Nathafi
avatar 19/03/2021 @ 22:37:17
Vous vivez une fin de journée comme une autre, de celles où vous sortez du bureau avec un grand ouf de soulagement, parce que franchement, c'était une journée de m.... Et ça continue, tant qu'à faire, vous arrivez à la voiture et vous ne trouvez plus vos clés, plus qu'à y retourner. Avant c'était plus simple, avec la carte électronique dans la poche du jean, pas de souci, il suffisait d'appuyer sur le petit bouton de la poignée et en voiture !
Mais depuis que vous avez changé de modèle, il faut bien quelques semaines, voire quelques mois pour vous rappeler que vous ne pouvez ouvrir qu'avec la clé, uniquement avec la clé.

Alors, demi-tour. Vous repassez devant le poste de contrôle, présentez votre carte professionnelle, justifiez votre retour avec un sourire gêné... Le garde vous toise d'un regard suspect – Il n'irait pas faire des photocopies à l'oeil, celui-là ? -

Vous traversez la cour et remontez les trois étages sans ascenseur, ça ne fera jamais que la quatorzième fois aujourd'hui ! Et vous arrivez enfin au bureau.

Un temps d'arrêt... Où se trouve la clé ?

Parce que c'est ça le problème, elle n'est nulle part ! Pourtant, c'est une grande clé, rétractable, d'accord, mais suffisamment large pour que vous la repériez de loin. Avec le logo bien en vu, sur fond blanc, une belle et grosse clé qui n'a pas pu s'envoler !

Le bureau se trouve bientôt sens dessus dessous, tant la fouille est laborieuse. S'ajoute à ça le mec du poste qui monte les étages, vous l'entendez approcher, essoufflé :

« L'avez-vous trouvée, votre clé ? Je dois faire ma ronde et il faudrait que vous partiez, maintenant ! »

L'air dépité, vous niez de la tête, concentré sur vos faits et gestes du matin, incapable de vous souvenir où vous l'avez rangée, cette clef !

Vous proposez au garde de faire le tour des bâtiments avec lui, histoire de vous assurer que vous n'ayez pas perdu l'objet lors d'un de vos déplacements de la journée dans les bâtiments.
Hésitant, il finit par accepter, en bougonnant, à se demander ce qu'il fait tout seul lors de ses rondes !
Vous vous lancez dans un monologue, ou presque, en parcourant les centaines de mètres de couloirs. L'autre ne vous écoute que d'une oreille distraite, préoccupé par on ne sait quoi. Pour sûr, vous le dérangez !!!
Bientôt vous vous rappelez des bureaux que vous avez visités dans la journée, celui de Béatrice, qui n'était plus connectée au réseau, celui de Damien, dont l'onduleur est à changer, puis l'open space des dernières recrues, trois jeunes filles et un gars un peu perdu au beau milieu de la gente féminine, victimes d'un bourrage d'imprimante. Ah ! L'informatique ! Toujours énigmatique pour certains !

« Non, pas le droit », on vous dit, on ne peut plus ouvrir les bureaux après dix huit heures, ce sont les consignes. Vous insistez sur le caractère exceptionnel de cette requête, parce qu'il faut bien que vous la retrouviez, votre clé ! Mais non, pas moyen de lui faire sortir le passe, et il n'est pas commode avec ça, prêt à faire un rapport en trois exemplaires sur cette intervention. Sa petite soirée pépère démarre mal, et on voit que ça le fait transpirer, le bonhomme ! Il a soif, peut-être ?

Passant devant le distributeur, je lui propose une cannette de soda, mais il refuse. « On ne m'achète pas, moi ! ».

Vous restez impassible, mais à l'intérieur ça bout, vous essayez de décrypter à quoi il pense en vous regardant de coin. Après plusieurs essais, le match est perdu, le garde ne plie pas et reste sur ses positions. Pas de clé ! Plus qu'à appeler Martine pour qu'elle vienne vous chercher, mais comme le couvre-feu est dépassé, elle ne se déplacera pas ! C'est qu'elle le respecte, le couvre-feu, Martine ! Vous l'entendez déjà vous dire « Moi je n'ai pas d'attestation d'employeur pour me promener après dix huit heures, tu n'as qu'à rentrer à pied ! ». Et non, pas commode, la Martine... Et quand vous y pensez, elle n'a pas tort, sauf que, l'attestation employeur, elle se trouve dans la boîte à gants de la voiture ! C'est tellement plus pratique !

Résigné, vous laissez partir le garde qui doit rejoindre son poste, et retournez au bureau pour le fermer. Vous prenez votre paire de baskets qui s'ennuient dans votre placard depuis le dernier footing entre collègues, et vous apprêtez à les chausser, quand votre portable sonne soudain.

« Allo ? Pierre ? C'est Christian ! Figure-toi que je viens de m'apercevoir que j'ai emmené tes clés sans faire attention ! Je prends la voiture et te les ramène !»

Reste donc à lire son journal, Christian, il est bien gentil, mais il habite à soixante bornes, vous n'êtes pas encore rentré...

Minoritaire

avatar 20/03/2021 @ 17:58:36
Cinquième texte, pas de covid, ou si peu. :-)

Moi, je crois que ton garde, tu lui fais rater une finale de foot ou quelque chose comme ça. Ce n'est pas un détail essentiel, au contraire. C'est bien de ne pas nous le dire; ça permet au lecteur de se faire des conjectures. Pourquoi est-il d'aussi mauvaise composition ?

Malgré tout, ton héros parvient à l'amadouer un minimum. Juste le temps de nous décrire la vie de ces bureaux avant la sirène de fin : les collègues, les nouveaux, les petits tracas techniques.... Au moins, tout le monde n'est pas en télétravail et on peut se croiser, se parler.
Mais 'faudrait voir à pas rallonger le minimum, hein. "Pas le droit !" "Quand c'est l'heure, c'est l'heure." Donc, Martine. La compagne, on suppose. Mais c'est là qu'intervient la clause covid : "Pas d'attestation, pas de sortie". "Pas de bras, pas de chocolat !". Et donc, rentrer à pied, sans les clés. Heureusement qu'il y a les baskets.

A part ça, les étages sans ascenseur, je connais. Un coup pour les clés, un coup pour la liste des courses, un coup pour le masque.... Et plus encore, les clés égarées dans le désordre de mon appartement. Sous quel tas de papiers ? Sur quel morceau d'espace de travail ? Dans quelle poche (mais ça, ce serait trop facile) ? Et l'appartement re-retourné dans tous les sens. Il l'était déjà, mais c'était son retournement habituel, normal.
Le truc pour trouver, tout le monde le connait : il faut arrêter de chercher.

D'ailleurs, c'est ce que fait ton héros. Et ses clés réapparaissent comme par magie ! :-D

Bonne petite lecture, Nathafi.

Tistou 20/03/2021 @ 23:48:01
Ah ah, un texte où la pesante présence du Covid n'est qu'effleurée ! Bien Nathafi, très bien. Une histoire donc. Une histoire de clef baladeuse, qui bien sûr ne veut pas rentrer au bercail et en fait voir du coup à son propriétaire. Propriétaire confronté à la mauvaise volonté du gardien de nuit. Cohérent tout ça, que du "qui existe". Et puis une chute pour semi "Happy end". Semi parce que 60 km, quand même, c'est long. Et le journal il va avoir le temps de le lire ! Mais bon, elle n'est plus perdue cette clef !
Bravo d'avoir pu t'abstraire de l'obsession actuelle. Moi je n'en ai pas été capable !

Lobe
avatar 21/03/2021 @ 09:19:54
Oui, une forme de soulagement avec ce texte ! Ce sentiment de déjà-vu de parcourir pièce par pièce l'ititnéraire d'une journée à la recherche du petit Saint Graal : un trousseau bien troussé. Compliqué ici par un gardien peu coopérant ! On lit avec un demi-sourire, et on est bien soulagé à la fin. En espérant que ce soit une bonne cuvée, le journal en question !

Septularisen

avatar 21/03/2021 @ 13:48:21

J'adore la description de cette "journée de m.." comme on en a tous déjà connu!
Ici renforcée par la présence de ce cher concierge un peu râleur, un peu boudeur, comme on en a tous connu un aussi!
C'est simple, rapide, direct, sa fioritures... Vraiment bien!

Darius
avatar 21/03/2021 @ 17:27:54
Ah ! Tu nous a sorti de la morosité covidienne ambiante, c’est déjà ça..
La plupart d’entre nous s’y sont inspirés, dur de s’en détacher ..
Bien que cette histoire de clé perdue ne soit pas drôle pour celui qui l’a vit et qui passe son temps à la chercher ...
Merci pour vos participations à cet exercice difficile dans les circonstances actuelles

Cyclo
avatar 24/03/2021 @ 11:28:41
Le texte que j'ai trouvé le plus hilarant !
Qui m'a rappelé un épisode de ma vie :

janvier 1986 : retour des vacances de Noël en train Toulouse-Amiens avec notre fils tout petit (3 ans et demi) en couchette de Toulouse à Paris. On arrive, on descend, on prend le métro, on arrive gare du nord, on prend le train pour Amiens. Au bout de vingt minutes, Claire me dit : " J'ai oublié mon sac à mains dans le compartiment-couchette !" Je vais voir le contrôleur pour lui expliquer. Réponse: "Je vais téléphoner à Austerlitz. Vous inquiétez pas, on le retrouvera et il n'y manquera rien. Les sociétés de nettoyage n'ont pas d'employés indélicats. Et on vous appellera au téléphone quand il aura été retrouvé".
Je retrouve Claire qui me dit : "Mais j'avais la clé de l'appartement dans mon sac, et rappelle-toi, tu avais laissé la tienne à, Amiens, ne voulant pas risquer de la perdre, avec ton étourderie habituelle. Comment on va faire ?" Le contrôleur passe : " Votre sac a été retrouvé, donnez-moi votre adresse, il vous sera rendu par la poste, ou à la gare d'Amiens, à votre chois !"
Arrivés à Amiens, on prend un taxi pour aller chez notre propriétaire, espérant qu'il aurait une clé de secours. Bernique ! Il n'en a pas ou du moins prétend n'en pas avoir. "Je vais téléphoner à un serrurier, il vous ouvrira la porte !".
On file à l'appartement, on attend dans le couloir. Le serrurier arrive avec son passe-partout. Rien à faire. Il a dû la forcer. On a dû changer de serrure !!! Quand on pense que les cambrioleurs savent si facilement ouvrir les portes...

Voilà pourquoi ce petit récit de mystère m'a fait palpiter. Et ce gardien de nuit qui joue au Cerbère ! C'est bien troussé, avec la clé qui se; trouve à 60 km !

Marvic

avatar 28/03/2021 @ 12:39:51
Oui, comme l'a dit Septu, il y a comme ça des journées de "m...". Qui commencent tôt et semblent ne jamais finir. Ce qui est bien le cas pour ton héros. On le suit, on court avec lui, on cherche avec lui !
Aparté pour signaler que je m'attendais à "une" héroïne" dans un texte écrit par une autrice ; je m'en veux de cette attitude réflexe et stupide !
Un texte très rythmé où j'ai partagé le stress de Pierre et adoré la chute !

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