Pieronnelle

avatar 15/08/2023 @ 17:50:40
Assis sur un carré de mousse noir il serre dans ses bras un petit chien hirsute qui le regarde avec reconnaissance et amour…Il fouille dans les poils courts à la recherche de tiques suite aux ballades dans les forêts touffues. Son regard clair qui se lève vers nous est chargé de tant de mystère que seuls les sourires peuvent lui répondre. On ne sait d'où viennent les interrogations, de lui, ou de nous un peu interdits. Il a beaucoup plu les jours précédents, comment a-t-il réussi à traverser la tempête, en vélo , avec son petit chien qu'il tire dans une petite remorque couverte… Truffe porte bien son nom, il a huit mois et d’une race inconnue qui le rend unique.. Dans la petite cantine du camping où ils se sont refugiés pour sécher, ils se pressent l’un contre l’autre pendant que le maître parle un peu de son voyage. Et pas n’importe quel voyage ! Parti du centre de la France vers l’Estonie, Finlande, Suède et encore plus loin…En vélo ! Il faut le pousser un peu , il n’est pas du genre à étaler ses errances. Dans ses yeux on lit les épreuves mais aussi les joies et l’admiration lors des découvertes. La Nature est son adrénaline ,l’effort pour la découvrir et s’y réfugier une récompense. Ce qu’il nous offre ce n’est pas un voyage c’est un peu d’une vie solitaire qui erre dans un monde où tout est à découvrir . C'est comme une fringale permanente ,une faim inassouvie…
Le pourquoi ?

Lorsqu'il a fermé la porte, il eut le sentiment que tout s’effaçait derrière lui...Deux jours avant il avait récupéré au chenil le petit chien roux qu’il avait remarqué avec sa truffe amusante et surtout presque suppliante. Il ne voulait pas partir seul et désirait choisir son compagnon auquel il donna immédiatement le nom de Truffe. Il l’installa dans la petite remorque plutôt confortable dans laquelle il pouvait également déposer un sac. Ah, le choix du sac ! Il partait pour longtemps et aussi loin que son envie et sa force le permettraient. Cette envie il la sentait monter en lui depuis si longtemps, mais les encombrements de sa vie la relayaient à chaque fois au fond d’une sorte de sac où s’accumulaient les déceptions, les souffrances, les erreurs surtout...Et le hasard, que certains pourraient nommer destinée, lui avait ouvert un chemin de liberté imprévu, bien que douloureux. Dans son cœur il senti encore la blessure, mais furtive, vite relayée dans un endroit inconnu de lui...

Ce départ s’était alors imposé comme une évidence. C’était l’été, et comme il n’aimait pas beaucoup la chaleur, ces pays scandinaves et du bord de la Baltique auxquels il rêvait souvent, surtout dans son adolescence, lui avaient tendu les bras. Il n’aurait jamais cru s’enfoncer dans ce rêve avec autant de bonheur. Les circonstances, à l’origine de cette décision, imposaient la nécessité d’une épreuve et l’idée du vélo avait jailli comme une délivrance. Ce furent des épreuves ; dont jusqu’à présent il était sorti vainqueur avec son doux compagnon, aussi heureux l’un que l’autre de parcourir cette nature aussi librement...

Hé là ! tu es fascinée ça se voit, mais il faut partir, Gaspard lui, va continuer dès l’arrêt de la pluie ; tu as entendu, il a lancé en défi de parcourir tous les pays du Nord en vélo, en six mois, juste avant de partir travailler en Australie pour longtemps et surtout dans des grands buildings !

Gaspard est sorti, en souriant, portant Truffe dans ses bras ; il a même voulu faire une photo avec nous, pour le souvenir, mais moi je l'aime pas trop car dessus j'ai une drôle de mine...

Frunny
avatar 15/08/2023 @ 19:36:17
Complicité de 2 destins chahutés que l’aventure va souder à jamais.
Belle prose Pieronnelle.

Radetsky 16/08/2023 @ 18:31:25
Les coeurs généreux trouvent toujours un remède à la cruauté du monde.
Sensible et tendre. Merci Piero pour ce conte émouvant.

Martin1

avatar 16/08/2023 @ 21:11:41
Moi aussi, à une époque j'ai voulu tenter un voyage aventureux, parce que j'ai senti que c'était le moment.
Finalement, j'ai voyagé mais pas de façon aussi "extraordinaire" que je ne l'avais voulu, que je ne le désire peut-être encore.
Le temps passe et je commence à m'enraciner... dans le bon et le mauvais sens du terme.
Je crois que je préfère le compagnon humain au meilleur ami de l'homme mais cela pourrait changer un jour.

Texte amusant, touchant, et la naissance d'une heureuse amitié faite d'aventures partagées.

Spirit
avatar 17/08/2023 @ 11:05:39
Tendre duo ou l'affection est présente, voyage au travers des sentiments.

Nathafi
avatar 18/08/2023 @ 09:48:34

Piero, ton texte m'évoque le périple de Guirec Soudée, un navigateur qui a fait le tour du monde à la voile avec Monique, une poule :-)
Bien lui en a pris, elle lui a sauvé la vie en pondant malgré les conditions extrêmes, notamment au Groënland !

Très touchante ton histoire, Gaspard ne se sentira jamais seul avec son compagnon, il sera son refuge affectif lors de cette fuite en avant.

Merci Piero !


Marvic

avatar 18/08/2023 @ 11:53:09
Que cette douceur fait du bien ! Ces rencontres dues au hasard, qui pour une fois fait bien les choses
Un homme très sympathique ce Gaspard, entre le lien qu'il a avec son chien, le choix de son périple en vélo, ses échanges avec des campeurs intrigués.
Une situation vécue ?
Et un grand sourire à la lecture de la dernière phrase !
"Gaspard est sorti, en souriant, portant Truffe dans ses bras ; il a même voulu faire une photo avec nous, pour le souvenir, mais moi je l'aime pas trop car dessus j'ai une drôle de mine.."
Une réussite !

Tistou 20/08/2023 @ 15:20:37
Oui, tout ça ressemble fort à du vécu. Récent et même certainement très récent. Histoire d'une rupture, rupture d'avec la vie telle qu'elle s'est engagée pour Gaspard et qu'il a su stopper pour voir et faire autrement. En plus, ça tombe bien, les voyages forment la jeunesse !
Par contre il va bientôt être confronté à un sacré dilemne le gars Gaspard. Emmener Truffe en Australie risque d'être autrement plus compliqué !
Je comprends mieux les reproches de vision noire que tu as portés à mon texte quand je lis le tien, plutôt "feelgood". Tant mieux mais j'ai beaucoup de mal à avoir une vision positive de l'évolution du monde ces derniers temps !

Lobe
avatar 31/08/2023 @ 21:41:26
Ils font rêver ces périples à deux roues, à la force du mollet. Le vélo permet, je trouve, de voyager à une bonne vitesse, de "glisser" dans le paysage en s'en imprégnant, tout en avançant (la marche, ça piétine un peu plus ^.^). J'étais très heureuse de lire ce texte où le duo Gaspard de la pluie/Truffe humide met du baume au cœur. Et puis les discussions de camping et les tempêtes à traverser, ça me parle à bloc, après des vacances en partie sous tente et sous le vent !

Magicite
avatar 01/09/2023 @ 09:54:35
Voyager ouvre à la découverte, s'ouvrir à l'autre c'est voyager avec lui. J'aime bien le rythme du premier paragraphe, il y a du contenu qui donne l'impression de pouvoir être déroulé pour plus de détails. Comme "Le pourquoi ?".
Un joli instantané de voyage/aventure avec ses personnages en paysages, aperçu d'un large panorama.

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