Radetsky 05/07/2023 @ 10:31:12
PREMIERE EPOQUE


«Tu as de beaux yeux, tu sais...» dit-il à celle qui l’attendait après qu’il fut parti assister à la séance de la Convention, où il affronterait toujours plus vivement le clan hostile des Barras, Talien et consorts.
Marie-Eléonore Duplay fixait Maximilien, à la fois éperdue et terrorisée.
On était en Messidor, l’initiative de ce qui ressemblait de plus en plus à une curée se voulait masquée et s’appuyait sur l’éternel marais des suivistes, des opportunistes, des combinards. Ils apporteraient leur soutien à qui leur ôterait enfin cette l’atroce crispation des tripes : la terreur.... La Grande Terreur de l’An II.
L’austère et glacial Maximilien Robespierre, cachait un coeur de feu. Celle qu’il adorait et dont il disait à qui voulait l’entendre qu’elle «saurait mourir comme elle sait aimer», contempla le visage tiré de son compagnon et lui désigna la porte de la petite chambre où un hamac avait été installé dans lequel il avait coutume de se jeter lorsqu’il travaillait jusqu’à des heures avancée de la nuit, plutôt que de risquer d’amputer le sommeil de sa belle.
Un pli cacheté était posé sur le fond du hamac... Les cires étaient muettes mais il reconnut l’écriture ferme et droite du général R. de T.. Ce dernier avait bien connu le père de Maximilien et avait gardé une vive estime pour sa famille. Quoique placé hors cadre après quelques succès remarqués aux armées du Nord, il avait à plusieurs reprises proposé son aide à Maximilien afin de le mettre à l’abri si des vents mauvais devaient se lever.
Mais on se doute que Robespierre n’en ferait rien et qu’il affronterait le sort, avec ses compagnons du Comité de Salut Public...
On connait la suite...
Marie-Eléonore but le calice jusqu’à la lie. Elle finit sa vie recluse, en compagnie de sa sœur et s’éteignit en 1832. le restant de son humble existence ne fut qu'un halo de chagrin et de nostalgie des jours heureux vécus en compagnie de Maximilien.
Inhumée au père Lachaise, elle y repose encore...............................

SECONDE EPOQUE

Novembre 1945, Paris
Main dans la main, ils abordèrent les pentes du Mont Valérien en se dirigeant vers les tombes encore fraîches des suppliciés.
Maximilien avait tenu à raconter à Lise, sa compagne du Maquis, l'histoire qui se murmurait dans sa famille depuis les temps de la Révolution : il était un fruit lointain des amours entre Marie-Eléonore Duplay et Maximilien Robespierre. Ainsi cette tradition consistant à prénommer l'aîné des enfants mâles Maximilien, et l'aînée des filles Eléonore, bien que les mariages successifs aient effacé les noms d'origine, la coutume avait perduré.
Et le lointain sacrifice de Maximilien trouvait en ce jour une étrange postérité...

Ils arrivèrent près d'un monticule fraîchement recouvert de fleurs, dominé par une simple croix de bois sur laquelle était fixé un petit rectangle blanc de tôle peinte portant ces mots :
Eléonore RIcher
1903 - 1944
Membre du réseau "Convention"
Dénoncée à la Gestapo en avril 1944
torturée puis fusillée ici le 12 mai 1944

...Maximilien, serrant la main de Lise et l'attirant contre elle dit alors dans un sanglot : "c’était ma Maman"

....Ils baissèrent les yeux...

Spirit
avatar 05/07/2023 @ 11:04:50
Super, j'ai l'impression de lire un récit historique plein de rebondissements et d'amour. La transition est bien faite et les personnages attachants. Tu t'en ai bien tirés avec tous ces élements improbables.

Radetsky 05/07/2023 @ 11:14:45
Merci Spirit...mais c'est plein de fautes de frappe !!

Pieronnelle

avatar 05/07/2023 @ 11:36:00
Ah il fallait le faire ! Histoire d'amour entre Maximilien Robespierre et une Marie Eleonore Duplay, ; c'est vrai ? Que ça le soit ou non c'est beau et tellement bien placé dans l'époque ! On est bien dans le moment clé ou tout va basculer à cause de la Terreur, ça semble évident et le lieu, près du hamac est émouvant...l'heroïne se retrouvera donc au Pére Lachaise où l'histoire suivante va s'intégrer...
Question de prénom qui se retrouve de génération en génération (bizarre comme moi:-), jolie et émouvante scène sur le final...
Chapeau Rad !

Radetsky 05/07/2023 @ 12:52:10
Elèonore Duplay a bien été la chérie de Robespierre…le reste coulait de source en quelque sorte. :)

Marvic

avatar 05/07/2023 @ 22:01:46
Beaucoup de tristesse dans ces périodes de l'Histoire; souffrances intemporelles dans la perte d'un être cher, un mari, une maman, au travers de ces deux récits historiques très bien écrits.
Moi aussi j'ai transmis les prénoms au travers des siècles.

Martin1

avatar 06/07/2023 @ 18:01:14
J'ignore à quoi ressemblait cette Eléonore Duplay mais je serais curieux de savoir quel genre de femme c'était
Oui, Barras et Tallien auront raison du bougre! La seule personne en France à regretter 1793, à espérer y être encore !
A contrecourant complet de ses contemporains, comment s'étonner qu'elle se destine au reclusoir.
Jolie ellipse dans la révolution de France, bravo !

Tistou 07/07/2023 @ 08:11:06
Les liens du sang auront joué finalement un rôle important dans la liaison de nos deux parties décalées de quelques 160 ans dans le temps. C'est le cas très clairement chez toi, comme chez Marvic, que je viens de lire, comme beaucoup d'autres ...
Que l'Histoire t'ait inspiré (et Martin1 tout pareillement) - vues les époques ciblées - rien d'étonnant à cela.
On reconnait aussi ton souci du détail et de la précision historique. Le tout dans une relation bien coulée qui se lit avec curiosité et sans accrocs.
Bon, pour quelqu'un jusqu'ici rétif au concept du "direct", c'est une réussite ! Et on ne remarquera pas, ou si peu, que tu te sois autorisé une remise de peine au lendemain matin. C'était pour la bonne cause et pour un très beau résultat.

Nathafi
avatar 07/07/2023 @ 08:48:29

On en apprend, des choses ! J'ai trouvé une représentation d'Eléonore, cette dame avait l'air très douce.
On sent bien la patte d'ours dans ces histoires, tu en connais un rayon !
Jolie trame et belle transition !

Radetsky 07/07/2023 @ 09:40:35
On a une notice ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/…, en vertu de laquelle on dit d'Eléonore tout et son contraire.
J'ai fait le pari de l'amour entre deux jeunes êtres (35 ans pour Maximilien, 25 pour Eléonore) qui voulurent rester profondément humains en une époque surhumaine et inhumaine.
On ne saura jamais...pas de "mémoires", aucune lettre ; mais c'étaient deux taiseux discrets à propos de leur vie intime.
L'imaginaire doit prendre le relais....

Lobe
avatar 09/07/2023 @ 09:36:09
Pour un premier direct, avec des contraintes à foison et pas des plus évidentes, tu t'en sors comme un chef. Une écriture qui coule comme une évidence dans le premier paragraphe, un cadre historique peint avec précision... La seule chose qui m'a fait tiquer, c'est le sanglot dans la voix du jeune Maximilien. Parce que c'est tellement plus commun de prêter une "sécheresse d'émotions" à la gent masculine de ces années-là. C'est bienvenu que ce ne soit pas le cas dans tes lignes !

Radetsky 09/07/2023 @ 11:36:04
On a attribué aux femmes une place de choix pour les qualités attachées à la tendresse et â l’émotion. Mais c’est faux et dû à l’injonction « un garçon ne pleure pas » véhiculée par presque toutes les sociétés. Il ne faut pas brider son cœur ! Merci chère Vaudoise pour ton commentaire ????

Martin1

avatar 09/07/2023 @ 11:59:39
On a attribué aux femmes une place de choix pour les qualités attachées à la tendresse et â l’émotion. Mais c’est faux et dû à l’injonction « un garçon ne pleure pas » véhiculée par presque toutes les sociétés. Il ne faut pas brider son cœur ! Merci chère Vaudoise pour ton commentaire ????


Moi j'aurais dit autre chose :
C'est que l'ultra-violence révolutionnaire s'accomplit au nom des sentiments.
Rousseau et Robespierre sont des romantiques.

Martin1

avatar 09/07/2023 @ 12:17:22
On a attribué aux femmes une place de choix pour les qualités attachées à la tendresse et â l’émotion. Mais c'est faux.

Ce refrain est bête.
C'est le résultat d'une époque qui n'arrive plus à regarder le réel.
Non seulement les femmes de l'Ancien Régime se satisfaisaient très bien de cette situation, mais de plus, elles en tiraient argument en leur faveur.

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