Isaluna 06/09/2004 @ 15:21:06
Dans l'obscurité de cette nuit d'hiver, le trottoir est luisant de pluie.
Seules flaques de lumière, la faible lueur du réverbère, et la clarté qui jaillit du bistrot.
Derrière la vitre, assis seul à une table devant une Leffe blonde, un homme patiente.
Elle, sur le trottoir, s'approche de la vitrine, plonge son regard à l'intérieur.
C'est lui, pas de doute. Toute son attitude dit qu'il attend une femme qui est en retard. Elle est en retard, en effet, cela fait vingt minutes exactement qu'elle fait les cent pas sous le lampadaire, sans se décider à entrer.
Elle perçoit son impatience aux mouvements saccadés de sa jambe droite, à sa façon rageuse d'avaler les cacahuètes posées devant lui, comme si elles étaient responsables du retard de celle qu'il espère.
Cela fait des mois qu'ils se sont trouvés sur le Net, un hasard, une rencontre improbable, une malice du destin... Peu à peu se sont noués des liens faits de lectures partagées, de confidences et de complicité. Les mots ont aboli les distances, tissant la magie d'une relation sans visage. Mot après mot, phrase après phrase, les sentiments se sont exacerbés, nourris de rêves et d'illusions.
Elle connaît par coeur les hypnotiques litanies qu'il lui adresse tous les soirs sur son e-mail : mon renard malicieux, mon bonheur, mon espoir, mon marbre de carrare, ma lancinante blessure... mots chatoyants, qui l'enveloppent de chaleur... Cet homme de papier, elle l'aime, sans l'avoir jamais vu, et ses mots l'accompagnent, ensoleillent sa solitude, la laissant parfois, souriante, en arrêt sur un trottoir, rien qu'à s'en souvenir.
Mais ce soir, il faut sortir du rêve, mettre des yeux, une bouche, un corps sur ces phrases ensorcelantes. Il a écrit "je t'attendrai le 4 février à 20 heures au Spytigen Duivel".
Le buveur de Leffe, c'est lui, elle ne peut pas se tromper, c'est le seul homme solitaire dans ce bistrot.
Le pied sur le seuil, elle hésite à nouveau.
Entrer, c'est oser, oser briser le rêve peut-être... Alors elle se retourne vers la rue et comme une petite fille décide : "Si la prochaine voiture qui passe est rouge, j'entre!"

Yali 06/09/2004 @ 16:00:23
Isaluna,
si je disposais d'une fin comme celle-là, c'est-à-dire de quelque chose qui renvoie à tant d'images, tant de souvenir chez chacun, tant de choses partagées, d’émotions, d’impressions, sans blague je la gâcherais pas en arrivant trop vite dessus. Fais monter la sauce bordel, qu'elle prenne, que plus longuement on y aille, ton ressentiment, le sien, le cadre, les gens, les impressions, l’ambiance, plonge-nous dedans, faut qu’on baigne jusqu’à la gueule avant d’arriver là dessus :
Alors elle se retourne vers la rue et comme une petite fille décide : "Si la prochaine voiture qui passe est rouge, j'entre!"

C’est pour moi la fin idéale, absolue, celle qui ouvre au lieu de fermer et qui renvoie à l’imaginaire de tous.

Monique 06/09/2004 @ 16:02:07
Texte agréable à mes yeux. Je vois bien la scène, et je suis obligée de dire que ce qui m'a sauté au visage comme image, c'est une toile de Hopper :
http://postershop.fr/Hopper-Edward/…
Je ne vais pas en expliquer les raisons mais certains comprendront...
Donc j'ai lu en imaginant ce tableau, ce qui colle assez bien.
C'est bien écrit, les sentiments sont clairs, cette crainte de la rencontre.
Un iota : j'aurais aimé la voir arriver avant qu'elle ait vu son visage, son allure. Que tu décrives ce moment essentiel. Car si elle hésite à ce point, c'est tout de même que quelque chose cloche, non ? Surtout si elle se donne comme critère : la prochaine voiture devra être rouge ! Visiblement elle n'ira pas !
Quelques petits choses encore : les expressions dont l'homme affuble la narratrice par mail, un peu gnan-gnan, non ? Ca marche vraiment comme ça ?...
Et elle le voit comme un homme de papier : je n'ai pas compris. Pourquoi papier puisque tout se passe par Internet ? Ou alors dans le sens de relation "fragile" ?
Sinon, je répète que j'aime bien.

Lfrobin 06/09/2004 @ 16:04:16
J'ai eu du mal à entrer dans ton texte, il manque de descriptif, impossible de se faire une image precise de la scène, et ça me gêne.
Ensuite, moi, les rencontre sur internet, j'ai tendance à y tourner le dos, la solution de facilité pour tous les introvertis de la planéte. (je caricature un peu...)
sinon, tout coule et même si le style n'est pas trs original, le texte se laisse lire tout seul...
Dommage a mes yeux car un peu plus etoffé, le sujet posséde un bon potentiel emotionnel...

Olivier Michael Kim
06/09/2004 @ 16:14:59
Excellent.
L'ambiance est bien rendue. Il y a un peu de suspens. Les descriptions sont efficaces et bien tournées.

C'est aussi un bon thème.

Maintenant je comprends pourquoi j'ai attendu si longtemps avec ma Leffe ;)

Tistou 06/09/2004 @ 16:26:53
C'est court, c'est vrai. Mais ça fait très vrai. On a tous effectivement connu des atermoiements, des alternatives de ce genre.
Je crois qu'elle n'était pas rouge la voiture?
Beaucoup aimé.

Erika 24
avatar 06/09/2004 @ 16:50:27
J'espère que la voiture était rouge et qu'elle n'a pas laissé se refermer la porte entrouverte sur le bonheur. Très jolie texte!

Sibylline 06/09/2004 @ 18:46:23
Bien aimé, parce que juste ; mais trop court, c’est vrai.
C’est bien écrit mais tu n’as pas fait un texte littéraire, tu as raconté quelque chose.
Histoire vraie, je parie.
Pas rentrée, je parie encore
ou alors raté car il n’y a même pas une chance sur deux qu’une voiture soit rouge.

Kilis 06/09/2004 @ 19:49:30
J'aime bien ton texte. Ecriture simple, directe, efficace.
J'adore la fin.
Si tu lis mon texte "Journal: Décalage", tu comprendras qu'il y a des similitudes quant au pari à caractère aléatoire avec le destin.

Felixlechat

avatar 06/09/2004 @ 21:00:14
Comment associer le rêve et la réalité, le virtuel et la vie?
Le buveur de Leffe a tenté de transmettre une vision de son monde. Celle qui attend dehors et le voit, doute, aussi bien d'elle que de lui.
Et la voitur rouge, n'est-ce pas sa porte de sortie ?

Isaluna 07/09/2004 @ 10:32:38
Excellent.
L'ambiance est bien rendue. Il y a un peu de suspens. Les descriptions sont efficaces et bien tournées.

C'est aussi un bon thème.

Maintenant je comprends pourquoi j'ai attendu si longtemps avec ma Leffe ;)
parce que la voiture était verte...:)

Monique 07/09/2004 @ 10:36:47
parce que la voiture était verte...:)
je le savais ! C'est peut-être triste mais ça me fait rire, mes excuses....

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