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C’était une reine, c’était notre reine, c’était surtout ma reine.
Elle était pourtant vieille, petite et boulotte, mais pour nous, ses petits-enfants, c’était notre reine. Quand elle préparait la soupe, avec notre aide, il fallait la voir éplucher les légumes, de la même façon qu’elle nous déshabillait pour le bain hebdomadaire du samedi soir. Quand venait la saison des crêpes, elle nous apprenait à prépare la pâte, et ensuite à faire sauter les crêpes dans la poêle comme de petites lunes rondes. Quand le soir venait, elle nous endormait avec les humbles histoires de son enfance à elle, qu’elle racontait de sa voix caressante.
Bien sûr, nous faisions des bêtises. Elle surgissait silencieusement comme un chat chassant les souris, et nous attrapait pour nous gronder. Mais quand nous avions nos petits chagrins, c’est dans les doux coussins de sa grosse poitrine qu’on venait se blottir entre ses bras refermés. On savait qu’on serait consolés, car nous étions des enfants, et elle était notre grand-mère, qui vivait avec nous, un vrai roc sur lequel on pouvait s’appuyer.
Quand elle nous emmenait avec elle dans la forêt, on aurait dit une poule avec ses poussins. Elle nous enseignait la nature, et nous apprenions à reconnaître les champignons, les arbres, les oiseaux, les fleurs, à ramasser des châtaignes, à cueillir les mûres, à observer les écureuils. Elle ne cherchait pas à nous perdre comme le petit Poucet dont nous connaissions l’histoire par cœur, elle nous parlait des promenades de son enfance à elle. Et nous n’avions pas peur.
Elle nous parlait de ses morts, et souvent de son mari mort à la guerre, et alors ses yeux devenaient du brouillard, et parfois même des larmes de pluie. Et, comme on lui posait la question fatale : « Dis, Mamie, qu’est-ce qu’on devient après la mort ? » Elle nous répondait à chaque fois : « On emporte les morts au cimetière, on les met sous la terre ; certains disent que notre âme va au ciel ou au Paradis ! » Mais elle ajoutait : « Je vais vous dire un secret, les enfants ! Les morts sont peut-être sous la terre ou dans le ciel, mais en vérité, ils sont là. » Et elle se frappait la poitrine du côté gauche : « Ils sont dans le cœur de ceux qui les ont aimés ! » Alors, nous la consolions : « Et toi, notre grand-père, c'est là que tu le garde bien au chaud, dans ton cœur, Mamie ! » Et notre reine essuyait ses larmes et nous disait : « Vous avez tout compris. »
Les soirs d’hiver, après le dîner, quand nous avions aidé à débarrasser la table et à relever le couvert, elle organisait les jeux : tantôt les dominos, tantôt le jeu de l’oie, ou bien les petits chevaux ou les dames, la bataille, le loto et tant d’autres qu’elle nous avait appris, et qu’elle agrémentait de son sourire qui sentait aussi bon que son eau de Cologne. Elle retrouvait alors son âme d’enfant et nous apprenait à perdre ou à gagner dans la bonne humeur. Nous allions dormir tranquilles dans notre lit ; elle venait nous border et racontait à chacun une histoire.
Plus que mon père, plus que ma mère, elle savait s’y prendre avec les enfants, elle avait davantage de patience, et ne s’offusquait pas de nous voir chahuter. C’était une forteresse et, sous sa garde, on se savait imprenables. Ses yeux, ses yeux encore ardents, étincelaient et nous illuminaient. Cinquante ans après sa mort, ils brillent toujours !
Elle était pourtant vieille, petite et boulotte, mais pour nous, ses petits-enfants, c’était notre reine. Quand elle préparait la soupe, avec notre aide, il fallait la voir éplucher les légumes, de la même façon qu’elle nous déshabillait pour le bain hebdomadaire du samedi soir. Quand venait la saison des crêpes, elle nous apprenait à prépare la pâte, et ensuite à faire sauter les crêpes dans la poêle comme de petites lunes rondes. Quand le soir venait, elle nous endormait avec les humbles histoires de son enfance à elle, qu’elle racontait de sa voix caressante.
Bien sûr, nous faisions des bêtises. Elle surgissait silencieusement comme un chat chassant les souris, et nous attrapait pour nous gronder. Mais quand nous avions nos petits chagrins, c’est dans les doux coussins de sa grosse poitrine qu’on venait se blottir entre ses bras refermés. On savait qu’on serait consolés, car nous étions des enfants, et elle était notre grand-mère, qui vivait avec nous, un vrai roc sur lequel on pouvait s’appuyer.
Quand elle nous emmenait avec elle dans la forêt, on aurait dit une poule avec ses poussins. Elle nous enseignait la nature, et nous apprenions à reconnaître les champignons, les arbres, les oiseaux, les fleurs, à ramasser des châtaignes, à cueillir les mûres, à observer les écureuils. Elle ne cherchait pas à nous perdre comme le petit Poucet dont nous connaissions l’histoire par cœur, elle nous parlait des promenades de son enfance à elle. Et nous n’avions pas peur.
Elle nous parlait de ses morts, et souvent de son mari mort à la guerre, et alors ses yeux devenaient du brouillard, et parfois même des larmes de pluie. Et, comme on lui posait la question fatale : « Dis, Mamie, qu’est-ce qu’on devient après la mort ? » Elle nous répondait à chaque fois : « On emporte les morts au cimetière, on les met sous la terre ; certains disent que notre âme va au ciel ou au Paradis ! » Mais elle ajoutait : « Je vais vous dire un secret, les enfants ! Les morts sont peut-être sous la terre ou dans le ciel, mais en vérité, ils sont là. » Et elle se frappait la poitrine du côté gauche : « Ils sont dans le cœur de ceux qui les ont aimés ! » Alors, nous la consolions : « Et toi, notre grand-père, c'est là que tu le garde bien au chaud, dans ton cœur, Mamie ! » Et notre reine essuyait ses larmes et nous disait : « Vous avez tout compris. »
Les soirs d’hiver, après le dîner, quand nous avions aidé à débarrasser la table et à relever le couvert, elle organisait les jeux : tantôt les dominos, tantôt le jeu de l’oie, ou bien les petits chevaux ou les dames, la bataille, le loto et tant d’autres qu’elle nous avait appris, et qu’elle agrémentait de son sourire qui sentait aussi bon que son eau de Cologne. Elle retrouvait alors son âme d’enfant et nous apprenait à perdre ou à gagner dans la bonne humeur. Nous allions dormir tranquilles dans notre lit ; elle venait nous border et racontait à chacun une histoire.
Plus que mon père, plus que ma mère, elle savait s’y prendre avec les enfants, elle avait davantage de patience, et ne s’offusquait pas de nous voir chahuter. C’était une forteresse et, sous sa garde, on se savait imprenables. Ses yeux, ses yeux encore ardents, étincelaient et nous illuminaient. Cinquante ans après sa mort, ils brillent toujours !
magnifique texte Cyclo, tu nous emporte et on est avec toi enfant près de notre grand-mère et nous livre une belle réflexion sur le deuil. Cela fait du bien, moi élevé en partie par ma grand-mère(bien que très différente mais oui les "leçons" de cuisine ou jardinage-dans mon cas- sont un partage magique pour ces générations d'avant avec leurs petits-enfants). Ému j'ai finit les yeux embués, merci de me rappeller ce souvenir, le raviver dans ce qui est doux et chaud dans le coeur ou l'esprit je ne saurais dire. Encore une fois tu prouve ton talent à évoquer avec ta propre nostlagie pour toucher à l'universel de l'humain.
Merci, ces souvenirs datent du début des années 50, quand j'avais de 4 à 8 ans.
Encore maintenant, quand je dois prendre une décision, je me dis : qu'aurait fait Mamie ? Et je fais comme elle, qui était née au 19ème siècle.
Encore maintenant, quand je dois prendre une décision, je me dis : qu'aurait fait Mamie ? Et je fais comme elle, qui était née au 19ème siècle.
C'est certain, on se souvient tous de nos, ou notre, grand-mères. Du moins tous ceux qui ont eu la chance de les connaître. Du coup ça me fait réellement tout drôle de penser que si je me souviens de mes grand-mères, actuellement c'est moi qui joue le rôle ... de grand-père toutefois auprès notamment de mes petites filles. Ca me donne à penser qu'il faut bien avoir cela en perspective pour laisser l'image ad hoc, pour que dans cinquante ans ...
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