Les Diaboliques de Jules Barbey d'Aurevilly

Les Diaboliques de Jules Barbey d'Aurevilly

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Nouvelles

Critiqué par Banco, le 12 août 2004 (Cergy, Inscrit le 6 août 2004, 41 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (11 763ème position).
Visites : 7 435  (depuis Novembre 2007)

Fantastique et mysticisme

Mélange baroque de fantastique et de vieilles valeurs, ce recueil de nouvelles nous narre les histoires de femmes diaboliques et envoûtantes.

Une diligence pour Valognes et à l'intérieur deux soldats forts encore et connus pour leur carrière de Don Juan. Tout à coup, l'arrêt de la diligence à un relais pousse l'un des deux soldats à une étrange confidence : vingt ans auparavant, le jeune officier eut une liaison passionnée et silencieuse avec la fille de ses hôtes. Jusqu'au jour où la petite mort de sa maîtresse la laissa dans une inquiétante et froide léthargie. Effrayé de pouvoir être convaincu d'avoir débauché la jeune fille, le soldat s'enfuit aussitôt…

La première nouvelle du recueil donne le ton sombre, fait de bigoterie provinciale et de passion exacerbée, de vieilles valeurs, de fantastique et d'étrangeté. Les histoires mêmes font frissonner pour peu qu'on veuille retrouver un peu de l'esprit bigot de la Normandie très catholique où vécut Barbey d'Aurevilly que la seule mention des sacrilèges des athées suffisait à faire suffoquer. Ici tout tourne autour de la passion amoureuse incarnée par des femmes diaboliques qui n'hésitent pas à tuer une femme légitime pour épouser leur amant, à tuer leur fille devenue une rivale ou à braver les interdits moraux pour vivre une passion orageuse mais cachée avec l'hôte de ses parents. Tout ici suscite l'admiration et le frisson.

Chaque nouvelle présente à son tour un exemple de passion ou de débauche féminine aussi inexplicable que scandaleux et finalement, c'est un bien intrigant recueil que ce livre et qui à ce titre mérite au moins votre curiosité…

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Sombre, tordu, raffiné, magnifique

10 étoiles

Critique de Cédelor (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 52 ans) - 9 octobre 2016

Je viens de finir Les Diaboliques, de Jules Barbey d'Aurevilly. Une écriture superbe au service d'histoires effroyables et pourtant fascinantes. Certaines de ces nouvelles sont de véritables chefs-d’œuvre. Je pense en particulier à « Les dessous d’une partie de whist » et « La vengeance d’une femme », tout à fait étonnantes et abominables dans leur genre. Les autres nouvelles sont aussi excellentes. Seul « Le plus bel amour de Don Juan » est décevant par rapport à l’ensemble, avec une chute pas très claire. Et le tout est extrêmement bien écrit, d’une qualité littéraire tout à fait admirable, et à laquelle je ne m’attendais pas en commençant ces Diaboliques.

Chacune de ces nouvelles est introduite et racontée longuement, d’une main de maître, jusqu’à son dénouement pas toujours inattendu, car Barbey ne cherche pas à cacher absolument la fin qu’il réserve aux lecteurs et qu’on peut deviner plus ou moins au fil de la lecture. Mais malgré cela, il surprend toujours, par la violence ou le tragique avec lesquels le rideau tombe à la fin de chaque nouvelle. Ce ne sont pas des histoires qu’on dirait « fantastiques », car tout se passe dans le réel, sans aucun élément surnaturel. Mais elles se déroulent dans une ambiance spéciale, qui s’en rapproche. C’est dû sans doute à la manière de raconter, de développer chacune de ces nouvelles jusqu’à la conclusion. Et encore, toutes les conclusions ne fournissent pas toutes les clés de compréhension, Barbey en en laissant volontairement dans l’ombre, et c’est au lecteur de les compléter, s’il le peut, avec ses propres suppositions.

Chapeau, M. Barbey d’Aurevilly, pour avoir su inventer de tels scénarios aussi sombres, aussi tordus, aussi raffinés, d’une construction lente et complexe et écrits magnifiquement dans un style que Proust ne renierait pas !

Une touche de culte

10 étoiles

Critique de Antihuman (Paris, Inscrit le 5 octobre 2011, 40 ans) - 11 octobre 2011

La passion, plus que l'amour, est exclusive et ne supporte bien évidemment aucun partenaire... ni convention, ni modérateur quelconque !

Une fois donc que le lecteur de Barbey d'Aurevilly saisit ce postulat fondamental, ce Lord Byron à la française n'ayant rien à lui envier, il peut commencer par ailleurs la lecture de celui qui fût la plupart de ces écrivains sulfureux et californiens, doublé d'un Balzac en plus sophistiqué avec un zeste de Stephen King pour la célébrité: à la plume n'ayant étrangement que très peu vieilli, il n'y a aucun doute que ses chapitres, nouvelles et romans, n'amèneront que hantise, suspicion, et trouble chez l'amateur le plus au fait.

Avec par exemple "Le bonheur dans le crime", où l'on découvre un couple de ces nouveaux beaufs pensant accéder, et sans douter un seul instant, à la gloire par un de ces malins subterfuges, on est frappé par le côté actuel et social d'une prose - que ne reniera certainement pas aucun pamphlétaire si tendance - puis "Le rideau cramoisi", qui nous entraîne vers le ciel corrompu de l'enfer en un léger détail que toute personne normalement constituée ne remarquera tout d'abord, "Le dessous de cartes d'une partie de whist", brûlant huis-clos à la Scorcese annexé d'une valse de paradoxes infinis, tout concourt en fait à nous faire achever dans l'heure des histoires au ton terriblement contemporain et donc intriguant. Car D'Aurevilly, ce partisan de la noblesse à la recherche de plausible, cherche d'abord l'expérimentation tout en se refusant tout modérateur puritain: Aucune place donc pour toute fadaise, ni banalité, ou quelque de ces artificielles désobéissances bourgeoises. Sombre, religieux et en même temps mystique, violent; mais nécessaire.

Les ensorceleuses

6 étoiles

Critique de Nance (, Inscrite le 4 octobre 2007, - ans) - 12 novembre 2009

« Or, l'enfer, c'est le ciel en creux. Le mot diabolique ou divin, appliqué à l'intensité des jouissances, exprime la même chose, c'est-à-dire des sensations qui vont jusqu'au surnaturel. »

Recueil des aventures de six « diaboliques ». On ne connaît jamais réellement les motifs de ces femmes, elles sont et nous resteront inaccessibles, « [impénétrables] de caractère ».

Le rideau cramoisi : « "Qu'y avait-il donc derrière ces rideaux ?" » Lors d’un voyage, le narrateur a un accident de voiture à chevaux, le vieux dandy qui l’accompagne revoit le rideau d’un appartement qu’il a habité durant sa jeunesse où il a rencontré une femme fatale et vécu une histoire terrifiante. Une histoire au dénouement inattendu. Ça a été long à embarquer, je trouvais ça un peu banal, mais j’ai aimé la tension de l’histoire et j’ai été surprise. 4/5

Le plus bel amour de Don Juan : « Oui, un chef-d'oeuvre de goût, de délicatesse, de luxe patricien, de recherche, de jolies idées; le plus charmant, le plus délicieux, le plus friand, le plus capiteux, et surtout le plus original des soupers. Original! Pensez donc! C'est ordinairement la joie, la soif de s'amuser qui donne à souper; mais ici, c'était le souvenir, c'était le regret, c'était presque le désespoir, mais le désespoir en toilette, caché sous des sourires ou sous des rires, et qui voulait encore cette fête ou cette folie dernière, encore cette escapade vers la jeunesse revenue pour une heure, encore cette griserie pour qu'il en fût fait à jamais!... » Un homme raconte à une marquise le singulier souper où est convié un séducteur vieillissant par ses anciennes conquêtes, dont l’une d’elle lui demande de leurs raconter son « plus bel amour ». Je comprends difficilement la fin, la chute, mais j’aime comment l’histoire est amenée, comment ça s’emboîte. 2/5

Le bonheur dans le crime : « Ils passèrent auprès de nous, le docteur et moi, mais leurs visages tournés l'un vers l'autre, se serrant flanc contre flanc, comme s'ils avaient voulu se pénétrer, entrer, lui dans elle, elle dans lui, et ne faire qu'un seul corps à eux deux, en ne regardant rien qu'eux-mêmes. » Un homme se promène avec un docteur retraité au Jardin des Plantes et font la rencontre d’un couple énigmatique, patients du docteur, un couple dont plusieurs rumeurs courent à leur sujet. L’homme, intrigué, veut en savoir plus... J’ai trouvé que c’était un tableau bien dessiné, même si ce n’est pas assez piquant à mon goût. 3.5/5

Le dessous de cartes d’une partie de whist : « Je me suis arrêté sur cette première soirée d'un séjour qui dura plusieurs années. je n'y étais pas; mais elle m'a été racontée par un de mes parents plus âgé que moi, et qui, joueur comme tous les jeunes gens de cette petite ville où le jeu était l'unique ressource qu'on eût, dans cette famine de toutes les passions, se prit de goût pour le dieu du chelem. » Le narrateur est invité au salon d’une baronne et nous peint la soirée. Un des invités va raconter « une de ces sanglantes comédie » qui s’est produit dans son enfance. J’ai trouvé que le récit tirait en longueur et que les personnages étaient trop snobs pour vraiment me toucher, mais la fin est vraiment spéciale. 2/5

À un dîner d’athées : « Nul doute que si le chevalier de Mesnilgrand avait été un homme heureux, il n'eût été très spirituel; mais, malheureux, il avait des opinions de désespéré et, quand il était gai, chose rare, une gaîté de désespéré; et rien ne casse mieux que la pensée fixe du malheur le kaléidoscope de l'esprit et ne l'empêche mieux de tourner, en éblouissant. » Un groupe d’anciens militaires athées dans une ville très catholique se réunissent hebdomadairement pour insulter l’Église, jusqu’au jour où l’un d’entre eux est vu entrer dans une église. Il raconte son histoire. Je ne sais pas si c’est la longueur, les thèmes ou quoi que ce soit, mais j’ai trouvé ça un peu mortel. 1/5

La vengeance d’une femme : « C'est ce genre de tragique dont on a voulu donner ici un échantillon, en racontant l'histoire d'une vengeance de la plus épouvantable originalité, dans laquelle le sang n'a pas coulé, et où il n'y a eu ni fer ni poison; un crime civilisé enfin, dont rien n'appartient à l'invention de celui qui le raconte, si ce n'est la manière de le raconter. » Un homme suit une femme tentatrice dans la rue, qui se prostitue. Il la reconnaît, c’est une duchesse et elle nous raconte comment elle en est arrivée à faire ça pour se venger. Ma nouvelle préférée du recueil, celle où l’action est plus soutenue. Romanesque. 4.5/5

Bien que je ne regrette pas d’avoir lu ce livre, ce n’est pas mon préféré de l’auteur. Il y a quelques bonnes chutes, j’ai aussi apprécié sa façon d’enchâsser les récits, mais j’ai trouvé le rythme lent et j’ai été plus ou moins intéressée par les histoires. Je préfère Une vieille maîtresse, L’ensorcelée et Une page d’histoire.

Le diable en culotte de velours

8 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 10 avril 2008

Dis-moi Jules, les écrits du divin Marquis ne sont que joyeuses plaisanteries pour jeunes filles émoustillées par la puberté à côté des « Diaboliques » que tu nous proposes ! Les femmes que tu mets en scène dans tes récits ne sont pas inquiétantes, elles sont réellement terrifiantes. Je me souviens particulièrement de celle qui enterrait ces enfants nés illégitimement dans ses jardinières … dans son salon où elle cultivait des plantes comestibles ! C’est absolument atroce … je laisse les amateurs déguster la suite directement dans le texte. Quand vous aurez lu ce recueil de diableries, vous trouverez que tous les McInerney, Easton Ellis et autres pourfendeurs de morale et apologistes des dépravations les plus diverses et les plus perverses ne sont que de joyeux drilles en goguette à côté de ce maître es-atrocité. Ces textes sont d’autant plus effrayants que toutes ces histoires se déroulent dans le milieu très feutré de l’aristocratie normande et que notre Jules nous les narre comme s’il s’agissait d’une soirée galante à Deauville (en fait à Valognes) ou d’un grand prix de trot attelé sur l’un des nombreux hippodromes normands. L’atrocité dans la douceur et le raffinement !

Je n’avais pas 20 ans quand j’ai lu ça et j’avais déjà bouffé quelques milliers de lignes de littérature et bien j’ai été tout de même pas mal interloqué en découvrant ces textes qui ne datent cependant pas d’une quelconque « beat generation » normande apparue dans la queue de la comète 68 mais de la seconde moitié du XIX° siècle !

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