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Forums  :  Vos écrits  :  Jonquilles

Zou 29/03/2005 @ 10:32:18
Si tant est que ce jour soit le dernier, je me déleste de ce texte qui m'accompagne depuis 13 mois. Soufflez dessus...peut-être qu'il lui parviendra...

Il m’a parlé de toi.
De votre rencontre, de votre coup de foudre.
Du bonheur si longtemps attendu et enfin trouvé.
De vos éclats de rire, de votre connivence.
De la cueillette des jonquilles, à quatre mains, dans les bois.
De la vie qui commençait enfin à vous sourire à tous les deux.
A adoucir pour lui les stigmates évolutifs d’une erreur génétique.
Putain de maladie qui chaque jour restreignait un peu plus son élan.
A panser pour toi les blessures d’une union gangrenée par le mépris et la violence.


La vie enfin était généreuse


Il m’a parlé de ton spleen, tout à coup.
Et puis de tes souvenirs qui peu à peu s’évaporaient, des mots dont désormais le sens t’échappait.
Des sursauts de plus en plus brefs d’une conscience happée par le vide et qui se débat
De tes mains qui interrogeait les objets, de ton regard qui se diluait
De tes fugues, petit corps à la recherche de l’esprit buissonnier
Et puis avec une infinie tristesse de l’inconnu qu’il était insidieusement devenu pour toi.

La vie est versatile.

Lui sont revenues toutes ces années ensuite passées à côté de l’emprunte de ce que tu avais été
A s’occuper du fœtus que tu étais devenue
A haïr et bénir tout à la fois la fatalité qui vous avait refusé l’enfant dont vous rêviez
A lutter pour te garder le plus longtemps à ses côtes
Jusqu’à ce qu’il fut décidé, à son amour défendant, qu’il devait passer le témoin
Valises. Admission. Déchirement.
Appartement désormais vide de ton absence, muet de tes silences.
La peine que tu n’éprouvais plus depuis longtemps s’ajoutait à la sienne.
Ca faisait bien longtemps déjà qu’il aimait pour deux.
Ce jour là, il est mort avant toi

Et puis il m’a parlé de ses visites, du jour à partir duquel tu ne t’es plus levée.
Des tes cris, de tes yeux écarquillés d’effroi lorsqu’il t’effleurait
Tu n’étais plus qu’une boule de douleur au fond de ton lit dès que tu étais rappelée au présent
Distraite du brouillard feutré dans lequel tu t’étais réfugiée.
Ton corps se décharnait, s’allégeait comme pour pouvoir plus facilement s’envoler
Rejoindre les fragments éclatés de ton esprit.
Il a décidé de ne plus te retarder.
Il a fait taire ses doigts, muselé ses baisers, effacé sa présence
Pour ne plus te quitter d’une seule pensée

C’est comme cela que je l’ai trouvé, recroquevillé sur votre amour
Je l’ai aimé et il m’a raconté
Alors je t’ai aimée, toi que je n’ai jamais rencontrée
Je t’ai aimée de l’avoir aimé avant moi
Et je sais que tu ne m’en veux pas de l’avoir pris par la main et d’avoir fait un bout de chemin avec lui

A nouveau la vie se montrait généreuse, les jonquilles refleurissaient
Nous avons vécu ensemble dans le respect de ton ailleurs
En pensée je t’ai souvent offert un bouquet de notre bonheur
Et puis un jour tu nous as quittés, tu t’es réunie
Nous aimions penser que tu t’étais retrouvée
Il était apaisé, je crois

A nouveau la vie se montre versatile, elle n’oublie jamais longtemps d’être injuste
Pour lui, à ton inverse, une maladie incurable et fulgurante.
C’est vrai qu’il avait déjà vécu l’agonie par procuration.
Trop point n’en faut.
Je ne peux m’empêcher de penser que peut-être déjà il te manquait ?
En le veillant, la pensée de vous savoir bientôt à nouveau réunis rend moins amer le goût de mes larmes
Mais ça m’empêche pas de gueuler en silence
A l’unisson de son dernier soufle

Catimini 29/03/2005 @ 12:10:27
Oh Zou, voyez-vous...là ça me touche et me remue
J'y reviendrai plus longuement

Evaetjean
avatar 29/03/2005 @ 12:34:39
Pardon les mots me manquent tant ce texte dégage de sentiments forts et intenses. Je ne sais trop quoi dire si ce n'est que je souffle pour qu'il attérisse où tu le désires !

Tistou 29/03/2005 @ 13:55:34
Que dire d'intelligent face à un texte qui transpire de tant d'émotion?
Qu'on y a été sensible. Qu'on n'a pas forcément tout compris mais que, de même ce n'est pas de nommer l'horreur qui la rend la plus terrifiante, simplement évoquer la souffrance plutôt que l'expliquer est peut être plus efficace.
Et tu l'évoques très bien. En délicatesse mais en profondeur.
PS j'ai eu du mal de prime abord à comprendre ton en-tête "Si tant que ce soit le dernier jour ...", alors disons que ceci fait référence au fait que des illuminés ont décrété le 29 mars comme le jour de la fin du monde. Je le dis ici pour que ceux qui liraient ce texte plus tard, déconnecté de l'actualité C.Lienne puisse comprendre. Pour la postérité quoi!

Bolcho
avatar 29/03/2005 @ 19:00:10
Un concentré d'émotions
Des petites phrases courtes qui portent chacune là où il faut
Une grosse boule dans la gorge
Superbe

Lyra will 29/03/2005 @ 19:14:47
Oui, c'est le mot, superbe, énormément d'emotion à travers les mots, très beau.

Yali 29/03/2005 @ 19:31:28
Un très beau texte Zou, qui sait éviter les écueils du pathos, les contourne, pour offrir de la vie, celle qui n'a pas de prix.

Selma 29/03/2005 @ 20:28:04
Je n'ai rien à dire sur ce texte tellement il est beau, bien écrit. Ca m'a ému jusqu'à ce que je verse une petite larme! Vraiment bien écrit, de beaux sentiments, bref, très joli texte!

Kicilou 29/03/2005 @ 20:30:01
Magnifiques... Tous les beaux adjectifs qui me viennent, je ne peux les dire... la faute à une grosse boule dans la gorge.
Un texte qui vient du coeur, ça n'a pas de prx.
Alors moi aussi je vais souffler bien fort, souffler pour ne pas pleurer.

Kilis 29/03/2005 @ 20:51:13
Zou, tu as trouvé les mots justes pour le dire. C'est une évocation très émouvante et un texte très réussi.

Killgrieg 30/03/2005 @ 10:52:17
frissons... Du premier au dernier mot... frissons

Sahkti
avatar 30/03/2005 @ 12:04:50
Zou, je n'ai pas pu réagir de suite tellement ces mots me touchent, en moi, tout au fond. Ils m'ont frappée de plein fouet.
Ce que tu décris est non seulement beau mais c'est aussi très sensible, très humain, très sincère...

Zou 31/03/2005 @ 12:28:37
Merci du fond du coeur de m'avoir lue.
Il paraît que là bas une douce brise a déposé quelques pétales de jonquilles.

Charles 01/04/2005 @ 16:22:00
Je me joins à toutes ses voix pour souffler sur ce superbe texte.

Le temps avançant, il me semble que ce forum ne cesse de gagner en qualité ...

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