Spirit
avatar 16/08/2023 @ 17:45:08
Le soleil commençait de se lever. C'est étrange comme réveil matin, non pas à cause du levé, quotidien, mais plutôt sa manifestation : un trou en forme de cœur. Il fallait bien sur un peu d'imagination pour y voir un cœur tant il était imparfait mais cela s'en rapprochait tout de même.
La clarté qui passait à travers ce trou/cœur dans le volet de maigre bois, montrait un peu de l'intérieur de la pièce : une chambre. Encore hanté par la noirceur de la nuit elle ne dévoilait rien des coins, recoins et meubles. Elle délimitait des formes plus qu'autre choses . Seul le faisceau de lumière timide pointait quelque chose, un bois de lit qui, petit à petit pris forme en se gonflant et remontant du plat du matelas il apparu être une forme humaine. La montée de la forme fut lente et se fit par palier jusqu'à atteindre son but, la forme émis un souffle d'épuisement et de soulagement comme lorsque l'on arrive au sommet d'une colline après une longue marche. Le trou/cœur éclairait à cet instant le nombril de la forme caché par les draps blancs brodés de nymphes et chifonnès.
La forme émis un long souffle de satisfaction et commença de jouer à l'aide de ses mains avec ce petit rais lumineux qui restait immobile, épousant simplement les mains qui semblaient vouloir le prendre.

La pièce était maintenant plus claire et les formes tout à l'heure fantomatiques se révélaient ;qui une chaise, qui une armoire massive en gros bois comme on en faisait dans le temps, qui un bureau avec tous ses accessoires : sous -mains, bloc notes, stylo à encre, crayon à papier, taille crayons, tout cela poussiéreux, indiquant le lointain usage qu'il en avait été fait. Des vêtements pliés sur un fauteuil. Un lit. Dans ce lit la forme qui jouait toujours avec la lumière, un vieux monsieur. Vieux car cheveux et barbe étaient blanc et de nombreuses rides parcouraient le visage un peu crispé. Il tourna la tête de coté, vers la table de nuit, vers le réveil qui indiquait 6h45. Pas encore l'heure des cachets et du petit-déjeuner. Des grimaces étaient apparues comme sculptées, signes de douleurs intense.
Au dehors commençait à descendre des cieux la dure chaleur d'un mois de juillet particulièrement chaud. Les maisons, volets et portes fermées, tentaient de résister à cet assaut de degrés. Le paysage était figé dans la torpeur et la chaleur s'insinuait seulement par le trou/cœur du volet.
Ce trou/cœur, justement, qui laissait passer son trait de lumière constellé de fines poussières atteignait maintenant le haut du ventre du vieillard. Mais les mains ne jouaient plus avec lui, elles étaient crispées sur les draps blancs semblant vouloir faire corps avec les fibres. La douleur qu'il ressentait alors était si forte qu'il lui était impossible d'articuler un son, un cri. Pendant un laps de temps cette douleur s'amenuisait pour reprendre quelques secondes plus tard. Pendant ce temps la lumière était parvenue au dessous du cœur. Soudain l'on tapa un coup à la porte et une voix chevrotante dit : «  il est l'heure du petit déjeuner, Lucien, tu as bien dormis ? » la porte s’ouvrit en entier et une vielle dame porteuse d'un plateau apparue sur le seuil. « mon dieu Lucien, pas maintenant ». Le plateau touchait le sol en même temps que la vieille dame se jetait vers son mari. Le rai de lumière qui passait par le trou avait atteint le cœur. Dehors la brise transporta une feuille de platane qui vint se coller contre le trou, masquant toute la luminosité et faisant disparaître le trou/cœur.

Radetsky 16/08/2023 @ 18:25:54
Scène "pittoresque", c'est à dire digne d'être peinte : Impressionniste ou Caravagesque ?
La magie de la lumière vient appuyer et confirmer l'inéluctabilité de la fin...
Une tragédie tranquille, en quelque sorte. Bravo Spirit !

Frunny
avatar 16/08/2023 @ 19:46:11
Génial !
Le laser astral comme signe du départ.
Ne doutons pas qu’il s’agisse d’une marque de respect de la Nature envers son serviteur.

Pieronnelle

avatar 16/08/2023 @ 23:15:42
Vraiment trés fort ce texte avec ce rai de lumière soleil s'infiltrant dans le trou/coeur d'un volet.Quelle belle idée les deux coeurs qui se superposent ...coeur à coeur, le dernier rai de chaleur/vie désertant pour toujours celui d'un vieil homme...le "mon dieu Lucien pas maintenant" m'a fait frémir...
Beau texte évocateur ecrit avec recherche...

Nathafi
avatar 18/08/2023 @ 09:37:56

Quelle imagination !!!
Le thème t'inspire, deuxième texte pour "Le coeur de l'été" !
C'est très beau, cette fin plutôt spectaculaire, qui arrive doucement, au lever du jour.
Bravo !

Marvic

avatar 18/08/2023 @ 17:06:21
Je viens de terminer ton tryptique qui est pour moi le plus touchant. Superbes descriptions, le rayon de soleil qui dévoile le décor lentement, et le vieux monsieur qui part, comme si le rayon était venu le chercher à travers le trou/coeur, ou comme s'il l'avait attendu. Superbe !

Martin1

avatar 18/08/2023 @ 22:11:12
Un texte qui répond parfaitement aux exigences.. le coeur et l'été sont présents voire doublement, et (merci d'avoir répondu à la consigne optionnelle!) des nymphes discrètes se cachent sous les draps !
Tu as de l'imagination ! Je suis triste pour ce vieux qui ne peut pas voir la lumière du jour et semble perdu au milieu de ces vétustés

Spirit
avatar 19/08/2023 @ 11:10:15
La vieillesse est un fléau que nous a offert l'éternel pour nous faire payé d'éventuels plaisirs de jeunesse, l'on passe toujours à la caisse il y a du monde derrière..

Radetsky 19/08/2023 @ 11:57:32
La vieillesse est un naufrage (dixit Ch. de Gaulle).
Quant au soi-disant éternel je ne vois pas quelle dette nous aurions à payer, vu qu’il a pris la responsabilité de créer le bordel infâme où nous sommes. Mais il a tellement honte qu’il se planque.
Remarque, lui et son vieux complice le diable ont réussi leur coup, en nous laissant croire qu’ils existaient.

Tistou 20/08/2023 @ 15:27:44
Beaucoup de fond dans ton texte Spirit et une belle mise en oeuvre. Des symboles qui parlent, lumineux oserai-je dire (!), une fin qu'on pressent mais qu'on redoute à la fois et puis zut, elle est bien là cette fin, avec en bonus la feuille qui vient "éteindre" le rai de lumière.
Bien joué. Bien imaginé et bien écrit !

Spirit
avatar 20/08/2023 @ 18:22:12
Merci!

Lobe
avatar 31/08/2023 @ 21:46:43
Il est fort ce texte, il m'a pris par surprise parce qu'il ose avancer des images sans s'appesantir sur l'explication. Parce qu'il crée une ambiance, un lieu qu'on visualise, un mystère qui s'épaissit et dont on sent qu'il ne faut pas se hâter vers la fin, parce qu'elle risque de faire mal. C'est effectivement une chute... opacifiante.

Spirit
avatar 01/09/2023 @ 07:16:37
Merci Lobe C'est gentil

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