Les forums

Forums  :  Vos écrits  :  MM3 . épisode 7

Tistou 04/03/2005 @ 23:17:36
(ses pas l’ont menée devant l’église Santa Maria della Vittoria. Pelagia hésite un moment …)

Elle n’a pas vu la silhouette en pull marin derrière elle. Petite, insignifiante. A demi-effacée derrière un groupe guidé, zombies costumés à l’identique : maillot vague coloré et short_sandales, l’appareil photo en bandoulière. L’après midi va vers sa fin, fin d’après midi romain de juin, couleurs et vibrations à l’unisson de la Ville Eternelle.
Il n’a pas vu la silhouette fine aux longs cheveux auburn derrière lui. Irradiante, lumineuse. Transfigurée telle une Madone échappée d’un retable, les regards suivent Adalgisa comme limaille subjuguée par l’aimant.
Pelagia jette un oeil distrait sur la façade baroque de Santa Maria Della Vittoria. Elle est comme portée par la houle paresseuse de la foule romaine. Douce lumière, douce chaleur, brouhaha anesthésiant. Et comme une force incompréhensible qui la porte à entrer (?), non, plutôt à se réfugier dans le bâtiment que le génie d’artistes et d’hommes de foi a transcendé en tout autre chose qu’un assemblage de pierres et divers matériaux. Elle va entrer.
Andrea a saisi la troisième photo. Il ne la regarde pas. Il ne cherche qu’une chose. Fébrilement.
Il est là. Un peu à l’arrière plan, légèrement flou. Insignifiant. Insignifié ? Toujours ce pull marin, qui semble le regarder droit dans les yeux. Andrea se sent parcouru d’un fugitif frisson.
Elle va rentrer dans Santa Maria. L’homme trahit son inquiétude par des mouvements à peine plus brusques, mais qui lui donne tout à coup une consistance, une réalité. Ses voisins immédiats semblent s’apercevoir de sa présence. Un contact accidentel, un coude qui le frôle, un regard qui le dévisage …
Elle ne doit pas. Elle ne doit pas rentrer dans ce lieu. Ce lieu qui n’est pas un simple assemblage de pierres et de mortier. Ce lieu qui est habité par une force spirituelle. Une force spirituelle qui n’est pas la sienne, et pas de son côté …
Adalgisa a saisi l’imperceptible modification. Elle a vu Pelagia songeuse devant Santa Maria. Pelagia attirée par le magnétisme du lieu. Elle a vu la créature en pull marin changer d’attitude. Un raidissement du corps, comme une aura de mauvaises vibrations, de vibrations de peur et de haine.
Adalgisa comprend qu’il va tenter d’empêcher Pelagia de se réfugier dans le lieu sacré.
Andrea repasse en revue les trois photographies. Il ne voit plus que le pull marin. Ce pull marin qui rôde, ici, actuellement, qu’il a vu déja à plusieurs reprises et qui a troublé Pelagia à la sortie du Teatro dell’Opera … Il ressort de sa poche le papier qu’il venait de tirer de l’enveloppe. C’est gribouillé, maladroitement.
« Des flammes de l’enfer, tu la protègeras ».
Des flammes de l’enfer, tu la protègeras, répète-t-il songeur.
Pelagia commence à se frayer un chemin vers les marches de Santa Maria. Un groupe de touristes est arrêté devant elle, qui la bloque momentanément.
Le pull marin concentre son attention sur la grosse femme au sommet des marches. Il commence à imaginer sa mort.
Adalgisa a deviné. Il va créer un évènement perturbateur qui empêchera Pelagia d’entrer. Elle se concentre sur la montre qu’il porte en permanence au bout d’une chaîne. Voilà, elle va la faire sonner. Elle n’est pas censée sonner ? Tant pis, elle va sonner.
« Des flammes de l’enfer, tu la protègeras ». Andrea se mordille les lèvres. Pelagia est sortie, Pelagia est en danger. Et Pelagia s’est estompée un peu de son coeur. Son instinct est incapable de le mener à elle.
Trois marches au dessus de Pelagia, une grosse femme commence à se sentir mal. Pelagia la contourne maintenant. Elle entend, s’extrayant du matelas sonore de la rue, comme une sonnerie anachronique. Une sonnerie têtue de réveil.
Une sonnerie brutale tire le pull marin de la transe dans laquelle il rentrait. De la transe dans laquelle se jouait la vie de la femme, là haut.
Adalgisa s’écarte de l’axe de l’église et se mêle au flot qui s’écoule vers la Piazza Della Republica.
Andrea est malheureux. Il se sent moche, inutile et impuissant.
Pelagia a souri à cette grosse femme qui a eu un accès de faiblesse et qui l’a légèrement bousculée. Un coup de chaleur , rien de grave. Elle détourne la tête et voit les membres du groupe entourer celle qui a failli avoir un malaise. Dans le moment où elle se retourne et pousse la porte de Santa Maria, elle a la sensation qu’une image s’est imprimée dans sa rétine. Une image qui aurait dû la frapper. Elle jette un rapide coup d’oeil sur le groupe de touristes. Sur la foule en dessous. Elle hausse les épaules et pénètre dans l’ombre réparatrice de Santa Maria della Vittoria.
Un homme en pull marin maugrée et s’éloigne en essuyant d’un revers du bras la sueur qui coule de son front. Il regarde d’un air mauvais une montre au bout d’une chaînette et l’heure qu’il y voit ne semble pas lui faire plaisir.
Adalgisa s’éloigne. Elle est redevenue rayonnante et radieuse. Dans son sillage, tous les regards sont aiguisés.
Andrea se résout à replacer dans leur cache toile et lettre. Et les photos dans la valise. Attendre Pelagia. Attendre et espérer son retour. Il ne peut faire mieux.

Killgrieg 05/03/2005 @ 10:00:23
Pure scène de suspense, on dirait du De Palma.
Bonne idée que de raccourcir les interventions des héros, un challenge aussi. Rien de plus difficile et tu t’en sors bien… parfois quelques passages pas tout à fait clairs – notamment là : « un regard qui le dévisage …Elle ne doit pas. Elle ne doit pas rentrer dans ce lieu… » - mais dans l’ensemble ça roule. Si tu accélère le rythme, tu ne le casses pas… Grâce à lui, les quatre personnages s’installent.

L’attitude d’adalgisa est étonnante… On verra la suite. Lyra bien qui lira le dernier.

« Andrea est malheureux. Il se sent moche, inutile et impuissant. »
Je suis un peu inquiet pour Andréa, m’a l’air un peu chose, je commence à avoir vraiment peur pour lui. Lyra d’abord, et la terroriste sibylline et le serial killer sahkti… Je ne donne pas cher de sa peau.

J’émets un légère réserve sur le look des touristes en ce printemps 1955. J’avais déjà un peu tiqué sur les photos souvenirs couleurs de Tessanie… Mais après vérification le procédé a été mis au point en 1935, alors ok, même si j’imagine que les photos couleurs ne devaient pas être légion en ces temps…
Merci Tistou
Et courage Lyra :o))

Kicilou 05/03/2005 @ 11:14:22
J'ai un petit problème de compréhension là... Pourquoi Adalgisa, qui a été créée par "l'homme au pull marin" se retourne-t-elle contre lui... J'ai peut-être loupé quelque chose mais là j'avoue que je me perds dans les alliances entre personnages.

En dehors de ça, c'est un texte agréable. On ressent assez intensément cette lutte de pouvoir avec comme enjeu satélite, la vie de cette femme, sur les marches de l'église.
Le pauvre Andréa ne sait plus trop où il en est, on le serait à moins!

Mais j'avoue que moi qui suis toujours une fervante admiratrice de tes textes, Tistou, j'ai été un petit peu moins emballée par celui là... Je ne sais pas, j'ai pas autant accroché que d'habitude... Mais soyons clair : oui d'habitude j'adore, mais là j'aime bien quand même. :-)

Lyra will 05/03/2005 @ 12:32:11
Tissssssssssstouuuuuuuu !!!
Ca va pas de nous balancer un truc comme ça ?
Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire maintenant ?
;0)

Bon, c'est un épisode très complexe, (mais bon) si bien que je me suis un tout petit peu emmélé les pinceaux à un moment entre les "il" et les "elle" mais une relecture attentive devrait éclairer mon leeennnt cerveau.

J'ai beaucoup aimé, très belle écriture, et il s'en passe des choses !!!
Enormément de suspense, d'idées, il fallait vraiment trouver tout ça.
Je trouve que tu as bien jonglé entre les différents endroits, qu'est-ce que je vais faire d'eux...

Percute 05/03/2005 @ 12:59:53
Très bien écrit !
Je trouve que ça rend bien cette façon de passer sans arrêt d'un personnage au suivant ! ça donne une bonne chronologie et renforce l'impression que tout se déroule en même temps (et en très peu de temps), que les actes de chaque personnage importent sur ce qui se déroulera.

Mais alors dans quel camp est Adalgisa ?!? Vas-tu préciser ce point Lyra ? En tout cas courage à toi !

Sibylline 05/03/2005 @ 19:48:56
C'est hyper bien écrit. Le balancement permanent entre les différents personnages fonctionne bien.
Le problème, c'est Adalgisa, ne devait-elle pas être du côté du Pull marin? Et puis, si tout le monde est contre lui...
Je vois que Kicilou a déjà souligné ce point, je suis d'accord avec elle pour ça. Mais pas pour ses réserves sur le style. Je l'ai trouvé excellent.
A propos, avez-vous oublié que le diable n'existe pas? :-))

Tistou 05/03/2005 @ 19:59:49
A propos, avez-vous oublié que le diable n'existe pas?
A d'autres!

Et pourquoi voulez-vous qu'Adalgisa soit du côté de son créateur? Et sait-elle seulement qu'il s'agit de son créateur?
Un autre créateur célèbre, un certain dieu, n'a-t-il pas vu régulièrement ses créatures se retourner contre lui ou faire des infidélités?

Killgrieg 05/03/2005 @ 20:01:58
et le monstre de Frankenstein??

Kilis 06/03/2005 @ 14:43:11
Bravo Tistou, ton texte, le contenu et son écriture. J'ai bien aimé l'impression de "flottement" engendrée par les zooms-éclairs d'un personnage à l'autre qui nous laissent en suspens, songeurs et cependant titillés... Il ya des passages, vers la fin, où le rythme s'accélère et qui sont très bien rendus.

Qui tire les ficelles de qui? Marabout, bout de ficelle... Et ensuite, que lira-t-on? Où Lyra-t-elle?

Lyra will 06/03/2005 @ 15:43:55
Ly rapelle qu'elle n'est pas très douée en prose ;0)
Surtout après un épisode comme celui là... je poste tout à l'heure.

Bluewitch
avatar 06/03/2005 @ 16:13:15
Lyra arrête de dire tout le temps que tu n'es pas douée pour qu'on te contredise, stp! ;o))

Bon Tistou, cher ami, vous nous faites un épisode des plus visuels, des plus rythmés, et chaleureusement écrit par-dessus le marché (romain). J'aime bien cette accélération, cette respiration retenue. Et puis, le côté un peu moins net des mauvais-gentils.
Du bon, moi je trouve!

Lyra will 06/03/2005 @ 16:19:07
Lyra arrête de dire tout le temps que tu n'es pas douée pour qu'on te contredise, stp! ;o))

Non, je préfère prévenir, c'est tout.

Yali 06/03/2005 @ 18:48:51
Très réussi Tistou, très.
On eprend du mouvement mais l'air de rien, dans la touffeur Romaine.
Bien sûr, je me demande ce que vient faire Picasso dans cette histoire et ce, depuis le début, mais bon ;-)

Charles 07/03/2005 @ 08:52:40
étonné également par l'attitude d'Adalgisa. Il faudrait peut être qu'un des suivants reviennent un peu dessus, plus tard ....

je me suis un peu embrouillé également au début avec ces changements rapides de scène. Ensuite, je me suis habitué et au final, un épisode réussi qui accélère encore le récit (de plus en plus de suspens) et qui éclaire le personnage d'Adalgisa sous un nouveau jour.

AArggggh , j'ai une idée pour la suite mais pour ne pas influencer les suivants, je me la garde et peut être que je pourrais la placer au 2ème tour !!

Sahkti
avatar 09/03/2005 @ 11:29:22
Comme plusieurs personnes, j'ai été intriguée par le comportement d'Adalgisa qui a été présentée comme une rivale de Pelagia. Qu'elle se retourne contre son créateur, certes, mais qu'elle aide Pelagia, c'est encore autre chose. A suivre!

Sinon, c'est une belle ambiance que tu as installée Tistou, feutrée et remuante à la fois, on s'y croirait. On avance à petits pas dans le récit, ce qui donne le temps de déguster tout cela à son aise.

Thomasdesmond
avatar 10/03/2005 @ 13:56:19
dis, ton texte a un début situé ailleurs sur le forum ou on peut le lire directement ??...

Tistou 10/03/2005 @ 13:58:16
dis, ton texte a un début situé ailleurs sur le forum ou on peut le lire directement ??...

MM3 épisode 7 signifie 7ème épisode du Mille Mains 3. Ce qui signifie que tu dois effectivement d'abord lire MM3 épisode 1 ...

Sahkti
avatar 10/03/2005 @ 14:11:57
Hé hé Tistou, j'aime cette logique et ces trois petits points de fin :)

Page 1 de 1
 
Vous devez être connecté pour poster des messages : S'identifier ou Devenir membre

Vous devez être membre pour poster des messages Devenir membre ou S'identifier