Magicite
avatar 13/08/2023 @ 07:30:54
Les flammes brûlent les masures de pierres et fait pleuvoir des épines de cendres les toits en chaume, roussit les genêts séchés et liés en fagots d’allumettes. L’air tinte en cloches d’airains inaudibles et les arbres tout alentour sont des mâts cramant dont les ramures dégradées de brasillements pendeloquent en flamboyances telles bras de marionnettes désespérées, chiffons orange et cramoisi, membres se ballottant une frénétique gigue syncopée.
L’accordéoniste pianote vigoureusement, le trombone à coulisse et la flûtiste avec.
Les villageois virevoltent et bondissent au son de l’orchestre des danses sans âges.
Les mains et les bras alternent qui s’étreignent ploient ou pleint leurs charnières, à l’unisson chaotique un genou, une cheville, un caraco, une casquette inscrivent dans l’air de voltes arabesques. Le cuivre resplendit pétrole et or dans les faisceaux des lampes.
Les parents, les enfants, les mémés et les toutous s’empoignent et s’entraînent sur la place de l’église. Toute cette chaude nuit secousses variées à tout styles passés qui vinrent à venir pour les danseurs pleins de grâce ou de son échec.Valse, quadrille, écossaise et d’autres régionales, et de trois et de quatre et de deux et aussi à droite et à gauche. Et sauter. En avant se cuire le front, en arrière s’en ébouillanter à grosses gouttes suintantes.

L’essaim de la fournaise galopante stupéfait les habitants des fermes. Dans leurs étables et poulaillers, abris et cabanons d’élevage s’égaille en torrent tonitruant toute la ménagerie puis s’esbigne à la menace sifflante et caquetante des planches et haies en torches vomissant fumées. Champs et arbres consumés par la brûlure du feu bondissant puis tâtonnant des taillis aux foins murs et chemins.
Il se vient à venir à présent des citoyens dans Paris la grande ville capitale de la France.
« Depuis vingt-quatre heures, les enclumes retentissaient sous les coups redoublés du marteau. Tout le fer est forgé en instruments de carnage; le plomb bout dans les chaudières, et arrondi en balles; des batteries sont dressées dans les postes les plus exposés à l'attaque et les plus favorables à la défense; des faulx tranchantes, des lames acérées sont fixées au bout de longues perches, des haches pesantes, de lourdes massues arment des bras nerveux ; dans les rues, dans les promenades et sur les places publiques, des guerriers de tous les âges, des machines de mort de toutes les formes ...»
Avec des mortiers, bouche à feux, parfois les mains à nue le peuple de Paris exige sa subsistance et démontent quelques pierres des murs sous le soleil étouffant de juillet.
L’alerte se propage hébétée dans les campagnes, les vallées et les routes goudronnées chasse l’amour, la paix, l’amitié et les familles endeuillées vers une rescousse illusoire.
Au dessus de la cohue des survivants des nuages sombres s’amassent.

Ceux qui peuvent courir, accrochés à ce qui leur reste et tantôt essuyant du revers d’un coude ou d’une main l’amer de la sueur, des larmes ou toussant la puanteur toxique des gaz, vapeurs du dragon immense qui les chasse.
La guerre ravage depuis tant d’horreur si longues que le temps même n’est plus que l’urgence.
Les bombes explosent sur les façades. Ricochent des billes, des balles, des obus et fusées guidées pour tuer, éventrer des quartiers. Les mires prolongent le fût du fusil et derrière le bras et l’œil, derrière la haine les mâles on peur quand ils avancent et reculent au front du feu. Les habitants de l’Ukraine envahie menacés et meurtris de la folie d’un chef de guerre.

Magicite
avatar 13/08/2023 @ 07:31:46
Les survivants se dirigent ensemble vers la rivière et descendent comme ils peuvent les cours d’eau ballottés dans flot du lit, sauvegardés des fureurs des bras ondulants des flammes.
En mer des noyés dans leur voyage d’infortune, peu de refuges pour ceux qui traversent. Migrants longs arrivants peu arrivés.
Flotter à la plage les yeux fermés aux flashes vidéos des infos, oublier les disparus.

Il arriva qu’ils arrivèrent à arriver aux berges. Pas encore sortis d’auberge ils avisèrent une piste longeant le parcours fluvial.
Malgré les peines et les heurts intérieur la mansuétude d’épaules qui se choquent, l’empreinte d’un pas précédant sur la piste, le regard croisé ou fuyant, le souffle ou halètement d’un proche voisin apparaît parfois en couverture enveloppante et rassurante. Celle de partager si ce n’est souvenir de joie, rire ou promesses l’instant de réconfort intime.
Ils marchent groupés ensemble sans entrain, vers l’espoir à l’horizon en oubliant le soleil obscur qui talonne de son cœur d’été infernal en fusion.
Des esprits portés à blanc de l’ire d’une forge de haine échauffe le macadam, le couvre de sang ardent, d’actes inique. Émeute et excuse, rage et ruine, encore plus de bûches dans le feu qui alimente les foyers.

Ils pleurent de voir les cités. Ses blessés et morts, la morsure de feu des guerres aux familles peinés.
Des enfants harcelés, suicidés. Le bras levé pour mieux respirer une clameur emplie de tristesse. Les injustices en Amérique, des talibans ou en Iran et un peu partout.
Les larmes fondent les visages pour noyer avec les cascades du cœur la volatile fournaise conquérante, totalitaire. Ils pleurent sur le sol sale de noirci, la tonsure de l’herbe désintégrée, les décombres fumants et les remugles prolongés par la chaleur.
Si on en croit l’histoire s’amenuise les falaises de flammes, contre l’extension conquérante de l’incendie. Le charbon des braises sous pression tourne en diamants, amoncelés en digues ignifugées parcourues de riches scintillements si l’on croit ce qui est conté.
Quand les trognes s’apaisèrent et aussitôt que furent séchés les derniers minois et le souffle redevenu bouillant un curieux chœur s’élève dans l’été.
Des chants et ‘Hola! HO’ ainsi que prénoms et épithètes se communiquent. Les champs résonnent des ‘toc’ de planches clouées, poutres que l’on hisse et cri de ho-hisse. L’air bruisse partout de la présence grouillante sur la terre fertilisée à l’épreuve du feu comme ces âmes d’été abreuvées de sources fraîches. Se font entendre à nouveau les oiseaux, le daim revient rogner les mousses reformées de son museau rêche. Même l’écureuil se prépare pour l’hiver comme il a toujours fait, comme il peut.

Spirit
avatar 13/08/2023 @ 12:18:40
Ton texte reflete magnifiquement la folie et le désordre puis l'acalmie et un retour: "à la normale " ? j'ai beaucoup aimé

Radetsky 13/08/2023 @ 15:58:40
Uchronie ? Cauchemar, prophétie….? C’est l’Apocalypse revisitée que tu nous sers. Impressionnant de réalisme. Le rythme infernal des images et des sons m’a fait songer à l’écriture de Claude Simon. Une réussite.

Martin1

avatar 14/08/2023 @ 11:44:51

Quand les trognes s’apaisèrent et aussitôt que furent séchés les derniers minois et le souffle redevenu bouillant un curieux chœur s’élève dans l’été.
Des chants et ‘Hola! HO’ ainsi que prénoms et épithètes se communiquent. Les champs résonnent des ‘toc’ de planches clouées, poutres que l’on hisse et cri de ho-hisse. L’air bruisse partout de la présence grouillante sur la terre fertilisée à l’épreuve du feu comme ces âmes d’été abreuvées de sources fraîches. Se font entendre à nouveau les oiseaux, le daim revient rogner les mousses reformées de son museau rêche. Même l’écureuil se prépare pour l’hiver comme il a toujours fait, comme il peut.


Waw.

Franchement, là pour le coup, Magicite, nonobstant les fautes (signe de l'élan créatif, j'imagine), tu m'épates.
C'est une écriture qui dévale la page comme un quadrige de mort...
Tu es sûr que ça va ?
En tout cas, j'aime beaucoup ta version de l'Apocalypse

Cyclo
avatar 14/08/2023 @ 15:02:38
Ben oui, la guerre ressemble toujours à l'Apocalypse. Mais ça ne dure pas éternellement. Oui un texte à retravailler pour éliminer les scories orthographiques. il pourrait être parfait !

Frunny
avatar 14/08/2023 @ 19:30:00
Ça m’a fait penser au 12 juillet 1518 à Strasbourg…. Des personnes qui dansent jusqu’à la mort. Après, ton texte prend son envol et une dimension géopolitique plus large.
Superbe prose Magcite!

Radetsky 14/08/2023 @ 21:04:25
Ça m’a fait penser au 12 juillet 1518 à Strasbourg…. Des personnes qui dansent jusqu’à la mort. Après, ton texte prend son envol et une dimension géopolitique plus large.
Superbe prose Magcite!
Oui, je pense au « Terra Nostra » de Carlos Fuentes.

Nathafi
avatar 18/08/2023 @ 09:19:00

C'est du grand Magicite que voilà !
Je trouve ce texte très bien structuré, par rapport à certaines de tes productions précédentes, qui avaient tendance à partir dans tous les sens.
Ici c'est plus condensé, ton écriture est percutante et les images sont vives.
Bravo Magicite !

Marvic

avatar 18/08/2023 @ 16:21:06
J'avoue avoir trouvé à la première lecture, les premiers paragraphes assez hermétiques. Un peu perdue entre le feu, le bal, la guerre. Il m'a suffit de prendre le temps pour comprendre combien ce texte était dense, terrible. Et combien ton écriture donnait de la force à ton récit en rouge et noir, le feu, la guerre, la mort... Un texte puissant et marquant. Superbe

Tistou 19/08/2023 @ 18:55:37
Il faut souvent accepter de se laisser balloter avec Magicite. Ce texte ne fait pas exception. Dommage "Le bruit et la fureur", ce titre a déjà été pris, sinon ... !
Ca reste objectivement toujours un peu hermétique mais ce n'est pas ça qui compte ; c'est l'impression finale et l'état dans lequel on émerge de la lecture. C'est réussi, on est bien bousculé !

Pieronnelle

avatar 27/08/2023 @ 18:48:46
Hou là ! Du pur Magicite mais, oui, dans lequel on est embarqué dans le feu, les flammes de guerre, la haine, , la folie, les danses kabalystiques... la tête tourne et sombre dans le désespoir , jusqu'à...cette fin merveilleuse qui redonne envie de vivre...ouf !
J'espère que tu vas mieux, je me rappelle que tu as eu des moments difficiles...ton texte est explosif et merveilleux dans le tragique !

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