Saorge - Dans la cellule du poème de Chantal Dupuy

Saorge - Dans la cellule du poème de Chantal Dupuy

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par Nevermore2, le 16 décembre 2009 (Inscrit le 24 mars 2009, 64 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 114ème position).
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Ressourcement poétique

Depuis une dizaine d’années, le monastère franciscain de Saorge, dans l’arrière-pays niçois, a été aménagé en résidence d’écrivains. Chantal Dupuy-Dunier, poétesse (Prix Artaud 2000), originaire d’Arles, mais vivant en Auvergne, y a séjourné en hiver puis en automne. Elle évoque ces deux séjours.
D’abord l’arrivée à Saorge : « Le village est un château de cartes / où l’on s’attend à voir / un funambule traverser le site / sur un fil invisible / tendu tout au sommet. » Un peu à l’écart « juché en haut d’une voie très pentue, / le monastère se mérite ».
L'hiver, dans les cellules dallées de noir « chacun travaille, les épaules entourées d’une couverture ». Des fresques sur les murs blanchis à la chaux. La fenêtre de Chantal Dupuy-Dunier est surmontée d’une tête de mort qui, paraît-il, a impressionné bien des écrivains. Personnellement, elle lui trouve un air primesautier, ironique et une couleur carotte. « Écrivez ! ricane la tête de mort. Un jour, il n’en restera rien. » Dans le couloir, une inscription latine rappelle aux écrivains : « Modestia ». Le cloître, orné de multiples cadrans solaires, insiste : le temps est compté.
Lors du séjour d’automne, le jardin des anciens moines « déploie une exubérance de légumes et d’aromates ». Salades, tomates, citrouilles, raisins sont à la disposition des résidents qui dînent ensemble dans la vaste cuisine et parlent de leurs projets d’écriture. Les feuilles mortes « roulent d’un bout à l’autre du cloître / éraflant le sol de leurs notes sèches. »
La dernière partie du livre est consacrée à l’évocation du monastère quand, retournée en Auvergne, Chantal Dupuy-Dunier y pense encore. « Là-bas, à Saorge, les vases doivent déjà fleurir ». « Saorge, / l’aérienne, l’éloignée, / mais que d’un battement de nuit, / nous pourrions rejoindre. »
Un livre coloré, insolite, gourmand et sensuel, préfacé par Bernard Noël, qui lui aussi a séjourné au monastère, illustré par des gouaches orange de Michèle Dadolle.

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Les éditions

  • Saorge, dans la cellule du poème [Texte imprimé] Chantal Dupuy-Dunier gouaches, Michèle Dadolle préface, Bernard Noël
    de Dupuy, Chantal Dadolle, Michèle (Illustrateur)
    Voix d'encre
    ISBN : 9782351280515 ; 18,00 € ; 01/09/2009 ; 84 p. ; Broché
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Plaisir des mots

10 étoiles

Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 17 décembre 2009

Bernard Noël, qui préface cet ouvrage, a écrit à propos de Chantal Dupuy-Dunier: "Votre simplicité a un pouvoir étonnant, comme aurait un dessin figuratif qui se métamorphoserait dans nos yeux en signe héraldique ou en icône symbolique, tout en demeurant aussi simplement suggestif".

Simplicité et pouvoir de suggestion, voilà qui caractérise en effet une des facettes du talent de Chantal Dupuy-Dunier qui n'a pas son pareil pour décrire les lieux et les atmosphères en quelques mots.
Alors, quand en plus il s'agit de Saorge et de son monastère, les mots se font magiciens pour dépeindre un endroit invitant au ressourcement et à la création.

Chantal Dupuy-Dunier y effectue un premier séjour en février 2006, une période qu'elle évoque dans son recueil sous le titre "Dans la fervente réclusion du poème". Il y a d'abord la rencontre avec un endroit, mystérieux et intimidant.

"Nous sollicitons un premier prodige
pour acheminer nos bagages
jusqu'au couvent,
édifice presque discret,
sans autre fantaisie
que les couleurs de tranche napolitaine
décorant la façade de sa chapelle".

Vient ensuite la confrontation à l'écriture, à cette cellule qui verra naître le poème.

"Saorge symétrique
dans l'équilibre de ses consonnes
et de ses trois voyelles closes"

A cette tâche se mêle un apprentissage au lieu mais aussi au caractère spirituel qui le marque. Une quête d'âme et d'inspiration marque les mots de la poétesse qui cherche et se cherche, de bien jolie manière.

Octobre 2006 est l'occasion d'un second séjour et d"Un Automne oriental" qui voit l'auteur rejoindre une nouvelle fois les lieux. Rigueur et discipline sont toujours au menu, altérité également comme le souligne avec justesse Bernard Noël dans sa préface. L'organisation de la vie sur place impose solitude et isolement mais également partage avec autrui, dû à la disposition des lieux. C'est de cette richesse dans les échanges mais aussi dans son propre recueillement que les mots trouveront leur place.

"L'école,
non loin du cimetière,
ever est...
Le chemin est court
de l'une à l'autre."

Rentrée en Auvergne, Chantal Dupuy-Dunier songe à Saorge. "Une saison en imaginaire" vient compléter les deux aventures précitées, imaginant d'autres fragments de vie, prenant possession des lieux de manière plus dense parce que connue et souhaitée, parce qu'également à distance. L'écriture se veut ample, propre à ces bras grand ouverts qui accueillent un être, un lieu, une histoire.

"Mimétisme de l'écriture
avec les terres où elle a jeté l'ancre"


Tout au long de ses poèmes, Chantal Dupuy-Dunier déploie une élégance et une finesse de plume qui me laissent admirative, tant son trait est doux et juste. Saorge prend vie sous nos yeux, tout comme les mots, ces créations poétiques écloses au creux de ces murs silencieux.
Superbe !

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