Poésies choisies de Wystan Hugh Auden

Poésies choisies de Wystan Hugh Auden

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie , Littérature => Anglophone

Critiqué par Septularisen, le 28 décembre 2013 (Luxembourg, Inscrit le 7 août 2004, 56 ans)
La note : 10 étoiles
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UNE PERSONNE QUI DÉTESTE PARLER, DÉTESTE L’HUMANITÉ ENTIÈRE ET SOI-MÊME.

Voici donc un choix de poèmes de Wystan Hugh AUDEN… qui ?.. W.H. AUDEN ! Ce poète avec ses admirateurs inconditionnels, pour qui il est l’égal de W.B. YEATS ou de T.S. ELIOT…
Complètement oublié en France, (malgré qu'il ait été plusieurs fois proposé pour le Prix Nobel de Littérature...), quand paraît ce livre en 1976 (le « choix de poèmes » avait été fait, pour l’essentiel, par AUDEN lui-même en 1968), qui passe complètement inaperçu, W.H. AUDEN (1907-1973), aurait pu rester définitivement dans les « limbes » littéraires…

Et puis, en 1994 le « miracle » intervient par la magie d’un film… Une comédie britannique espiègle et joyeuse, intitulée : « Quatre mariages et un enterrement », qui fait le tour du monde et propulse le nom d’AUDEN au firmament de la gloire des poètes, par la grâce subtile d’un et d'un seul de ses plus beaux poèmes d’amour : « Funeral blues » (malheureusement non inclus dans ce recueil) :

FUNERAL BLUES

Arrêtez toutes les pendules, coupez le téléphone,
Donnez un os au chien pour l’empêcher d’aboyer,
Faites taire les pianos et dans un roulement assourdi
Sortez le cercueil et que les pleureuses pleurent.

Que le avions qui tournent en gémissant
Dessinent sur le ciel ce message : Il Est Mort,
Nouez du crêpe au coup blanc des pigeons,
Gantez de coton noir les agents de police.

Il était mon Nord, mon Sud, mon Est et Ouest,
Ma semaine de travail, mon repos du dimanche,
Mon midi, mon minuit, ma parole, mon chant ;
Je pensais que l’amour durerait toujours : j’avais tort.

N’importe les étoiles à présent : éteignez-les toutes ;
Emballez la lune et démontez le soleil,
Videz l’océan et balayez la forêt
Car rien de bon désormais ne peut plus advenir.

Écoutez W.H. AUDEN lui-même lire ce poème dans sa langue originale ici : https://www.youtube.com/watch?v=2mifAhvkcJU

Ce seul poème ne pouvant pas, bien sûr , résumer à lui seul l’œuvre d'une vie... Voici une centaine de poèmes (le premier a été publié en 1928, le dernier en 1969), intelligents, tendres, ironiques, joyeux, lucides, cinglants, influencés par la science, la société, la littérature. Ce recueil parcourt toute la carrière de l’auteur, de ses poèmes réalistes et sociaux d’avant-guerre, à deux plus tardifs d’après-guerre, marqués par son retour à la foi catholique.

AUDEN est avant tout un « observateur clinique» de la société qui l’entoure. Ainsi le décor de ses poèmes est vite tracé, mines abandonnées et noyées d’eau, ports ensablés, usines en ruine, chemin de fer où plus personne ne passe, paysage où tout rouille, industrialisation massive, chômage…

Il parle de tout et… de rien, de choses et d’autres, juste pour le plaisir de parler. Il aime les mots, tous les mots, pour leur goût et leur saveur. Un vocabulaire riche, mais familier, et des poèmes magnifiques, raffinés, parfaits, très réussis, qui tendent vers la perfection de la poésie…

Je pourrais vous parler encore longtemps de la merveilleuse poésie d’AUDEN, mais il est temps de laisser à présent la parole à la poésie et rien qu’à la poésie…

Voici donc ce que W.H. AUDEN écrivit en janvier 1939 à la mort du grand poète irlandais W.B. YEATS et ou l'on voit déjà se profiler en filigrane, et pour ceux qui savent lire entre les lignes la peur de la Deuxième Guerre Mondiale qui se profile déjà à l'horizon...

A la mémoire de W.B. YEATS

I

Il disparut au plein cœur de l’hiver :
Les ruisseaux étaient gelés, les aérodromes presque vides
Et la neige défigurait les statues municipales ;
Le mercure tomba dans la bouche du jour mourant.
Les instruments dont nous disposons conviennent
Que le jour de sa mort fut un jour sombre et froid.

Loin de sa maladie
Les loups couraient toujours au milieu des sapins,
La rivière rustique dédaignait les quais élégants,
Les langues affligées
Cachèrent la mort du poète à ses poèmes.

Mais pour lui, ce fut le dernier après-midi où il était lui-même,
Un après-midi d’infirmières et de rumeurs ;
Les provinces de son corps se révoltaient,
Les places de son esprit étaient vides,
Le silence envahit les faubourgs,
Le courant de ses sensations fut coupé ; il devint ses admirateurs.
(…)

III

Reçois, Terre, un hôte honoré :
William Yeats va pouvoir dormir.
Que le vase irlandais repose,
Vidé de sa poésie.

Dans le cauchemar des ténèbres
Tous les chiens de l’Europe aboient,
Les nations vivantes attendent,
Chacune enfermée dans sa haine ;

Une disgrâce de l’esprit
Se lit sur chaque face humaine,
Et des océans de pitié
Sont enclos, glacés, dans chaque œil.

Va, poète, descends tout droit
Jusqu’au plus profond de la nuit,
Que ta voix qui nous laisse libres
Nous invite à nous réjouir.

Que la culture d’un beau vers
Fasse du juron un vignoble,
Chante les insuccès de l’homme
Dans une extase de détresse.

Fais, dans les déserts de son cœur,
Jaillir la source guérisseuse,
Dans la prison de ses journées
Instruis l’homme libre à louer.

Écoutez W.H. AUDEN lui-même lire ce poème dans sa langue originale ici : https://youtube.com/watch/…

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