Marvic

avatar 17/08/2023 @ 18:51:54
Se souvenir des belles choses. Cette attitude fréquente (et salutaire), j’en ai pris conscience  en entendant des copains, qui à peine terminé leur service militaire, échangeaient en riant leurs souvenirs les plus drôles loin de ce qu’ils racontaient quand ils étaient sous les drapeaux.
Je n’irai pas jusqu’à comparer ce dernier avec mes quatre semaines annuelles de colonie de vacances, bien sûr, même si certaines règles appliquées il y a presque 60 ans, relevaient d’une organisation quasi militaire.
Un autre phénomène curieux est la subjectivité des souvenirs. Il est maintenant avéré que la majorité de nos souvenirs sont erronés. J’ai la chance d’avoir deux sœurs qui me suivent de très près et c’est à chaque fois une surprise voire une incompréhension quand nous confrontons nos souvenirs, ou nos ressentis ; à se demander si nous avons vécu les mêmes choses.

J’allais avoir 6 ans dans quelques semaines. Année de grands changements puisque j’ entrerai à la « grande école » à la fin de l’été. Quant au début de l’été, toute la famille avait aménagé dans un nouveau logement dans la ville voisine.
Mais celui qui marquera le plus cette année, fut « ma » première colonie.
Je ne suis pas sûre d’avoir compris ce qui se passait quand, munie d’un petit sac à dos, je montai seule dans le car. Pas bien compris non plus pourquoi mes sœurs et ma maman restaient sur le trottoir , en agitant leurs mains.
La première chose que nous faisions, et que j’ai vu faire ensuite de façon quasi systématique, c’est l’inventaire de son sac, la comparaison avec son voisin, les copains et si friandise il y avait, commencer à se régaler à peine le moteur démarré.
Mais n’anticipons pas, j’étais bien loin des ces sorties pendant lesquelles j’emmènerai en sortie scolaire des centaines d’enfants.
Peu de souvenirs du premier trajet en car. L’ arrivée à la gare était plus compliquée et la première inquiétude était palpable parmi les encadrants. Étape à Paris pour manger au siège social de la société avant de reprendre le train jusqu’au Jura.
Monter dans un train, quelle expérience ! Nous voilà regroupés puis installés dans des compartiments dans lesquels nous allions passer la nuit. Quelques parties de Jeu de 7 familles, de Bataille, puis allongés sur les banquettes, ou par terre, les plus téméraires dans les filets à bagages, nous nous laissions bercer par le rythme nous faisant presque oublier le baiser du soir de maman.
Réveil difficile à la gare puis nouveau trajet en car qui nous semblait chaque année interminable à travers la campagne à quelques dizaines de kilomètres de Dole.
Seul aperçu de la région que nous aurions pendant notre mois de juillet.

Et nous voilà au « Château «  que nous trouvions impressionnant ; nous pouvions enfin savoir avec qui nous allions passer nos vacances et qui serait notre monitrice.
À cette époque, pas de mixité chez les colons ni chez les monos, une aile pour les filles, une pour les garçons, comme à l’école.
Nous écoutions sagement le règlement, que tous les enfants des plus petits aux plus grands respecteraient.
Les journées étaient aussi organisées que les journées d’école (non, non, je ne comparerais pas avec les journées militaires!)
Lever à 8h, et à 8h30 pile, tous les colons par équipe rangés deux par deux au bas du perron.
La dernière équipe arrivée avait le droit à l’humiliation de la chanson :
« traîne, traîne, traîne donc, c’est le refrain de la limace…. »
L’entrée au réfectoire n’avait lieu qu’une fois toutes les équipes alignées. Matin, midi et soir. Nous apprenions bien vite à entrer parmi les premiers pour ne pas être le « bouche-trou » à une table d’une autre équipe.
J’en retiens le brouhaha des grandes salles aux hauts plafonds ; mais aussi l’odeur délicieuse du petit-déjeuner, du chocolat chaud et des énormes tranches de pains frais.

Suivaient les ateliers de travaux manuels le plus souvent à l’extérieur, disséminés dans le parc.
Le local à fournitures était pour moi, une caverne d’Ali-Baba quand j’étais chargée du matériel.
C’est curieux mais je n’ai pas de souvenir de mauvais temps sur les 8 mois de juillet passés en colonie.
Une fois par semaine, 30 mn consacrées au courrier. Les enveloppes déjà préparées par les parents.
La distribution elle, était quotidienne ; quel suspense.
Les après-midi aussi manquaient singulièrement d’originalité.
Après la demi-heure de quartier libre dans le parc, l’insupportable et interminable sieste. Selon les années, les monitrices nous autorisaient à lire. Pour d’autres, il fallait être sous le couvre-lit.
Marche à pied et chant pour donner la cadence (non, vraiment, rien à voir avec l’armée vous dis je! )
« dans la troupe, y a pas de jambe de bois…. »
Pause goûter et la surprise de découvrir ce que la monitrice allait sortir de son gros sac : tranche de pain avec une barre de chocolat (même fondu, mon préféré), une pâte de fruit toute collante, où une part de Vache-qui rit.
Au retour, on se retrouvait tous pour la chorale. Des plus jeunes aux plus âgés, nous apprenions, répétions chants et surtout des canons.
« vent frais, vent du matin…. »
Puis le temps des douches, du repos dans les dortoirs, avant le repas du soir. Les plus petits allaient ensuite se coucher quand tous les autres se réunissaient pour la veillée. Assis sur des bancs en cercle, un animateur et des jeux. Je détestais ceux où un ou plusieurs enfants étaient appelés au centre du cercle.
Le dernier moment de la journée, l’un de mes préférés, était celui de la traversée du parc dans la nuit, l’odeur acidulée des buis, le retour sans bruit au dortoir, pour sombrer sans tarder dans un sommeil serein.

Quand je relis mon texte, je m’aperçois que je n’ai pas gardé que des mauvais souvenirs des ces quatre semaines annuelles. Finalement, je sais aussi me souvenir de belles choses.

Frunny
avatar 17/08/2023 @ 19:30:01
Grand merci Marvic !
Tu viens de me faire revivre des souvenirs presque identiques.
Gamin, j’y allais tous les été 1 mois avec ma petite sœur.
Les premiers émois, les chants autour du feu de bois avec les monos le soir. Les copains, les rires, les pleurs, les coups de soleil, les affaires perdues, …
Souvenirs d’été avant de rejoindre les parents pour les vacances aoûtiennes.

Nathafi
avatar 18/08/2023 @ 10:24:39

Chouette, Marvic !
On sent la nostalgie ! Il est vrai que c'était si peu... militaire :-)
Tu décris parfaitement les colos et leur ambiance !

Des retours que j'ai de mes filles, elles sont plus occupées aujourd'hui. La journée est tout de même "heurée", mais le temps calme avant le repas du soir permet aux enfants d'utiliser leurs portables :-)
Et la boum alors ? Elle n'existait pas ? Celle qui a lieu la veille du départ, où chaque enfant a le coeur serré de quitter ses nouveaux copains ?
Merci Marvic pour ce flashback !



Magicite
avatar 18/08/2023 @ 14:01:35
Merci
Quels souvenirs ces pâtes de fruit collantes,ces différents coloris.
Il y a un soupçon qui traîne dès le début, fantasque comme la mémoire, auréolé du bonheur simple de l'enfance.
Et au fil du texte cette replongée au coeur de l'été, inévitable de la précision des faits partagés.
Bravo

Spirit
avatar 18/08/2023 @ 15:08:42
Ho! combien j'aime cette nostalgie, les images s'impriment devant nos yeux. C'est un jolie texte, bravo

Pieronnelle

avatar 18/08/2023 @ 15:25:15
Quelle belle idee ce grand retour dans la mémoire, c'est incroyablement décrit et je suis admirative de tant de souvenirs qui reviennent à cet âge de 6 ans. Mes souvenirs de colos ne sont pas aussi beaux...à chaque fois (2) les séjours se sont termines dramatiquement...Pour le premier ma sœur a eu la diphtérie dont elle a pu guérir heureusemment, pour le deuxième ce fut une maladie inconnue qui ressemblait a la typhoïde...les conditions d'hygiène....
Ta colonie m'a fait penser à la chanson de Pierre Perret "Les jolies colonies de vacances":-)
C'est très visuel et tendre. Merci!

Martin1

avatar 18/08/2023 @ 22:05:20
Assez touchant, ce retour dans la belle époque.
ce qu'il y a de bien dans ton texte c'est qu'on ne peut s'empêcher de chantonner les airs auxquels tu fais référence.
J'ai 26 ans et ma génération ne la connaît. Pourtant, "à la troupe y a pas de jambes de bois", et "vent frais" (chanté en canon, s'il vous plaît) je connais bien, car j'ai été scout d'Europe : et pour le coup, la comparaison avec le service militaire était appropriée dans ce cas

Marvic

avatar 19/08/2023 @ 17:48:32
Merci à tous pour vos chaleureux commentaires ! Où je m'aperçois que je suis passée à côté de ce que je pensais raconter !
J'ai choisi le titre (comme l'a remarqué Pieronnelle) de Pierre Perret pensant faire de l'humour pour raconter ces semaines appréhendées, surtout les 2 ou 3 premières années. La longueur des séjours de 4 semaines, la répétition des journées, les rangées systématiques..., ces séjours étaient une interminable corvée. Même si cela s'est amélioré, j'ai grandi et surtout les centres de vacances ont évolué.
Moi qui pensais avoir écrit un texte sombre :-))

@Frunny
Ravie de partager des souvenirs, et moi aussi, je pouvais ensuite profiter de vacances familiales au mois d'août !
@ Nathafi
Oui, les "colos" ont bien évolué, ne serait-ce que par la durée des séjours, qui sont souvent à thème, avec une grande variété d'activités sportives ou culturelles.

@Pieronnelle
Je comprends que tu n'aies pas de bons souvenirs ! Pour moi, l'infirmerie, c'était une petite visite pour aller se régaler avec une cuillerée de gelée Lasoyl et son délicieux goût de framboise.
Plus vieille, j'y suis restée deux jours,secouant bien le thermomètre pour avoir de la température et éviter de participer à des "Jeux olympiques" !

@Martin1
J'aime beaucoup l'idée de partager des chansons malgré nos 40 ans d'écart;. Et tu as raison, les colonies de l'époque s'inspiraient du scoutisme.

@Magicite
"Il y a un soupçon qui traîne dès le début, fantasque comme la mémoire"
Très pertinent ! Je connais des gens qui ont partagé ces séjours et qui ont des étoiles dans les yeux quand ils en parlent.

Tistou 24/08/2023 @ 22:50:43
En préalable, puisque tu commences par Se souvenir des belles choses, moi ça m'a inévitablement évoqué ça ;

https://youtu.be/m3bQ15NTGVw

Tu connais ?
Et donc tu croyais faire un texte sombre, persuadée que tu étais que tu n'avais gardé que de mauvais souvenirs ? C'est révélateur de la personne que tu es. Tu n'as pu empêcher la face solaire des choses d'émerger.
Pour avoir connu moi aussi, 2 ou 3 ans ? je ne sais plus, un mois de colo en Juillet (un mois ! c'était long quand même) je comprends que tu ne penses pas spontanément à de bons moments. Je le vivais plutôt comme une corvée. Et si je devais écrire là-dessus comment cela finirait-il ? Je crois que j'aurais du mal à mettre en exergue de concrets mauvais souvenirs. Dans ma mémoire c'est plus comme un voile gris qui se rattache à la colo que des faits précis ...
En tout cas tu évoques tout ceci très bien, et à l'instar d'autres critiqueurs, je m'y suis bien retrouvé. Seul bémol, yu as eu manifestement à conclure, à trouver une chute ?
Pour autant c'est un texte réussi, merci.

Marvic

avatar 27/08/2023 @ 18:41:42
En préalable, puisque tu commences par Se souvenir des belles choses, moi ça m'a inévitablement évoqué ça ;

https://youtu.be/m3bQ15NTGVw

J'avais oublié cette chanson; cela va me permettre de re-sortir le CD.
J'aime ces mots "se souvenir des belles choses" que j'ai empruntés à un titre de film de Zabou Breitman.


Dans ma mémoire c'est plus comme un voile gris qui se rattache à la colo que des faits précis ...
En tout cas tu évoques tout ceci très bien, et à l'instar d'autres critiqueurs, je m'y suis bien retrouvé. Seul bémol, tu as eu manifestement à conclure, à trouver une chute ?
Pour autant c'est un texte réussi, merci.

Un voile gris... mots justes !
Quant à la conclusion, la journée était finie, cela me semblait une fin. Mais tu as raison, après réflexion, j'aurais pu finir à la descente du car au retour.

Merci pour ta lecture et tes commentaires !

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