La guerre d'Espagne : Juillet 1936 - Mars 1939 de Hugh Thomas

La guerre d'Espagne : Juillet 1936 - Mars 1939 de Hugh Thomas

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Benoit, le 13 décembre 2004 (Rouen, Inscrit le 10 mai 2004, 43 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 347ème position).
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Espagne sanglante

Tout d’abord, je dois confesser que je ne suis pas spécialiste de la guerre civile espagnole et c’est le seul livre sur la question que j’ai lu. Je ne pourrai donc pas le comparer à d’autres livres qui traitent aussi de la guerre civile, dire qu’il est mieux ou moins bien informé que tel autre livre, etc... Cependant, à sa lecture, certaines caractéristiques de l’oeuvre ressortent.
L’objectif d’un livre d’histoire comme celui-ci est de tenter d’éclairer le lecteur sur les origines du conflit, d’expliquer comment l’explosion eut lieu en juillet 36, de nous présenter les deux Espagne en présence et les différentes batailles au cours desquelles elles se sont affrontées. Sur ces différentes parties, l’auteur a entrepris une recherche minutieuse.
Concernant les origines du conflit, il remonte loin dans l’histoire d’Espagne (jusqu’aux guerres napoléoniennes!) et surtout narre avec détails les cinq années de la République, entre 1931 et 1936, durant lesquelles les rancoeurs et les tensions s’accumulent, aussi bien à droite (droits ouvriers, mise à l’écart de l’Eglise,...) qu’à gauche (les réformes ne sont pas assez profondes et radicales,...).
Cet état de crise latent débouche sur le soulèvement militaire de juillet 36, dirigé par le Général Mola. Ce soulèvement est minutieusement (trop?) relaté, chaque garnison est évoquée. A partir de là et jusqu’en mars 1939, l’Espagne sera partagée en deux : une partie sera nationaliste, l’autre, républicaine.
La vie sociale et politique dans chacune de ces deux moitiés nous est alors exposée : alors qu’en Espagne nationaliste, Franco prend rapidement la tête du nouvel Etat où l’ordre règne et les valeurs conservatrices reviennent en force, en Espagne républicaine, c’est la plus grande confusion, chaque parti tire dans les pattes de son voisin, chaque région applique un programme politique qui lui est propre...
Cette confusion (minutieusement traitée) sonnera le glas de l’Espagne républicaine qui résistera trois ans grâce à de nombreux sacrifices mais s’écroulera à la fin.
Au cours de ce récit, l’auteur évoque avec détails le rôle trouble joué par l’Eglise et par les communistes. Et il détaille l’essor des nationalismes catalan et basque qui voient le jour dans la partie républicaine.

A un niveau plus global, ce qui caractérise cette guerre civile est son internationalisation, quelques années avant la seconde Guerre mondiale. L’auteur fait alors grand cas de l’intervention des forces italiennes, allemandes (du côté des nationalistes) et russes (pour les républicains), qui profitent de cette guerre pour tester de nouvelles armes et de nouvelles tactiques, et de la non-intervention de la France, de l’Angleterre et des Etats-Unis qui décrètent un embargo sur les armes (plus ou moins tenu par la France) bien que les trois premières puissances envoient des hommes et du matériel en quantité industrielle...
Ceci dit, la grande prouesse de l’auteur est de garder, tout au long du livre, un ton neutre alors que les circonstances ne s’y prêtent guère (il s’agit tout de même d’un combat où deux extrêmes s’affrontent). Il relate les horreurs commises par les deux côtés sans excuser tel parti ou tel autre. Les forces et les faiblesses des deux camps sont évoquées sans que l’auteur cherche à appuyer ou dissimuler certains traits.
Cependant, parfois, l’auteur veut donner trop de détails. Par exemple, avant chaque bataille, il évoque tous les bataillons en présence et leur commandant, il nomme chaque membre de chaque gouvernement républicain... Certes, cela montre que l’auteur veut donner le maximum de détails, sans rien cacher mais plus d’une fois mon attention s’est relâchée à l’évocation de dix noms de commandants donnés d’affilée!

Finalement, on ressort de ce livre avec un arrière-goût de dégoût dans la gorge suite à l’immense gâchis qu’a représenté ce conflit, puisqu’il aurait suffit que le radicalisme des uns et le conservatisme des autres soient moins prononcés pour que tout le monde puisse vivre heureux et ensemble (mais il aurait peut-être fallu une guerre pour qu’ils s’en rendent compte...), alors que les autres puissances étrangères jouent un rôle cynique avec la vie de milliers d’Espagnols.
De plus, ce conflit préfigure des horreurs à venir, que ce soit le bombardement meurtrier des villes civiles (pensez à Guernica) ou la répression stalinienne qui s’étendra sur l’Europe de l’Est (pensez à l’éradication du POUM).

Bref, que ce soit au niveau local ou au niveau international, l’auteur n’oublie aucune caractéristique de ce conflit, ce qui fait qu’on ressort de la lecture de ce livre avec une bonne vision de cette guerre à part dans le XXème siècle.

Enfin, je ne peux pas terminer cette critique sans évoquer le livre de George Orwell, “Hommage à la Catalogne”, qui traite de la vie de l’auteur au sein des Brigades Internationales sur le front aragonais. En plus d’être un récit journalistique passionnant, on y trouve un témoignage unique sur les événements de mai 37 à Barcelone au cours desquels le POUM, entre autres, a été éradiqué.

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Les éditions

  • La guerre d'Espagne : Juillet 1936 - Mars 1939 de Hugh Thomas
    de Thomas, Hugh
    R. Laffont / Bouquins
    ISBN : 9782221085592 ; 13,82 € ; 29/01/1997 ; 1026 p. ; Broché
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Un spectre hante l'Espagne : la guerre civile

9 étoiles

Critique de Radetsky (, Inscrit le 13 août 2009, 81 ans) - 1 octobre 2011

Juste deux mots pour compléter la présentation par Benoît de ce livre incontournable que j'ai trouvé pourtant desservi par un style assez lourd résultant sûrement d'une traduction laborieuse dans l'édition assez ancienne (années soixante !) que j'ai pu lire.
Après le tour de passe-passe de la "transition démocratique" suivant la mort de Franco, au prix d'une "réconciliation" proprement impossible, l'Espagne s'est retrouvée avec son énorme dette de sang officiellement et "démocratiquement" balayée sous le tapis de l'Histoire. Les choses commencent cependant à remuer autour des charniers qui se rouvrent...La littérature espagnole résonne de ce cri muet, elle déborde littéralement d'un non-dit qui ne demandera qu'à éclater à un moment ou à un autre. L'Espagne, contrairement à l'Allemagne et à l'Italie notamment, n'a pas apuré ses comptes, elle n'a pas jugé les bourreaux, n'a jamais fait de la lucidité historique sa conscience collective, n'en a jamais fait une véritable cause nationale. Les Allemands se torturent encore, toutes générations confondues, dans la culpabilité et l'horreur de leur constat, et il est probable que ce sera leur croix pour toujours. Mais laissons aux Espagnols le soin de régler leurs comptes pour le futur...
En attendant, quelques pistes afin d'aborder la guerre civile par le biais de la littérature, étant entendu que les écrivains cités ont été des témoins et/ou des acteurs de la tragédie et que la liste est réduite au minimum vu l'ampleur du sujet :
- Georges Bernanos (Les Grands cimetières sous la lune - présenté sur CL),
- George Orwell (Hommage à la Catalogne - présenté sur CL), déjà cité par Benoît,
- André Malraux (L'espoir - présenté sur CL),
- Claude Simon (Le Palace - pas encore cité sur CL)
- Arthur Koestler (Un testament espagnol - présenté sur CL)
La liste exhaustive des chroniques, articles, essais, pamphlets publiés sur le sujet est impossible à établir... A vos bibliothèques !


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