Septularisen

avatar 23/04/2022 @ 19:28:17
Oui, c'est un livre terrible, comme le précédent que j'avais lu d'elle, "La guerre n'est pas une affaire de femme", et ne rehausse pas le niveau de l'humanité. Mais ne soyons pas angéliques : la guerre, c'est la guerre et c'est toujours terrible. Et, dès qu'on est impliqué dedans, les hommes sont appelés à faire des choses horribles qu'ils ne s'imaginaient pas pouvoir faire...


Oui. Rien à ajouter ici!..

C’est donc un livre formidable. Est-ce de la littérature ou de la sociologie, ou de l’histoire ? Je ne sais pas, mais je ne regrette pas que vous l'ayez choisi, car je serai passé à côté.


Moi je remercie tous les participants à cette lecture commune, qui m'ont donné, - après ma première lecture en 2015 -, une nouvelle vision de ce livre. Je reste à attendre vos critiques sur ce livre...

Poutine, qui a fait ses armes avec la guerre atroce menée contre les Tchétchènes séparatistes dans las années 90, n'a sûrement pas lu ce livre ! Svetlana Alexiévitch pourra faire un nouveau livre sur la guerre actuelle, et je crains que le monde ne change pas ! Il faut s'attendre à d'autres guerres tout aussi impitoyables, malheureusement, puisque la seule réponse, tout en parlant de paix, c'est d'exporter encore et encore des armes aux belligérants.


Je crois plutôt qu'il a tout fait pour le faire disparaître, il a même été a un souffle de faire définitivement "disparaître" son auteur!

Septularisen

avatar 23/04/2022 @ 19:44:01
Il y a deux témoins qui disent qu’ils sont prêts à retourner en Afghanistan : une infirmière qui s’est sentie plus utile là-bas qu’à Moscou


Pour être exact ce n'est pas une infirmière, mais un médecin bactériologiste et ce qu'elle déplore en URSS c'est le manque de solidarité et une existence résignée et inutile. C'est pour cela qu'elle veut retourner la où il a la guerre. Mais elle ne retourne pas en Afghanistan elle demande à être réaffectée au Nicaragua.

"Je ne peux me résigner à cette existence . Mon âme ne la supporte pas.À la guerre, je me sens mieux. Tout y trouve une justification. Le bien comme les choses les plus terribles. Ça vous paraît invraisemblable? Pourtant, c'est une pensée qui me vient bien souvent..." (Pg. 155-156 édition CB).

Un témoignage dit qu’un officier à reçu « une balle perdue » pour avoir donné des ordres criminels. Mais si la mère de cet officier devait témoigner, elle dira que son fils a été tué par un assassin. Et strictement, elle aura raison.
Finalement en temps de guerre, le sens moral, les voix de la conscience, les lois humanitaires, tout ça n’existe plus. C’est bien ce que montre ce livre.


Oui. Mais tu n'est pas sans savoir que cela a toujours existé dans toutes les guerres...

Septularisen

avatar 23/04/2022 @ 19:55:13

Personnellement je peux comprendre l’attitude des mères. Elles se sont confiées probablement pendant des heures et leur témoignage est résumé sur quelques pages. L’auteur(e) a sélectionné ce qu’elle voulait. Elle a fait attention à ne rien écrire qui puisse froisser les mères.


Mme. ALEXIEVITCH ne s''est jamais cachée d'une ré-écriture et d'une ré-interprétation des témoignages. A t-elle fait attention à ne pas "froisser" les mères? La question reste ouverte...


Mais dans tout le livre leur fils est présenté, soit comme un ancien, soit comme une victime de la cruauté des anciens – ce qui n’est pas très gratifiant, soit le plus souvent, comme un assassin. Je suppose que les mères auraient voulu que leur fils soit présenté comme un héros, mort pour avoir fait son devoir de patriote.


Je pense surtout que les fils sont surtout présentés comme les victimes d'un système totalitaire, envoyés mourir comme "chair a canon" dans une guerre sans aucun sens, qui a duré 10 ans et qui n'a servi absolument à rien!
Le parallèle avec la guerre du Vietnam ou la récente guerre contre les Talibans menés par les américains est d'ailleurs saisissant!

Koudoux

avatar 24/04/2022 @ 08:21:43
Vos questions m'ont amené à m'interroger sur ce procès et voici ce que j'ai trouvé si cela vous intéresse : https://adlc.hypotheses.org/files/2015/…
J'ai du travail urgent qui m'empêche de lire cet article à fond, mais j'y reviendrai sûrement.
Bonne discussion à vous.


Passionnant ! Terriblement interessant et perturbant...
Je n'ai pas voulu lire ce livre, manque de courage au départ , mais cette analyse fait parfaitement ressortir les questions profondes que je me pose sur ce genre de sujet. Il n'est pas question de doutes mais de l'incapacité à pouvoir discerner toutes ces limites permettant de véritablement saisir une certaine vérité sans trahir et surtout comprendre. IL me semble, mais je peux me tromper, que le fait de ne pas avoir conservé de preuves tout en citant des noms, créerait vraiment un problème pour moi , tout en ne mettant pas en doute ce que l'auteure a voulu dénoncer. Le fait de vouloir faire de la Littérature sur de tels témoignages me trouble énormément...


Très bonne idée d'avoir cherché des infos sur le procès.
Travail très intéressant et comme pour le livre, lecture difficile par moment.
Comme Pieronnelle, le fait de détruire les preuves mais de citer les noms me dérange un peu.
Alors pourquoi?
Un erreur de sa part?
L'auteur voulais certainement protéger les témoins sans imaginer la réaction de certains contre elle.
Bref, cela prouve que de changer les noms est vraiment plus simple et moins dangereux.

Saint Jean-Baptiste 25/04/2022 @ 11:06:15
Dès le début de la lecture, le 3/4, je disais : « dans d’autres témoignages, comme celui du conseiller militaire, j’ai été surpris de découvrir une certaine construction plus littéraire ; ça rend le récit plus facile mais au dépens du côté authentique ».
Je suis resté sur cette impression pendant tout le livre.
Maintenant que j’ai lu le procès et les commentaires qui s’en suivent, je peux comprendre la colère des témoins.

Le livre est absolument formidable, il n’est pas question de dire autre chose et c’était une excellente lecture en commun.

Mais l’auteur(e) n’est pas droite dans ses botes. Elle ne pouvait pas trafiquer les témoignages, n’en retenir que ce qui servait sa cause – ou sa démonstration. Elle devait les faire relire par les interviewés, et obtenir leur accord avant de les publier ; elle devait surtout garder les preuves (les enregistrements).
Ou alors, au nom de la littérature, elle pouvait faire mention de ces témoignages dans un livre intitulé roman mais surtout sans écrire le nom et la fonction de l’interviewé.

Dans son procès elle dit : on me reproche d’avoir dit la vérité.
Mais non, ce n’est pas ça qu’on lui reproche ; ce qu’on lui reproche, c’est que, pour atteindre son but – qui est de faire la critique du régime et de l’armée – elle ait sali la réputation des soldats soviétiques en se servant de leurs témoignage.

Mais encore une fois, il ne s’agit de remettre en question la qualité et l’intérêt extraordinaire du livre. C’est un livre révélateur de ce qui se passe sous le régime soviétique et à l’armée russe d’aujourd’hui.

Donatien
avatar 26/04/2022 @ 08:51:46

D'accord avec Saint Jean Baptiste.

Il faudrait toujours douter en cas de témoignages univoques. Mais pour connaître l'autre version des faits il suffisait sans doute de consulter la presse et les médias officiels!!!

Il n'en reste pas moins que toutes les guerres sont horribles.

Par contre, je reste dubitatif quant à qualifier ces textes de "littérature" même si j'ai lu tous ses livres. C'est plutôt du journalisme courageux et de grande qualité. Indubitablement nécessaire et efficace.
A+


Saint Jean-Baptiste 26/04/2022 @ 10:29:29



Saule à quand une case spéciale . "Après ma relecture" sur le site, ou celui qui a déposé une première critique, se verrait autorisé à ajouter des nouveaux commentaires après sa deuxième lecture...

@Septu
C’est une bonne idée, ce serait un plus pour notre site bien-aimé.
Après : Les critiques
Les critiques éclairs
Les critiques scolaires
il y aurait : Les critiques après relecture

La relecture d’un livre après quelques dizaines d’années est toujours d’un grand intérêt.
On est parfois déçu parce que le livre était de la poudre aux yeux, on s’est laissé avoir. Mais le plus souvent on est époustouflé parce que le livre était vraiment bon. On fait de nouvelles découvertes, on retrouve d’anciennes sensations, on comprend mieux et, dans la plupart des cas, on modifie son jugement.

Après les courses cyclistes, les matches du siècle Manchester-city – Réal et Liverpool – Villaréal, Saule aura peut-être le temps d’y penser…
;-))

Saint Jean-Baptiste 26/04/2022 @ 10:54:17

Il n'en reste pas moins que toutes les guerres sont horribles.


Mais revenons dans nos cercueils de zinc !
C’est bien vrai, Donatien, que toutes les guerres sont horribles. Mais je crois que les guerres d’Afghanistan et du Vietnam ont été particulièrement horribles parce que les civils faisaient la guerre. Au fond, dans le livre de Alexievitch on parle peu de l’armée afghane. On a l’impression que les Russes se battent surtout contre les civils, les familles, les femmes et les enfants. C’était la même chose au Vietnam. Les circonstances ont forcé les soldats, qui étaient probablement des braves types pour la plupart, à se conduire en assassins.
Il faut dire aussi que ces peuples d’Afghanistan, comme du Vietnam, ont des mœurs et des coutumes d’une sauvagerie à peine imaginable.

Pieronnelle

avatar 26/04/2022 @ 15:14:59


Il faut dire aussi que ces peuples d’Afghanistan, comme du Vietnam, ont des mœurs et des coutumes d’une sauvagerie à peine imaginable.

Alors là SJB il faudrait développer et pour le coup donner des preuves...! Autant pour le Rwanda il est possible de plus ou moins connaître les moeurs de certaines tribus en Afrique et leurs affrontements internes , je ne crois pas que pour l'Afganistan et le Vietnam il s'agisse de la même chose...La cruauté est bien souvent une conséquence directe d'une agression guerrière. Comme je ne crois pas du tout en une prédominance de violence naturelle des peuples civilisés. Ce sont malheureusement des accidents de l'Histoire comme cela l'a été pour l'Allemagne d'Hitler...

Tistou 26/04/2022 @ 18:08:25

Il n'en reste pas moins que toutes les guerres sont horribles.



Mais revenons dans nos cercueils de zinc !
C’est bien vrai, Donatien, que toutes les guerres sont horribles. Mais je crois que les guerres d’Afghanistan et du Vietnam ont été particulièrement horribles parce que les civils faisaient la guerre. Au fond, dans le livre de Alexievitch on parle peu de l’armée afghane. On a l’impression que les Russes se battent surtout contre les civils, les familles, les femmes et les enfants. C’était la même chose au Vietnam. Les circonstances ont forcé les soldats, qui étaient probablement des braves types pour la plupart, à se conduire en assassins.
Il faut dire aussi que ces peuples d’Afghanistan, comme du Vietnam, ont des mœurs et des coutumes d’une sauvagerie à peine imaginable.

Ces peuples étaient surtout sauvagement agressés et luttaient pour leur peau, sur leur sol. Bien différent de soldats qui viennent agresser une Nation ou un peuple. On a tendance à l'oublier et quand on constate les piteux résultats de l'armée russe aujourd'hui malgré les moyens déployés en Ukraine, on se dit que rien n'a changé. Un animal n'est jamais plus dangereux qu'acculé. En fait l'armée russe, outre les cas ponctuels de barbarie dus j'imagine à des bataillons bien spécifiques style Wagner ou Tchetchènes, ce sont ses bombes atomiques qui terrorisent. L'armée proprement dite ressemble plus à un tigre de papier.

Pieronnelle

avatar 26/04/2022 @ 21:41:08
Oui, mais en donnant des armes au peuple on le met en danger, d'où les victimes civiles importantes, c'est bien là le paradoxe dramatique. Je pense que pour l'Ukraine ça a été une erreur. Il fallait evidemment armer le plus vite possible l'armée ukrenienne regulière ,ce qui d 'ailleurs est le cas actuel et semble porter ses fruits, mais en donnant des armes à des civils c'est la porte ouverte pour justifier les repressions sur n'importe quel bâtiment...Déjà que les civils paient toujours les pots cassés des guerres...

Saint Jean-Baptiste 27/04/2022 @ 10:46:21
... en donnant des armes au peuple on le met en danger,
C’est comme notre Résistance durant la guerre 40/45. Le peuple a dû être armé pour résister mais, il s’est mis en danger.

Saint Jean-Baptiste 27/04/2022 @ 11:10:23


Il faut dire aussi que ces peuples d’Afghanistan, comme du Vietnam, ont des mœurs et des coutumes d’une sauvagerie à peine imaginable.


Alors là SJB il faudrait développer et pour le coup donner des preuves...!

...je ne crois pas du tout en une prédominance de violence naturelle des peuples civilisés. .
Je lis dans ce livre qu’une fillette qui avait accepté un bonbon d’un soldat est revenue le lendemain avec la main coupée.
Un soldat a mangé une galette qu’on lui avait offerte dans une maison afghane. Le lendemain toute la famille afghane était assassinée et la maison brûlée par les gens du voisinage.
C’est la loi !
Au Vietnam, les Américains avaient vacciné une école contre la polio. Le lendemain tous les élèves vaccinés avaient le bras coupé.

Vu récemment à la TV : En Afghanistan, un homme dénonce sa femme pour adultère. Sans preuve ni jugement, cette femme est traînée devant la foule, doit s’agenouiller et reçoit une balle dans la nuque. Il est vrai que ça pourrait bientôt arriver en France ou en Belgique… En Belgique, une jeune-fille a été assassinée de dix coups de couteau par son frère parce qu’elle portait la mini-jupe.

Mais si tu veux croire que tous les hommes sont égaux en cruauté, sauvagerie et abomination, c’est aussi bien mon avis. Et je pense que ça ne fait qu’empirer.

Martin1

avatar 27/04/2022 @ 11:37:54

Mais si tu veux croire que tous les hommes sont égaux en cruauté, sauvagerie et abomination, c’est aussi bien mon avis. Et je pense que ça ne fait qu’empirer.


Oui, nous allons vers des temps très durs.
Les hommes ont tous une part de violence, mais certaines civilisations se sont efforcées de les inhiber. L'Eglise, puis la bien-pensance ont joué un rôle dans cette inhibition.
Mais dans le même temps, à force d'inhiber nos passions, nous sommes devenus naïfs et nous nous sommes mis à croire que toute violence vient des Etats et des idéologies, et nous en disculpons tous les individus...
Ce faisant, nous croyons être bienveillants alors que nous sommes juste la dupe de ceux qui n'ont jamais cessé de penser en termes de guerre de civilisation. Nous vivons dans une parenthèse enchantée qui n'est due qu'à la présence d'un bouclier américain et je n'ose pas imaginer quel sera le retour à la réalité.

J'ai vu aussi quel genre d'horreurs ont eu lieu en Algérie, dans les années 1990, soit il n'y a pas vingt-cinq ans, pas plus loin que de l'autre côté de la Méditerranée.
Je pense que la société ne se rend pas du tout compte de vers quel désastre nous allons.

Minoritaire

avatar 27/04/2022 @ 12:11:34
Ce n'est certainement pas à moi de faire la police, mais il me semble qu'on s'égare ;-)

Saint Jean-Baptiste 27/04/2022 @ 12:34:30


J'ai vu aussi quel genre d'horreurs ont eu lieu en Algérie, dans les années 1990,
J’ai évité de mentionner la Guerre d’Alger, où il y eut des horreurs de part et d’autre, pour ménager les susceptibilités. Mais aussi pour éviter qu’on me resserve les exactions de Belges : mains coupées, balles dans le dos des fuyards, villages brûlés et travaux forcés, dans l’État Indépendant du Congo de 1890 à 1908.
On pourrait ajouter les abominations de la Shoah et, aujourd’hui de Daech… On n’en finirait pas.
Çà prouve bien que l’Homme, d’où qu’il vienne, est capable du pire et qu’il suffit de peu de chose pour détruire nos civilisations que nous pensions immortelles.

Martin1

avatar 27/04/2022 @ 13:14:00
Ce n'est certainement pas à moi de faire la police, mais il me semble qu'on s'égare ;-)

Tu as raison, je m'en vais, vu que je n'ai pas lu le livre ;-) Je réagissais sur le coup

Lobe
avatar 27/04/2022 @ 22:45:45
Vos questions m'ont amené à m'interroger sur ce procès et voici ce que j'ai trouvé si cela vous intéresse : https://adlc.hypotheses.org/files/2015/…
J'ai du travail urgent qui m'empêche de lire cet article à fond, mais j'y reviendrai sûrement.
Bonne discussion à vous.


Merci Minoritaire, c’est vraiment une super ressource.

Saule

avatar 28/04/2022 @ 21:20:38
Je trouve que la fin du livre est très utile, surtout l'explication sur la littérature de style récit documentaire, j'ai mieux compris ce qu'avait réalisé l'auteur.

Le procès qui lui a été fait semble fortement monté de toute pièce. Elle ne pouvait pas garder les enregistrements - des centaines de cassettes - et elle a bien fait de changer les noms. Par contre je peux comprendre - comme expliqué dans la dernière partie il me semble - que des témoins qui ont réagi à chaud pensent autrement quelques années plus tard. On a tous besoin d'enjoliver ou de ré-écrire nos souvenirs pour vivre et surmonter le traumatisme mais une fois que c'est écrit c'est plus difficile.

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