Nouvelles d'Islande de Thorarinn Eldjàrn, Gyrdir Eliasson, Guđrún Eva Mínervudóttir, Sveinbjörn I. Baldvinsson, Magnus Sigurdsson

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone , Littérature => Nouvelles

Critiqué par Sissi, le 16 mai 2011 (Besançon, Inscrite le 29 novembre 2010, 53 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 084ème position).
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Magique voyage au coeur de la glace

Petit cadeau qu’on m’a fait , ce petit recueil m’a offert pourtant un bien grand plaisir à sa lecture.
Très belle initiative que la création de cette collection, intitulée « Miniatures », et qui se définit comme telle :

« Alors que la mondialisation des échanges progresse, que le monde devient un pour tous, des mondes-miniatures s’imposent, des pays et des régions entières affirment leur identité, revendiquent leur histoire et leur langue, réinvestissent pleinement leur espace. Quoi de plus parlant qu’une miniature, la nouvelle, pour lever le voile sur ce monde-là, celui d’une diversité infinie et porteuse d’espoir ? »

On aurait pu craindre, alors, que profitant de l’argument facile « les-six-auteurs-des-six-nouvelles-sont-islandais-alors-c’est-fatalement-représentatif-de-l’Islande-et-basta », soient empilées dans un petit recueil quelques petites nouvelles glanées de ci de là au hasard, ce qui aurait engendré un bien mince résultat qualitatif.
Petit petit…
Mais il se dégage de cet ouvrage une véritable unité, et le projet a été véritablement pensé.
L’avant-propos nous présente le pays, et les caractéristiques d’une littérature un peu à part, où la langue, ayant peu évolué au cours des siècles du fait de l’isolement, permet aux islandais actuels de lire sans aucune difficulté leur littérature médiévale ; où les longues sagas témoignent (peut-être) d’un certain ennui et d’une nonchalance propres à un climat particulier qui pousse à se replier à l’intérieur des maisons et à l’intérieur de soi.

« En Islande, nous n’avons pas de cathédrales somptueuses, de bâtiments imposants, ni d’autres grands témoignages de notre passé. Nous n’avons que nos histoires. », dit Sjon, poète, écrivain, parolier de Björk.

Les six nouvelles sont de nature et de genre différents, mais je les ai toutes aimées, et j’ai ressenti un lien entre elles, ce qui confère au tout une profondeur et le sentiment d’avoir été réellement transposée dans un univers particulier.
L’intransigeance du climat, le froid glacial, la lumière (ou pas), l’intériorité, l’incommunicabilité, l’onirisme, la solitude, l’absurde.
Autant de thèmes récurrents qui donnent une vue d’ensemble de la vie insulaire, là haut, là bas, dans le grand Nord.
Immense. Volcanique. Grandiose.
Comme quoi on peut dire de grandes choses avec de minuscules livres.


« J’avais le sentiment de connaître cet homme, sans bien savoir qui il était. Soudain, la lumière se fit. C’était August Strindberg.
Lui, Strindberg, qui plus que tout avait redouté l’enfer, qui avait de son vivant écrit sa terreur de l’enfer, était là à présent qu’il était mort, à Ikea en Islande-lui qui avait décrété de son vivant que l’enfer terrestre était Lund, alors qu’il ne connaissait presque rien de l’Islande, et absolument rien d’Ikea, qui n’existait pas de son temps. Je vis qu’il s’affaissait davantage devant son verre, cet homme condamné pour l’éternité. Lui qui avait écrit dans son journal : « celui qui dit que la vie est merveilleuse est soit un cochon soit une imbécile. »

Extrait de Inferno, de Gyrdir Eliasson

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En forme de sagas

8 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 2 novembre 2011

Dans sa collection « Miniatures », Magellan et Cie édite des recueils de nouvelles régionales dont cet opuscule qui, comme son nom l’indique bien, regroupe six nouvelles islandaises écrites par six auteurs différents qui ne dérogent en rien à ce qu’on attend habituellement quand on lit la littérature de ce pays. Des nouvelles qui peuvent parfois, sous ces latitudes, échapper au réel, un peu comme dans les sagas médiévales. Car comme le préfacier, on pourrait aisément relier ces textes aux sagas islandaises qui existent depuis le Moyen-âge sur cette île des confins nordiques de l’Europe. Ces textes anciens que tous les Islandais comprennent encore très facilement car l’isolement de l’île l’a maintenue à l’écart des voies d’invasion et, par ce fait, des altérations que la langue originelle aurait pu subir par des apports extérieurs qu’on dit cependant habituellement enrichissants.

Ainsi, un enfant se souvient que son père a rudoyé sa femme et sa fille handicapée, désormais handicapée, avant de s’enfermer dans le réfrigérateur ; la libraire partageait son amour entre deux prétendants jusqu’au jour où elle a fait un autre choix ; un père de famille a vu August Strindberg dans un magasin Ikea ; un écrivain retrouve son ancien voisin qu’il croyait connaître mais qu’il connaissait en fait bien mal, etc… Six histoires qui pourraient trouver leur explication dans la cinquième qui est un peu une parabole de l’évolution de l’Islande à travers sa langue qui a gardé sa pureté originelle et son indépendance comme un gage de liberté pour cette nation du bout du monde.

Une façon peut-être pour les Islandais de démontrer l’enracinement profond de leur littérature dans l’histoire européenne et manifester sa vigueur aujourd’hui.

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