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Veille le grand astre qui se consume ; contemple le déclin du jour. Attends que les fraîcheurs de la brume reposent sur toi leurs velours. Veille ce lit de vapeur azurine quand la grive épuise son chant ; et que les méchantes crêtes disséminent les nimbes tristes du couchant. Attends que les nuées tapageuses du soir aient nidifié sur les écueils ; qu’ils aient enfin trouvé leur perchoir, las de danser la gigue sous les feuilles. Par-dessus la canopée, au-delà du clapotis des fontaines ; entends-tu, l’immortel gémissement, l’entrelacs de regrets et de peines ?
Une voix, comme un chandelier d’or, illumine presque la forêt. On aurait dit qu’elle répandait une infinie blancheur sonore.
Les liserons lui ferment leur corolle, et aussi les hiboux leur antre, il est minuit et rien ne déconcentre l’étrange barcarolle ; la désirable et fatale musique remplit d’espérance les cœurs ; mais d’où vient-elle ? Quelle clairière, quel portique, où se tient ce sylvestre chœur ? Sa douce voix te perd dans les sentiers ; aucune souche ne la porte. Aucune rivière ne baigne ses pieds ; aucun de tes cris ne lui importe. Partout les yeux d’ambre de la faune s’éteignent à ton approche. Les farouches se tapissent sous les aulnes ou détalent sur les roches. Et la voix pourtant continue à chanter ses iambes par centaines ; accoudée, songeuse, peut-être nue, sur la margelle d’une fontaine. Séduisant par ses psaumes forestiers, tous les satyres à portée de sa gorge ; tous les amoureux fous dont regorge, le pays des amitiés.
Dis-lui « Que chantes-tu, ange mauvais, faune, dryade ? Appelles-tu la pluie ? Veux-tu reverdir les herbes ? Pleures-tu la mort d’un cerf ? A quoi bon, vraiment, lancer cette gerbe dans ce verdoyant désert ? »
Mais tu cherches et tu tournes sur ton propre pas ; tu t’épuises en sentiers, en fougères, en charmilles ; et bientôt tu te foules la cheville, et tu ne te relèves pas. Allongé sans espoir parmi les sauges, et respirant le pétrichor, le nez en terre, tu entends encor, éternellement dans ta bauge… une sublime mélodie qui envoûte l’orée du bois. Sois maudit, voyageur, sois maudit, si tu t’éprends de sa voix !
Une voix, comme un chandelier d’or, illumine presque la forêt. On aurait dit qu’elle répandait une infinie blancheur sonore.
Les liserons lui ferment leur corolle, et aussi les hiboux leur antre, il est minuit et rien ne déconcentre l’étrange barcarolle ; la désirable et fatale musique remplit d’espérance les cœurs ; mais d’où vient-elle ? Quelle clairière, quel portique, où se tient ce sylvestre chœur ? Sa douce voix te perd dans les sentiers ; aucune souche ne la porte. Aucune rivière ne baigne ses pieds ; aucun de tes cris ne lui importe. Partout les yeux d’ambre de la faune s’éteignent à ton approche. Les farouches se tapissent sous les aulnes ou détalent sur les roches. Et la voix pourtant continue à chanter ses iambes par centaines ; accoudée, songeuse, peut-être nue, sur la margelle d’une fontaine. Séduisant par ses psaumes forestiers, tous les satyres à portée de sa gorge ; tous les amoureux fous dont regorge, le pays des amitiés.
Dis-lui « Que chantes-tu, ange mauvais, faune, dryade ? Appelles-tu la pluie ? Veux-tu reverdir les herbes ? Pleures-tu la mort d’un cerf ? A quoi bon, vraiment, lancer cette gerbe dans ce verdoyant désert ? »
Mais tu cherches et tu tournes sur ton propre pas ; tu t’épuises en sentiers, en fougères, en charmilles ; et bientôt tu te foules la cheville, et tu ne te relèves pas. Allongé sans espoir parmi les sauges, et respirant le pétrichor, le nez en terre, tu entends encor, éternellement dans ta bauge… une sublime mélodie qui envoûte l’orée du bois. Sois maudit, voyageur, sois maudit, si tu t’éprends de sa voix !
Poème en prose, belle langue, belle scansion exaltant les émotions, les images. On dirait une vieille légende germanique. Ne manque que Wagner... Félicitations Martin !
Voilà un texte plein de fougues. A écouter sous les sons d'une lyre et d'une flute. On penserait à un parchemin retrouvé abandonné depuis des siècles. Les mots font une douce musique. Très beau texte Martin.
Excellent….
Je cherche le coupable .
Serait ce un pyromane ou le feu lui-même ?
Je cherche le coupable .
Serait ce un pyromane ou le feu lui-même ?
Envoûtant, de tres belles phrases "Par-dessus la canopée, au-delà du clapotis des fontaines ; entends-tu, l’immortel gémissement, l’entrelacs de regrets et de peines ?" Puissance de la Nature sur les sens, la folie n'est pas loin dans la recherche de l'inaccessible...ou de l'intouchable ! C'est beau !
Merci à tous !
Je n'ai pas compris ce que tu veux dire, Frunny.
Je cherche le coupable .
Serait ce un pyromane ou le feu lui-même ?
Je n'ai pas compris ce que tu veux dire, Frunny.
"Barcarolle", j'adore ce mot Martin !
J'avoue avoir fait plusieurs allers vers le dictionnaire, tant ton texte est riche en vocabulaire peu commun !
C'est très joli, une immersion dans la forêt où nymphes et autres créatures gardent possession des lieux, et refoulent
les curieux.
Bravo Martin !
Merci Nathafi!
La première fois que j'ai vu ce mot, c'est en découvrant la barcarolle de juin de Tchaikovsky :
https://www.youtube.com/watch?v=SBtcFtETrjQ
Il sera dans mon esprit toujours attaché à ce joli morceau.
La première fois que j'ai vu ce mot, c'est en découvrant la barcarolle de juin de Tchaikovsky :
https://www.youtube.com/watch?v=SBtcFtETrjQ
Il sera dans mon esprit toujours attaché à ce joli morceau.
Moi aussi je suis allée chercher quelques définitions ; j'essaierai de retenir "pétrichor". Et suis allée écouter La Barcarolle que tu as mis en lien.
Quel plaisir de lire ces mots rares, d'entendre leur musique.
J'ai pensé à Ulysse et les sirènes. Un voyageur, un chant...
Très beau voyage Martin1
Quel plaisir de lire ces mots rares, d'entendre leur musique.
J'ai pensé à Ulysse et les sirènes. Un voyageur, un chant...
Très beau voyage Martin1
Plus que le "coeur de l'été" ce sont les innommées nymphes qui sont le sujet de ce texte original, proche de la poésie en prose. Gare au voyageur de la forêt qui se laisse envoûter ! Ulysse et ses sirènes, pas loin.
Original et beau.
Original et beau.
Cela commence comme une invocation, se poursuit en ferveur comtemplative.
En réponse une péremptoire présence primale, paienne...appel de sirène, de la nature qui brille sans décorations avec étrangeté.
Belle écriture poétique avec du sens, bravo.
En réponse une péremptoire présence primale, paienne...appel de sirène, de la nature qui brille sans décorations avec étrangeté.
Belle écriture poétique avec du sens, bravo.
Je me disais bien que je n'avais pas tout commenté du précédent appel à textes, alors que sonnent déjà les sirènes du prochain !
C'est effectivement un poème, avec rimes et rythme. Une brassée de beaux mots rares, je ne me lasse pas du petrichor (je te partage sa cousine : la géosmine !). On cherche le sens, et puis finalement ce n'est pas si important, il y a le flot, il y a les images, et le souffle.
C'est effectivement un poème, avec rimes et rythme. Une brassée de beaux mots rares, je ne me lasse pas du petrichor (je te partage sa cousine : la géosmine !). On cherche le sens, et puis finalement ce n'est pas si important, il y a le flot, il y a les images, et le souffle.
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