Shelton
avatar 18/09/2018 @ 18:34:54
Mardi 18 septembre 2018

L’été c’est fait pour lire, se souvenir et penser à long terme. Hier, je vous proposais l’ouvrage d’Anne Sinclair pour tenter de regarder au-delà du bout de son nez. Elle partait des attentats qui ont secoué profondément la France et, du coup, je vous proposerais bien cet ouvrage qui fait réfléchir aussi mais d’une façon très différente car écrit – enfin plutôt dessiné – à chaud, juste après les attentats de janvier 2015… Souvenez-vous, à cette époque-là, tout le monde était Charlie…

Alors, après ces attentats cruels, sanglants et inattendus – du moins pour le grand public – il fallait bien que les hommages se succèdent et même que certains récupèrent tout cela à des fins commerciales, de notoriété, de succès personnel. Ce n’est ni une nouveauté, ni une spécificité française ou je ne sais quoi ! C’est ce que l’humanité nous a montré depuis des siècles et je pense que rien ne changera dans les années et même siècles à venir…

Il y eut les grandes manifestations populaires du 11 janvier et de son fameux esprit qui aurait maintenant disparu, puis le tirage démentiel de Charlie Hebdo, puis l’exposition à Angoulême sans oublier le discours du maire d’Angoulême le mercredi 28 janvier, récupération exemplaire pour un maire qui quelques semaines avant faisait interdire les bancs publics aux SDF… Je n’oublierai pas non plus les numéros spéciaux des magazines de bandes dessinées avec une mention spéciale pour celui de Spirou qui fut très réussi !

Il fallait donc maintenant un livre pour rire, pas pour rire jaune ou du bout des lèvres, rire à gorge déployée comme Wolinski aurait pu le faire en parlant de sa propre mort ! Ce sont de nombreux dessinateurs de bandes dessinées et de presse qui s’y sont mis, et l’ouvrage résultant de cette collation de très nombreux dessins est vendu au profit des familles des victimes des attentats de janvier 2015. Résultat, plus de 170 pages de dessins et trips à vous faire hurler, pleurer et rire, le tout à la fois, bien sûr !

Cavanna disait que « l’humour est un coup de poing dans la gueule » et je confirme que c’est indiscutable. Donc, attention, cet ouvrage pourrait bien vous laisser quelques bleus à l’âme…

A lire pour que les terroristes n’aient pas gagné, pour que l’humour reste une arme totale et magique, pour vous faire du bien, aussi, puisqu’il parait que rire une fois par jour est une excellente thérapie pour vivre longtemps et heureux !

Seulement, voilà, après les attentats de Paris, il y eut – du moins si on se limite à la France – l’attentat de Nice, un assassinat du côté de Rouen, un double meurtre dans les Yvelines, un acte sauvage sur les Champs- Elysées… et beaucoup d’autres actes auxquels on a échappé… On a oublié que l’on était tous Charlie, on a banalisé ces actes, on préfère baisser la tête, oublier, faire comme si de rien n’était…

Alors, cet ouvrage, La BD est Charlie, permet-il de réellement réfléchir à notre destin, notre humanité, notre avenir… On sent bien les limites de ce type d’ouvrages, de cette façon de réagir à chaud, de laisser l’émotion nous submerger… Et, en même temps, il nous était probablement impossible de faire autrement. Mais si nous avons été tous Charlie, il faudrait peut-être que nous soyons tous des migrants isolés sur la mer Méditerranée… Non ?

Allez, puisque que c’est encore l’été et que l’été c’est fait pour lire, bonne lecture à tous !

Shelton
avatar 20/09/2018 @ 05:47:00
Non, l'été n'est pas terminé et les dernières chroniques vont vite arriver... Patience !

Shelton
avatar 20/09/2018 @ 08:24:58
Mercredi 19 septembre 2018

L’été c’est fait pour lire et beaucoup en été vont lire à la plage… Il faut dire que la mer attire, fascine, détend et rafraichit le vacancier de base… Christophe Bec n’a rien d’un vacancier, si ce n’est une ou deux fois par an, par contre, la plage le charme moins que les grands fonds. Souvent dans ses séries de bandes dessinées, il aime utiliser les profondeurs océaniques pour y enfermer ses personnages ou en faire surgir… le mystère ! Avec le triptyque Le Fulgur, il va encore et avec bonheur bous faire visiter les dessous de l’Océan…

Pour cette histoire, il s’est appuyé très librement sur un roman de Paul de Semant, Le Fulgur. Je ne vais pas pouvoir vous dire si l’adaptation est bonne car je n’ai pas lu ce roman et je n’ai pas pu le trouver à un prix accessible en préparant cette chronique. Paul de Semant, de son véritable nom Paul Cousturier, a été dans un premier temps militaire puis a pratiqué divers petits boulots – on dit qu’il aurait même tenu une maison close – dont illustrateur de roman. Il vivait dans la deuxième partie du XIX° siècle et en ces temps les romans étaient très souvent illustrés de quelques gravures… Il a mis son talent de dessinateur et caricaturiste au service du général Boulanger tentant même de devenir député populiste – pour utiliser un mot d’aujourd’hui – mais sans succès… Alors, il a réalisé des livres pour la jeunesse et il a écrit quelques romans comme Le Fulgur, oubliant la politique et se consacrant à la fiction où il semble avoir été bien meilleur…

Dans cette adaptation par Christophe Bec et dessinée par Dejan Nenadov, on sent immédiatement une influence des romans de Jules Vernes, ne serait-ce parce que le Fulgur est un sous-marin, frère, cousin ou proche parent du Nautilus… Attention, proche ne signifie pas identique car cette fiction basée sur aventure et science, est aussi une histoire fantastique comme d’ailleurs Christophe Bec les aime bien. Ce scénariste apprécie beaucoup mélanger les genres pour ne pas se laisser enfermer dans des styles, des écoles, des genres… Il aime sa liberté d’écriture et il en profite abondamment comme dans ces trois tomes du Fulgur…

Il y a dans cette histoire aussi un peu de la chasse au trésor et de l’île mystérieuse… mais tentons de vous donner quelques éléments sans en dire trop… Tout commence en 1907, dans le canal du Yucatan, entre le Mexique et l’île de Cuba. C’est par ce passage qu’un cargo rempli d’or va être piégé par une tempête de grande ampleur et va couler très vite sans laisser de trace… Le bateau va tomber sur le fond après de 4000 mètres de profondeur… Heureusement que l’on est dans une fiction car il semblerait que ce canal bien réel n’ait pas plus de 1800 mètres de profondeur…

La cargaison d’or fait envie ! C’est sûr ! C’est alors que quelques années plus tard, la science – le professeur Claudian – et la finance – Sir Joe Kens qui a fait fortune dans le pétrole – se retrouvent pour une expédition incroyable dont le but avoué est bien de retrouver le trésor… Il faut dire que le professeur Claudian est l’inventeur d’un sous-marin improbable qui peut descendre très profondément sans risque… Quoi que ses collègues mettent en doute son invention ! A un moment donné, le Fulgur va perdre son contact avec le bateau de l’expédition et nous allons – personnages comme lecteurs – basculer dans une histoire fantastique de très bonne qualité…

J’ai suivi les auteurs sans aucune difficulté, l’histoire est bien construite et e dessin de Dejan Nenadov m’a convaincu avec, entre autres, de très bonnes expressions faciles de ses personnages. Les couleurs de Tanja Cinna viennent parachever tant l’esthétique que la narration… une bonne bande dessinée pour ceux qui ont la nostalgie de Jules Vernes, qui aiment le fantastique et qui ont envie de quitter la médiocrité du quotidien… Cette série, Le Fulgur, peut être lue dès l’adolescence, après tout je lisais bien Jules Vernes en ces temps lointains… et comme l’été c’est fait pour lire, que nous sommes encore en été pour quelques jours… Bonne lecture à tous !

Shelton
avatar 20/09/2018 @ 08:25:28
Jeudi 20 septembre 2018

L’été c’est fait pour lire et dans les derniers jours de l’été j’ai ouvert, un peu par hasard, un ouvrage d’Henri Troyat, Le chant des insensés. Je sais que cet académicien ne fait pas, encore aujourd’hui, l’unanimité. Il fut parfois soupçonné de plagiat ou d’être trop nostalgique de l’ancien régime russe, la grande époque des tsars. Attention, Henri Troyat ne minimise pas les excès du régime, la misère du peuple russe ou la violence qui peut régner à Moscou ou Saint-Pétersbourg… En fait, Henri Troyat se plait à raconter la Russie en slave, avec nostalgie, avec tristesse, avec des mots choisis et enchanteurs et c’est ce qui donne ce sentiment profond et attachant : avec ce romancier on devient Russe !

Par ailleurs, ma mère m’a transmis deux choses : un, l’amour de la Russie par la littérature et la musique, par sa façon de raconter comment elle avait découvert cet univers lors d’un voyage à Moscou et en Ouzbékistan à l’occasion d’un congrès du pétrole dans les années soixante-dix ; deux, la lecture des romans d’Henri Troyat avec, tout particulièrement, le cycle romanesque Les semailles et les moissons que l’on a lu à la même période… Depuis, j’ai encore lu beaucoup d’ouvrages russes et j’ai eu le plaisir de voyager à Moscou et Saint-Pétersbourg…

Alors, il est temps que je vous parle de ce roman Le chant des insensés d’autant plus que je le trouve d’une très bonne qualité. Cet ouvrage, d’ailleurs, aurait pu être une biographie. Il faut dire que l’auteur nous raconte la vie de Vassili Joukovski, poète romantique russe. Mais comme cet auteur est totalement inconnu en France, comme il a eu lui-même une existence mouvementés et romantique, comme il fut l’ami et le protecteur de très grands poètes comme Pouchkine ou Gogol et, enfin, comme il fut l’un des professeur du futur Alexandre II, Henri Troyat a préféré en faire un personnage de roman pour s’offrir plus de liberté dans les dialogues entre le poète et le tsar, le poète et ses amis, le poète et sa femme… et c’est une réussite !

Aujourd’hui encore, Joukovski est considéré comme un grand poète russe mais, surtout, il est pour certains le plus grand traducteur de poésie en langue russe. Traduire la poésie est une opération des plus délicate et Vassili se pétrissait de la poésie des autres jusqu’à la restituer en russe à sa façon. La traduction pouvait être considérée comme libre mais elle était, surtout, poétique ! Il a aussi travaillé sur des textes anciens comme L’Odyssée.

Bien sûr, fréquentant la famille impériale, il arrivait à obtenir quelques protections pour ses amis poètes mais il ne put sauver Pouchkine qui finalement va mourir des conséquences d’un duel à l’âge de 37 ans…

J’ai trouvé ce roman passionnant même si je ne peux pas avoir la certitude que tout y est véridique. J’ai le sentiment que la profondeur humaine vient plus de Troyat que des personnages et que l’on entre ici dans l’amour de l’âme slave et littéraire. Mais, c’est aussi très tragique, cruel, sanglant, absurde, terrible, oppressant car la vie en Russie au XIX° siècle n’est pas un fleuve tranquille, loin de là !!!

Alors, puisque l’été c’est fait pour lire, puisque cet été n’est pas encore terminé et qu’il nous offre même quelques beaux rayons de soleil, pourquoi ne pas lire Le chant des insensés et même s’il le fallait, pourquoi ne pas le garder pour les longues soirées d’hiver ?

Bonne lecture à tous !

Shelton
avatar 22/09/2018 @ 10:28:32
Vendredi 21 septembre 2018

L’été c’est fait pour lire, c’est ainsi, mais en fin d’été il est bon de penser à l’année – scolaire ou universitaire, culturelle ou médiatique, de travail ou de retraite – qui arrive. Or, c’est l’occasion de fêter un anniversaire, celui de la création d’un personnage de fiction, Alix… En effet, c’est en 1948, que Jacques Martin crée le personnage d’Alix, il y a donc 70 ans ! Et je parle bien d’année de lecture car si vous relisez la série en entier… 19 albums en solo, 9 avec des collaborateurs plus presque une dizaine par ceux qui font vivre la série depuis la disparition de Martin en 2010…

Le personnage est un Gaulois qui par adoption devient un Romain et il va vivre des aventures de fiction même si la bande dessinée est parfaitement documentée. Malgré tout, on peut affirmer que cette antiquité de Martin est rêvée, fantasmée, épurée… même si de nombreux enseignants n’ont pas hésité à s’appuyer sur ces albums pour faire comprendre à leurs élèves ce qu’avait été l’Antiquité…

Depuis l’année de sa création – donc 1948 dans le Journal de Tintin – Jacques Martin fait voyager Alix et son ami Enak dans l’Antiquité – pour parler de l’époque – et dans la France, l’Italie, l’Espagne, la Grèce, l’Egypte… – s’il faut parler des pays ou de leurs équivalents actuels – ce qui offre un corpus magistral pour tous les enseignants de collège qui peuvent montrer, en images, la vie quotidienne dans ces temps lointains. Une vie quotidienne globalement bien respectée car Jacques Martin a toujours tenu à partir d’une documentation solide, abondante et vérifiée historiquement. Plus qu’un simple auteur de bandes dessinées, il voulait être un auteur historique !

C’est pour cela que Jacques Martin, très tôt, a voulu qu’il existe des séries parallèles à ses personnages pour réaliser de véritables documentaires illustrés à la manière de la bande dessinée avec Alix dans Rome, Orion en Grèce, Jhen dans le Moyen-âge européen… Cette série des fameux Voyages est devenue maintenant célèbre et elle est la démonstration absolue que l’on peut apprendre avec la bande dessinée comme support… Qui l’eut cru ?

Mais, revenons à cet anniversaire de la série. Je rappelle que la série continue encore de nos jours car Jacques Martin a mis en place une équipe d’auteurs qui ont prolongé l’ensemble de son œuvre et en particulier ont continué de faire vivre Alix… qui n’a pas pris une ride, du moins dans la série principale, et qui a même parfois retrouvé une jeunesse et une vitalité surprenante mais réjouissante !

Une exposition aura marqué cette année, au musée de la bande dessinée d’Angoulême, à l’occasion de cet anniversaire en mai 2018. Cette très belle rétrospective, Alix, L’art de Jacques Martin, a permis à de nombreux amateurs de cette série de voir comment tout cela s’était mis en place, comment Jacques Martin, au départ très marqué par Hergé et Jacobs, maitre et compagnon de travail, avait petit à petit mis en place ses spécificités, son style, son art narratif et graphique…

Il ne manquait plus que l’ouvrage pour reprendre tout cela et nous permettre de garder avec nous les beaux souvenirs de l’exposition. C’est maintenant chose faite – et bien faite – et j’ai été très heureux de lire cet ouvrage, de retrouver les illustrations de l’exposition mais avec des textes de qualité, des analyses et études pertinentes, des ouvertures artistiques et historiques sur cette œuvre de qualité que je fréquente depuis longtemps…

Alors, bien sûr, il y aura toujours des esprits chagrins pour se lamenter sur l’aspect trop classique de cette bédé, sur les textes trop longs, sur une Antiquité déformée par Martin, sur une bande dessinée trop figée… Oui, bon, je dois vous avouer que cela ne m’a pas gâché mon plaisir de lecteur et que cet ouvrage Alix, L’art de Jacques Martin, est un excellent document pour ceux qui aiment Jacques Martin, Alix ou qui ne demandent qu’à le découvrir… Alors, comme l’été c’est fait pour lire, bonne lecture !

Shelton
avatar 23/09/2018 @ 14:41:32
L’été c’est fait pour lire, chronique estivale qui est destinée à la radio et Internet à pris fin. Cela ne signifie d’ailleurs nullement un arrêt des lectures et des présentations de livres, seulement que le rythme deviendra plus souple, plus libre…

Merci à tous ceux qui ont lu, commenté, partagé… Au total, 93 chroniques – sans compter quelques compléments – ce qui signifie aussi de nombreux ouvrages lus dans la période de mars à août… Mais, pour moi, lire est un plaisir, donc pas trop de souci !

Je sais que certains ont regretté qu’il y ait trop de bandes dessinées, trop de livres de cuisine ou trop de classiques… C’est comme cela, on ne peut pas plaire à tout le monde et il en faut pour tous les goûts. J’espère quand même que chacun aura trouvé là au moins une bonne idée de lecture… D’ailleurs, dites-moi le résultat : que vous ayez aimé ou pas, c’est tellement passionnant de voir ce que les autres ont trouvé dans les livres que l’on a aimés… Parfois, heureusement, nous avons des sentiments à l’opposé et c’est bien pour cela qu’il faut se battre pour que nous gardions la diversité dans l’édition… Attention, c’est bien un véritable combat !

En attendant, de nombreux évènements vont venir rythmer notre vie de lecteurs et vous pouvez vous préparer à des présentations multiples de bandes dessinées car dans quelques jours, c’est le festival Quai des bulles à Saint-Malo où je serai avec 8 étudiants !

A très vite !

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