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Forums  :  Forum des livres  :  L'Avare  :  Plaute et Molière

Fanou03
avatar 26/09/2019 @ 22:40:53
Pour pouvoir les comparer, voici d'abord le "monologue de l'avare volé", issus de la "Comédie de la Marmite" de Plaute

- Je suis fini, je suis mort, je suis assassiné. Où courir, où ne pas courir ? Arrêtez-le ! Arrêtez-le ! Qui ? Et par qui ? Je ne sais, je ne vois rien, je suis aveugle ; où vais-je, où
suis-je, qui suis-je, je ne suis plus certain de rien. Je vous en supplie, je vous le demande, je vous en conjure, secourez-moi, et montrez-moi l’homme qui me l’a enlevée.Que dis-tu, toi ? Je veux te croire ; je vois à ton visage que tu es un honnête homme. Qu’y a-t-il ? Pourquoi riez-vous ? Je vous connais tous ; je sais qu’il y a ici beaucoup de voleurs qui, sous un vêtement blanchi, se dissimulent et sont assis à leur place, comme s’ils étaient de braves gens. Eh bien, personne, parmi les gens d’ici, ne l’a prise ? Tu m’as assassiné. Dis-moi, donc, qui est-ce qui l’a ? Tu ne le sais pas ? Ah, malheureux que je suis, tout est fini ! Je suis vraiment fini, et bien mal en point, tant ce jour m’a apporté de gémissements, de malheurs et de tristesse ! Et la faim, et la misère ! Je suis, de tous les vivants, le plus abandonné. A quoi me sert de vivre ? J’ai perdu tout l’or que je gardais si soigneusement ! Je me suis privé moi-même, moi, mon âme et mon génie ; et maintenant d’autres se réjouissent de mon malheur et de ma perte. Je ne puis le supporter !

Fanou03
avatar 26/09/2019 @ 22:41:35
...Et la tirade d'Harpagon (Molière, L'Avare, acte IV, scène 7 )

- Au voleur, au voleur, à l'assassin, au meurtrier. Justice, juste Ciel. Je suis perdu, je suis assassiné, on m'a coupé la gorge, on m'a dérobé mon argent. Qui peut-ce être? qu'est-il devenu? où est-il? où se cache-t-il? que ferai-je pour le trouver? où courir? où ne pas courir? n'est-il point là? n'est-il point ici? qui est-ce? Arrête. Rends-moi mon argent, coquin... (Il se prend lui-même le bras.) Ah, c'est moi. Mon esprit est troublé, et j'ignore où je suis, qui je suis, et ce que je fais. Hélas, mon pauvre argent, mon pauvre argent, mon cher ami, on m'a privé de toi; et puisque tu m'es enlevé, j'ai perdu mon support, ma consolation, ma joie, tout est fini pour moi, et je n'ai plus que faire au monde. Sans toi, il m'est impossible de vivre. C'en est fait, je n'en puis plus, je me meurs, je suis mort, je suis enterré. N'y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me rendant mon cher argent, ou en m'apprenant qui l'a pris? Euh? que dites-vous? Ce n'est personne. Il faut, qui que ce soit qui ait fait le coup, qu'avec beaucoup de soin on ait épié l'heure; et l'on a choisi justement le temps que je parlais à mon traître de fils. Sortons. Je veux aller quérir la justice, et faire donner la question à toute ma maison; à servantes, à valets, à fils, à fille, et à moi aussi. Que de gens assemblés! Je ne jette mes regards sur personne, qui ne me donne des soupçons, et tout me semble mon voleur. Eh? de quoi est-ce qu'on parle là? de celui qui m'a dérobé? Quel bruit fait-on là-haut? est-ce mon voleur qui y est? De grâce, si l'on sait des nouvelles de mon voleur, je supplie que l'on m'en dise. N'est-il point caché là parmi vous? Ils me regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez qu'ils ont part, sans doute, au vol que l'on m'a fait. Allons vite, des commissaires, des archers, des prévôts, des juges, des gênes, des potences, et des bourreaux. Je veux faire pendre tout le monde; et si je ne retrouve mon argent, je me pendrai moi-même après.


Débézed

avatar 27/09/2019 @ 15:44:25
Evocation des grands auteurs, comparaison, opposition, complémentarité, ... ce sont toutes ces choses que je découvre dans un livre très fouillé d'André Suarès, que je découvre lui aussi à cette occasion. Il y parle bien de Molière mais pas de Plaute mais je n'ai pas terminé ce livre.: "Miroir du temps" qui vient de paraître.

Fanou03
avatar 28/09/2019 @ 21:32:57
Evocation des grands auteurs, comparaison, opposition, complémentarité, ... ce sont toutes ces choses que je découvre dans un livre très fouillé d'André Suarès, que je découvre lui aussi à cette occasion. Il y parle bien de Molière mais pas de Plaute mais je n'ai pas terminé ce livre.: "Miroir du temps" qui vient de paraître.


On attends ta critique, Débézed !

Tout cela montre bien, s'il le fallait, qu'un auteur "sort" rarement de nul part, et prends, à divers degré, des influences anciennes. Je crois ainsi que dans le cas du Cid certains de ses contemporains avaient reprochés à Corneille de s'être fortement inspiré d'une œuvre espagnole...Cela explique pourquoi la frontière avec le "plagiat" est parfois difficile à cerner...

Concernant le cas de "L'Avare" et de cette comédie de l'auteur romain Plaute, il semble, d'après les auteurs du dossiers pédagogiques de mon édition "classique Hachette", que la structure générale de "l'Avare" est très différente de celle de Plaute. Il n'empêche: j'ai été vraiment troublé que les deux passages ci-dessus se ressemblent autant, à mon avis, quant à l'esprit. J'ai eu vraiment l’impression que Molière a fait une "simple" ré-écriture de ce passage. J'en suis presque déçu.

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