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Benoit
avatar 24/11/2004 @ 19:02:11
Je ne sais pas si dans la volonté de vouloir aller de l'avant chez Saule, il y a un quelconque côté religieux. Quand tu as marché pendant deux mois sans arrêt, ou presque, et que tu as trouvé un certain bonheur sur le chemin (apporté par la solitude, la beauté des paysages, ...), cela doit être dur de prendre la décision de s'arrêter, qu'on soit chrétien ou non. Enfin, moi, je le vois comme ça!

Le Mont Carmel 24/11/2004 @ 19:05:33
Je vois très bien ce que veut dire Sybilline, et je crois que cela ne déprécie en rien le pélérinage de Saule de penser cela, et de le dire !
Maintenant, est-ce vraiment ce qui fait avancer notre Pélérin envers et contre tout ?
N'est-il pas encore plus dur, maintenant, de décider de s'arrêter (ou de continuer en train, en stop ou en vélo) que de poursuivre coûte que coûte, fut-ce au prix d'une lésion peut-être définitive ? Personne que lui ne peut le savoir je crois....
Nous restons avec toi, Saule, dans l'attente du mail promis.

Saint Jean-Baptiste 24/11/2004 @ 22:22:40
Sybilline a bien dit les choses et j'espère avec elle qu'elle ne subira pas les assauts injurieux de Cl-bristes. (je pense que ce genre d'assauts se cantonne sur d'autres fuseaux qui traitent de sujets plus "sensibles" qu'ici).

C'est vrai que le dolorisme dont parle Syb a été longtemps l'apanage des chrétiens qui voyaient dans la souffrance une valeur édifiante. Je crois, et j'espère, que ces temps sont révolus. Je crois qu'aujourd'hui, les Docteurs de l'Eglise se gardent bien de donner un sens à la souffrance et en tout cas, ne la considère jamais comme une valeur.

J'espère que Saule n'envisage pas de se faire souffrir pour quoi que ce soit. Qu'est-ce qui le pousse à continuer ? Lui seul doit le savoir.
Il doit faire un examen de ce qui se passe en lui et ça doit être très, très difficile !
Alors bonne chance Saule ! Courage et lucidité !
Et surtout, raconte nous tout !

Fee carabine 25/11/2004 @ 02:55:30
Loin de moi l'idée de lyncher qui que ce soit, mais il me semble qu'on s'égare un peu...

Concernant le dolorisme qui serait "l'apanage" du Christianisme tout d'abord, ce n'est pas l'endroit pour en débattre (d'autant qu'on s'est déjà bien empoignés ailleurs sur des questions de religion), mais je vous suggère tout de même de jeter un oeil sur les grands classiques de la littérature indienne (par exemple, l'Océan des rivières de contes de Somadeva), qui fourmillent de récits des mortifications que les hindous pieux s'infligeaient pour se concilier la bienveillance de leurs dieux... Alors, cette vision d'une glorification de la souffrance qui serait l'apanage du Christianisme me paraît difficilement défendable...

Quant à la question du sens de la souffrance... Eh bien, il me semble que c'est un réflexe naturel de tout être humain qui se trouve confronté à la souffrance de façon intense ou prolongée, que d'essayer de trouver un sens à cette souffrance - ce sens fut-il illusoire, d'en apprendre quelque chose... peut-être tout simplement parce que le fait de retirer un "bénéfice" d'une expérience douloureuse - une expérience à laquelle on préfererait ne pas être confronté - rend cette expérience un tout petit peu plus supportable... La souffrance peut - comme le dit justement Lucien - nous ouvrir à la compassion face à la souffrance d'autrui, nous rendre encore plus attentifs à la beauté du monde, au bonheur de vivre. Le fait d'éprouver notre corps dans la douleur peut nous apprendre à apprécier à leur plus juste valeur les joies qu'il peut nous donner, Michel Onfray en a très bien parlé, qui est pourtant très loin du "dolorisme catholique"... Et cette démarche de donner un sens à une souffrance qu'on n'a pas cherchée, est très loin d'être une glorification de la souffrance.

Et puis, il peut y avoir une grande souffrance aussi dans le fait de ne pas aller au bout d'un rêve... Et je crains qu'aujourd'hui Saule soit "coincé" entre cette souffrance-là et la douleur de ses jambes... En tout cas, il est le seul à savoir ce qui est le mieux pour lui, et je crois qu'il prendra la bonne décision, quelle qu'elle soit...

Enfin, je crois que ce dont Saule a le plus besoin aujourd'hui, c'est que nous l'accompagnons de nos voeux et de nos pensées, plus que de nos conseils, fussent-ils excellents... Mais il me semble aussi que nous sommes tous d'accord sur ce point, et c'est le plus important....

Lucien
avatar 25/11/2004 @ 11:57:37
Et, dans le bouddhisme :

Voici, ô moines, la vérité mystique sur la douleur : la naissance est douleur, la maladie est douleur, la mort est douleur, l'union avec ce qu'on déteste est douleur, la séparation d'avec ce qu'on aime est douleur, l'impuissance à obtenir ce que l'on désire est douleur. En résumé, les cinq agrégats d'appropriation sont douleur. Voici encore, ô moines, la vérité mystique sur l'origine de la douleur : c'est la soif qui conduit de naissance en naissance, accompagnée de jouissance et d'attraction, qui cherche satisfaction ici et là : soif des plaisirs des sens, soif de l'existence, soif du devenir et soif du non-devenir.

Il ne s'agit donc pas de rechercher la souffrance comme une mortification mais de savoir qu'elle est au centre de notre être et qu'elle naît de notre soif. La souffrance actuelle de Saule naît de sa soif d'absolu. Mais la non-satisfaction de cette soif aurait généré une autre souffrance... D'où le détachement bouddhiste.

Sahkti
avatar 25/11/2004 @ 12:13:23
Je partage l'avis de Fée Carabine, le dolorisme n'est pas l'exclusivité d'une seule religion ni même de la religion tout court.
Pour aller plus loin dans la démarche, il y a sans doute derrière tout cela une volonté de dépassement personnel par affrontement puis victoire sur la douleur et la souffrance qu'elle engendre. Ce n'est pas forcément lié à une quelconque mortification religieuse, même si la foi joue un rôle essentiel dans la démarche entreprise.
Il y a aussi de la vanité et de l'amour-propre derrière tout cela. Ne pas abandonner en chemin, ne pas s'arrêter, penser être maître de son corps (cette dualité corps-esprit qui range le premier au rang d'objet et donne une certaine supériorité à l'autre.... Erreur colossale!). Pour être passée par là, dans des circonstances totalement différentes, il y a un réflexe inconscient de l'esprit de refuser de devenir esclave du corps. Réflexe qui devient puissant en cas d'effort extraordinaire à fournir, de maladie ou autre chose, entraînant une souffrance puissante qui peu à peu prend le pas sur tout le reste. On a beau dans ces cas-là avoir la plus belle théorie du monde, rien à faire, ça ne se passe pas comme on le voudrait et on essaie de repousser les limites, de manière parfois absurde ou vaine. Mais on a le sentiment de garder le contrôle, de décider... oui, c'est vanité, mais sans doute pas au sens où on entend habituellement ce terme de vanité.
Et là, je ne peux que rejoindre Sybilline qui parle d'écouter son corps et de le laisser s'exprimer.

Tistou 25/11/2004 @ 14:20:43
Je vois très bien ce que veut dire Sybilline, et je crois que cela ne déprécie en rien le pélérinage de Saule de penser cela, et de le dire !
Maintenant, est-ce vraiment ce qui fait avancer notre Pélérin envers et contre tout ?
N'est-il pas encore plus dur, maintenant, de décider de s'arrêter (ou de continuer en train, en stop ou en vélo) que de poursuivre coûte que coûte, fut-ce au prix d'une lésion peut-être définitive ? Personne que lui ne peut le savoir je crois....
Nous restons avec toi, Saule, dans l'attente du mail promis.

Non, je ne pense pas à une lésion définitive. Les alarmes de son corps l'auront réveillé avant. Réveillé, je veux dire, l'auront mis devant la sèche réalité du monde concret ; "tu continues et je te casse ou tu m'écoutes et tu récupèreras". Pour aller jusqu'à casser son corps, il faut être sous l'emprise de "masquants" de la douleur ou de choses de ce genre. Là on est plus sur une accumulation de fatigue, d'efforts, qui fait que le corps supplie qu'on le laisse souffler un peu.
Il est important que Saule sache que s'il était amené à s'arrêter, et pas seulement s'interrompre, ça n'enlèverait strictement rien à l'affection et l'admiration que nous lui avons témoignés. C'est mon cas en tous cas.
Ne te mets de pression de notre fait Saule. C'est toi et ton corps qui sont en jeu. Rien d'autre.

Saule

avatar 25/11/2004 @ 16:58:31
Vos avis m'intéressent beaucoup mais j'ai peu de temps pour y répondre.

Après 6 jours de repos à Saint Palais, quand j'ai mis mon sac, pris mon baton de pèlerin et me suis remis en route j'avais un sourire jusqu'aux oreilles. J'en ai été vraiment étonné moi-même. A ce moment j'ai compris pourquoi je ne voulais pas arrêter : parce que je m'amuse. Et franchement m'arrêter serait très difficile.

La règle c'est plus ou moins que quand on peut marcher on marche, si la douleur est trop forte et empêche de marcher on s'arrête. Pour le reste il faut se laisser guider par la douleur.

Comme dis Tistou il n'est pas question de lésion définitive, avec une tendinite aux tendons d'achilles on ne peut simplement pas marcher et on s'arrête avant de casser le tendon ! En tout cas je suis loin d'être inconscient. Par contre lors de ma journée perdue dans les Pyrénées j'ai été trop loin dans mes réserves et je l'ai payé cher.

Demain la meseta. Je voulais me reposer un jours à Burgos mais il fait un temps superbe et j'ai accroché un bon groupe alors je crois que je vais continuer encore 2 ou 3 jours sur ma lancée. Stefan, qui est à Léon, m'a dit que la meseta par mauvais temps c'est très pénible. Maintenant c'est -5 la nuit mais la journée, avec le soleil, il fait bon.

Saint-Germain-des-Prés

avatar 25/11/2004 @ 17:13:49
Voilà Saule et Nietzsche d'accord au moins sur un point : "Ce n'est pas la colère mais le rire qui chassera les ténèbres" (Ainsi parlait Zarathoustra).

Saint Jean-Baptiste 25/11/2004 @ 17:41:02
Oui, oui, je me suis trompé, "l'apanage" ce n'était pas le mot juste. J'aurais dû trouver autre chose ! Je cherche !

Saint Jean-Baptiste 25/11/2004 @ 20:29:31
"Je m'amuse"
Eh bien voilà ! Pourquoi faire compliqué quand tout est simple ?
Saule nous dit : "Je m'amuse"!
A la bonheur, Saule, c'est la meilleure nouvelle que tu pouvais nous envoyer.
Quand le moral est bon, tout est bon !
Mais si tu pensais à nous, comme nous on pense à toi, tu nous enverrais un peu plus souvent des nouvelles (c'est pour rire, tes dernières nouvelles nous ont mis de bonne humeur).
Continue, pèlerin, fais quelques pas pour nous de temps en temps. Tous les vœux (réels) de tes amis (virtuels) t'accompagnent jusqu'où tu pourras aller.

Saint Jean-Baptiste 25/11/2004 @ 20:46:09
Sahkti, tu parles d'expérience et tu sais ce que tu dis. Mais quand même, ne dévalorise pas ces magnifiques qualités : volonté et courage physique, qui sont le fait d'un caractère bien trempé.

Lucien
avatar 25/11/2004 @ 21:48:16
quand j'ai mis mon sac, pris mon baton de pèlerin et me suis remis en route j'avais un sourire jusqu'aux oreilles. J'en ai été vraiment étonné moi-même. A ce moment j'ai compris pourquoi je ne voulais pas arrêter : parce que je m'amuse.

Nous nous cassons la tête, nous nous rongeons les sangs... pendant ce temps, Saule s'amuse; pendant ce temps, Saule sourit. Sourire de l'ange de Reims, sourire du Bouddha... le sourire, signe de l'éveil. Continue, Saule, tu nous amuses. Et tu nous as bien fait sourire!

Jules
26/11/2004 @ 13:46:08
Bravo ! J'en étais certain... Et tu t'amuses !... C'est merveilleux et ne diminue en rien le courage nécessaire, au contraire !...

Ghislaine 26/11/2004 @ 18:53:14
Bonjour Saule,

Nous sommes ravis de te voir t'amuser, nous n'en avons jamais douté, sans que cela enlève quoi que ce soit à ton mérite d'ailleurs ! Je pense que tu ne renieras pas ce que disait Rousseau des plaisirs de la marche à pied, sans approuver pour autant sa critique imméritée sur la non-résistance des femmes :

>


Jean-Jacques ROUSSEAU, L'Emile,1762

Ghislaine 26/11/2004 @ 18:57:38
Bonjour Saule,

Nous sommes ravis de te voir t'amuser, nous n'en avons jamais douté, sans que cela enlève quoi que ce soit à ton mérite d'ailleurs ! Je pense que tu ne renieras pas ce que disait Rousseau des plaisirs de la marche à pied, sans approuver pour autant sa critique imméritée sur la non-résistance des femmes :

" Nous ne voyageons donc point en courriers, mais en voyageurs.
Nous ne songeons pas seulement aux deux termes, mais à l'intervalle qui les sépare.
Le voyage même est un plaisir pour nous. Nous ne le faisons point tristement assis et comme emprisonnés dans une petite cage bien fermée. Nous ne voyageons point dans la mollesse et dans le repos des femmes. Nous ne nous ôtons ni le grand air, ni la vue des objets qui nous environnent, ni la commodité de les contempler à notre gré quand il nous plaît. Emile n'entra jamais dans une chaise de poste, et ne court guère en poste s'il n'est pressé. Mais de quoi jamais Emile peut-il être pressé? D'une seule chose, de jouir de la vie. Ajouterai-je, et de faire du bien quand il le peut ? Non, car cela même est jouir de la vie.
Je ne conçois qu'une manière de voyager plus agréable que d'aller à cheval, c'est d'aller à pied. On part à son moment, on s'arrête à sa volonté, on fait tant et si peu d'exercice qu'on veut. On observe tout le pays ; on se détourne à droite, à gauche ; on examine tout ce qui nous flatte, on s'arrête à tous les points de vue. Aperçois-je une rivière, je la côtoie ; un bois touffu, je vais sous son ombre ; une grotte, je la visite ; une carrière, j'examine les minéraux. Partout où je me plais, j'y reste. A l'instant que je m'ennuie, je m'en vais. Je ne dépends ni des chevaux ni du postillon. Je n'ai pas besoin de choisir des chemins tout faits, des routes commodes ; je passe partout où un homme peut passer ; je vois tout ce qu'un homme peut voir ; et, ne dépendant que de moi-même, je jouis de toute la liberté dont un homme peut jouir. Si le mauvais temps m'arrête et que l'ennui me gagne, alors je prends des chevaux. Si je suis las... Mais Emile ne se lasse guère ; il est robuste ; et pourquoi se lasserait-il ? il n'est point pressé. S'il s'arrête, comment peut-il s'ennuyer ? il porte partout de quoi s'amuser. Il entre chez un maître, il travaille : il exerce ses bras pour reposer ses pieds.
Voyager à pied, c'est voyager comme Thaïes, Platon et Pythagore. J'ai peine à comprendre comment un philosophe peut se résoudre à voyager autrement et s'arracher à l'examen des richesses qu'il foule aux pieds et que la terre prodigue à sa vue. Qui est-ce qui, aimant un peu l'agriculture, ne veut pas connaître les productions particulières au climat des lieux qu'il traverse, et la manière de les cultiver ? qui est-ce qui, ayant un peu de goût pour l'histoire naturelle, peut se résoudre à passer un terrain sans l'examiner, un rocher sans l'écorner, des montagnes sans herboriser, des cailloux sans chercher des fossiles ? Vos philosophes de ruelles étudient l'histoire naturelle dans des cabinets, ils ont des colifichets, savent des noms, et n'ont aucune idée de la nature. Mais le cabinet d'Emile est plus riche que ceux des rois ; ce cabinet est la terre entière. Chaque chose y est à sa place : le naturaliste qui en prend soin a rangé le tout dans un fort bel ordre : Daubenton ne ferait pas mieux.
Combien de plaisirs différents on rassemble par cette agréable manière de voyager ! sans compter la santé qui s'affermit, l'humeur qui s'égaye. J'ai toujours vu ceux qui voyageaient dans de bonnes voitures bien douées, rêveurs, tristes, grondants ou souffrants ; et les piétons toujours gais, légers, et contents de tout. Combien le cœur rit quand on approche du gîte ! Combien un repas grossier paraît savoureux ! avec quel plaisir on se repose à table ! Quel bon sommeil on fait dans un mauvais lit !
Quand on ne veut qu'arriver, on peut courir en chaise de poste. "


Jean-Jacques ROUSSEAU, L'Emile,1762

Benoit
avatar 26/11/2004 @ 19:02:54
Je ne conçois qu'une manière de voyager plus agréable que d'aller à cheval, c'est d'aller à pied. On part à son moment, on s'arrête à sa volonté, on fait tant et si peu d'exercice qu'on veut. On observe tout le pays ; on se détourne à droite, à gauche ; on examine tout ce qui nous flatte, on s'arrête à tous les points de vue. Aperçois-je une rivière, je la côtoie ; un bois touffu, je vais sous son ombre ; une grotte, je la visite ; une carrière, j'examine les minéraux. Partout où je me plais, j'y reste. A l'instant que je m'ennuie, je m'en vais. Je ne dépends ni des chevaux ni du postillon. Je n'ai pas besoin de choisir des chemins tout faits, des routes commodes ; je passe partout où un homme peut passer ; je vois tout ce qu'un homme peut voir ; et, ne dépendant que de moi-même, je jouis de toute la liberté dont un homme peut jouir. Si le mauvais temps m'arrête et que l'ennui me gagne, alors je prends des chevaux.

Ce passage-là, Rousseau ne l'aurait-il pas refourgué dans ses Confessions (lorsqu'il se promène dans les Alpes, entre le livre I et le livre IV)?? Car cela me dit quelque chose, surtout la première phrase...

Sahkti
avatar 27/11/2004 @ 00:23:26
Sahkti, tu parles d'expérience et tu sais ce que tu dis. Mais quand même, ne dévalorise pas ces magnifiques qualités : volonté et courage physique, qui sont le fait d'un caractère bien trempé.


Je ne dévalorise rien du tout SJB, ne mélangeons pas tout.

Saule

avatar 03/12/2004 @ 19:14:26
Bonjour à tous,

Voici les dernières nouvelles.

Je suis arrivé à Léon hier, je m'y repose aujourd'hui avant de reprendre la route demain. J'aime bien les villes : Léon, Burgos, Logrono, Estella, Pampelune pour n'en citer que quelques unes, chaque fois je voudrais rester quelques jours pour m'imprégner de l'ambiance. Mais il faut bien avancer, donc la plupart du temps je ne fais que passer en coup de vent.

Il me reste 320 kilomètres pour Santiago, ce qui est peu par rapport aux 2100 parcourus depuis Bruxelles mais ça me parait beaucoup. Je commence à sentir la fin, j'y aspire car la route est vraiment difficile, à cause de mes pieds, du froid et de l'accumulation de fatigue. Mais en même temps ça me fait un peu peur de terminer.

J'ai vu un médecin ce matin, un de plus, qui m'a donné son avis sur mes problèmes, un avis de plus, inédit. Mes problèmes seraient causés par le muscle en-dessous du pied, trop sollicité, notamment à cause de mon poid, de celui du sac et bien sûr de l'excès de marche. Pourtant j'ai perdu dix kilos depuis Bruxelles. Je crois qu'il a raison car ce muscle est en effet douloureux. Idéalement je devrais avoir des semelles orthopédiques, mais c'est un peu tard : il faut une semaine pour les fabriquer et je ne suis qu'à deux semaines de marche de Santiago. Donc je continue comme ça, lentement et par petites étapes. A ce propos, ce matin j'ai vu un couple de belges qui étaient partis un mois après moi : ça m'a fait un choc de réaliser à quel point je lambinais ! Ceci dit j'ai le temps et je profite du chemin sans trop me presser. Et puis dans un pèlerinage, comme dans la vie d'ailleurs, chacun avance à son rythme et c'est bien comme ça.

La meseta fut une traversée du désert, dans tout les sens du terme. Je dis traversée du désert car ça correspond bien à mon état d'esprit, au niveau spirituel s'entend. Ce décor monotone, plat et vide incite à la méditation mais en même temps nous vide l'esprit. C'est beau, d'une beauté épurée et abstraite. La terre est rouge, parfois jaune ou ocre. Par moment on se croirait sur la lune. Il parait qu'il y a des loups dans la meseta, malheureusement je n'en ai pas vus.

A part les deux derniers jours j'ai eu un temps splendide, soleil et ciel bleu. Quand je pars le matin, il fait froid et le sol est tout blanc, ensuite le soleil se lève (assez tard en fait), les brûmes disparraissent et la température monte. Les nuits sont vraiment froides et la plupart du temps les refuges sont non chauffés. Mais je ne me plains pas : Stefan, le pèlerin allemand avec qui j'ai marché en France, m'a dit par mail avoir souffert énormément dans la meseta, à cause du vent, du froid et de la poussière.

Je me retrouve seul à nouveau, derrière tout le monde ! Aux dernières nouvelles, Sarah, la jeune suisse rencontrée en France, n'est qu'a deux jours de moi. Les derniers temps je marchais avec un bon groupe, des espagnols et ensuite une australienne et une hollandaise qui se sont jointes au groupe, mais je viens de les perdre en m'arrêtant ici. Les autres sont importants sur le chemin, ça aide quand la route est difficile. Comme avant-hier, ou j'ai marché toute la journée sous une pluie continue, avec un vent glacial. Le soir on était content de se retrouver, ça aide vraiment pour se remettre et se remonter le moral. Même chose le jour d'avant ou je me suis retrouvé seul dans un grand refuge paroissial d'un petit village : j'étais content de voir arriver pépé, que je connais depuis quelques semaines, je le rencontre le plus souvent dans les bars. Pépé est un vagabond pitoresque, il est sur la route avec ses deux chiens depuis toujours semble-t-il. Il dort le plus souvent dans la rue, son problème c'est qu'il carbure au vin.

Dans ce petit groupe il y a pas mal d'éclopés et les gens ne se gènent pas pour prendre le bus, le taxi ou faire du stop, ceci afin de retrouver les autres à l'étape du soir. Mon orgueuil de pèlerin m'en empêche mais je me dis parfois que c'est un peu puéril de ma part. Pourquoi cette fierté de tout faire à pied ? D'autant plus que j'ai appris qu'aux temps anciens, ceux qui marchaient étaient ceux qui ne pouvaient pas se payer un cheval.

Demain je repars, objectif Villafranca qui est à 150 kilomètres d'ici. Il y a une porte du pardon là-bas, comme à Santiago, et les pèlerins qui sont blessés peuvent s'y arrêter et recevoir les mêmes indulgences que si ils avaient été à Santiago. C'est pour la petite histoire car une fois là-bas j'imagine que je pousserai jusqu'à Compostelle !

Malheureusement le plat c'est fini : après Léon on grimpe sérieusement, jusqu'à 1500 mètres, il y aura de la neige et ça va être froid ! Mais il paraît que c'est très beau et qu'il y a des loups aussi. Pour l'instant je suis dans la communauté de Castille y Léon, avant j'ai traversé les communautés de Navarre (capitale Pampelune) et de La Rioja (capitale Logrono). Une communauté regroupe une ou plusieurs provinces, en Castille y Léon j'ai traversé les provinces de Burgos, Palencia et maintenant je suis dans la province de Léon. La communauté de Navarre ne contient que la province de Navarre, ainsi que celle de La Rioja. Que ce soit en Navarre, dans La Rioja ou dans la meseta, le chemin en Espagne est tout simplement magnifique.

C'est tout pour le moment. Que l'apôtre Jacques nous garde, et puis, comme toujours : ¡Adios! Y como se dice ¡¡Ultreia!!

Tistou 03/12/2004 @ 19:22:44
Que dire? Qu'on est encore et toujours avec toi?
Des loups! Normalement tu sais, ils ont peur de l'homme. Et puis ce n'est pas encore les grands froids, qui les font sortir du bois. Il y en a au dessus de chez moi, et je n'imagine pas un instant avoir la chance d'en voir un. Peut être qu'eux m'ont vu?
Tu iras au bout maintenant. Il va falloir songer (et t'aider) pour lutter contre le syndrome du but atteint!
Bravo Saule.

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