Monique Nemer par Sirocco, le 29 décembre 2002

Monique Nemer est née à Paris en 1938. Longtemps maître de conférences à l’université de Caen, Monique Nemer est à présent éditrice.

C'est votre première biographie, qu'est ce qui vous a amenée à vous intéresser à Raymond Radiguet?

.tant agrégée de lettres, professeur à l’université, comparatiste, devenant éditrice de Stock en 1991 et conseillère du Président Directeur de Hachette-livre depuis 1998, mon parcours a donc bien évidemment un rapport avec la biographie car compte tenu de l'époque de celle-ci, il est intéressant d’avoir cette double formation, tout d'abord l'habitude de faire de la recherche, de la spéculation intellectuelle de type universitaire et en même temps de bien connaître les conditions réelles de la littérature dans un temps. Car dans ce livre, il est question des nouvelles conditions de l'édition - de ce que signifie le lancement d'un livre tel que "le Diable au Corps" - de ses nouveaux éditeurs.

Tout ça parle d’une conviction que j'ai acquise dans mon parcours personnel qui est qu'il n’y a pas d’autarcie de la littérature, elle n'a pas une vie en soi. Une œuvre littéraire est dans un temps et dans les conditions du temps, dans une situation historique, politique, économique…

Ma deuxième réponse à votre question est d’ordre plus privé. C’est l’histoire d'un adolescent qui est né dans une banlieue, son père est un dessinateur humoriste qui a connu dans le passé des gens qui vont devenir de grands peintres mais lui reste une sorte de tâcheron à la pige du dessin, la famille de sa mère vient des îles, très petite aristocratie des Caraïbes, elle est cousine au neuvième degré de Joséphine de Beauharnais. Tous ces gens sont dans une nostalgie de quelque chose d’autre.

Et ce gamin qui porte toutes ces nostalgies naît dans un endroit sans argent, sans relation (pratiquement) et va avoir un destin.

Avec ce large bénéfice d’avoir quarante ans d'âge de plus, je suis, tout comme lui, issue d'un milieu très modeste et rien ne devait me programmer à devenir professeur de littérature et éditrice.

C’est donc ce petit quelque chose qui fait que la destinée de ce très jeune garçon qui est mort trop tôt, m’a accroché.

Vous mettez en évidence dans votre livre que Raymond Radiguet n'est pas la créature de Cocteau ?

Oui, effectivement, on a toujours parlé de Radiguet dans les biographies de Cocteau. Il a été un double objet, celui de Cocteau puis celui de Bernard Grasset. C’est comme s’il n'avait été qu’une forme vide dont deux très fortes personnalités se sont emparée et ont un peu instrumentalisée.

Ils ont bien évidemment été importants dans la vie de Raymond Radiguet. Mais je tenais vraiment à préciser que Raymond Radiguet existait déjà bien avant sa fameuse rencontre avec Cocteau.

Il se fait un déjà sa place au sein du milieu journalistique à 14 ans et demi. Tout seul comme un grand, il va rencontrer Breton, Aragon, Modigliani, Poulenc, Max Jacob…

On en a fait l'objet de Grasset et de Cocteau et moi je dis que c’est un sujet à part entière et j'en fais un de sa vie.

Comment c’est déroulé votre travail de rechercheÊ?

C’était vraiment passionnant et comme toutes les choses passionnantes, elles relèvent un peu du hasard ou de la chance.

Un des petits neveux de Raymond Radiguet., par un miracle extraordinaire, a accepté de me voir et, lorsque je suis arrivé chez lui, c'est dans des boîtes à chaussures sur la table que j'y ai découvert sa correspondance : toutes ses lettres à son père, à sa mère, mais aussi des lettres que lui ont envoyé Malraux, Paul Valéry. ainsi que des choses aussi émouvantes que son carnet de correspondance à l'école.

.tiez-vous la première biographe de Raymond Radiguet à découvrir ces documents ?

Il ne semble pas que quelqu'un ait fait la totalité de cet inventaire car je n’ai trouvé dans aucun des travaux sur Radiguet des références a tout ce que j'ai vu.

Et puis j'ai traîné mes bottes à Saint-Maur et j’y ai fait des rencontres absolument étonnantes.

Avec quelle intensité avez-vous écrit cette biographie, la vie de Raymond Radiguet vous a t-elle totalement absorbée ?

J'ai adoré faire cette biographie, mais je ne suis pas éperdue de passion pour Raymond Radiguet. J’ai plus de l'empathie pour lui que de la sympathie. Il y a quelque chose qui m'intéresse intellectuellement.

J’ai beaucoup travaillé pour cette biographie mais heureusement pour moi, je me suis intéressée a beaucoup d'autres choses pendant ces trois ans d'écriture.

Avez-vous l’intention d’écrire d'autres biographies ?

Très certainementÊ!!


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