Jules 2 11/06/2004 @ 17:27:00
Nous avons beaucoup discuté de la place de Coelho dans la littérature. Certains le voient en grand philosophe et d'autres comme un auteur facile qui a trouvé un bon créneau et l'exploite à fond.

Voici ce qu'en pense un écrivain traduit pratiquement dans tous les pays, mais qui est loin d'être réputé pour sa "facilité" ou sa tendance à écrire pour vendre.

D'ailleurs, à ce propos, il dit: "On ne peut pas écrire pour avoir du succès, si c'est ce qu'on cherche, il vaut mieux se lancer dans la chanson" !

De Coelho il pense ceci: "Je ne veux pas non plus dénigrer les lecteurs qui achètent Paulo Coelho et des écrivains du même genre. Je comprends qu'ils les achètent: ils travaillent beaucoup d'heures par jour, et après ils rentrent chez eux, où il y a la famille, la télévision... On a besoin d'évasion."

Voilà une vision du "grand écrivain" par un confrère... Je serais assez de son avis, évidemment ! Et je pense que l'avis d'Antunès, en matière de littérature vaut bien plus que celui de Julia Roberts et Madonna (je dis cela parce que dans une biographie de Coelho éditée par Carrère les opinions de ces deux dames sont citées en bonne place... Cela aide plus la vente que celles de grands auteurs...)

Sahkti
avatar 11/06/2004 @ 17:40:48
Mouais... tout ça se discute bien évidemment.
Cela pose le problème non résolu et sans fin de la qualité que l'on peut attribuer à un auteur et la catégorie dans laquelle on le place. Or cela est subjectif au possible.
Il n'existe pas de critères rigoureux définissant un auteur facile d'un autre et puis je déteste cette complaisance que l'on peut avoir, même de manière littéraire et élégante, pour parler des lecteurs de Coelho.
Par exemple, je déteste Justine Lévy. Ce n'est pas pour autant que je trouve ses lecteurs idiots ou trop fatigués le soir en rentrant du boulot pour être capables de lire Proust ou Spinoza (le sous-entendu monstrueux qu'on fait en parlant de gens trop fatigués pour ceci ou pour cela!)
Etrangement, ça me fait penser aux réactions suite à l'arrivée pas si imprévisible que ça de Le Pen où on a crié au loup, en traitant les lepénistes de tous les noms possibles d'oiseaux alors qu'ils représentaient tout de même au premier tout 1 français sur 5 dans ceux qui ont voté (les non-votants, n'avaient qu'à y aller...).

Jules 2 11/06/2004 @ 18:47:00
Doit-on pour cela considérer qu'il n'a pas tort ?... Et ses électeurs non plus ?... Sommes-nous obligés de croire que parce qu'on est nombreux on a raison ?... La première constitution américaine prévoit d'ailleurs ce cas: même si la majorité des citoyens venait à voter en faveur d'une loi qui porterait atteinte aux droits fondamentaux de l'homme, elle serait abrogée. Je vais en faire hurler plus d'un (et je suis pourtant profondément démocrate) en demandant ceci: combien de personnes qui doivent voter sont conscientes des problèmes qui se posent à la société dans laquelle ils vivent ? Combien comprennent les vrais enjeux ?

ici, à Bruxelles, nous devons voter dimanche. Très nombreux sont ceux, et de toutes les catégories sociales, qui, dégoûtés par la politique annoncent, à Bruxelles, qu'ils vont voter pour la parti extrémistes et néo-nazi flamand. Non seulement celui-ci annonce qu'il n'acceptera jamais les droits européens en faveur des minorités, mais en plus il annonce clairement qu'il flamandisera Bruxelles !...

Alors, ces braves électeurs, nombreux et francophones, vont aller donner des voix à un parti d'extrême droite, rasciste et flamingant sous prétexte d'un ras-le-bol !...

La plus simple raison voudrait qu'entre deux maux on choisisse le moindre, non ?...

ils sont nombreux, mais ont-ils raison ? Le nombre de ceux qui pense une chose ne fait pas que celle-ci devient vraie ! Galilée était seul, mais il avait raison !

Jules 2 11/06/2004 @ 18:49:34
Désolé, je me suis laissé emporter par mes idées et je viens de me rendre compte que j'ai parlé ici de politique, ce qui ne me semble vraiment pas l'endroit adéquat !

je vous demande de m'en excuser, j'aurais pu trouver d'autres exemples !...

Jules
12/06/2004 @ 12:32:55
Tiens, Sahkti, il me semble que ceci est une des premières fois où nous nous retrouvons engagés dans un dialogue...

Pourquoi ne pourrions-nous pas établir une hiérarchie de valeur parmi les écrivains. Serait-il vraiment obligatoire de sacrifier à la rage égalitariste de notre temps ?

Même les écrivains admettent pourtant ce principe ! Je ne pense pas que Coelho lui-même se prenne pour un des grands philosophes de son temps... Ni un des plus grands écrivains, sauf en matière de tirage car il sait aussi qu'il s'adresse au plus grand nombre.

Dumas ne disait-il pas "Je préfère être le plus grand des petits que le plus petit des grands"

Il disait quoi:

1 Qu'il y avait des grands et des petits (réalité évidente de la vie)

2 Qu'il y avait de "petits grands" et de "grands petits". Voilà donc bien aussi une hiérarchie.

Dans mon esprit un "petit" est trrès loin de n'avoir pas de mérite. Il faut des livres pour tous vu que lire est bon pour tous, quoi qu'on lise (peut-être pas "Mein Kampf" sauf par souci de documentation...)

Coelho est un auteur utile puisqu'il aide à se poser des questions et que des gens aiment le lire.

Par contre, il me semble tout à fait normal et juste qu'il ne soit pas pris pour un grand philosophe ou un grand écrivain. Pourquoi pas aussi Sulitzer tant que nous y sommes ? J'en ai lu certains comme ceux du genre "La femme pressée" Pas mal fait, une description pas trop mauvaise du monde de la presse. mais aurait-il dû avoir le Nobel pour autant ? "Cartel" n'était pas nul non plus. Mais Sulitzer n'est qu'un Dumas aux petits pieds, l'écriture en moins.

Vouloir enlever une certaine hiérarchie de valeur parmi les écrivains me semble injuste et ne pas correspondre à la réalité.

Maintenant la notion de la loi du plus grand nombre serait tout aussi injuste et révoltante car nous serions alors tous définitivement soumis à la Starac. Je n'ai qu'à écouter autour de moi !

Ils suivent avec attention tous les jours avant 19h puis bien sûr au moment de l'émission elle-même. Ils refusent des dîners pour ne pas la rater ou mettent les video en route, un de mes amis avocats quitte son bureau pour l'émission quotidienne quitte à y redescendre, des paris se font etc...

Et quand on "ose" avouer qu'on ne suit rien de tout cela, on esty regardé comme un attardé, un décroché de son temps...

C'est cela la dictature du grand nombre au point que les enfants sont gênés à l'école s'ils ne suivent pas certaines émissions.

Sahkti
avatar 12/06/2004 @ 12:42:42
Salut Jules!

Ce n'est pas tant la question de hiérarchisation des auteurs que ce qu'on fait de leurs lecteurs qui me posent problème.
Classer et catégoriser est question de normes et de subjectivité (par définition, une norme littéraire est subjective car fixée par un être humain).
Ce qui me hérisse le poil par contre ce sont les clichés à propos de certains lecteurs, qu'ils soient de Coelho, de la collection Harlequin ou de Marc Lévy. Peu importe si ce sont de grands auteurs qui écrivent cela, cela fait preuve, à mon sens, d'une supériorité et d'une vanité crasse.

Jules
12/06/2004 @ 16:59:34
Je crois que, personnellement, il m'est rarement arrivé de critiquer quelqu'un pour son genre de lecture. Ma femme lit bien plus que moi, mais que du distrayant. Par contre elle dit ne lire que pour se distraire et ne prétend pas du tout lire de littérature. En bonne pragmatique qu'elle est, et au moins aussi intelligente que moi, sî pas plus, elle n'arrive pas à comprendre le plaisir que je peux trouver à lire les livres que je lis. C'est moi qui passe pour l'anormal et elle se dit que toutes ces questions qui resteront de toute façon sans réponse, cela doit être bien mauvais pour le moral !... Alors tu vois...

J'avoue cependant ne pas beaucoup aimer quand quelqu'un qui ne lit que du léger me fait un cours de littérature, ou sur ses lectures... Je me retiens alors assez difficilement de le mettre en boîte.

Sahkti
avatar 12/06/2004 @ 18:01:59
ça turbine dans les critiques on dirait aujourd'hui :)

Je comprends ce que tu veux dire.
Bon, pour tout te dire, j'ai des collègues qui ne lisent pas ou alors pas du tout le même genre de choses que moi. Ce qui m'a souvent valu des commentaires d'incompréhension sur mes prises de tête littéraires ou les "livres compliqués" que je pouvais savourer. Du genre "Lire c'est pour le plaisir", sous-entendu que ce que je lisais ne pouvait forcément être qu'ennuyeux.
Cette situation m'a poussé à réfléchir sur la conception qu'on pouvait avoir d'autrui selon ce qu'il lisait. Mon plus grand plaisir étant de souvent laisser traîner un oeil sur le journal ou le bouquin de mon voisin de métro ou de train, j'ai réalisé que j'avais du mal à coller une étiquette sur quelqu'un en fonction de ses lectures. Non pas que je n'émette pas de jugements sur les autres en général (je le fais souvent, mais pas par rapport à ça), mais j'ai du mal à classifier de la sorte en fonction d'un auteur ou d'un style de lecture.
Et puis j'ai cette manie de vouloir faire lire tout le monde autour de moi! Je préfère les voir lire Coelho que rien lire du tout :)

Jules
12/06/2004 @ 18:15:34
Ca, moi aussi !...

Trisopathe 13/06/2004 @ 17:56:15
Dites donc, il fait drôlement parler ce Coelho !
Qui eût cru qu'on puisse dériver de Coelho à la dérive fasciste et même à la politique en général ?
Par contre, de Coelho à la Star Ac', ça m'étonne moins déjà...

Bon.
Vos dernières réflexions m'amusent et j'ai bien envie d'entrer dans ces considérations en vous citant 2 exemples et les réactions qu'elles entraînent.

L'autre jour j'avais un bouquin de science-fiction dans la main (génocide de Thomas Disch), avec une couverture horrible sur laquelle est représentée une sorte de boule robot extra-terrestre.
Quand je suis arrivé au boulot avec le bouquin dans les mains (oui car je prends les transports en commun donc je lis avant d'arriver au boulot), des collègues ayant louché sur la couverture ont tout de suite ricané que je puisse lire une "sous-littérature de gare". Et puis les taquineries d'usage, rien de bien méchant.

Bon.
1er constat : eux ne lisent pas et bien qu'ils prennent les transports en commun eux aussi, ils n'arrivent jamais avec un livre en main. C'est bien dommage, nous aurions pu confronter nos points de vue littéraires.

Remarque personnelle : ce livre n'est pas exceptionnel mais bon je lis de temps en temps un SF parce que j'aime bien et que la lecture c'est avant tout un divertissement pour moi (même si je préfère les lectures intelligentes desquelles je sortirai enrichi.)



Une autre fois je suis arrivé avec un bouquin de Freud (le rêve et son interprétation).
Cette fois, les collègues ont eu une réaction antagoniste : ils se sont gentiment moqués que je puisse lire Freud. Selon eux c'était pour pouvoir briller dans les dîners même si en fait je n'avais rien compris.


2ème constat : visiblement je dois avoir la tête d'un demeuré puisque quand je lis un livre qui leur paraît simpliste, c'est de mon niveau mais je me fais charrier, et quand je lis un livre qui ne peut être qu'au dessus de mes capacités intellectuelles, je fais ça pour donner l'illusion que je suis instruit.



Selon moi, je suis un lecteur hétéroclyte et je lis un peu ce que je veux en fonction de mon plaisir et de mes envies. Un bouquin de SF n'est pas nécessairement une sous-oeuvre d'un sous-genre et un auteur classique ou reconnu comme tel n'est pas forcément inaccessible.


Bon sinon je les aime bien mes collègues et s'ils se permettent de me taquiner c'est parce qu'ils m'aiment bien eux aussi et parce qu'ainsi nous pouvons tous nous amuser ensemble de leurs piques et de mes réparties.

Sahkti
avatar 13/06/2004 @ 20:18:15
J'ai envie d'être méchante en disant qu'une de mes collègues, si j'arrive avec un bouquin de Freud, elle ne sait même pas qui c'est... Mais bon, ce serait très méchant et puis elle me propose toutes les semaines de me refiler ses vieux "Point de vue-Images du monde", ce que je refuse poliment, en sentant tout de même se poser sur moi un regard non pas courroucé mais étonné que je passe à côté de la couleur du dernier caca de la petite Louise ou du dernier boyfriend de Steph' de Monac.

J'aime parfois être une extra-terrestre :) (et j'aime bien mes collègues, surtout qu'ils ne lisent pas tous ce magazine...)

Camilio 15/06/2004 @ 13:06:01
Oserais je apporter un modeste éclairage sur "les raisons d’un succès " ?

Cet "alchimiste" qui a fait la fortune et la gloire de monsieur Paulo Coehlo est en fait un conte soufi très souvent repris dans la littérature arabe classique et contemporaine.

(Voir l'excellente anthologie du soufisme par Eva de Vitray-Meyerovitch )

Il me semble même qu'il figure dans certaines versions des 1001 nuits.

Nous pourrions passer l'éponge sur ce que certains mauvais esprits n'hésiteraient pas à qualifier de plagiat si M.Coehlo avait profité de l'immense surface médiatique offerte à ses talents de conteur pour expliquer l’influence de la littérature arabe sur sa perspicace inspiration (et conséquemment sur son compte en banque).

Hélas il semblerait que la morale de l’histoire n’est pas déteint à ce point sur la barbe de notre philosophe en guoguette.

Lui dont le talent essentiel aura été pour le coup de transformer cette fable onirique très touchante dans sa version originale en une sorte de pensum individualiste recouvert d'une couche de miel mystico-esotérique.

On ne fait pas de la bonne littérature avec des bons sentiments disait Gide.
Avec de mauvaises intentions non plus...

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