Lanark de Alasdair Gray

Lanark de Alasdair Gray
( Lanark)

Catégorie(s) : Littérature => Fantasy, Horreur, SF et Fantastique

Critiqué par Kassad, le 27 septembre 2005 (Inscrit le 27 septembre 2005, 43 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (22 904ème position).
Visites : 4 704  (depuis Novembre 2007)

Une nouvelle Divine Comédie

Je voudrais commencer cette critique en précisant qu’elle émane d’un gros fainéant et qu’elle ne saurait pas même rendre compte de la moitié du quart des éloges que mérite le bouquin dont elle fait part. J’apprécie beaucoup ce site, mais n’avais jamais ressenti le besoin d’y donner mon avis, tant la qualité des critiques et l’étendue des ouvrages y sont présentes (merci notamment à tous ceux nous conviant à la lecture de Dostoïevski). Cela étant, j’y remarque un manque important que je vais essayer de combler : Lanark, d’Alasdair Gray.
Résumer ce livre n’est pas une chose facile. Il faut imaginer Joyce et Dickens se taillant une bavette autour d’une table débordante de bocks dans le plus crasseux des pubs écossais, tandis que, chancelant et facétieux, Lewis Carroll s’amuserait à tirer les barbiches des notables de la pintes à la suite d’un pari perdu. Et c’est bien connu, quand on est saoul, on tient pas debout.

En quelques mots, l’histoire débute par un homme amnésique, Lanark, qui arrive en train dans une ville curieuse et inconnue. Apathique, il passe le plus clair de son temps à traîner dans un bar dans lequel il fera la connaissance d’une clique insolite qui l’initiera quelque peu aux mystérieux événements qui se trament dans ce monde. Mais, après quelques-unes de ces révélations, trop surprenantes et trop effrayantes pour lui, Lanark décide de s’enfuir. Commence alors une Divine Comédie, où son passé est peut-être son enfer.

Pour illustrer la richesse de ce livre, j’aimerais en citer un extrait qui relate la rencontre du personnage, Lanark, avec son créateur, l’écrivain (tour de force baroque et labyrinthique dont peu d’auteurs ont été capables à mon sens) :
« Votre survie [de Larnark] en tant que personnage et la mienne en tant qu’auteur dépendent de notre capacité à faire entrer une âme dans notre monde imprimé par le biais de la séduction, et de l’y retenir assez longtemps pour nous permettre de lui voler l’énergie imaginative qui nous donne vie.
Afin de jeter un sort sur cet inconnu, je fais des choses abominables. Je prostitue mes souvenirs les plus sacrés en les transformant en mots et en phrases les plus banales possibles. Quand j’ai besoin de phrases ou d’idées plus frappantes, je les vole à d’autres écrivains, puis je les triture pour les fondre avec les miennes. Pire que tout, j’utilise le monde merveilleux qui nous est donné à la naissance – le monde des atomes – comme une collection hétéroclite de formes et de couleurs afin de rendre ce divertissement de seconde main plus amusant. »

Voilà, franchise névrotique, remords contrits, ou sourire discret d’un vieillard barbu et espiègle, à vous de vous faire votre propre avis.

Pour terminer, je voudrais dire que je classe ce livre à la première place des chefs-d’œuvre que la vie m’aie donné de lire (si tant est qu’il existe une graduation). Je le classe même avant Dostoïevski (la boulette, j’ai l’oreille qui siffle). Car à la puissance des images frappantes et déroutantes, à la description de la souffrance qui habite le monde et qui nous hante, Gray ajoute une chose : l’humour. Et (c’est personnel) je veux croire à cette phrase « Il faut imaginer Sisyphe heureux ». Et bien dans l’humour que contient Lanark, j’y ai aperçu la tendresse, et à la fin de cette lecture je suis devenu un homme plus tendre. Plus tendre avec le monde, plus tendre avec les miens et plus tendre avec moi-même. Peut-être cette tendresse permet-elle d’imaginer un peu mieux Sisyphe heureux ?

Et puis si vous n’êtes toujours pas convaincu, dites-vous que ce livre a eu suffisamment de qualité pour qu’une grosse feignasse comme moi ouvre son traitement de texte.

Je conseille cet excellent livre à tous les amateurs de littérature.

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Multiples facettes

7 étoiles

Critique de Sentinelle (Bruxelles, Inscrite le 6 juillet 2007, 54 ans) - 29 décembre 2007

Alasdair Gray est un auteur écossais, né à Glasgow. C'est entre 1958 et 1962 qu'il commence à rédiger ce qui deviendra son premier roman : LANARK (1981).
Il va former l'école de Glasgow qui est un des centres de créations littéraires et culturelles les plus intéressants de la Grande-Bretagne avec les auteurs James Kelman et Tom Leonard.

Le roman Lanark d’Alasdair Gray est un long roman très condensé aux facettes multiples : on y parle de société, de la bureaucratie, de la nature humaine, des difficultés relationnelles, de la mort, de l’art, de Dieu, des femmes…

Il est important de se référer à la table des matières pour suivre l’histoire de Lanark : nous commençons avec le Livre III, pour poursuivre avec le Prologue, le Livre I, l’Interlude, le Livre II et le Livre IV entrecoupé par l’Epilogue.
De magnifiques dessins de l’auteur accompagnent également le récit.

Il m’est difficile de citer quelques passages importants du livre tant ceux-ci foisonnent au fil des pages.
Nous retrouvons également beaucoup de références à de multiples auteurs tels que Kafka (notamment "Le château" pour les absurdités administratives et le non-sens et "La métamorphose" pour la transformation en dragons de certains personnages dont Lanark au début du roman), de références psychanalytiques de Freud et Jung, de philosophes et politiciens (la liste est trop longue pour tous les énumérer ici).
Mais l’auteur a eu la gentillesse de nous livrer toutes ces références lors de l’Epilogue !

Comme vous avez pu le remarquer, j’ai souvent utilisé les termes « beaucoup », « multiples », « nombreux », « foisonnant » et « condensé ». C'est que ce roman, considéré comme un chef-d’œuvre par beaucoup, m’a paru un peu fastidieux à la longue. Je pense que le roman aurait peut-être gagné à alléger le nombre des thèmes abordés.

A lire donc lentement, par petites doses, sous peine d'implosions neuronales.

Extraits :
[p.16]Sludden : "J'ai bien peur que tu doives te lancer dans l'art. L'art est le seul travail ouvert aux personnes incapables de s'entendre avec les autres mais qui veulent tout de même être spéciales".
Lanark : "Je ne pourrais jamais être un artiste. Je n'ai rien à dire aux gens".
Sludden se mit à rire : "Tu n'as pas compris un mot de ce que je t'ai dit".
[…]
Un artiste ne dit pas des choses aux gens, explique Sludden, il s'exprime. S'il a une personnalité inhabituelle, son travail choquera ou émouvra les gens. Quoi qu'il en soit, il leur impose sa personnalité.

[p.89]La chaleur produite par un corps devrait circuler facilement à travers, inonder ses pores, son pénis, son anus, ses yeux, ses lèvres, ses membres et le bout de ses doigts par le biais d'actes de générosité et instinct de conservation.
Mais beaucoup de gens redoutent le froid et tentent de garder plus de chaleur qu'ils n'en donnent, ils empêchent la chaleur de s'évacuer par un organe ou un membre, et la chaleur ainsi arrêtée transforme la surface en une cuirasse dure et isolante.
Quelle partie de vous s'est-elle transformée en dragon ?

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