Yiddish Connection de Rich Cohen

Yiddish Connection de Rich Cohen
( Tough Jews)

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire , Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Gobu, le 29 mars 2006 (Messancy (Arlon), Inscrit le 30 mars 2005, 69 ans)
La note : 8 étoiles
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Des durs pas très catholiques

Au début des années 90, Rich Cohen, journaliste au prestigieux magazine de rock « Rolling Stone » et futur scénariste du film de Scorcese « Gangs of New York », prend son petit déjeuner dans un delicatessen plutôt huppé de Beverley Hills, en compagnie de quelques vieillards joviaux et volubiles, à qui l’on donnerait le bon Dieu, pardon l’Eternel – loué soit Son Nom – sans confession… et pour cause.

Pourtant, quelques décennies plus tôt, ces papys gourmands ne figuraient pas beaucoup dans les chroniques gastronomiques, mais défrayaient plutôt la rubrique des faits divers des plus grands quotidiens américains. Leurs aînés, amis et mentors, tous disparus, s’appelaient Louis Lepke « Buchalter », « Dutch » Schultz ou encore « Bugsy » Siegel, et ils appartenaient à cette aristocratie du pavé que la presse à scandale et les politiciens en mal de bouc émissaire avaient baptisé le Syndicat du Crime.

Car, contrairement à l’image traditionnelle, les italo-américains, et plus spécifiquement les Siciliens, étaient loin d’avoir été la seule communauté américaine à fournir des troupes à cette armée de l’ombre qui avait prospéré sur le terreau de la pauvreté des immigrés et profité des opportunités offertes par la prohibition de l’alcool après la première guerre mondiale. Qui se souvient encore que le premier gangster à avoir trafiqué des spiritueux à une échelle nationale était Arnold Rothstein et qu’associé à Capone, Luciano et Costello, il avait jeté les bases d’une véritable industrie du crime et de la fraude ? Qui se souvient aussi que l’ennemi public N°1, pendant des années, se nommait Abe Reles, qu’il avait mobilisé contre lui des centaines de policiers fédéraux, et qu’il finit sur la chaise électrique ? Qui se rappelle de nos jours que Las Vegas, la Mecque américaine des jeux de hasards, avait été fondée par un consortium mixte judéo-italien formé par Siegel, Lansky, Luciano et Costello ?

Rich Cohen, Juif new-yorkais dont le grand-père tenait aussi un restaurant Yiddish de delicatessen fréquenté par les gangsters, avait toujours voulu en savoir plus sur ce versant obscur de sa communauté, dont on ne parlait encore dans sa famille qu’à voix basse et avec une sorte de crainte respectueuse. D’une plume alerte et souvent corrosive, ils nous brosse le portrait de ces durs qui, refusant la fatalité qui semblait enfermer leurs semblables dans la pauvreté ou le ghetto, s’emparèrent des rues, remplacèrent les hardes du pauvre immigrant par les costumes sur mesure de l’affranchi, et, rompant avec une séculaire tradition de soumission et de non-violence, jouèrent avec férocité des poings, du couteau et du revolver, pour se tailler une place au soleil de cette Amérique qui n’était idyllique que pour ceux qui savaient comment amadouer le dieu Dollar.

A la fois truculente et tragique, flamboyante et sordide, cette saga ressuscite une époque impitoyable pour les miséreux mais propice aux audacieux sans scrupules, émaillée de règlements de comptes sanglants, de parties de cartes aux mises pharaoniques et de procès retentissants. Sans aucune complaisance pour le crime, Rich Cohen nous dépeint avec talent une galerie de mauvais garçons, des durs qui, à une époque où l’antisémitisme faisait rage en Europe et où les nazis s’apprêtaient à conquérir le pouvoir, rompirent avec la traditionnelle passivité de leur communauté, et montrèrent à leurs nouveaux compatriotes américains qu’un Juif avec un revolver était tout aussi capable qu’un Irlandais ou un Sicilien de prendre par la force sa part du gâteau. En ce sens ces « tough guys » israélites, en dépit de leur amoralité, étaient un peu les frères aînés des rudes et combatifs fondateurs d’Israël. S’il ne les approuve nullement, l’auteur ne peut se défendre d’éprouver pour eux une certaine admiration…

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Les éditions

  • Yiddish connection [Texte imprimé], histoires vraies des gangsters juifs américains Rich Cohen trad. de l'anglais par Frédérik Hel Guedj
    de Cohen, Rich Hel-Guedj, Johan-Frédérik (Traducteur)
    Gallimard / Collection Folio
    ISBN : 9782070422258 ; 9,70 € ; 27/02/2002 ; 475 p. ; Poche
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