Radetsky 18/08/2023 @ 12:03:56
Voyage au bout d’une nuit


Prologue

Un soir au coeur de l’été vers le début des années soixante-dix, je sirotais tranquillement un petit verre de “Kummel Liquör”, attablé en compagnie de quelques anciens copains de l’école élémentaire, à l’auberge de Lartsch. La vieille G. était morte déjà depuis quelques années, tout comme N. son mari. Du coup, la boulangerie et l’auberge se retrouvaient entre les mains de Paola, ma marraine de communion. Ainsi, ne disait-on plus “je vais chez la G.”, mais “chez la Paola”, pour signifier qu’on allait prendre un verre, entreprendre une partie de cartes ou simplement palabrer comme il se doit.
Sans être pour autant devenu un pilier de bistrot j’aimais retrouver des visages connus et marquer de ma présence, acceptée et reconnue par tous, ces assemblées de village où les propos de café du commerce l’emportaient largement sur la hauteur de vues tout comme sur la prétention usurpée à l’excellence de bien des cénacles plus élevés socialement. Le fait d’avoir toujours été considéré comme un enfant du pays m’ouvrait bien des portes dans ce petit monde où je n’ai jamais dû faire face à la moindre attitude hostile ou réservée.
Tout en n’étant pas toujours au fait des évènements qu’on y commentait, ma connaissance suffisante de la langue, des lieux et des gens faisait de moi un interlocuteur valable et autorisé à mettre son grain de sel.
Tandis que les conversations allaient bon train, le bruit d’un attelage nous fit dresser l’oreille, précédant l’irruption de son propriétaire, P. « Tschüss”
Après qu’il se fut affalé seul à une table isolée, les propos décousus et hésitants de notre homme nous renseignèrent vite sur l’emprise exercée sur lui par les vapeurs de l’alcool.
Sur le moment, nous ne prêtâmes qu’une attention distraite et intermittente aux propos d’ivrogne débités dans un coin de la salle.
Mais l’insistance que manifestait le pauvre hère, à la fois abattu et effrayé à nous raconter son histoire, finit par nous faire soupçonner que quelque chose d’inhabituel ou de grave avait bien pu se produire.
Dans une série de propos hachés et désordonnés, P. nous fit comprendre à peu près l’étendue de ce qu’il percevait comme un désastre inévitable.
Une réunion de chasseurs s’était tenue cet après-midi là dans le chalet que possédait V. habitant de Cort, sur les alpages de l’Amol à bien trois heures de marche.
Pas plus qu’ailleurs, les assemblées cynégétiques ne cultivaient en ces contrées un penchant avéré pour la sobriété. Il arriva donc ce qu’il arrive lorsqu’un individu éméché plus que de raison se charge de rapatrier, en le chargeant sur une charrette à quatre roues tractée par un mulet, un compagnon littéralement ivre mort.
Que s’est-il passé exactement sur cette piste plongée dans la demi-obscurité d’un crépuscule déjà bien avancé déserté par les muses... ?
En fait, il semblerait que le “mort”, gaillard d’une taille et d’un poids largement au-dessus de la moyenne, pris de malaise ou d’un soudain besoin de descendre de son véhicule de fortune pour vomir ou se vider d’autres façons, n’ait plus été capable d’y remonter, malgré les maladroites, impuissantes et vaines tentatives de son cocher pour l’y réinstaller.
Abandonnant son plantureux comparse au pied d’un arbre, P. avait poursuivi son voyage tant bien que mal jusqu’à l’auberge de Paola, surtout grâce à la perspicacité du mulet qui en savait autant que lui sinon bien plus sur le parcours à suivre pour regagner son écurie.
La seule véritable terreur du pauvre homme était que l’abandon d’un compagnon déjà en piteux état dans une forêt montagnarde où les nuits sont fraîches, n’aboutît à faire d’un moribond apparent un cadavre en bonne et due forme.
Qui sait... le froid de la nuit et l’affaiblissement certain de Vitale auraient peut-être pu avoir des conséquences graves, d’autant que l’état de santé général d’un homme déjà bien éloigné de la jeunesse semblait accroître les risques que comportait la situation.
Alors, il ne cessait de mêler à la litanie balbutiante de son récit cette objurgation, cette prière angoissée qui se pouvait résumer ainsi : "Pùteï fè vargòt, o'l mor" (les gars, allez le chercher ou il va mourir...!)
Après qu’il se fut à peu près dégrisé deux ou trois heures plus tard, il semble que le crédit que j’accordai à son histoire et mon pouvoir de persuasion furent pour beaucoup dans la constitution d’une équipe de volontaires aux idées assez claires pour s’en aller récupérer le “mort-vivant” abandonné à la menaçante et glaciale obscurité des sylves. Enfin, c’est ainsi que notre rescapé le perçut.
A la décharge des sceptiques, il était sans doute délicat de faire la part du vrai dans la logorrhée incohérente de P.. Mais au fur et à mesure quelque chose de vraisemblable émergeait de ce discours de poivrot et nous finîmes par assumer la résolution qui s’imposait : aller vérifier in-situ ce qu’il en était. Après tout, on n’invente pas totalement un pareil scénario et, lorsqu’il était sobre (la plupart du temps) P. se voyait généralement exclu de la catégorie des blagueurs, des fantaisistes ou des mythomanes, à quoi s’ajoutaient une sévérité d’allure et une avarice de paroles qui offraient un contraste par trop accusé avec ce qu’il affichait, même ivre, ce soir-là.


Miserere

Une fois prévenue l’épouse du « mort », je rentrai et entrepris de terminer la soirée en lisant et en fumant, m’en allant prendre le frais de temps à autre sur le balcon de la cuisine, en y méditant ce qui s’était passé.
Une heure s’était écoulée peut-être lorsque j’entendis les cliquetis, les bruits de sabots et la vibration de quatre roues ferrées sur le pavé, annonçant que P. rentrait à son tour. L’attelage s’immobilisa juste sous le balcon sans que son cocher ait émis le moindre son, devant le grand porche fermant la grange où était rangé d’ordinaire le charroi.
Apparemment, le bonhomme se tenait plutôt droit et effectua sans hésitation ni faux mouvement les manoeuvres de recul nécessaires pour faire se garer le véhicule une fois manœuvrés les battants de la porte. Après quoi, le robuste mulet ayant été dételé je vis celui-ci, toujours sans qu’aucune parole ne soit sortie de la bouche de son cocher, s’acheminer seul le long de la rue, tourner à gauche et descendre jusqu’à son écurie le petit chemin empierré qui longeait la grande bâtisse des “Tschüss”.
Il n’était pas difficile de conclure que ce soir-là la brave bête avait fait le plus gros et l’essentiel du travail, tant pour le choix de l’itinéraire que pour la traction. J’avoue avoir considéré avec une émotion étonnée et admirative ce que l’homme et l’animal savent réaliser ensemble, sans que ce dernier soit toujours gratifié comme il le mériterait.

J’étais resté coi, jusqu’à ce que, tout en fermant sa grange, P. n’émît cette interjection : “Ah, Claude....!” (que tout le monde ici prononçait Clot’). Je me demandai sur le moment si cette formule cachait un reproche ou à tout le moins une question à venir d’où il eût pu sortir quelque explication compliquée à fournir. Mais il poursuivit presque aussitôt : “Se no t’ga fùsse schtà li... (si tu n’avais pas été là), i me credeva mig’ (ils ne m’auraient pas cru)”. Et enfin : “Vegn giù, vegn giù, ch’te bif vargòt (viens, viens donc boire quelque chose) “, prononcé sur un ton particulièrement insistant.
Alors que je m’apprêtai à le suivre chez lui, je me rendis compte qu’en réalité je m’étais trompé sur ses sentiments à mon égard ; c’est bien de sa gratitude qu’il désirait me faire part.
Je n’osai pas refuser à un homme si désemparé auparavant la satisfaction d’un tête-à-tête, même si la perspective du “dernier petit verre” n’avait en soi rien de bien recommandable pour lui dans ces circonstances.

On se souvient peut-être de la description sommaire que je donnai du personnage, quelques chapitres plus haut. Un grand échalas osseux et coiffé d’un éternel feutre de couleur indéfinissable, vêtu d’un gilet, d’une veste et d’un pantalon de velours côtelé à l’avenant, me précédait du pas caractéristique des montagnards, à la fois lent, massif et chaloupé, vers le porche qui une fois franchi donnait accès à l’immense couloir central, sorte d’atrium où s’ouvraient les demeures des familles “Tschüss”.
Assez assuré malgré la “mufflée” qu’il avait prise, il entreprit d’ouvrir la porte de sa cuisine où il me pria de m’asseoir en sa compagnie, chacun de part et d’autre de la table, après avoir allumé l’unique ampoule qui la surplombait.
A l’époque, le relatif adoucissement de l’existence avait déjà contribué à égayer les intérieurs et une cuisine ressemblait bien plus à ce qu’elles sont aujourd’hui qu’aux antres antédiluviens cuirassés de suie et de misère où la génération de mes grands-parents avait vécu.
Oh, bien sûr, les murs étaient passés à la chaux colorée, traditionnellement en usage ici, la cuisinière avait remplacé l’âtre charbonneux et sa hotte, tandis qu’un vaisselier d’allure “moderne” et un ou deux autres meubles tentaient de donner un aspect civilisé à l’ensemble.
Mais la rusticité rémanente, le dépouillement, la totale absence de fantaisie, la pauvreté relative qui semblaient émaner de toute chose, provoquèrent en moi un serrement de coeur que le reste de cette soirée allait amplifier.
Tout en m’astreignant à ne pas entamer de manière significative le verre qui m’était offert généreusement, pour ne pas le voir à nouveau rempli, j’essayais de m’accoutumer à une situation paradoxale pour moi, tant la réputation d’austère et ombrageuse réserve de cette famille avait renvoyé dans l’utopie la perspective d’y être accueilli un jour de façon apparemment si naturelle et spontanée.
Les parents de P. étaient décédés tout comme son frère T., tandis qu’une sœur mariée assez loin du village n’y faisait quelque apparition que lorsque passait une comète…Il assumait par conséquent seul à soixante ans passés la tâche écrasante d’une exploitation agricole dans cette contrée déshéritée. Aucun des deux enfants mâles n’avait pris femme, Dieu seul sait pourquoi. Mais on pouvait deviner, dans l’acharnement stakhanoviste que ces gens avaient déployé durant toute leur existence, que seule la terre et ses servitudes avaient guidé leurs choix.


Une solitude absolue et tragique se tenait devant moi.
La longue suite de confidences qu’allait me faire P. sans discontinuer ne négligea ni les difficultés matérielles, ni la misère morale, affective, sexuelle même, d’un être soumis totalement et sans qu’aucune issue ne pût lui apparaître possible, aux diktats du fatum.
Je le laissais parler, et parler encore, car il n’y avait rien qui puisse répondre à un tel cri.
Là se dressait un désespoir nu, cru, oppressant et définitif, dont je sentais qu’il trouvait, fugitivement et imparfaitement, une sorte de soulagement à pouvoir enfin s’exprimer devant une présence humaine, une présence tout court, qui l’avait entendu et qui était disposée à l’entendre aussi longtemps qu’il pourrait s’épancher, entre ces murs d'où cette douleur n'était jamais sortie.

Tout son être était mobilisé : les yeux sombres que l’ire, le chagrin et l’effarement enflammaient, hagards ou vides parfois et qui me prenaient à témoin en s’attachant à mon propre regard, les traits crispés sur des rides profondes, la voix amère, les gestes larges par lesquels ses grandes mains déformées par le travail désignaient tour à tour sa poitrine, la table, ou un point indéfini et éloigné de l’espace et du temps d’où naissaient et où il tentait de faire refluer les malédictions, tout comme il y guettait quelque utopique apaisement qui aurait pu, qui aurait nécessairement dû en sortir.
Nulle métaphore alambiquée, nulle formule fleurie ou dissimulée sous les hypocrites conventions dont les bonnes gens tranquilles se servent pour masquer l’horreur qu’ils ne veulent pas voir autour d’eux. J’ai compris instinctivement, sans pouvoir immédiatement en conceptualiser la substance, la violence qu'on se devait d'accepter en affrontant une vérité, la vérité, cette vérité exclusive de toute douceur, de tout apaisement, impossible à présenter sous d’aimables auspices ni de suaves enveloppes. La vérité primitive, existentielle, de l’homme non seulement abandonné mais maudit d’avoir usé sa vie en sacrifiant à peu près toutes les satisfactions, aussi menues soient-elles, que les gens ordinaires trouvent par le corps, le coeur et l’esprit dans la fréquentation charnelle, émotive ou sociale de leurs semblables.
Le choc auquel je devais faire face était à la mesure de ce qu’il charriait de désarroi et de reconnaissance tout à la fois et j’entrevoyais, un peu effrayé, la signification du fait d’être là et de ce qui m’était apparu comme une modeste et négligeable initiative de ma part, encore dans l’auberge de Paola.
Je ne pouvais trouver en moi nulle équivalence dans l’acte de recueillir une aussi éprouvante confession, si ce n’est l’oreille qu’on prête à l’angoisse des agonisants.
Il serait inutile et impudique de retranscrire ici par le menu l’inextricable litanie de plaies à vif, d’espoirs déçus, d’humiliations, de meurtrissures morales, de désespoirs réels, répétés et sans issue, à laquelle je fus exposé. Une vie déjà longue et bien remplie de cette désolation qu’affrontent bien des paysans réduits au célibat m’était révélée dans sa nudité effrayante, sans contrainte, sans fard ni retenue aucune. Certes, l’alcool pouvait y être pour quelque chose, mais j’étais persuadé d’avoir été le premier auquel P. osa confier si crûment la totalité de ce qui l’oppressait et l’anéantissait littéralement. Aucune des assemblées d’hommes auxquelles il avait pu participer (chasseurs, comices agricoles, ou autres...) ne lui avait probablement jamais permis de parler comme il le fît. Et sans doute jamais plus depuis.
Ce fut une grande leçon d’humilité, à la fois devant bien plus misérable que soi et que bien d’autres, et face à la possibilité pour chacun de permettre au misérable de briser sa solitude.

Mais ce fut aussi l’une des quelques occasions, uniques par leur qualité, de voir le tréfonds d’une âme écorchée, et de pouvoir jauger avec effroi la profondeur de l’abîme d’où elle criait. Une telle expérience ne hante guère les contrées ordinaires où les existences affichent leurs apparences. Elle procède de ces grands moments, sombres souvent, toujours rares, où la fréquentation des êtres laisse entrevoir à la faveur d’une conjonction favorable ce qui justifie ou réfute ce sur quoi on bâtit sa propre vie.

La soirée s’acheva par une poignée de mains dont la valeur dépassait et de loin la plupart de celles qui sont échangées ordinairement.
Par la suite chacun retourna à sa vie comme si de rien n’était et il était à mes yeux évident que je serais le tombeau d’où jamais ne sortiraient, pour les livrer en pâture aux commères imbéciles ou aux salauds, les échos de que j’avais entendu.

Pour s’en tenir au côté trivial des choses, je préciserai simplement que V., une fois rapatrié chez lui, reçut la visite du médecin qui ne conclut à rien d’autre qu’à une crise d’éthylisme poussé accompagnée d’une indigestion et d’une rhinite aiguë. Mais c’étaient là des maux bien négligeables dans le contexte qu’on vient d’évoquer.

Spirit
avatar 18/08/2023 @ 15:29:49
Formidable ce morceaux de vie, j'aurai préféré l'entendre dans un fauteuil prés d'un feu avec un bon whisky et conté de vive voix par toi. C'est un morceaux d'existence qui procure un grand et vrai plaisir. Merci Rad, en espérant une suite.

Radetsky 18/08/2023 @ 15:36:21
Formidable ce morceaux de vie, j'aurai préféré l'entendre dans un fauteuil prés d'un feu avec un bon whisky et conté de vive voix par toi. C'est un morceaux d'existence qui procure un grand et vrai plaisir. Merci Rad, en espérant une suite.

La suite hélas c’est la mort de la petite paysannerie et celle de celui qui raconte…

Spirit
avatar 18/08/2023 @ 16:56:23
La vie quoi dans toute sa duretée

Martin1

avatar 19/08/2023 @ 15:51:51
Un grand échalas osseux et coiffé d’un éternel feutre de couleur indéfinissable, vêtu d’un gilet, d’une veste et d’un pantalon de velours côtelé à l’avenant, me précédait du pas caractéristique des montagnards, à la fois lent, massif et chaloupé, vers le porche qui une fois franchi donnait accès à l’immense couloir central, sorte d’atrium où s’ouvraient les demeures des familles “Tschüss”.


L'acharnement stakhanoviste... elle ne passait que lorsque passait une comète...

Tout son être était mobilisé : les yeux sombres que l’ire, le chagrin et l’effarement enflammaient, hagards ou vides parfois et qui me prenaient à témoin en s’attachant à mon propre regard, les traits crispés sur des rides profondes, la voix amère, les gestes larges par lesquels ses grandes mains déformées par le travail désignaient tour à tour sa poitrine, la table, ou un point indéfini et éloigné de l’espace et du temps d’où naissaient et où il tentait de faire refluer les malédictions, tout comme il y guettait quelque utopique apaisement qui aurait pu, qui aurait nécessairement dû en sortir.


Il faut les sortir, tes descriptions...

Ton écriture me fait penser un peu à Jean Paul Sartre dans la nausée. J'ai l'impression que tu aurais pu continuer sur cette veine encore sur des pages. Je pense que tu devrais organiser un peu ce que tu as écrit (relativement au reste) et essayer de construire un tout uni, ou d'organiser un peu ces tranches de vie.

Ici la confrontation avec la misère d'un paysan esseulé, roué de coups par le sort, et surtout cette façon que tu as de décrire, sans avoir peur des mots employés, sans jamais tomber dans les lieux communs, en mettant en exergue le contact cru, direct, des hommes du passé avec la nature cruelle, c'est superbe et c'est tragique.

Il y a une question bien sûr que je me suis posé très rapidement, c'est en quelle langue parlent ces gens, et partant de là, quel pays tient lieu de théâtre.
Je crois avoir trouvé après quelques recherches mais c'est improbable... ne me dis pas que c'est du lombard ?? sinon, peut-être un dialecte germanique, mais mes recherches penchaient pour le lombard, me suis-je trompé ?

Radetsky 19/08/2023 @ 16:50:21
......
Ton écriture me fait penser un peu à Jean Paul Sartre dans la nausée. J'ai l'impression que tu aurais pu continuer sur cette veine encore sur des pages. Je pense que tu devrais organiser un peu ce que tu as écrit (relativement au reste) et essayer de construire un tout uni, ou d'organiser un peu ces tranches de vie.


Vois-tu, la seule organisation qui se soit imposée à moi en l'occurence a été la suite de claques reçues successivement, à la fois débordant de significations, violentes, à un rythme impressionnant... Imagine une confession (c'en était une) reçue par un jeune prêtre débutant, face au désespoir humain.

Il y a une question bien sûr que je me suis posé très rapidement, c'est en quelle langue parlent ces gens, et partant de là, quel pays tient lieu de théâtre.
Je crois avoir trouvé après quelques recherches mais c'est improbable... ne me dis pas que c'est du lombard ?? sinon, peut-être un dialecte germanique, mais mes recherches penchaient pour le lombard, me suis-je trompé ?


Pas très éloigné (en km et linguistiquement), mais non : c'est une variante locale de dialectes du Welsche Südtirol ou si tu veux la "province de Trente" depuis que les Habsbourg en ont été chassés en 1918, évènement que n'a jamais digéré mon grand-père maternel (moi non plus).
Amené à me pencher sur l'étymologie du dit dialecte, justement dans les années où se situe mon récit, j'y ai trouvé trois racines principales : latine, germanique, celtique dans l'ordre d'importance..
Les études effectuées localement avaient pour caractéristique de fixer leur attention sur la "latinité exclusive" des lieux, surtout en réaction au passé récent lié au Saint-Empire.
Erreur. Vu que j'ai eu la bonne idée d'épouser une Bretonne, je me suis dit que je trouverais peut-être de ce côté-là quelque solution... et je dois les premiers indices aux études du regretté chanoine François Falch'hun (l'espèce des chanoines érudits semble s'être presque éteinte, hélas !) puis, de fil en aiguille, je suis passé à d'autres ouvrages sur la langue gauloise, etc. etc.
Un dictionnaire de "mon" dialecte est paru en 2009, auquel j'ai collaboré, rédigé par Corrado Grassi, ancien professeur de langues latines à l'Université de Vienne.
C'est un dictionnaire italien <=====> patois stricto sensu, mais pas une once d'étymologie si ce n'est celle liée au latin....! C'est tout de même bizarre cet acharnement à mettre sous le tapis tout ce qui est "étranger" au groupe auquel on appartient. Le Pr Grassi était italien et ne résidait au village que pour ses vacances et pendant sa retraite.
Mais je suis bien aise de mes origines plurielles unissant les trois grandes familles de notre chère Europe !

Marvic

avatar 19/08/2023 @ 17:26:05
"confession" est exactement le mot qui m'est venu à la première lecture. Comme une double confession, la première reçue dans une "solitude tragique". La seconde comme une transmission que tu nous adresses, et qui ne peut que toucher le lecteur.
Et quelle écriture ! un vocabulaire rare (mais plus exigeant pour moi) qui augmente le plaisir de lire.
Même si ce n'est pas le sujet central, j'ai beaucoup aimé cette phrase :"J’avoue avoir considéré avec une émotion étonnée et admirative ce que l’homme et l’animal savent réaliser ensemble, sans que ce dernier soit toujours gratifié comme il le mériterait."

Martin1

avatar 20/08/2023 @ 12:33:28
à Rad : je me suis mal exprimé je voulais dire organiser tous les textes que tu as balancé sur CL récemment... il me semble que tu pourrais envisager d'en faire une oeuvre

Radetsky 20/08/2023 @ 13:12:36
à Rad : je me suis mal exprimé je voulais dire organiser tous les textes que tu as balancé sur CL récemment... il me semble que tu pourrais envisager d'en faire une oeuvre
Ah ! Une œuvre… il me faudrait soit publier l’intégralité de mes mémoires (trop vaste et pleine de détails banals ou insignifiants pour un public «extérieur »), soit opérer une sélection doté d’un fil conducteur cohérent… vaste programme ! Pour l’instant, je me contente de piocher selon l’humeur du moment.

Nathafi
avatar 20/08/2023 @ 13:18:22

Mon ours préféré n'est pas que conteur, il a aussi une de ces plumes !!!
C'est vrai que c'est une lecture exigeante, il faut s'accrocher, réfléchir, revenir sur les mots qui nous échappent.
Quelle formulation !!!
Bravo mon ours, Martin a raison, tu devrais envisager de faire une oeuvre !

Radetsky 20/08/2023 @ 13:32:18
............. soit opérer une sélection doté d’un fil conducteur cohérent….........................

Dotée !! L'oeuvre est mal partie...

Tistou 24/08/2023 @ 23:30:24
Et moi c'est plutôt à Prosper Mérimée que j'ai pensé, dans l'inspiration, le procédé narratif ...
Très gros morceau que tu nous livres là, Radetsky. Gros en quantité, surtout en qualité. Tu avais déjà évoqué ce sud Tyrol, là tu vas davantage dans le détail. Et quel détail !
Pour la préoccupation de la situation misérable de la petite paysannerie, on pourrait également évoquer Pierre Jourde et son Pays perdu.
Que des belles références !
Tu nous avais déjà démontré l'étendue de tes qualités d'écriture, confirmation en est donnée ici. Qualité d'âme également, qui a su comprendre l'importance et l'exceptionnel du monologue recueilli.
C'eût été dommage que tu ne nous le proposât pas !

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