hypothèse que j'aime bien, elle est russe. Mais je le répète, elle me semble un peu fantaisiste. Dans l'absolu, je la crois plutôt limousine. Mais la légende des Cosaques est bien jolie quand même.

Micharlemagne

avatar 12/10/2009 @ 19:19:52
Vas-y quand même doucement... Cinq caisses, cela ferait quand même 120 bouteilles.

Saint Jean-Baptiste 12/10/2009 @ 21:19:27
Une pouf, c'est une dette. Un pouffeur est un faiseur de poufs (l'espèce la plus répandue parmi les clients des imprimeurs.)
Arriver à pouf, c'est arriver juste au bon moment : par exemple juste quand on sabre le champ.
Un paf c'est une baffe. "Un paf dans ton pif" c'est une baffe dans ton blair. Le blair étant le pif du Bruxellois.
Choisir au pif c'est "au hasard". Mais si on choisit au pif, le seul verre de champ. sur un plateau de verres d'eau, c'est qu'on a du pif.

Aria
avatar 13/10/2009 @ 00:45:33
Ben alors, comment a-t-on inventé le mot POUFFIASSE ?

Ca a quelque chose à voir avec pouf ?

Aria
avatar 13/10/2009 @ 00:54:59
Au lieu de dire des âneries, je veux ajouter que j'ai ce livre depuis longtemps et que c'est vraiment agréable à feuilleter.

On m'a offert un autre livre de Claude Duneton, un gros livre comme un dico qui s'appelle "Le bouquet des expressions imagées".
Hexagone, tu devrais l'aimer aussi celui-là. Comme toi, j'adore les expressions imagées et ce, dans toutes les langues (enfin, celles que je comprends un peu...)

Par exemple, il y a au moins 30 ans, j'avais appris l'expression anglaise : "I am not as green as I am cabbage-looking", qui veut dire "je ne suis pas aussi bête que j'en ai l'air". C'est sûrement inusité maintenant !

Nomade 13/10/2009 @ 09:05:07
Qu'est-ce que tu parles bien SJB ! Impressionnée

Aria, ta question est pertinente. J'aimerai bien connaître la réponse.

Et oui, Provis, pas de dico dans ma caravane, mais je viens de récupérer un vieux Robert au boulot, édition 1991. Je vais jeter un oeil de suite...

Robert émet des réponses lapidaires : bistrot ou bistro (déjà, ce n'est pas normal qu'il puisse y avoir deux orthographes, non ?), café. Synonyme : troquet. Il va souvent au bistro. C'est un pilier de bistrot.

Sacré Robert !

Septularisen

avatar 13/10/2009 @ 13:31:11
Cet été en visitant la citadelle de Carcassonne et notamment le ChÂteau Comtal j'ai apris d'ou venait l'expression "Rester sur le carreau".

Au XIIe S. lors des bals dans les chAteaux en attendant que les jeunes Messieurs les invitent à danser, les Demoiselles se tenaient assises sur le reborb des fEnetres, et comme celui-ci était souvent très froid, elles ne s'asseyaient pas directement sur la pierre, mais sur un morceau d'étoffe appelé "Carreau"...

Celles qui n'étaient donc jamais invitées à danser... restaient donc sur le carreau!..

Palorel

avatar 13/10/2009 @ 13:44:43
Il convient d'ailleurs de préciser que c'est pour cette raison que les chaudes du cul ne restaient pas sur le carreau.

Provis

avatar 13/10/2009 @ 13:58:34
Tu confonds les effets et les causes, Palo.. :o)

Provis

avatar 13/10/2009 @ 14:14:11
At hic tritissima quaeque via et celeberrima maxime decipit (Sénèque, "De vita beata")
Ici, au contraire, c’est le chemin le plus battu et le plus fréquenté qui trompe le mieux.. (pour Tipiak, à savoir qui trompe le mieux.. :o)..)


« D’où viens-tu ?! » Combien d’hommes, rentrant un peu tardivement au foyer, se sont vus ainsi apostrophés par leur douce compagne ? Il est juste qu’une fois au moins on retourne la question à ce bistrot, père de tous les vices…



Bistrot, d’où viens-tu ?


S’il est une légende solidement ancrée dans l’esprit de l’étymologiste amateur, c’est bien celle du « bistro russe ». En 1951 déjà, Dauzat écrivait dans Le Monde : " ... ce canard vole depuis trop longtemps pour qu'on ne lui coupe pas les ailes". C’est la tête qu’il aurait fallu lui couper : le canard est toujours bien vivant, et par un beau dimanche de février 2006 on l’entendait encore, porté par les ondes radiophoniques..

Ainsi, selon une rumeur bien établie, le mot bistrot viendrait du russe bystro, qui veut dire vite. On est en 1814-18, les défaites napoléoniennes ont livré la France aux armées étrangères et les troupes russes occupent Paris. L’ordre et la discipline doivent régner. Soucieux de la bonne tenue des troupes, l’état-major russe interdit à tout soldat de franchir le seuil des cafés et autres débits de boissons. Pourtant, la soif se montre plus forte que la crainte de la patrouille, et les soldats russes pénètrent dans les cabarets ; aussi inquiets qu’altérés, ils prennent alors l’habitude de réclamer leur verre en criant : « Bystro ! bystro ! (Vite ! vite !) ». On les verrait taper du poing sur la table.

Sans doute il aurait fallu plus d’un cosaque qui boive plus d’un verre dans plus d’un café pour que le « bystro » russe donnât son nom au cabaret parisien, mais, tel l’avocat qui défend habilement sa cause, la légende n’est jamais avare en détails démonstratifs : entre autres variantes, on raconte que les cafetiers et autres limonadiers auraient fait leur publicité en écrivant « BISTRO » sur les portes ou les fenêtres de leur établissement. Ainsi, le mot étant affiché aux yeux de tous, il serait d’autant plus facilement entré dans la langue.

L’histoire est amusante, astucieuse, et bien faite pour se graver dans les esprits, mais la mariée n’est-elle pas un peu trop belle ?


Les linguistes – qui jamais n’ont dédaigné le bistrot – se sont penchés sur le mot il y a longtemps déjà, et d’emblée la question a paru délicate. Selon L. G. Heien, c’est Lazare Sainéan qui ouvre le feu (1920) et propose comme origine bistroud « petit gardeur de vaches », mot d’un dialecte de l’Anjou ou du Poitou. C’est ce qu’on retrouve un peu plus tard dans le Dictionnaire étymologique de la langue française (Bloch et von Wartburg, 1932) :
"BISTRO, pop. 1884. Peut-être en rapport avec le poitevin bistraud « petit gardeur de vaches. » Il faudrait alors supposer que le mot aurait alors désigné d’abord l’aide du marchand de vin avant de s’appliquer au patron même."

Le travail de Gaston Esnault, célèbre argotologue français (eh oui, ça existe !), est désigné par Heien comme la contribution la plus importante à l’étude de bistrot. En 1951, Esnault publie une étymologie documentée dans le journal Le Français Moderne. En particulier, il cite la première apparition du mot sous forme écrite, en 1884, dans le sens ‘propriétaire d’un petit café’ : « Elle mange chez le bistro… » (Abbé Moreau, Souvenirs de la Petite et de la Grande Roquette, t. 2, p. 3). Le mot est repéré également en 1885 dans Le Mirliton (Bruant) : « D’temps en temps, un’ pauv’ muffée au Caveau ou chez les bistros de la Révolte ». À ce moment de sa recherche, Esnault est persuadé que bistrot est inséparable de bistingo, ‘mauvais cabaret’, attesté dès 1845, équivalent de bustingue, ‘hôtel où couchent les bohémiens’. Il actualise sa recherche en 1954 (Généalogie de bistro, Vie et Langue, 1954) et discute les relations de bistro avec des mots apparentés comme bustingue, bastringue, bistringue (variante franco-canadienne du précédent), bistrinque. Le Dictionnaire historique des argots français qu’il publie en 1965 donne le mot sous les deux sens de cabaret et cabaretier, avec pour étymon bistringue.

Dans la première édition de son Dictionnaire étymologique de la langue française (1938), Albert Dauzat entre bistro(–ot) comme un mot obscur relié à bistingo, et peut-être à bistouille. L’article La défense de la langue française : étymologies anecdotiques de fantaisie qu’il publie dans Le Monde en 1951 souligne la popularité de la légende russe tout en lui déniant toute crédibilité. Dauzat propose au contraire bistouille ou bistre, mais sans trancher entre les deux possibilités (pour le mot bistouille lui-même, on trouve : « mot du Nord, sans doute de bis, deux fois, et touiller, remuer »). Le mot bistre (-n. m. ‘Suie détrempée et mêlée d’un peu de gomme’ ; adj. Couleur bistre – brun, jaunâtre) a été proposé comme origine possible également par le dictionnaire de l’Académie Française, ainsi que par Kilis (communication privée, 2006).

Le très autorisé Trésor de la Langue Française ( http://stella.atilf.fr/ pour une consultation en ligne) indique pour bistro(-ot) : « origine obscure ; à rattacher au poitevin bistraud « petit domestique », d'origine inconnue, si l'on suppose que le mot a tout d'abord désigné l'aide du marchand de vin, plutôt qu'à relier à bistingo « cabaret » 1845, bustingue (avec coquille ?) « hôtel où couchent les bohémiens » 1848 et bistringue, bastringue, tous d'origine obscure ; l'hypothèse qui voit dans le mot l'adaptation du russe bistro « vite » remontant aux cosaques assoiffés occupant Paris en 1814 n'est pas suffisamment fondée. Le -t final qui permet le fém. bistrote est dû aux nombreux mots fr. en -ot à valeur affective. »

À son tour, appliquant une méthode nouvelle, qu’il a dénommée « morpho-sémantique structurelle », Pierre Guiraud conclut en 1982 que l’origine la plus probable est bistrouille (mauvaise eau-de-vie ; vin faux, adultéré, produit d’un mélange), ou de façon pratiquement équivalente, les mots apparentés bistingue ou bistringue.

C’est à peu près ce que nous dit le Nouveau Petit Robert (1994) : « BISTROT ou BISTRO n. m. – 1892, - 1882 bistrô; cette date écarte l’hypothèse d’une adapt. du russe byistro « vite », qui n’aurait pu se faire qu’en 1814-1815 ; p-ê en rapport avec bistouille ».



Sachant que bistro a été emprunté par la langue russe (avec le même sens qu’en français), il peut être instructif de consulter les linguistes du pays, même si actuellement le mot est peu utilisé en pratique. Heien nous apprend ainsi que bistro est absent des dictionnaires russes du 19ème siècle répertoriant les mots d’origine étrangère, mais on le trouve en 1971 dans Novye slova i znacheniia (Mots nouveaux et significations nouvelles), qui intègre les mots apparus dans la presse ou la littérature au cours des années 50 et 60. Selon Novye slova i znacheniia, le mot est répertorié pour la première fois en 1964 dans le dictionnaire des mots nouveaux de Schanskii, Slovar inostrannykh slov.

Bref, selon Heien, l’ensemble des sources montre que les étymologistes russes considèrent bistro (café, cabaret) comme un mot d’origine purement française, sans rapport avec le russe býstro. Il fait ainsi ce commentaire : « …since Pushkin was interested in foreign words – he even championed their use in Evgenii Onegin (1823-31) – and some of his closest friends and drinking pals were among those young officers who had served in 1815, one might also hope to find “bistro” in his vocabulary ».

Autrement dit, si l’origine prétendument russe de bistrot est venue aux oreilles des linguistes russes, elle n’a pas été prise au sérieux, ce qui montre bien que de ce côté non plus (témoignages de soldats, lettres, écrits divers, …) rien n’est venu pour étayer l’hypothèse du cosaque.

Les linguistes sérieux, français ou étrangers, s’accordent donc à reconnaître que bistro a une origine purement française, quoique obscure, et rejettent unanimement l’origine russe (cf. Chauveau in FEW 22/1, 259a-260b). Les réfutations de bon sens sont variées (par exemple, certaines versions de la légende invoquent simultanément le fait que les débits de boisson sont interdits aux cosaques et le fait qu’ils y seraient entrés souvent), mais l’argument essentiel réside dans la date d’attestation (1884) : les linguistes nous disent que si le mot avait été formé dans les années 1814-18, il serait apparu bien avant 1884 sous forme écrite. Cet argument d’ordre chronologique est facile à comprendre pour le béotien, mais - sans parler de la méthode « morpho-sémantique structurelle » ! - le scientifique de la langue qu’est le linguiste invoque bien d’autres raisons, d’ordre phonétique (la prononciation du russe býstro (býstrƏ) est beaucoup plus éloignée de bistro que sa graphie française le laisse penser,...), pragmatique (ce n’est sans doute pas le mot qu’auraient employé les soldats russes en ces circonstances, mais plutôt popeshai, toropis ou skorei,… et si c’était pour répéter aussi souvent le russe “býstro” à des Français, était-il si difficile d’apprendre le mot français ?) et dialectal et géolinguistique (bistrouille, bistingo,...).

Ainsi, en introduction à son habilitation à diriger les recherches traitant des russismes dans les langues romanes (Bolchevik, mazout, toundra et les autres : dictionnaire des emprunts au russe dans les langues romanes, Université de Paris-Sorbonne, 2003), Éva Buchi stigmatise le canard boiteux en ces termes : « Nous ne citerons que pour mémoire fr. bistrot n. m. ‘‘débit de boissons, petit restaurant de quartier’’, de formation purement française à partir d’éléments d’origine inconnue, que d’aucuns ont tenté de rattacher à russ. býstro adv., proposition étymologique définitivement écartée (cf. les réfutations de Heien Bystro et de Gold, RomPhil 44, 425-8) ».




Comment expliquer alors un tel essor de la légende russe et sa persistance jusqu’à nos jours ? La brume légère qui entoure la naissance de bistrot (bistraud, bistringue, bistouille, bistingo,…) a laissé le champ libre à bien des histoires, aussi attrayantes que fantaisistes, mais aucune ne peut se comparer à celle du cosaque assoiffé : on a du mal à croire que seuls le bouche à oreille et les discussions de café aient suffi à rendre cette légende si populaire, jusque dans les pays étrangers.

Gold nous dit que l’origine russe de bistro a été soutenue par Gerald Cohen dans Comments on Etymology (1971), hypothèse alors donnée comme avérée par deux écrivains populaires. Ainsi, Fitzroy Maclean écrit dans The New York Times Books Review (1980) que les Russes « left the Parisians with the word bistro ». L’hypothèse est également donnée comme une certitude par Charles Berlitz dans Native Tongues (New-York: Grosset & Dunlap, 1982) ; mais Gold commente sans ambages : « voir la critique de ce livre bourré d’erreurs dans Jewish Language Review ». Gold continue : « …ni Cohen ni Maclean, et encore moins Berlitz, ne se sont donné la peine de considérer si cette étymologie est convaincante sur des bases linguistiques interne ou externe, ni tenté de réfuter les diverses étymologies françaises. En fait, aucun des trois ne semble avoir été conscient de l’existence de ces dernières ».

Gold relève donc les fréquentes erreurs de Native Tongues et précise que Comments on Etymology, journal sans comité éditorial ni soumission à expertise externe, a lancé ou aidé à perpétuer nombre d’étymologies fautives (dont certaines ont été corrigées dans Jewish Language Review et Jewish Linguistic Studies). Soulignons que, en revanche, la présente analyse de Gold est publiée dans Romance Philology, le nec plus ultra de la revue linguistique.


Sans plus d’illusion sur l’origine russe, le linguiste fureteur en serait plutôt à se demander comment la légende a pu se faire jour. Il est clair que la relation entre bystro et bistro(-t) a été faite après coup, les deux mots existant alors indépendamment. Mais qui a fait le rapprochement, et en quelles circonstances ? Dauzat évoque la possibilité de quelque journaliste français russophile désireux d’amuser ses lecteurs, ou alors, ce qui ferait une plus savoureuse chronique, le flot des émigrés russes venus se réfugier à Paris aux premières années du bolchevisme. À son avis, il n’est pas inconcevable que les Russes, friands d’étymologie folklorique, après avoir relevé la similitude du bystro russe et des bistrots français, très populaires en ce temps-là, aient alors lancé la théorie du cosaque. La légende française à propos de la légende russe ?

La légende russe est la plus célèbre, mais bien d’autres hypothèses ont vu le jour. Ainsi, entre autres propositions fantaisistes rapportées par Heien, on peut citer setier, une ancienne mesure de volume (un demi-litre environ). En argot, un stroc vaut un setier, et un demi-stroc vaut un demi-setier, ce qui donne mistroquet ou mastroquet, le cabaretier qui sert un demi-stroc [Heien]. De son côté, Robert Giraud a avancé que bistro pourrait venir de mastroquet (attesté en 1849), qui par louche action du louchebem (jargon des bouchers, « a kind of underworld pig latin », selon la définition de Heien) se serait transformé en listroquem, lui-même retaillé par l’argot en listroquet, troquet, bistroquet, et enfin bistrot. Si cette histoire de OUF peut paraître à proprement parler lOUFoque, elle n’est pas plus invraisemblable que beaucoup d’autres.

N’oublions pas l’autre belle légende, citée par A. Bernelle, selon laquelle bistro viendrait de l’allemand Wirtshaus ‘‘auberge, taverne’’, d’abord prononcé virtso, puis vistro et finalement bistrot par les soldats de Napoléon Ier qui traversaient l’Allemagne, bien avant que les cosaques n’occupent Paris. Heien commente : « Bernelle rightly called this farfetched theory a ‘tit-for-tat’ etymology to the Cossack version (Bernelle a justement dénommé cette improbable théorie l’étymologie ‘‘oeil pour œil’’ de la version cosaque) ».

Il n’est pas besoin de fréquenter beaucoup les bistrots pour s’étonner de la variété des noms qui en français désignent les débits de boisson et autres restaurants, et bistro n’est pas la seule de ces appellations à avoir stimulé l’imagination des linguistes en herbe ; écoutons Dauzat à propos d’estaminet :

« Il y a une légende espagnole… On sait que dans le Nord et en Belgique les étymologistes amateurs donnent volontiers dans l’hispanisme. Donc sous l’occupation espagnole des soldats avaient apprécié une servante d’auberge qu’ils auraient appelée Mineta, et ils demandaient en arrivant : « Donde esta Mineta ?? (où est Mineta ?) ». Les consommateurs n’auraient retenu que les deux derniers mots, dont ils auraient fait estaminet.

Voilà vraiment le type du château de cartes étymologique ! … L’origine du mot estaminet a été établie scientifiquement en 1912 par un des meilleurs linguistes wallons, Louis Feller : l’estaminet était à l’origine le cabaret à poteaux (du germanique stam, allemand Stamm). C’est plus prosaïque, mais – au figuré comme au propre – plus solide. Sans compter que le mot évoquant les cabarets belges à colonnes ne manque pas de couleur locale. »


Mais faut-il vouloir tuer les légendes ? La nôtre en tout cas semble avoir encore de beaux jours à vivre, d’autant qu’elle a largement franchi les frontières. Ainsi, Heien, qui ne trouvait pas trace de bistro dans les dictionnaires russes avant 1964 (Dictionary of Foreign Words, Shanskii, 1964), cherche dans les autres dictionnaires slaves de mots étrangers : il trouve bistro dans un dictionnaire tchèque (Saling, 1966) et un dictionnaire polonais (Kopalinski, 1968). À l’encontre du dictionnaire polonais qui donne l’étymologie purement française [fr. bistro(t)], le tchèque indique une origine du russe vers le français, et Heien de commenter : « La légende a trouvé un nouveau toit ! »


Heien (L.G.), 1988. “Bystro Li ‘Bistro’?”, in East Meets West: Homage to Edgar C. Knowlton, Jr., eds. Roger L. Hadlich and J.D. Ellsworth, University of Hawaii.
Gold (David L.), 1991. “More on the Alleged Russian Origin of French bistro/bistrot ”, Romance Philology 44, 425-8.
Buchi (Éva), 2003. “Bolchevik, mazout, toundra et les autres : dictionnaire des emprunts au russe dans les langues romanes”, Habilitation à diriger les recherches, Université de Paris-Sorbonne, à paraître chez CNRS Éditions.

L’auteur tient à remercier très amicalement Éva Buchi (ATILF-CNRS, Nancy) pour sa bienveillante supervision ; précisons par ailleurs que le texte procède souvent plus d’une traduction ou d’une citation de Heien, Gold ou Buchi, que d’une véritable composition personnelle. Un grand merci aussi à Natalia Loukachenko et Elena Seminskaya pour leurs précieuses indications sur la langue russe. Faut-il remercier Randolpho Villegas, qui malgré sa nationalité cubaine et son charmant accent espagnol parle un français si pur… que l’auteur s’est trouvé moralement forcé à écrire ce commentaire ?

Provis

avatar 13/10/2009 @ 14:20:19
Désolé, c’est un peu long, là vous avez eu la totale (quand on aime, on compte pas.. :o)..)

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