Nathafi
avatar 04/10/2014 @ 20:24:35
Dans certaines oeuvres françaises contemporaines, je remarque l'usage de termes vulgaires, un langage cru, des mots familiers... Ce qui me dérange fortement.

Ce procédé est-il une évolution de notre langue employée dans la nouvelle littérature ? Une tendance ? Une mode ?

Feint

avatar 05/10/2014 @ 01:14:21
« C'étaient bien les plus grandes salopes et les plus vilaines coureuses qui jamais aient empuanti le bercail du Seigneur. »
(Jean-Jacques Rousseau, les Confessions.)

Débézed

avatar 05/10/2014 @ 02:46:15
Nath' on peut-être très vulgaire avec des mots très choisis, tout réside dans l'art d'écrire.

Nathafi
avatar 05/10/2014 @ 09:28:36
Tout est normal donc... J'espérais un peu plus de développement.

Myrco

avatar 05/10/2014 @ 10:23:21
Nath' on peut-être très vulgaire avec des mots très choisis, tout réside dans l'art d'écrire.


...et inversement (cf.la citation de Feint).
Mais peut-être Nath' pourrait-t-elle nous donner quelques exemples concrets pour mieux illustrer son propos et son ressenti et relancer le débat ?

Nathafi
avatar 05/10/2014 @ 11:23:28
Je me souvenais notamment de "Falaises" d'Olivier Adam, mais je ne peux pas vous en faire profiter, je n'ai plus ce livre.

La phrase de Jean-Jacques Rousseau qu'évoque Feint ne me choque pas, rien à voir avec ce dont je parlais, je crois avoir déjà évoqué ce sujet au cours d'un fil où on parlait de poésie, certains auteurs sont très crus de nos jours, et je ne vois pas comment on peut qualifier ça de poétique.

Si je retrouve des extraits au cours de mes lectures, je vous en ferais part.

Feint

avatar 05/10/2014 @ 11:27:10
"L'autre fut mieux instruit à juger des atours
Des putains de sa cour, et plus propres aux amours,
Avoir ras le menton, garder la face pâle,
Le geste efféminé, l’œil d'un Sardanapale ;
Si bien qu'un jour des Rois ce douteux animal,
Sans cervelle, sans front, parut tel en son bal :
De cordons emperlés sa chevelure pleine,
Sous un bonnet sans bord fait à l'italienne,
Faisait deux arcs voûtés ; son menton pinceté,
Son visage de blanc et de rouge empâté,
Son chef tout empoudré, nous montrèrent ridée
En la place d'un roi une putain fardée."

Agrippa d'Aubigné, Les Tragiques.

Vous aurez reconnu Henri III, bien sûr.

Stavroguine 05/10/2014 @ 11:27:26
« C'étaient bien les plus grandes salopes et les plus vilaines coureuses qui jamais aient empuanti le bercail du Seigneur. »
(Jean-Jacques Rousseau, les Confessions.)


Les lettres de Flaubert sont assez gratinées aussi. Par exemple, à propos de Lamartine, il écrit : "C'est un esprit d'eunuque, la couille lui manque, il n'a jamais pissé que de l'eau claire." Bon, après, ça se retrouve moins dans ses oeuvres publiées.

Mais je pense que Nathafi fait plus référence à une littérature style Bret Easton Ellis ou Beigbeder où la vulgarité apparaît plus comme une paresse du style (la vague du "écrire comme on parle") que comme un style justement.

Stavroguine 05/10/2014 @ 11:28:16
En poésie, on peut aussi citer Bukowski et consorts.

Nathafi
avatar 05/10/2014 @ 11:36:57
« C'étaient bien les plus grandes salopes et les plus vilaines coureuses qui jamais aient empuanti le bercail du Seigneur. »
(Jean-Jacques Rousseau, les Confessions.)



Les lettres de Flaubert sont assez gratinées aussi. Par exemple, à propos de Lamartine, il écrit : "C'est un esprit d'eunuque, la couille lui manque, il n'a jamais pissé que de l'eau claire." Bon, après, ça se retrouve moins dans ses oeuvres publiées.

Mais je pense que Nathafi fait plus référence à une littérature style Bret Easton Ellis ou Beigbeder où la vulgarité apparaît plus comme une paresse du style (la vague du "écrire comme on parle") que comme un style justement.


Oui, c'est tout à fait ça, l'impression de ne pas faire l'effort d'embellir les choses, aucune suggestion, tout est à l'état brut, on n'y met aucune forme.

Saule

avatar 05/10/2014 @ 11:37:37
A propos de Ulysse de Joyce, Wharton avait écrit dans une correspondance : "c'est un fatras ampoulé de pornographie (dans le style le plus grossier que lisent les écoliers)"

Pieronnelle

avatar 05/10/2014 @ 11:42:30
Je comprends ce que veut dire Nath.

Tout dépend si cette vulgarité se trouve dans des dialogues qui ne font que relater ou s'il s'agit de quelqu'un qui raconte. Mais une vulgarité dans l'écriture même c'est bien souvent une solution de facilité et pour donner l'impression d'être "moderne". Personnellement, même si je ne juge pas, je ne prends aucun plaisir à cette littérature et je la reçois comme un manque de respect. Et quelle que soit la démarche de l'auteur. Il me semble qu'un écrivain doit pouvoir trouver les mots et le style approprié à ce qu'il veut faire ressentir, même la vulgarité d'une situation ou d'un personnage, autrement qu'avec des mots vulgaires.

La phrase de Rousseau n'est absolument pas vulgaire ; le mot salope a un sens précis.

Stavroguine 05/10/2014 @ 11:50:07
A propos de Ulysses de Joyce, Wharton avait écrit dans une correspondance : "c'est un fatras ampoulé de pornographie (dans le style le plus grossier que lisent les écoliers)"


A ce propos, y avait un jeu assez marrant sur internet où il s'agissait de dire si une phrase était de Joyce ou du rappeur Kool Keith. Voilà une présentation du jeu :

"One is a hyper-libidinous wordsmith with an unhealthy obsession with butts, the other is Kool Keith. Can you distinguish between lyrics written by the surrealist rapper and the words of Irish novelist James Joyce, again?"

Et le lien si vous voulez vous amuser.

http://hudsonhongo.com/joyce/

(Cela dit, si Joyce est un pornographe, il n'est jamais vulgaire ! D'ailleurs, il y a un différence entre la vulgarité et l'insulte ou le gros mot. On peut faire des phrases très grossières et sans style sans qu'elles ne comportent de gros mots, et de la même façon, on peut utiliser des "putes" ou des "salopes" avec style, cf. les citations de Feint)

Feint

avatar 05/10/2014 @ 12:45:31
Sinon c'est sûr que s'il suffisait de mettre des gros mots pour faire de la littérature, ça se saurait. Ce que je voulais montrer, c'est que de la grossièreté en littérature, on en trouve aussi chez nos plus grands classiques. (Et encore, je ne suis pas allé chercher Rabelais.)
Nathafi, peut-être les textes auxquels tu penses sont-ils faibles, tout simplement.

Nathafi
avatar 05/10/2014 @ 13:39:31
Oui Feint, c'est peut-être une explication, tu as bien prouvé par tes exemples qu'on peut être grossier mais y mettre les formes quand même.

Libris québécis
avatar 05/10/2014 @ 14:19:22
Dans certaines oeuvres françaises contemporaines, je remarque l'usage de termes vulgaires, un langage cru, des mots familiers...


Ce n'est pas seulement en France que l'on constate le phénomène. Au Québec et aux États-Unis aussi pour ne parler que de ce que je connais. J'aimerais être psychologue pour expliquer cette tendance. Veut-on montrer par là que l'on s'est affranchi des contraintes en tous genres ?

Attention cependant au glissement de sens au cours des siècles. Au temps de Montaigne, le mot cul était le terme poli pour désigner les fesses. Il est donc difficile de comparer des textes d'époques différentes et même de textes d'auteurs de pays francophones différents. Au Québec, le mot gosse est très vulgaire. Ça désigne des testicules. Par contre, les valseuses ne nous disent rien. Chacun sa vulgarité. Serait-ce que le phénomène n'existe que dans dans notre esprit ?

Sissi

avatar 05/10/2014 @ 14:26:05
Nathafi, tu n'as pas un exemple? Un extrait?

Débézed

avatar 05/10/2014 @ 15:36:18
Tout est normal donc... J'espérais un peu plus de développement.


Mais Nath' il y a aujourd'hui énormément de livres très vulgaires, très mal écrits, très grossiers, le langage parlé est actuellement valorisé, il peut être effectivement de valeur s'il est bien écrit, mais il est souvent très grossier, très quelconque. Par contre un San Antonio écrit dans un langage tout aussi grossier peut-être littérairement intéressant.

Il est difficile d'émettre une appréciation générale car c'est le talent de l'auteur qui fera que le livre est vulgaire et grossier ou de bonne qualité littéraire.

Nathafi
avatar 05/10/2014 @ 15:44:22
Oui, mais quand je lis un San Antonio, ou un SAS, je sais à quoi m'attendre ! Et là je n'ai pas le droit de faire ma chochotte en trouvant ça déplacé :-)

Nance
avatar 05/10/2014 @ 15:44:40
"Vibescu le regarda un moment puis, crachant sur le vit que lui présentait le vice-consul, il proféra ces paroles :
- J'en ai assez à la fin d'être enculé par toi, toute la ville en parle.
Mais le vice-consul s'était dressé, bandant, et avait saisi un revolver. Il en braqua le canon sur Mony qui, tremblant, lui tendit le derrière en balbutiant :
- Brandi, mon cher Brandi, tu sais que je t'aime, encule moi, encule moi."

Les Onze Mille Verges (1907)
Guillaume Apollinaire

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