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Forums  :  Vos écrits  :  MM3: épisode 11

Sibylline 14/03/2005 @ 12:48:18
Et le chien remue la queue, tandis qu’Andrea pleure comme on liquide son âme.

Andréa pleura longtemps. Les sanglots se succédaient et semblaient ne jamais devoir tarir. La nuit tomba, puis vint le matin qui le trouva endormi, épuisé, assommé et comme vidé de sa vie. Il avait depuis longtemps abandonné les pinceaux, ayant réalisé qu’il ne pourrait accepter une Pélagia différente, une Pelagia autre, aussi parfaite soit-elle. Ce n’était pas qu’il n’aurait su la peindre, c’était que, ne pouvant ramener la première, il n’aurait su en désirer une autre. Hélas, il lui avait d’abord fallu justement en désirer une autre et perdre le vrai amour de sa vie, pour le comprendre. A sa douleur immense se mêlait le profond désarroi de se savoir totalement responsable de son propre malheur.
A partir de ce jour, Andréa ne peignit plus. Assez rapidement, il quitta la ville et le logement où il avait touché le bonheur, sans prendre aucun bagage. Il partit vers le sud. En train tout d’abord, le temps d’atteindre la campagne, puis à pied, lentement, vers toujours plus de chaleur et pour une vie toujours plus difficile. Il se louait comme travailleur agricole. Ses services ne se monnayaient qu’à bas prix et ses mains devinrent rapidement des outils épais et puissants auxquels il aurait été bien inutile de confier la délicate tige d’un pinceau. Il parlait peu, mais personne ne s’en étonnait, quoi de plus normal ? Les gens comme lui n’ont rien à dire, c’est bien connu. Il ne se liait pas. Restait ou repartait. Restait et repartait. Il connut peu de femmes, il ne se maria pas. Avec les ans, les choses devinrent plus difficiles. On n’avait guère l’usage d’un manouvrier vieux. Cela dura encore et puis, un éclair le foudroya un après midi de moisson, lui, la fourche en haut, jetant des balles de paille sur le chariot. Ces balles que le fermier exigeait que l’on rentre avant que la pluie ne les gâche… On ne sut qui prévenir de ce décès de peu et Andréa quitta ce monde par l’étroit passage du carré des nécessiteux, tout en bas de la pente du cimetière du village. Il ne vint personne à cet enterrement de misère, seul une sorte de chien noir, à reflet bleuté, qu’on n’avait pas encore vu, qu’on chassa peu après et qui ne revint jamais. Il suivit la charrette qui fit office de corbillard et on le laissa faire parce qu’ici sa compagnie un peu puante ne pouvait gêner personne et que cela faisait tout de même une présence, même si Andréa justement, les chiens, il ne les aimait pas. Il n’aurait pas su dire pourquoi.

2005
Rome.

On est en juin et la nuit est douce. Lélio quitte le Teatro dell’Opera, la splendide Sophia se pend à son bras. Ils baignent encore tous deux dans les harmonies de ce chef d’œuvre dont ils viennent de se régaler. Ils ne marchent pas, ils flottent et remontent la rue silencieuse qui les ramène au havre que leur amour a choisi. Lélio est écrivain. Il commence à être apprécié et à connaître le succès. Jusqu’alors, l’amour ne lui avait guère souri, mais, peu auparavant, il y avait eu Sophia. A bout d’espoir, à bout de cœur, Lélio venait de rédiger une nouvelle tout entière consacrée à l’amour dont il rêvait et qu’à ce moment là il désespérait de rencontrer jamais. Il en avait parlé si bien! Cette nouvelle aurait sans doute un jour le succès qu’elle méritait, mais son auteur n’écrivant guère de textes courts, elle était seule ou presque et, peu à peu oubliée, attendait dans un tiroir des compagnes qui lui permettraient une publication. Et puis, peu après, comme si de l’avoir si bien évoqué l’avait fait venir, l’amour était apparu en la personne de Sophia, parfaite incarnation de ses vœux les plus secrets et Lelio n’avait plus détaché son regard de ses yeux et sa main de sa peau.
Un nouveau soir de juin, son bras entoure les épaules nues, ils rentrent et la rue est déserte. Pas tout à fait pourtant, là-bas, plus loin, un chien noir reflète le bleu des néons d’une vitrine et divague truffe au sol, préoccupé par quelque chasse nocturne. Sophia a un mouvement de recul.
« Tu as peur des chiens ? s’inquiète-t- il doucement. Ne crains rien. On voit bien qu’il n’est pas méchant et, de toute façon, je suis là. J’aime bien les chiens, moi. Celui-là a l’air gentil d’ailleurs»
Sophia semblait déroutée par cette apparition mais lui s’en fichait un peu.
« Bon, nous n’aurons pas de chien, se disait-il, nous aurons bien d’autres choses…
Ils s’éloignèrent.

Un fort beau jeune homme, un peu efféminé, s’approcha du chien et se mit à lui parler comme s’il pouvait comprendre
« Tu m’as encore fait venir ! Tu as à nouveau besoin de moi ? Mais pourquoi fais-tu cela ? »
Mais la pauvre bête que tous ces discours n’inspiraient guère, s’éloigna après avoir levé la patte.

Sibylline 14/03/2005 @ 12:50:29
Partie de Yali, l’histoire s’achève en cercle en retrouvant Blue.
Nous espérons qu’elle a su vous plaire.

Yali 14/03/2005 @ 13:40:56
Ahahaah, coupé net le MM, surpris je suis, donc. Je l’imaginais durer celui-ci, je ne sais trop pour quelle raison, mais pas déçu.
Quel rationalisme Sib, ça m’épate ? Tout trouve une issue somme toute assez logique aux événements passés, et pour ma part, je trouve que c’est une fin intelligente.
Mais fi des compliments, un petit reproche et un gros.
Le petit est lié à cette idée fort répandue qu’un peintre se doit d’être svelte et avoir la main fine, or, si l’on se penche un peu par-dessus les toiles, on y croise tas de gens : des baraqués avec des battoirs en place des mains : Picasso ; des balaises : Gauguin ; des balaises par lot : la quasi-totalité des impressionnistes ; des colossaux : Braques. Pour ne citer que ceux-là, mais il en est d’autres, quantité. Bien sûr, tu me diras « Toulouse Lautrec », et certes cela corrige la balance et pas qu’un peu, mais tout de même :-)
Le gros reproche tiens à la dernière phrase, et c’est probablement très personnel. C’est ici :
Mais la pauvre bête que tous ces discours n’inspiraient guère, s’éloigna après avoir levé la patte. Le pauvre me gêne énormément, même si j’y vois la relation à « Pauvre diable », je ne peux imaginer le mal pauvre.

C’était un joli MM. Quand c’est qu’on recommence ;-)

Tistou 14/03/2005 @ 14:02:37
Episode en forme d'épitaphe. Alors c'était un MM à 1 tour!
Sibylline, tu as usé de ton droit de finisseuse, de belle manière d'ailleurs, avec de la cohérence et du sens. Il y en a qui risquent d'être fustrés de n'avoir MMé qu'une fois, qui se voyaient bien avec Andréa ..., avec le chien ... Eh ben raté.
Raté? Pas ton épisode, Sib!

Killgrieg 14/03/2005 @ 14:07:44
AAAAaaaaaaaahhhhhhhhhhhh!
:-((((

Tistou 14/03/2005 @ 14:11:06
Killgrieg. Ne bouge pas. Ne respire plus. On t'envoie les secours.
Sibylline, c'est plutôt elle qui devrait incorporer Killer dans son pseudo.
Voyons? Sibylkill ou Sibkiller ou encore Killsibyll?
Non, finalement Sibylline, c'est mieux!

Killgrieg 14/03/2005 @ 14:13:44
trop tard, je meurs!
sibourreaulline!

Sahkti
avatar 14/03/2005 @ 14:38:23
Me voici bien partagée!

Tout d'abord à cause du personnage d'Andrea. Un type au départ un peu absent, qu'on découvre doté de certains pouvoirs et capable de donner vie à des femmes peintes par lui. Puis noyé par le chagrin (sur ce point, je regrette un peu que dans les textes précédents, on n'ait pas vraiment exploré la piste du Andrea mystérieux qui n'était pas qui on croyait, mais bon...), il laisse tout tomber, n'est plus capable de peindre et tourne un peu à rien. Cette fin d'un homme seul, triste, malheureux et oublié de tous me semble assez facile et pas très originale. Dommage.

Ensuite, le revirement, le retour à la case départ, l'histoire à réécrire... là encore, je me sens partagée, presque un peu déçue, même si c'est vrai qu'en agissant de la sorte, les portes sont à nouveau grandes ouvertes et qu'on peut suivre toutes les pistes possibles et imaginables.
En espérant que cette fois, l'histoire décolle vraiment.

Sahkti
avatar 14/03/2005 @ 14:40:19
Je ne conçois pas forcément cela comme une fin Tistou, l'histoire peut repartir autrement mais bon... je ne sais pas trop. Ce procédé avait déjà été utilisé par quelqu'un dans le MM2 qui était revenu deux épisodes plus tôt, ça se discute.

Tistou 14/03/2005 @ 14:41:11
Je sens pointer un débat du genre "il est fini ou pas le MM"!

Charles 14/03/2005 @ 16:13:33
Pour ma part, je pense qu'il vaut mieux terminer ce MM3 avec l'épisode de Sybilline. Des épisodes supplémentaires me sembleraient superflus.

je m'en vais relire l'ensemble d'une traite pour me faire un avis d'ensemble.

Le MM3 est mort, vive le MM4 ?!

Killgrieg 14/03/2005 @ 16:18:54
pour moi aussi le MM est mort, le continuer serait comme acheter un nouveau chien après le décès de médor... Je fais mon deuil, amer et triste

Tistou 14/03/2005 @ 16:25:36
pour moi aussi le MM est mort, le continuer serait comme acheter un nouveau chien après le décès de médor... Je fais mon deuil, amer et triste

Médor est mort? Comme le petit chat?
Allez Killgrieg, amer et triste, non!
Et puis, entre nous, tu as toi aussi la liberté du créateur. De reprendre un élément qui t'intéresse. D'en faire un développement à toi et de nous le poster en indé. Ca n'est pas interdit! Moi, je l'ai fait avec un élément de MM2 lors d'un exercice. Why not? Qu'est-ce qui t'en empêche?

Charles 14/03/2005 @ 16:37:44
quelqu'un pourrait il faire un mini résumé des deux premiers MM, juste histoire de savoir quel était le sujet ? pour ne pas reproposer quelque chose d'approchant pour le MM4 !! ;-)

je n'ai pas le courage et surtout le temps de me lancer dans leur lecture

le MM3 était il meilleur ? plus/moins homogène ...?

Sahkti
avatar 14/03/2005 @ 17:08:46
Je n'ai personnellement pas trouvé le MM3 meilleur, non.

Kilis 14/03/2005 @ 17:48:38
Merci Sibylline pour cette fin. Je la trouve très bien construite et vraiment cohérente.
Andréa a lâché la proie pour l’ombre en quelque sorte et il s’en mord les pinceaux ! Du coup, on pense que finalement c’est très humain tout ça.
Ton texte induit une espèce de moralité mais pas trop pesante ; il prête plutôt à la réflexion sur l’inconstance des humains et leur réelle marge de manœuvre dans leur quête du bonheur (dialectique : liberté/déterminisme). Andréa a des circonstances atténuantes certes, la présence du « malin », mais que met-on en réalité dans ce concept de « malin » ?

J’aime beaucoup la proposition finale, cette manière, de terminer en boucle.

Une phrase que j’ai trouvée très belle : « Et puis, peu après, comme si de l’avoir si bien évoqué l’avait fait venir, l’amour était apparu en la personne de Sophia, parfaite incarnation de ses vœux les plus secrets et Lelio n’avait plus détaché son regard de ses yeux et sa main de sa peau. »

L’ensemble des épisodes de ce MM3, à condition d’être retravaillés, pourrait faire une nouvelle qui se tient.

Pour moi, continuer ce MM3 serait une erreur.

Vive le MM4 !

Sibylline 14/03/2005 @ 18:13:02
Mais la pauvre bête que tous ces discours n’inspiraient guère, s’éloigna après avoir levé la patte. Le pauvre me gêne énormément, même si j’y vois la relation à « Pauvre diable », je ne peux imaginer le mal pauvre.

Non, qui te dit que ce pauvre chein est le Mal? Ce "pauvre" te ramène à te demander si ce clebs n'est pas tout simplement un pauvre chien qui traine...
Ou alors non, pas du tout.
:-)

Sibylline 14/03/2005 @ 18:24:19
L’ensemble des épisodes de ce MM3, à condition d’être retravaillés, pourrait faire une nouvelle qui se tient.

Oui, et même pas mal. C'est ce que je me suis dit aussi. Je suis un peu surprise de vos réactions parce que cette fin me semblait aller tout naturellement dans le fil de l'histoire. ET vous, vous le voyiez continuer comme ça? Mais vers quoi? C'est moi qui suis étonnée, là.
Je n'ai pas mis un terme pour vous taquiner( malgré les blagues avec Grieg qui n'étaient que des mots) mais bien parce que je me sentais au bout de l'histoire. Si ce n'est pas l'avis général, je veux bien repartir pour un tour, mais mon avis à moi, c'est que ce serait une erreur. Et une erreur pas à cause de mon épisode, mais parce que ce récit était bel et bien à terme et plus, ce serait trop.

Yali, si tu avais vu de près les mains des gars de la campagne, des mains qui t'enfonceraient un clou sans marteau, tu ferais bien la différence avec "grosses mains".

Sibylline 14/03/2005 @ 18:26:12
Je fais mon deuil, amer et triste

???

Yali 14/03/2005 @ 18:42:04
Pour la déception de Killgrieg, je crois comprendre : les personnages sont, pour qui écrit, des compagnons ou des compagnes que l’on a du mal à mettre à mort avec le mot fin. Enfin, pour ma part ça me fait souvent ça. Pire, il m’est même arrivé de tomber amoureux de l’une d’elle. Oui, raide dingue au point de ne plus trop distinguer la fiction de la réalité, et je crois que c’est là ce qu’évoque Killgrieg en parlant de deuil. Non ? Faut-il que nos compagnes, les vraies, soient compréhensives ;-)

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