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Marick 10/10/2004 @ 07:56:48
Depuis très longtemps je me dis qu'un jour j'entreprendrai ce pélerinage et puis ,les charges de famille,la vie...Je me cherche des excuses;je crois que je n'ai tout simplement pas ton courage,prendre la décision detout laisser,ce n'est pas si facile.Bravo!

Le Mont Carmel 10/10/2004 @ 16:29:54
Bravo Saule, il paraît que tu as pu reprendre la route, quel bonheur ! Nous restons avec toi, comme tu peux le voir sur ce site !
A quand un prochain mail ?

Saule

avatar 13/10/2004 @ 14:30:36
Merci pour toutes les réactions que suscitent mon petit récit, ça me fait vraiment plaisir.

J'ai pris bonne note des avis de Tistou et Lucien sur la périostite. Je suis très à l'écoute du tibia, à tel point que le médecin à suggéré que je somatisais ! Mais c'est faux, c'est juste que je suis prudent et comme dit Tistou le corps me prévient. Mais c'est difficile à gérer comme situation.

Pour les souliers : j'ai des bottines ce qui est bien pour les chevilles mais mauvais pour le tibia car c'est trop lourd et ça bloque un peu au dessus. J'ai pensé acheter des chaussures de jogging mais je n'ai pas beaucoup de place pour porter les autres dans le sac. Mais c'est une possibilité.

Voilà les nouvelles :

Je suis à Figeac, une belle petite ville du midi, dans la vallée du Lot. Je prends un jour de repos, je suis logé au Carmel, et j’en profite pour donner des nouvelles fraîches.

Après quatre jours d’arrêt à Saugues, je suis reparti pour des petites étapes de plus ou moins quinze kilomètres. Sans être une vraie douleur j’ai toujours une gène au tibia : Ça m’inquiète car j’ai peur que l’inflammation ne s’installe définitivement et ne me quitte plus avant Compostelle. J’ai vu un médecin qui m’a prescrit des anti-inflammatoires plus puissants et des anti-douleurs, j’en prends depuis 8 jours mais j’arrête demain. Pour l’instant je vais continuer par étapes de 20 à 30 kilomètres en espérant que ça passe, sinon je suppose que je prendrais un temps de repos complet à nouveau. « Aucun malheur n’est sans bonheur » dit Maître Eckart : je me suis fait une raison et je vois le bon coté des choses. En tout cas mon état d’esprit a fortement changé. Bien sur c’est frustrant de devoir retenir ses pas, surtout parce que je perds le contact chaque fois avec les gens que je rencontre. Mais par contre cela me permet de vivre un autre pèlerinage : je visite les églises et les chapelles sur le chemin, je marche lentement, je discute avec les gens, je profite beaucoup plus du paysage. C’est une grosse différence avec celui qui veut absolumenent abbatre ses trente kilomètres par jour. Et puis je dois dire que je me sens profondément bien sur la route, alors je ne suis pas du tout pressé de rentrer en Belgique.

Après le Vélay, la Margeride et le Gévaudan, j’ai terminé la traversée du massif central par l’Aubrac. L’Aubrac c’est grandiose. On est sur un plateau montagneux entre 1200 et 1400 mètres d’altitude, l’horizon se déroule à l’infini. On traverse une succession de petits monts pelés et battus par un vent très violent. C’est une région très rude, des grandes étendues solitaires, juste quelques pins qui tentent de survivre au vent et au froid. C'est un paysage tout à fait lunaire. En hiver on ne rigole pas ! D’ailleurs à partir de novembre les chemins sont interdits aux randonneurs.

Après l’Aubrac je suis redescendu dans la vallée, en traversant des grandes forêts de châtaigniers. La lumière d’automne est vraiment belle, l’air est doux et avec cette impression particulière à l'automne. Avec les feuilles jaunes et le soleil c’était vraiment magnifique. En quittant la montagne pour la vallée je suis passé de l’Auvergne à la région Midi-Pyrénée. Quelque part je me sens plus à l’aise dans la plaine : il y fait meilleurs, le terrain est plus plat, le paysage est très verdoyant, il y a beaucoup de grandes forêts (châtaigniers surtout, des chênes aussi). En longeant le Lot je passe dans les plus beaux villages de France : Conque et sa superbe abbatiale romane, Saint Come d’Olt, Estaing. A Conque je suis arrivé trempé le dimanche juste pour la messe de 11 heures : j’avais campé à dix kilomètres de là et j’ai été pris dans un orage terrible. Arrivé à Conque je n’ai pas pu me sécher de suite et, vu la quantité de châtaignes ingurgitées, j’avais la diarhée. Je suis donc arrivé assez affaibli et j’ai dormi toute l’après-midi. Du coup je n’ai pas vraiment visité ce qu’on appelle le plus beau village de France.

J’ai rencontré Sarah un matin après mon départ de Saugues. On se connaissait déjà car l’épicière lui avait parlé du Belge avec sa tendinite tandis qu’un groupe de français avec des ânes m’avaient parlé de la jeune suisse qui marchait seule depuis les cantons du juras. Sarah est très jolie, elle a 25 ans. Quand je lui ai demandé pourquoi elle faisait ça elle m’a dit que ça n’allait plus trop bien dans sa vie, en particulier avec son copain, et qu’elle avait eu envie de partir. On voit bien qu’elle vit une démarche importante. Comme on est tous les deux lents on se retrouve de temps en temps aux étapes. Il y a aussi Stefan, un allemand grand et costaud, très croyant et qui est aussi lent que moi car il s’arrête dans chaque église. Il est parti ce matin mais fait le détour par Rocamadour, donc je le retrouverai sûrement dans quelques jours. Il y a Luis, un Portugais qui est sur la route depuis cinq ans, avec des haltes dans les monastères ou dans sa famille. Il prépare son grand pèlerinage qui sera Jerusalem. Il y a aussi Eva, une jeune allemande non croyante mais dont le regard brûle vraiment d’une flamme intérieure. Elle a maintenant deux jours d’avance sur moi. Et puis j’ai rencontré Monique qui avait de gros problème aux épaules et à qui j’ai pu expliquer comment régler le sac : elle m’a dit qu’elle ne m’oublierait jamais tellement elle en était contente. Elle a trois jours d’avance (je le sais car elle laisse souvent des mots dans les livres de prières des églises). Et il y en a beaucoup d’autres. En fait on n’est pas tellement à poursuivre jusqu’à Compostelle, du coup on se parle entre nous des uns des autres. Il arrive même que deux personnes parlent entre elles d’une troisième qu’elles n’ont jamais vue mais dont elles ont chacune entendu parler !

L’autre jour je marchais dans la forêt de châtaigniers. Avec les feuilles jaunes et les éclats de soleil sur les pierres mouillées, la scène était un peu féérique. J’ai eu la sensation de voir la scène de l’extérieur, comme si une autre personne s’étonnait et s’émerveillait de me trouver à ce moment dans un si bel endroit. J’avais déjà eu dans le passé cette impression d’arrêt sur image, lors de moments privilégiés ou on dirait qu’on se voit de l’extérieur pendant un bref moment, comme si le temps s’arrêtait. Mais là ce n’était pas une sensation fugace, cette présence extérieure que je ressens comme profondément bonne, est restée longtemps et je pouvais la faire revenir à volonté. J’ai eu le temps de comprendre que cette personne extérieure, en fait, c’était une partie de moi-même. C’est vraiment une grande grâce, je crois que l’expression se trouver soi-même est en train de prendre tout son sens pour moi.

Pour le logement je vais souvent dans les gîtes d’étapes communaux : pour un prix de 6 à 10 euros on a un lit en dortoir, une douche et une cuisinne. Aussi les salles paroissiales quand je trouve un curé mais ça ne marche pas toujours : une fois un curé m’a dit qu’il n’aimait pas faire concurrence aux gîtes ! C'est le monde à l'envers et ça montre bien un problème de la route du Puy : les pèlerins sont souvent considérés comme des touristes. Tant que possible je loge dans les monastères bien sur. J’ai été magnifiquement accueilli chez les Ursulines à Saint Come d’Olt notamment. Il y avait trois vieilles sœurs dont le regard pétillait de gentillesse. Et aussi à Estaing, à l’hospitalité Saint Jacques ou on s’est retrouvé comme dans une famille avec Stefan, Sarah, Luis et d’autres. Je dors parfois sous tente aussi. La plus belle nuit c’est quand j’avais mis la tente au milieu de nulle part, dans l’Aubrac, tout au sommet d’un petit mont. J’avais l’impression d’être dans le désert. J'aurais pu être sur la lune ! Le soir j’ai vu un coucher de soleil somptueux, le ciel est devenu orange et ensuite mauve de plus en plus profond. J’ai admiré le spectacle jusqu’aux premières étoiles, vers 8 heures, puis ensuite avec le vent à decorner les bœufs j’ai été obligé de m’abriter dans la tente. Le vent perçait la tente et le sac de couchage mais malgré les rafales la tente a tenu bon et je n’ai pas eu trop froid. Mais j’ai bien compris qu’un peu plus tard dans la saison il ne fallait pas essayer de dormir dehors en Aubrac (en fait j’ai eu de la chance pour la traversée de l’Aubrac car même en octobre il peut y faire très froid).

Bon j’en reste là pour l’instant. Il me reste 1300 kilomètres jusqu’à Compostelle. Vu mon rythme actuel je pense arriver à la mi décembre, sauf si je dois m’arrêter à nouveau pour un repos complet. En discutant avec des anciens je ne me tracasse pas vraiment du froid en Espagne car à part en Gallice on m’a dit que c’était un froid sec. A choisir je préfère ça aux grosses chaleurs de l’été.

C'est tout pour maintenant. Cet après-midi je vais visiter un peu la ville et aussi parler avec une dame quebecoise très gentille qui réside au Carmel et qui acceuille les pèlerins.

Alors comme chaque fois : Ultreia! Et que Saint Jacques nous garde et nous protège.

Azed 13/10/2004 @ 14:38:00
quel courage! j'admire mais je ne suivrai pas! bonne route!

Sido

avatar 13/10/2004 @ 16:38:25
Agréable moment passé à te lire. Tu donnes une belle leçon de courage et de persévérance. Bonne continuation. Bien à toi.

Lucien
avatar 13/10/2004 @ 17:25:51
Sans que ce soit le moins du monde ironique ou métaphorique, je t'ai lu avec un sourire sur les lèvres et les larmes aux yeux, Saule. Cette "secrète présence" et ce lever de soleil sur l'Aubrac... Tous autres mots seraient superflus... Encore plus loin, Saule, encore un peu plus loin vers toi et vers ta foi.

Tistou 13/10/2004 @ 17:35:13
Pour ta périostite, n'oublie pas, il n'y a que le repos qui pourra faire guérir. C'est vrai que 15 km par jour ça doit être frustrant! D'autant que ça te fait marcher pendant des mois difficiles. Ah, la vie comme le pélerinage n'est pas un long fleuve tranquille!
Essaie peut être quand même des chaussures à courir qui amortissent, il y en a spécialement conçues pour les trails et elles sont bien cramponnées. Ou alors peut être peux tu trouver chez un vendeur de chaussures, ou une pharmacie, une semelle en sorbothane, que tu mets dans tes propres chaussures, et qui te confèrent de l'amorti. Si ça tombe, ça suffit.
Ah, et j'oubliais! On est toujours, de coeur, avec toi! Et le coeur ...

Saint Jean-Baptiste 13/10/2004 @ 18:36:03
Enfin des nouvelles ! Merci Saule.
Si on était fâché avec le monde, on serait tenté de se réconcilier en te lisant, quand on apprend qu'il y a des vieilles religieuses qui ont le regard qui pétille de gentillesse quand elles reçoivent les pèlerins
On se dit qu'on est passé à côté de quelque chose. Je crois qu'on a vécu trop vite dans un monde de fous.
Continue à nous envoyer de tes nouvelles et impressions qu'on puisse te suivre pas-à-pas sur les pas du bon apôtre Jacques.
Essaye des bonnes sandales de toile avec une bonne semelle en mousse et si c'est mieux, tu renverras tes bottines par la poste.
Allez, bonne continuation, il semble que le ciel soit avec toi, soigne toi bien et ne te laisse quand même manquer de rien.

Kilis 13/10/2004 @ 18:47:54
Saule, tu décris tellement bien ce que tu vis
que la grâce qui t'auréole nous parviens en fine poussière d'or. Bonnes routes.

Jadsmine 13/10/2004 @ 22:28:03
moi je dis que ça ferait un super bouquin les récits de Saule.

moi personnellement, j'adore son style et ce qu'il nous raconte de son périple.

on devrait lui suggérer non ?

Sahkti
avatar 14/10/2004 @ 00:52:24
"Monté dans ma chambre, j'ai regardé la carte. J'avais marché aujourd'hui près de vingt kilomètres dans une sorte d'ébriété, comme s'en m'en apercevoir. La fatigue aura peut-être raison de la fièvre: il faut épuiser les maladies qui nous visitent; le plus souvent, elles lâchent prise avant le corps."

Nicolas Bouvier, Journal d'Aran et autres lieux, Editions Payot, 2001.

Tophiv
14/10/2004 @ 09:34:28
Je ne sais que dire sinon Merci ! Merci de nous faire partager ta route, de nous donner envie d'en faire de même.

Etant athée (ou plus exactement agnostique), je ne partirai pas sur la route de St Jacques mais peut être sur un autre chemin, la via Alpina par exemple. Mais je suppose que l'important n'est pas la destination finale mais le chemin en lui même, le chemin vers soi...

L'envie grandit au fur et à mesure de ton périple tant j'ai l'impression que tu vis pendant que je végète.

Alors merci Saule et profite au maximum de ces instant, tu vis sûrement un des plus beaux moment de ton existence ...

Beautoucan 14/10/2004 @ 12:32:10
Saule encore bravo pour cet effort inimaginable pour beaucoup et cette lucidité qui te guide ! Tu reviendras forcément autre qu'en partant, c'est sans doute ce que tu cherchais, et ce sera de toutes façons en mieux ! Je te le souhaite. A bientôt.

Le Mont Carmel 14/10/2004 @ 17:17:05
Comme d'autres, j'attendais avec impatience...Merci Saule pour ce beau long mail, qui suscite encore pas mal de réactions.
Moi aussi j'ai aimé le regard pétillant...non pas d'ironie ou même d'intelligence, mais de GENTILLESSE chez les vieilles soeurs ursulines de St Come d'Olt.
Aussi cette impression "d'arrêt sur image" qu'on ne ressent que quelques fois dans sa vie. Heureusement on peut garder ces images en soi pour toujours, ce sera sûrement le cas pour toi, Saule. Alors, courage, Pelerin et pense que nous sommes tous de coeur avec toi.

Yali 16/10/2004 @ 17:46:21
Plus que 1300 kilometres, ça laisse rêveur. Merci Saule pour ce carnet de route. Je ne sais trop quoi dire d'autre : ça me la coupe. Mes respects.

Alandalus
avatar 28/10/2004 @ 14:29:59
Saule, où en es-tu de ton périple ?

Depuis le 13 octobre nous sommes sans nouvelles.

A bientôt j'espère

Benoit
avatar 28/10/2004 @ 15:26:50
Mince! Je m'étais dit : "Chic! Saule nous a laissé un message!!" Et non, c'est juste un message d'encouragement... Mais il est vrai que ça fait un bail qu'on a pas de nouvelles... Pas de nouvelle, bonne nouvelle?? Allez, soyons optimiste et disons que s'il n'écrit pas, c'est qu'il est dans les Pyrénées où il n'a pas d'accès à Internet! Courage, Saule!

Gilou
avatar 28/10/2004 @ 17:57:32
Bonjour,
Moi aussi je me dis chouette des nouvelles de " notre courageux marcheur ".
Ce n’est pas lui. Je vois que je ne suis pas seule à espérer la prose de Saule.
C’est vrai qu’il est peut-être au milieu de nulle part pour l’instant.
Patience ! ! L’espoir fait vivre et bien espérons…
A bientôt, Saule !

Saint Jean-Baptiste 28/10/2004 @ 20:42:38
Oui, moi aussi je me suis précipité !
Depuis le temps que nous attendons des nouvelles.
Mais allez ! C'est vrai : pas de nouvelles, bonnes nouvelles.
Et puis disons avec Gilou : espérons !

Saule

avatar 05/11/2004 @ 15:55:44
Alors voilà les nouvelles attendues ! En tout cas tout les messages sur le forum me font vraiment plaisir. Excusez-moi pour l'irrégularité de mes nouvelles mais je n'ai pas facilement accès à internet et surtout je suis dans une expectative défavorable.

En fait de nouvelles c'est plutôt un bulletin de santé que je vous donne et il n'est pas brillant : ça fait dix jours que je marche avec des tendons d'achille raides comme des piquets, à cause de tendinites à la base des talons. Si jusqu'à présent je pouvais marcher sans trop de mal, ce lundi j'ai été obligé de dévier ma route et de m'arrêter à Saint Palais, sympathique petite ville du Pays Basque ou se trouvent des franciscains. Me voilà donc bloqué à un jour de marche des Pyrénées.

Pour l'instant j'évalue les possibilités qui me restent. Un docteur m'a conseillé une semaine de repos, un kiné m'a dit de faire une infiltration, alors j'ai été chez un orthopédiste. Celui-ci était très mécontent, il a fait les infiltrations mais tout à fait contre son gré. Pour lui la seule chose qui a du sens c'est le repos, il m'a dit qu'il fallait deux à trois semaines de repos pour une guérison. Bref je suis dans l'expectative. Il me reste environ 740 kilomètres, j'en ai fait deux cents avec des tendinites mais je ne pourrais pas en faire sept cents, donc la sagesse me commande de me reposer puis de voir comment ça évolue. En dernier recours je suppose que je ferai du stop, je verrai bien au moment voulu.

Pour l'instant mon idée est de repartir lundi, soit après une semaine de repos. Je pense que mes tendons vont déguster dans les pyrénées, avec les 17 kilomètres de montée, mais l'envie de basculer de l'autre côté est trop forte. Alternativement je peux mettre le cap sur Lourdes qui n'est qu'à quatre ou cinq jours d'ici, y espérer la guérison, puis repartir vers Compostelle. En tout cas, malgré les tendinites, je n'ai vraiment aucune envie de m'arrêter, je dois être tombé amoureux du chemin. D'ailleurs à aucun moment, même quand les tendons souffraient et que je ne pouvais pas m'arrêter à cause de la pluie battante, je n'aurais voulu être autre part que sur le chemin.

Lundi matin j'ai fait mes adieux à Stefan et Katerina, deux allemands avec qui j'aurais pas mal marché. On a pleuré tout les trois en se quittant, c'est étonnant comme le chemin nous rend tous émotif. Stefan m'a laissé un morceaux de coton qu'il avait reçu en Suisse et qui a touché une statue miraculeuse du Christ, il a dit que ça pourrait me guérir. Du coup me voilà esseulé, il ne passe plus de pèlerin ici surtout que je suis hors du chemin à Saint Palais. Ce n'est pas plus mal car marcher avec d'autres quand on a des tendinites n'est pas facile, on risque de forcer pour les suivre. Aux dernières nouvelles il restait Sarah derrière moi, je recevais parfois des nouvelles par ceux qui vennaient de l'arrière. Il y a aussi Wilheim, un Suisse allemand de soixante ans et qui m'a impressionné par son courage : il est parti le premier juillet, ensuite il a eu une périostite à la jambe droite et il est retourné à Zurich se faire soigner. Puis il est reparti mais maintenant il a une périostite à la jambe gauche ! Alors il avance très lentement : quinze kilomètres par jour, il prend un jour de repos tout les quatre jours. On s'est réconforté mutuellement pendant une heure puis je l'ai laissé derrière moi. J'aime beaucoup cette diversité de manière de faire le chemin, ainsi quel contraste avec Pavel par exemple, un tchèque parti de Pragues et qui fait quarante kilomètres chaque jour.

Dans un mail précédent je disais que c'était un autre pèlerinage qui commençait, je souris en y repensant car je ne savais pas si bien dire ! En effet mes tendons occupent la plupart de mes pensées, j'y pense presque à chaque pas. Mais pourtant jamais je n'aurais voulu être ailleurs. Car le chemin est vraiment merveilleux. Le paysage et les gens changent quasiment tout les jours. Entre Figeac et Cahors c'était le Quercy, en particulier la traversée des causses du Quercy : des terres calcaires et arides ou rien ne pousse si ce n'est des forêts de chênes pubescents tout rabougris qui restent petits malgré leur grand âge. C'est un spectacle émouvant. On emprunte des chemins de pierres, tout rouge quand le fer se mêle au calcaire, tout blanc sinon. En été il y fait une chaleur écrasante et le paysage doit prendre encore une autre dimension.

Plus loin il y a eu Moissac et son abbatiale ou on a été très bien acceuilli par des soeurs d'une communauté nouvelle. Ensuite la traversée du Gers, une région très fertile. Il y a fait très beau, même estival. La végétation est parfois méridionnale, avec des palmiers et des bananiers. J'ai aimé traverser la Gasgogne (on y fait l'Armagnac) : même si le paysage n'est pas aussi beau qu'en Auvergne ça a son charme, grâce aux châteaux, aux superbes cèdres à l'entrée des propriétés, des pins parasols et des belles petites villes qui contiennent parfois de superbes cathédrales. Je me suis arrêté un jour à Condom, une petite ville ou je me sentais très bien.

Après la Gasgogne j'ai fais un bref passage dans les Landes, pour la première fois j'ai vu les Pyrénées qui étaient encore distantes de deux cents kilomètres. Une journée superbe dans les landes, sur terrain plat - ce que j'apprécie particulièrement -, avec un vent chaud et humide qui venait de l'océan, et aussi les forêts de Pins. Ensuite le Béarn, le paysage est devenu très verdoyant, on voit des chênes de plus en plus gros.

Maintenant je suis en plein Pays Basque, une région magnifique avec un ciel qui change tout le temps. C'est le département Pyrénée-Atlantique, dans la région Aquitaine. Le temps est devenu nettement plus frais et capricieux. A tel point que j'ai renvoyé ma tente au pays car la dernière nuit sous tente j'avais eu froid. Les gens ici sont gentils, plus qu'en Auvergne ou dans le midi. Ils sont fervents aussi : j'ai assisté à une messe de la Toussaint inoubliable, dans une petite église bondée, à tel point que j'avais du prendre place dans la tribune. Toute l'église chantait à tue tête en Basque, je crois qu'à part chez les Polonais je n'avais jamais assisté à une aussi belle messe. Pour la première fois aussi une vieille dame m'a demandé de prier pour elle.

Stefan est un des rares pèlerins qui marche sans argent, il s'abandonne à la providence. Ce qui veut dire qu'il loge en général dehors et qu'il mange beaucoup de fruits ou du pain qu'il demande dans les boulangeries. Avec lui j'ai dormi sous le porche d'une église, par une nuit froide et humide. D'autre fois j'ai trouvé un hébergement gratuit mais c'est plus difficile ici, surtout qu'au rythme de marche qui est devenu le mien j'arrive trop tard.

Voilà pour les nouvelles. Le moral est bon mais je m'inquiète beaucoup de mes tendons. Je supporte bien l'inactivité, je suis chez des franciscains qui ont une bibliothèque énorme, dans une ville relativement importante. Mais bien sûr je meurs d'envie de me lancer dans les pyrénées. Vu qu'il me reste encore deux mois le coup me parait jouable mais j'hésite toujours entre la technique de repos total pour espérer une guérison complète ou la technique de l'avance par petit pas. Je penche plutôt pour la deuxième technique car après quatre jours de repos je ne vois pas vraiment d'amélioration aux tendons. En plus les infiltrations de hier m'ont fait plus de tort que de bien je pense. Par contre l'hiver ne me fait pas peur, on m'a dit que les gîtes restaient pour la plupart ouvert en Espagne et puis en marchant on a rarement froid.

Alors voilà, pour le reste je remets le tout dans les mains du Seigneur et je le laisse me guider ou Il voudra. Bonne route à tous et merci beaucoup pour tout les messages d'encouragement, les pensées et les prières qui m'accompagnent.

Et bien sur, Ultreia!, et que Saint Jacques nous protège.

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