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Saule

avatar 07/01/2024 @ 08:50:04
Merci Eric pour cette critique d'un livre de Depardieu. J'avais écouté une série de cinq podcast sur Depardieu, https://radiofrance.fr/franceculture/podcasts/… (en faisant ma Gym !) et je l'avais trouvé très sympathique et intéressant. J'avais d'autant plus été décu par sa déchéance et les accusations dont il fait objet.

Saint Jean-Baptiste 07/01/2024 @ 15:45:14
Depardieu est un cas intéressant parce que emblématique. Je trouve que la critique de Eric rend parfaitement ce que vaut le livre ; et le livre a l’air de bien rendre ce que vaut l’individu. Visiblement ce Depardieu et arrivé trop vite trop haut dans la société, alors qu’il lui manquait une base solide pour démarrer dans la vie.
Par ailleurs je suis très étonné, et je me demande si c’est vrai, qu’il ait lu le Coran, la Bible, le Talmud et autres Dostoïevsky…

Par contre je pense que ce n’est pas étonnant qu’il ait été séduit par la Russie, ou du moins par les Russes. Les quelques personnes que je connais, qui ont passé beaucoup de temps en Russie, ne disent que du bien des Russes : un peuple accueillant, peu attaché à l’argent, pas matérialiste mais volontiers superstitieux ou même porté sur le mysticisme… et malgré tout, ce qui est difficile à croire, un peuple heureux.

Ce n’est pas étonnant non plus que Depardieu ait été séduit par les pires des dictateurs : Poutine, Fidel Castro… Il faut croire que ces dictateurs ont un vrai pouvoir de séduction. On ne compte plus le nombre de gens, politiciens et autres, qui ont été des admirateurs des Staline, Mao, Mobutu et la clique des plus grands malfaiteurs de l’humanité…

Martin1

avatar 07/01/2024 @ 16:13:40
Assimiler l'admiration pour Mao et Staline et l'admiration pour Poutine, c'est vraiment tout mélanger.
On admire Staline parce qu'on rêve d'égalité, parce qu'on devient dupe de l'idéologie communiste, c'est tout.
Mao et Staline ne sont pas des dictateurs, mais des chefs de régime totalitaire.

On admire Poutine parce qu'il a relevé la Russie après la période Ieltsine, qu'il a reconstruit un Etat pour ainsi dire.

Quant à Mobutu, c'est un profil qui n'a RIEN A VOIR avec les deux précédents... il a été un instrument de pacification du Congo après les années 1960 et en plus, c'est un pur décolonial dans sa philosophie du pouvoir. Les Congolais adoraient Mobutu, avant qu'ils ne se mettent à le détester.


Martin1

avatar 07/01/2024 @ 16:18:32
L'admiration pour les grands chefs, d'ailleurs, n'est pas pathologique mais très ordinaire. Toutes ces choses sont incompréhensibles aujourd'hui où la démocratie est devenue une fin en soi.

Saint Jean-Baptiste 08/01/2024 @ 12:28:05
L'admiration pour les grands chefs, d'ailleurs, n'est pas pathologique
L’admiration pour les grands chefs n’est pas pathologique, je veux bien te croire.
Mais j’ai mis Mobutu parce que j’avais été frappé le jour où notre gentil Roi Baudouin s’était rendu au Congo, il avait serré les mains de son cher ami Mobutu, fait l’accolade avec tapotement de mains sur les épaules, alors que derrière eux, sur la Grand’place de Kinshasha il y avait six opposants du régime qui étaient pendus, pour faire un exemple.

Mais on va de nouveau nous reprocher d nous écarter du sujet. ;-))

Colen8

avatar 08/01/2024 @ 13:23:43
"Tout le monde savait", mais n'a rien fait ?
Depuis "Les valseuses" (1974) ?
Tout le monde serait donc complice ?

Martin1

avatar 08/01/2024 @ 13:56:21
L'admiration pour les grands chefs, d'ailleurs, n'est pas pathologique

L’admiration pour les grands chefs n’est pas pathologique, je veux bien te croire.
Mais j’ai mis Mobutu parce que j’avais été frappé le jour où notre gentil Roi Baudouin s’était rendu au Congo, il avait serré les mains de son cher ami Mobutu, fait l’accolade avec tapotement de mains sur les épaules, alors que derrière eux, sur la Grand’place de Kinshasha il y avait six opposants du régime qui étaient pendus, pour faire un exemple.


Bienvenue en Afrique, SJB. Bienvenue dans l'Afrique postcoloniale. Il faut savoir aussi la regarder en face. C'était ça à peu près partout... Je veux bien qu'on soit horrifié avec nos codes de déontologie, mais pour les Congolais, ça faisait partie de la restauration de l'ordre, et ça ne leur déplaisait pas, il faut bien le dire.
Pourquoi ? Ce qui a horrifié les Congolais, c'est moins les pendaisons d'opposants, mais plutôt la guerre civile (1960-65). C'était les types avec des machettes, drogués au chanvre, armés d'arcs, de flèches et dopés par une propagande marxiste, protégés par des amulettes, qui allaient dans leurs villages, et qui demandaient trente victimes à décapiter, que la foule leur désignait. ça, ils l'ont vécu directement, dans leur chair. ça, ils s'en souvenaient très bien. Mobutu a mis fin à ça : ou en tout cas il avait l'air de. En face, il y avait des fous, Mobutu répondait à la violence par la violence. Ce n'était pas idéal mais ils s'en accommodaient somme toute assez bien, surtout que Mobutu protégeait un certain Congo "authentique". Baudouin, en se réconciliant avec lui (car les relations étaient difficiles en 1961) semblait accepter l'entrer de l'Afrique dans l'ère décoloniale : il apparaissait progressiste. Il faut se souvenir du contexte. Je ne justifie pas tout ce qu'a fait Mobutu, la répression, la corruption, etc, mais je trouve qu'on a tort de balancer des épouvantails sans se replacer dans un contexte.

Il faut faire de même avec Staline ou Poutine.
Un Paul Eluard qui fait une ode à Staline est simplement contaminé par une idéologie totalitaire. Mais pour un soldat russe de 1944, qui fait la guerre aux Nazis, Staline renoue un peu avec la Russie profonde, une Russie qui jusqu'ici croupissait dans les goulags, mais qui allait devenir une Russie victorieuse, en partie rachetée, victorieuse contre le nazisme, etc.
Admirer les grands chefs peut avoir plusieurs raisons mais elles sont tantôt idéologiques, tantôt pragmatiques, on ne peut pas tout mettre dans le même sac.

Martin1

avatar 08/01/2024 @ 14:00:05
Mohamed Ali aussi, a serré la main de Mobutu, non ! Héhé, comme quoi, on peut être une star de l'émancipation des esclaves et en arriver là

Saint Jean-Baptiste 08/01/2024 @ 16:47:47
Tu sais tout, Martin, j’en tombe à la renverse ! Mais ici, tu exagères : il n’y a pas eu une « guerre civile » de 60 à 65 dans l’ex-Congo-Belge.
Quelques excités ont tué des Skeutistes qui avaient – oh ! crime abominable – enseigné le flamand à des potaches congolais.
Il y a eu quelques victimes d’émeute à Kinshasha mais très vite Mobutu, qui était sergent dans la Force Publique Congolaise, a rétabli l’ordre.
Je trouve que Mobutu est l’exemple type du « pouvoir qui rend fou ».

Mais, je t’assure, Martin, il faut en revenir à ce cher (?) Depardieu.
Est-il un vrai salaud, ou est-il victime de intolérance de notre époque ?

Aaro-Benjamin G.
avatar 08/01/2024 @ 19:41:06
Ironique que cette conversation ait dévié vers le totalitarisme, quand on sait que des chaînes vont censurer les films de Depardieu au Québec et en France!

Il semble qu’une poignée de gens ont décidé de leur sort et qu’il est préférable de pénaliser les milliers d’artisans du cinéma qui ont travaillé avec Depardieu plutôt que de laisser le libre choix à la population de visionner ces œuvres.


Martin1

avatar 08/01/2024 @ 21:10:05
Tu sais tout, Martin, j’en tombe à la renverse ! Mais ici, tu exagères : il n’y a pas eu une « guerre civile » de 60 à 65 dans l’ex-Congo-Belge.


Eh bien si, une guerre civile qui a fait plus de 100 000 morts ! https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_congolaise
C'est un sujet que je connais bien, mais effectivement on sort du sujet

C'est pas que je sais tout. C'est mon domaine, simplement, mon métier si tu veux

Par rapport à Depardieu, je n'ai pas d'avis, mais je ne suis pas du tout surpris par son côté macho, après j'avoue je n'ai pas lu les plaintes et ne compte pas le faire. Je laisse la justice faire son taf.
J'espère que cette affaire ne va pas nous empêcher de regarder ses films, car j'aime beaucoup cet acteur.




Eric Eliès
avatar 08/01/2024 @ 22:45:17
"Tout le monde savait", mais n'a rien fait ?
Depuis "Les valseuses" (1974) ?
Tout le monde serait donc complice ?


@Colen : je n'évoque pas ce sujet dans la présentation du livre car Depardieu y parle globalement assez peu de son rapport aux femmes (sauf pour raconter, sans aucune pudeur, qu'il s'est beaucoup masturbé pendant son adolescence, où il était assez solitaire, qu'il adore parler de sexe mais qu'il peut très bien se passer de l'acte, et qu'il ne croit pas que l'amour dans un couple puisse durer toute la vie). L'essentiel de son propos, dans ce livre où il s'exprime à la va-vite, sans aucun recul, porte sur son rejet, et même son dégoût (qu'il exprime en des termes très violents), de la France et de l'Occident en général, et de son coup de foudre pour la Russie qu'il décrit - avec autant d'emphase que de naïveté - comme le vrai pays de son coeur...

Pour évoquer le sujet de son rapport au cinéma et de la complicité de son entourage, il me semble évident que tout le monde voyait et savait mais que personne n'a rien fait car, ce qui ressort de cette époque (disons des années 60 aux années 80), c'est que les milieux du cinéma, de la pub, de la chanson, etc. étaient très toxiques... Beaucoup d'acteurs, de réalisateurs et de chanteurs (notamment quelqu'un comme Claude François, dont je ne comprends pas l'espèce d'adulation qui persiste encore aujourd'hui) avaient des comportements de prédateur, abusant de leur ascendant pour abuser et/ou vampiriser des jeunes femmes. On le voit en ce moment avec Judith Godrèche qui vient de révéler l'emprise que Benoit Jacquot, le réalisateur qui l'a révélée au cinéma quand elle avait 14 ans mais a profité d'elle pendant des années alors qu'elle était mineure, a exercé sur elle. Le milieu du cinéma a sans doute laissé faire parce que personne n'avait les mains et l'esprit propres... Cela dit, à la lecture du livre, il me semble que Depardieu n'est pas un "vrai" prédateur mais plutôt un gros lourd, jubilant de "choquer le bourgeois" par une blague ou un geste paillard. Sans vouloir faire de la psychanalyse à deux balles, il y a peut-être chez lui, venant de son enfance et son adolescence vécues dans une grande précarité affective et dans une profonde misère matérielle, une revanche sur la "bonne société" en refusant d'être "convenable".

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