95 Poèmes de E.E. Cummings

95 Poèmes de E.E. Cummings

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie , Littérature => Anglophone

Critiqué par Septularisen, le 22 septembre 2015 (Luxembourg, Inscrit le 7 août 2004, 56 ans)
La note : 6 étoiles
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Et l’histoire s’enrichit immesurablement d’une simple et si douce mort du jour

Voici donc un choix de poèmes de Edward Estlin CUMMINGS… Qui ? E.E. CUMMINGS! - Poète américain, complètement oublié, sauf par ses admirateurs inconditionnels-, ce recueil paru en 1958 avec un « choix de poèmes » fait par CUMMINGS lui-même, nous fait donc (re)découvrir son œuvre.
E.E. CUMMINGS (1894-1962), aurait pu rester définitivement dans les « limbes » littéraires… Et puis, le «miracle du retour en grâce», intervient par la magie d’une... Série TV!.. En effet, dans la série Urgences, Abby Lockhart (Maura TIERNEY), lors de son mariage avec Luka Kovac (Goran VISNJIC), récite un extrait de «i carry your heart with me (i carry it in »).
Ce poème est dans ce recueil, le voici (la typographie et la syntaxe sont celles de l’auteur) :

92

Je porte en moi ton cœur (le gardant tout au fond
de mon cœur) je ne suis jamais sans (aussi loin
que j’aille tu vas,ma chérie,et tout ce que font
mes mains est fait par toi,mon amour)
je ne crains
nul destin (car tu es mon,ma douce)ne désire
nul univers (car vraie tu es le mien,ma belle)
et c’est toi ce qu’une lune a toujours voulu dire
c’est toi ce que toujours chantera un soleil

tel est le grand secret dont pas un ne se doute
(racine de la racine et bouton de la fleur
et ciel du ciel d'un arbre appelé vie;qui pousse
plus haut que l'âme n’espère ou que l’esprit ne voile)
et la merveille qui fait tourner rond les étoiles

Je porte en moi ton cœur (tout au fond de mon cœur)

Écoutez E.E. CUMMINGS lire lui même ce poème dans sa langue
originale ici : https://www.youtube.com/watch?v=Q4Qb9XmHXX4

Ce seul poème ne pouvant, bien sûr, pas résumer à lui seul l’œuvre d'une vie... En voici donc... 95, couvrant toute l’œuvre poétique de CUMMINGS.
On l’aura remarqué, le style du poète américain est vraiment unique, très personnel, et absolument pas facile d’accès.
Il n’y a pas de titre (juste un numéro), pas majuscules, pas de points, encore moins de virgules, et des parenthèses « s’invitent » un peu n’importe où de façon très impromptue. Mais encore, des mots sont coupés, des fois il y a des espaces qui manquent, quand ce n’est pas carrément des lettres qu'il faut retrouver, ou la ponctuation qui ne joue pas son rôle et n'est pas à la bonne place!..

CUMMINGS dans sa recherche de « liberté absolue » bouscule tout, renverse tout, brise toutes les limites, tous les tabous littéraires. Les mots se mélangent, la typographie se disloque (il n’y a p. ex. plus d’espace entre deux mots séparés par une virgule), des calligrammes apparaîssent au milieu d'un poème, certains poèmes tiennent en quelques lignes, ou ne comportent que quelques lettres à chaque ligne (voir ci-dessous). Cette poésie n’est pas sans me rappeler celle du poète de la Barbade, Kamau BRATHWAITE (déjà critiqué sur CL).
En voici un exemple, en neuf lignes et cinq mots, qui condense toute la complexité de la poésie de CUMMINGS encore une fois la typographie est celle de l’auteur :

1

l(v
ole
e fe
ui
ll
e)
as
ol
itude

On peut donc lire ici : "La solitude vole feuille", mais aussi en extrapolant « Elle vole (comme une) feuille, (la) solitude », ou bien encore « Le vol de la feuille est comme la solitude », chacun se fera ici son idée.

Dans sa préface Jacques DEMARCQ le traducteur de ce livre tente de nous expliquer, de façon très brouillonne et très peu pédagogique d’ailleurs, je dois dire, les tenants et les aboutissants de la poésie de CUMMINGS. Si ses explications sont utiles, je dois vraiment dire qu’elles sont parfois « capillotractées », on a parfois vraiment l’impression que le traducteur donne l’explication et l’interprétation qui l’arrange, lui-même le mieux pour faire converger ses dires avec les vers du poète américain!...

Heureusement les thèmes abordés par CUMMINGS sont plus classiques.
On y retrouve notamment les saisons, et en particulier l’automne (voir ci-dessus) ; la jeunesse opposée au vieillissement : « et un temps pour grandir et un temps pour mourir » ; la nature, avec notamment les oiseaux : « qui le même air ne chante jamais deux fois » ; les roses : « nul destin n’est fatal // -un cœur est chaque pétale » ; les astres « personne et une étoile,suis contre suis // rêveuse flamme contre enflammé rêve » ; la pluie : « (la voici cette pluie qu’attendaient les feuilles de tout // leur arbre et les forêts de toute leur montagne), les arbres ; « de quelque arbre rêveur s’échappe une voix // et comme elle chantera longtemps pour moi » ; la mer : « Car quoi qu’on perde (comme un moi ou un toi) c’est toujours soi que dans la mer on trouvera ».

Mais aussi la vie : «nous // sommes // moins vivants // que poupées & // rêves » ; l’amour (voir ci-dessus) ; la mort : « si la mort le perdant,la vie le gagnant// -allons jusqu’au ciel » ; la société : « loin d’un non-monde braillard qui légitime le faux » ; le temps qui passe « Le Temps,quel drôle de type // plus il donne qu’il ne prend (et il pend tout) » ; la poésie : « au paradis l’on trouve peut-être des poèmes »…

Je termine ce recueil en étant très partagé. J’ai beaucoup aimé les « envolées lyriques » de cet auteur, beaucoup moins par contre le fait de devoir littéralement procéder à un « jeu de pistes » pour pouvoir lire certains poèmes! Je dois dire que cela m’a gâché mon plaisir de lecture, car ici la part donnée à la recherche et à la réflexion du sens correct et concret de certains poèmes, a pris le pas sur la part de plaisir et de rêve lors de la lecture…

La parole au poète, encore une fois la typographie et la syntaxe sont de l'auteur :

77

je suis une petite église(pas une grande cathédrale)
loin du splendide et du sordide où les villes se hâtent
-peu m’inquiète si les jours les plus cours raccourcissent,
Rien ne regrette quand le soleil et la pluie font avril

ma vie est la vie du moissonneur et du et du semeur,
mes prières sont prières de l’acharné maladroit
(qui trouve et perd et rit et pelure)enfant de la terre
dont toute tristesse ou joie me met en peine ou liesse

autour de moi déferle un continuel miracle
de naissance et gloire et mort et résurrection :
sur mon être endormi flottent d’enflammés symboles
d’espoir,et je m’éveille à la grande patience des montagnes

je suis une petite église(loin du monde frénétique
qui angoisse ou ravit)en paix avec la nature
-peu m’inquiète si les nuits les plus longues se rallongent,
Rien ne regrette quand le silence devient chantant

d’hiver en printemps,j’élève ma minuscule flèche vers
Lui plein de grâce Dont l’à-présent seul est à jamais :
Bien droite en l’immortelle vérité de Sa présence
(humble accueillant Sa lumière et fière Ses ténèbres)

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Les éditions

  • 95 poèmes [Texte imprimé], poésie E. E. Cummings traduit de l'anglais et présenté par Jacques Demarcq
    de Cummings, E.E. Demarcq, Jacques (Traducteur)
    Points / Points. Poésie
    ISBN : 9782757801581 ; 6,90 € ; 05/10/2006 ; 129 p. ; Poche
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