Haïkus de prison de Lutz Bassmann

Haïkus de prison de Lutz Bassmann

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par Nance, le 9 avril 2010 (Inscrite le 4 octobre 2007, - ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (3 063ème position).
Visites : 4 420 

Triste et froid, mais unique en son genre

Suites de courts poèmes de trois vers inspirés du haïku japonais.

Je m’attendais avec cette forme à quelque chose de lourd ou difficile d’accès, mais j’ai trouvé ça étonnamment fluide, ça se lit facilement. Bien que la forme ajoute un côté unique à l’oeuvre, elle ne prend pas le dessus sur le texte.

« La nuit sans douceur
se glisse par la fenêtre
balafrée de stries verticales »

Celui qui parle raconte les événements quotidiens de sa prison, puis du voyage de son transfert à un genre de camp de travail de « l’enfer ».

Un récit dur avec un ton froid et un climat de désespoir, de lassitude et de violence qui va en empirant. L’auteur (quel qu’il soit, parce qu’il a plusieurs pseudonymes) sait créer des effets avec peu de mots.

Une oeuvre originale.

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Les éditions

  • Haïkus de prison [Texte imprimé] Lutz Bassmann
    de Bassmann, Lutz
    Verdier / Chaoïd
    ISBN : 9782864325369 ; 9,94 € ; 02/05/2008 ; 86 p. ; Broché
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Prison-Transfert-Enfer

10 étoiles

Critique de Sissi (Besançon, Inscrite le 29 novembre 2010, 53 ans) - 24 septembre 2014

Le monde est devenu plus rude. On ne peut plus comme avant contempler les fleurs des cerisiers ni philosopher avec des amis autour d’une coupe de vin. Désormais, quand on regarde les nuages, c’est à travers les barbelés. Quand on s’endort, c’est dans la promiscuité et les mauvaises odeurs. Plus rien n’est paisible. La poésie persiste en dépit des circonstances, mais la voix s’éraille. La voix ne cherche plus à faire preuve d’élégance. Celui qui parle veut surtout, avant d’être brisé, apporter son témoignage […]

…nous explique la quatrième de couverture.
Et c’est par le biais des haïkus, ces brèves tercets où l’économie des mots ne fait qu’en rehausser la portée, que Lutz Bassmann choisit d’évoquer la vie de ces prisonniers qui vont être transférés en train dans ce qui ressemble bien à un camp de concentration, même si le texte abolit toute notion spatio-temporelle.

La promiscuité, la crasse, la violence, le sang, la puanteur, les rixes permanentes bercent le quotidien du Coréen, du Russe, de l’idiot, de l’Italien ou encore l’anthropophage, ces personnages qu’on voit évoluer à coups de petites phrases furtives qui claquent comme une sentence et font l’effet d’un verre qui, venant violemment se briser au sol, nous laisserait interdits.

Furoncles et gale
démangeaisons sur la poitrine
le printemps approche


Par le choix pointilleux du mot et de l’emplacement réfléchi de la césure, Lutz Bassmann réussit à nous faire ressentir de manière quasi épidermique toute la noirceur d’un monde carcéral sans issue où la déshumanisation n’est pourtant pas définitivement achevée…

Un papillon est entré dans la cellule
une merveille
zigzague dans l’air fétide


…et où un brin d’humour traîne encore…

Hier l’idiot a essayé de se pendre
Avec une serpillière
Non essorée


…parfois.

Une histoire en haïkus

8 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 8 avril 2014

En haïkus, en haïkus … pas vraiment en fait. Ca ressemble à des haïkus, dans l’esprit, mais ça n’a pas la forme rigoureuse des haïkus. Sous la forme récupérée par l’Occident le haïku est ainsi codifié : trois vers de 5, 7 et 5 syllabes. Sous sa forme originelle, japonaise, on ne parle pas de syllabes mais de « mores » (un découpage de sons plus fin que les syllabes).
Quoiqu’il en soit, sur un plan formel, les haïkus de Lutz Bassmann, s’ils se présentent bien sous la forme de trois vers successifs, ne respectent pas forcément le nombre de syllabes, ni au total (17), ni dans la répartition 5/7/5. Par exemple, dès le premier :

« L’organisation s’est constituée
On attend que les chefs surgissent
Pour les haïr »

Mais l’essentiel n’est pas là. L’essentiel est dans la réussite de l’entreprise ; raconter une histoire, faire passer un souffle au long cours, au fil d’une succession de « simili-haïkus » (dans les cinq cents). Ca, ça marche.
Alors évidemment, s’agissant d’Antoine Volodine (moi ça m’agace ce foisonnement de pseudos), c’est … ? Noir ! Gagné ! Ben oui, quoi, vous pensiez quoi ?
D’abord la prison … Pas précisément le bonheur. Mais la prison selon Bassmann, qu’on pourrait situer dans un monde aux tendances tyranniques et carcérales, allez l’ex-URSS pour être gentil, est une prison puissance dix. Le genre de prison qui évoque le monde décrit par Herta Müller dans « La bascule du souffle ». D’ailleurs c’est explicite puisque le récit est divisé en trois chapitres :
Prison
Transfert
Enfer
L’enfer, c’est le camp d’internement, pour ne pas dire d’extermination comme on savait (imparfait de rigueur ???) en mitonner en Sibérie.
D’espoir, il n’y a pas. De perspectives, non plus. Mais hélas, on sait que ces mondes ont existé, pire, qu’ils existent encore. Et ça, on ne peut pas en vouloir à Lutz Bassmann …
Toujours est-il que le pari est gagné. Raconter quelque chose à coup de haïkus se succédant sans intermittences. Après … prétendre que ce serait de la poésie ?

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