Etonnamment d’actualité

Il s’agit d’une thèse de doctorat soutenue à la Sorbonne en 1913. Mansour Fahmy démontre brillamment que si, en théorie, le Prophète a voulu améliorer la condition des femmes, il a, dans les faits, limité leurs libertés et leurs possibilités de contacts avec la société.

Pour protéger les femmes des assauts masculins, Mahomet a instauré le principe de la réclusion. Pour ne plus être harcelées par les hommes dans les rues, il leur a suggéré de se voiler afin de se distinguer des femmes esclaves. Petit à petit, une situation paradoxale va se mettre en place : les femmes esclaves vont être plus libres de leurs mouvements et auront plus de prise sur la société que les femmes libres, confinées dans leur habitation. Les prescrits de Mahomet vont par la suite se transformer en une oppression croissante à l’égard des femmes, au point où, au IXe siècle de l’Hégire, le sultan d’Egypte promulgua l’interdiction de sortir pour toutes les femmes, sous quel prétexte que ce fût, sauf pour les laveuses des femmes mortes…

L’auteur n’est pas tendre avec le Prophète. Il le décrit comme un homme doux mais jaloux et capricieux. Il s’attarde sur son ménage polygame et démontre comment il semble avoir tiré profit des paroles divines pour ses propres relations avec les femmes, y compris en s’accordant certains privilèges. « Mahomet légifère pour tous et fait exception pour lui-même ».

L'ouvrage aborde également les questions du concubinage, du mariage, du divorce, de la dot, de l’héritage, domaines dans lesquels l’auteur souligne quelques améliorations pour les femmes mais sans pour autant les rendre égales aux hommes. Ici aussi, les prescrits de Mahomet seront par la suite interprétés en défaveur des femmes. Par exemple, en cas de répudiation, Mahomet a ordonné que la formule de répudiation soit prononcée deux fois à trois mois d’intervalle, pour laisser le temps au mari de réfléchir sur sa décision. Ce délai a plus tard été abrogé pour permettre des répudiations rapides, dans un contexte de conquêtes où les richesses et captives de guerres affluaient des territoires conquis et où les hommes étaient plus facilement tentés de mettre fin à une union devenue embarrassante.

Ce qui frappe à la lecture de cette thèse, c’est la vision étonnamment moderne que l’auteur porte sur l’égalité entre femmes et hommes, au point qu’on oublie régulièrement qu’elle a été écrite il y a près d’un siècle. Et on ne peut malheureusement que constater le peu de progrès qui ont été réalisés depuis lors dans le monde arabo-musulman.

On s’en sera douté, cette thèse n’a pas plu à ses contemporains musulmans. De retour en Egypte, Mansour Fahmy sera victime de la vindicte des journalistes l’accusant d’avoir « soutenu une thèse hostile à l’Islam sous la houlette d’un professeur juif ». Soumis à la censure et à la pression sociale, écarté de l’université pendant plusieurs années, Mansour Fahmy poursuivra sa carrière dans l’ombre, intellectuellement brisé. « La condition des intellectuels dans l’Islam » aurait pu être un autre sujet de thèse. Etonnamment d’actualité, je vous disais…

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  La condition de la femme dans l'Islam [Texte imprimé] Mansour Fahmy avant-propos de Mohammed Harbi

  de Fahmī, Manṣūr Harbi, Mohammed (Préfacier)
  Allia / Petite Collection
  ISBN : 9782844850904 ; 6,20 € ; 15/04/2002 ; 144 p. ; Broché

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