Autopsie d'une imposture de Gérard Bouladou

Autopsie d'une imposture de Gérard Bouladou

Catégorie(s) : Littérature => Divers

Critiqué par DODODLB, le 1 juin 2018 (Inscrite le 12 janvier 2017, 69 ans)
La note : 9 étoiles
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L'IMPOSTURE DU PULLOVER ROUGE

En 1974, j’avais 20 ans, et comme beaucoup de personnes, j’avais été très marquée par l’enlèvement et le meurtre de la petite Marie Dolorès Rambla.
Nul ne peut ignorer aujourd’hui que ce meurtre odieux allait très vite devenir l’affaire Ranucci, du nom de l’assassin de cette malheureuse enfant. Christian Ranucci, rapidement confondu et arrêté fut jugé devant les assisses d’Aix en Provence et condamné à la peine capitale le 10 mars 1976. Son exécution a eu lieu à la prison des Baumettes à Marseille le 28 juillet 1976 à 4h13 du matin.
En 1978, paraissait le livre de Gilles Perrault « le pull-over rouge » qui se voulait être un plaidoyer pour l’innocence de Christian Ranucci. Le doute s’est alors installé dans bon nombre d’esprits. La polémique était en marche.
38 années ont passé et j’avais toujours envie de lire ce livre. Pour moi qui suis une passionnée d’affaire criminelle, cette lecture semblait impérative. Après des ouvrages d’investigations remarquables sur le double crime de Montigny les Metz, l’affaire Grégory ou encore le crime de Thorigné sur Dué, je voulais en savoir plus sur l’affaire Ranucci. J’ai donc décidé de lire le livre de Gilles Perrault « le Pull-over Rouge ».
Je ne vais pas revenir en détail sur ce livre, je l’ai déjà fait longuement dans un autre écrit que je lui ai consacré.
Comme j’avais beaucoup entendu parler de cet ouvrage, par média interposés, je pensais sincèrement que lorsque j’en aurai terminé la lecture, je serai intimement convaincu de l’innocence de Christian Ranucci. Or c’est tout le contraire qui s’est produit. Lorsque j’ai refermé ce livre, j’étais persuadée que la justice française ne s’était pas du tout trompée en prononçant son verdict et que Christian Ranuci était bien le coupable du meurtre de Marie Dolorès.
Dès lors, me sentant un peu seule dans mes convictions, j’ai décidé de consulter sur internet les pages consacrées à l’affaire Ranucci, et, outre le site dédié à ceux qui soutiennent sa défense et demandaient un procès en révision, j’ai trouvé cet autre livre « Autopsie d’une imposture » écrit par un ex policier, Gérard Bouladou. J’ai donc décidé d’acquérir ce livre qui est arrivé chez moi avec un petit mot de l’auteur, ce dont je le remercie.
Tout au long de cet ouvrage, Gérard Bouladou s’emploie à détricoter tous les arguments mis en avant par Gilles Perrault et qui ont conduit bon nombre de personnes à croire en l’innocence de Ranucci. Ce livre très bien documenté reprend les uns après les autres, les affirmations, les invraisemblances et aussi les mensonges contenus dans le « Pull-over Rouge ». Etayé par les véritables PV d’audition de l’accusé et des principaux témoins mais aussi par exemple par le PV de la découverte du couteau dont la copie figure à la fin du livre, l’auteur nous propose une très sérieuse contre-enquête. Gérard Bouladou a d’ailleurs rencontré et interrogé plusieurs protagonistes de l’affaire et il nous livre le compte rendu de ses conversations, ce qui nous apporte un éclairage nouveau et ô combien authentique sur ce qui s’est réellement passé ce jour de 1974 et les semaines qui suivirent. Chapitres après chapitres, au fil des pages, on découvre que les arguments de Gilles Perrault ne tiennent pas, car ils s’appuient sur de soi-disant manquement dans l’enquête, sur des témoignages qui auraient été selon lui aiguillés volontairement par des policiers soucieux d’en finir avec Ranucci.
En voici quelques exemples :
Le cadavre de la petite fille qui aurait été retrouvé après qu’un chien ait reniflé le fameux pull-over rouge découvert dans la champignonnière; Faux, selon Gérard Bouladou, c’est un gendarme qui a retrouvé la fillette.
La découverte du couteau qui aurait été mis en scène par les gendarmes ; Faux car c’est sur les indications de l’accusé lui-même qu’il a été retrouvé et le PV de découverte de celui-ci porte bien la date du 6 juin 1974 et non pas celle du 5 comme l’affirme Gilles Perrault.
Le petit Jean Rambla, le frère de la petite victime, avait 5 ans 1/2 le jour de l’enlèvement, il aurait affirmé que l’homme qui les avait abordés conduisait une Simca 1100 grise ; Faux, aucun PV d’audition ne rapporte ces affirmations et monsieur Rambla dira que son fils ne connaissait pas les marques de voitures, et qu’il n’en possédait pas lui-même.
Les exemples sont nombreux, de la manipulation induite par le livre de Gilles Perrault, mais je ne vais pas tous les citer. J’ai envie de dire que je suis beaucoup plus encline à croire Gérard Bouladou que Gilles Perrault. Tout d’abord parce que comme je l’ai déjà dit, après avoir lu le livre de ce dernier, j’ai basculé du côté de la culpabilité. Ensuite, je pense qu’en tant qu’ex policier, Gérard Bouladou connait parfaitement les arcanes des procédures policières et judiciaires et qu’à ce titre il peut se permettre de corriger les fausses affirmations contenues dans le « pull-over rouge », notamment en ce qui concerne les dates apposées sur les scellés, je pense en particulier à la date contestée de la découverte de l’arme du crime. Enfin, je ne vois pas ce qui pourrait pousser Monsieur Bouladou à vouloir démontrer la culpabilité de Christian Ranucci. Sauf à penser qu’il voudrait se poser en défenseur de ses ex confrères policiers, il n’avait selon moi aucune raison d’écrire ce livre, si ce n’est de vouloir mettre à jour la vérité et conjurer l’imposture.
L’enquête qu’il a menée est extrêmement complète et très documentée. Il s’appuie comme je l’ai dit sur des PV d’audition, notamment les aveux de Ranucci, mais aussi sur les témoignages qu’il a recueillis auprès de personnes qui ont approché l’affaire à l’époque. Et là on tombe de très haut, en effet, car M. Bouladou nous aide à comprendre pourquoi, le jour du procès, Mme Mathéï, témoin clé, cité par les avocats de la défense de Christian Ranucci s’emmêle dans ses déclarations et devient la risée de la salle d’audience. En effet ce témoin de la dernière heure, rencontré soi-disant à la prison des Baumettes par Mme Mathon et dont le témoignage était censé faire basculer tout le procès et accréditer la thèse de l’innocence, se prend en quelque sorte les pieds dans le tapis, et pour cause. Cette femme devait raconter qu’un homme au pull-over rouge, conduisant une Simca 1100 4 portes, grise, avait importuné et même tenté d’enlever des enfants dans la cité voisine, et ce, juste avant l’enlèvement de Marie Dolorés Rambla. Seulement ce témoignage intervient bien après que tous les journaux et médias eurent parlés de la thèse de l’homme au pull-over rouge en SIMCA 1100. Dès lors, n’importe qui aurait pu inventer une série de tentatives d’enlèvement par cet individu, et surtout demander à cette femme de venir témoigner. Et cette personne ne serait autre que Mme Mathon elle-même, la mère de l’accusé. Gérard Bouladou a retrouvé les personnes dont Mme Matheï était censé rapporter les témoignages d’enlèvement. Aucune n’a confirmé ces faits, tout a été inventé par Mme Mathéï sur la demande de Mme Mathon qui l’aurait même payée pour cela. Et là, tout tombe à l’eau et surtout tout ce qui a fait du « pull-over rouge » l’essence même de la soi-disant innocence de Ranucci. Ceci explique sans doute que devant une cour d’assise et la verve de Me Collard, avocat de la famille Rambla, Mme Mathéï s’est mise à bafouiller…. Tout ce qu’elle devait affirmer était un tissu de mensonge.
Une chose est certaine et incontestable, un pull-over rouge vif, style marinière a bien été découvert dans la fameuse champignonnière, et Christian Ranucci a toujours maintenu qu’il ne lui appartenait pas, et là, je pense que l’on peut le croire. A partir de là, il était facile à Gilles Perrault d’inventer un scénario digne d’un polar, avec un chien pisteur qui mène les policiers sur les lieux du crime et donc si le pull-over n’était pas celui de Ranucci, Ranucci ne pouvait pas être le meurtrier. Ce livre aurait pu servir de base à un très bon film policier, mais malheureusement il a été pour la famille Rambla le début d’un terrible chemin de croix.
Suite à la lecture du pull-over rouge et étant d’une nature curieuse, j’ai aussi visionné le numéro de l’émission de France 2 « Faites entrer l’accusé »,diffusé sur France 2 le 17 juillet 2003 consacré à l’affaire Ranucci. Christophe Hondelatte avait, entre autres, invité Gilles Perrault à s’exprimer sur ce crime. Je ne fus donc pas surprise de l’entendre dérouler à nouveau ses grosses ficelles, et bien entendu l’épisode du chien qui renifle le pull-over. Mais à la fin de l’émission, il peine à convaincre. A la question de Christophe Hondelatte qui lui demande pourquoi la voiture de Ranucci avait été vue à l’endroit du crime, il répond « c’est une coïncidence, dans toutes les affaires criminelles il y a des coïncidences ». Et bien M. Perrault examinons un peu vos prétendues coïncidences :
- Coïncidence la Peugeot 304 de Ranucci dont le numéro a été relevé par le couple Aubert sur les lieux du crime.
- Coïncidence encore la découverte du couteau à deux pas de l’endroit où 2 jours plus tôt Ranucci a embourbé son coupé 304 dans la champignonnière, avec 2 témoins à la clé.
- Coïncidence le pantalon taché sur l’extérieur, de sang du groupe A (le même que la petite victime) dans la voiture de Ranucci.
Coïncidence… coïncidence… coïncidence…
Je n’adhère absolument pas aux théories de Monsieur Perrault qui ne sont pour moi que pure affabulation. D’autre part, quel intérêt avait-il de vouloir à tout prix militer pour l’innocence de Ranucci, si ce n’est de faire vendre son livre, ce qui a semble-t-il bien fonctionné. Je peux comprendre qu’il ait été comme beaucoup de personnes un farouche opposant à la peine de mort. Lorsque tombe le couperet de la veuve noire, c’est un voyage sans retour. Les dernières paroles de Ranucci ont-elles été « réhabilitez- moi » comme semblent le prétendre certains, ou est-ce une affabulation supplémentaire sortie d’on ne sait quel esprit ?
Madame Eloïse Mathon la mère de Christian Ranucci, a tout tenté par l’intermédiaire de ses avocats pour déposer des requêtes en révision. Trois tentatives, trois échecs. Eloïse Mathon est décédée le 14 mars 2013, sans avoir pu voir son fils réhabilité. Aujourd’hui, seul le garde des sceaux a le pouvoir de demander une révision du procès, mais cela demeure hautement improbable.
En regardant l’émission « faites entrer l’accusé », j’ai été stupéfaite de constater que plusieurs fois, il y avait un arrêt sur l’image de la guillotine. Quelle que soit la barbarie d’une exécution capitale, je pense qu’il ne faut pas chercher à attendrir l’opinion publique sur le crime de Ranucci par ce biais. Madame Mathon n’a jamais pu croire que son fils unique a pu devenir un ignoble assassin, et personne ne pourra la blâmer. Mais une famille a été foudroyée par ce crime, la famille Rambla.
Ce jour de Juin 1974, la vie des Rambla s’est brusquement arrêtée, et la sortie du livre de Gilles Perrault en 1978 et la polémique sans fin qu’il a créée a continué de meurtrir cette famille et de l’anéantir encore davantage.
En 1979, nouveau coup d’épée pour les Rambla, la sortie du film de Michel Drach « le pull-over rouge ». Le film est autorisé et ce malgré la demande de la famille de Marie Dolorès qui obtient seulement la coupe de quatre passages.
En 2005 rebelote, cette fois c’est un téléfilm avec Catherine Frot intitulé « la mère » qui est tourné. La mère en question, c’est celle de Ranucci. Le père de la petite victime tente mais en vain de s’opposer à sa réalisation. « Le simple fait d’intituler ce téléfilm « une mère » est un outrage à mon épouse qui est la mère de Marie Dolorès », déclare M. Rambla.
Mais ce n’est malheureusement pas terminé, car beaucoup d’émissions de radio et de télévision ont été consacrées à ce sujet, et semble-t-il toujours dirigées dans le sens de l’innocence de Ranucci.
Les parents de Marie Dolorés déjà meurtris à tout jamais par le meurtre de leur fille ont dû toutes ces années durant, supporter tous ces mensonges. Pendant des années, livres, film, téléfilm, émissions de radio, de télévision ont fait passer Ranucci pour la victime de cette affaire. Qui a pensé à la souffrance de la famille Rambla ? Qui a pensé à cette pauvre gamine massacrée à coup de pierre et de couteau, n’est-ce pas elle la véritable victime ?
Alors oui, le livre de Gérard Bouladou remet les choses à leur place et c’est tant mieux. Après des années de polémiques et de mensonges, habilement orchestrés par Gilles Perrault il était temps de replacer la vérité au premier plan.
Et la vérité, c’est que le 3 juin 1974, Christian Ranucci a enlevé et tué la petite Marie Dolorès Rambla âgée de 8 ans, et que sans l’accrochage qu’il a eu avec le véhicule de Monsieur Martinez et la poursuite par les Aubert, ce crime odieux serait sans doute demeuré impuni.
Si Christian Ranucci avait sauvé sa tête, s’il avait été condamné à une peine de prison, même très lourde, aucune polémique n’aurait surgi, et Gilles Perrault n’aurait jamais écrit « le pull-over rouge ».
Je ne peux m’empêcher de penser que Me Lombard et Me Le Forsonney auraient dû suivre Me Fraticelli dans son idée de plaider coupable, avec pour circonstances atténuantes, une panique soudaine, un affolement, un instant d’égarement dramatique certes, mais non prémédité. Plaider l’innocence était une pure folie, Me Fraticelli a refusé de plaider cela et l’attitude détachée, arrogante, voire cynique de Ranucci tout au long de son procès, l’ont fait monter chaque jour une marche de plus vers l’échafaud.
Valéry Giscard d’Estaing alors président de la République, pourtant réputé hostile à la peine de mort a refusé la demande de recours en grâce de Ranucci. L’opinion publique venait de découvrir en janvier de la même année avec horreur l’enlèvement suivi du meurtre du petit Philippe Bertrand par Patrick henry, et le lendemain de l’entrevue entre Me Lombard et M. Giscard d’Estaing, un autre enfant de 7 ans a été enlevé et tué au Pradet, le petit Vincent Gallardo. Le président de la République a parfaitement étudié le dossier Ranucci avant de prendre sa décision, mais nul doute que ces meurtres d’enfants ont pesé lourdement dans la balance de son refus.
Ce livre, « Autopsie d’une imposture » de Gérard Bouladou ou, « Toute la vérité sur le pull-over rouge » m’a conforté dans ma certitude de la culpabilité de Christian Ranucci. Cet ouvrage est fort passionnant et très bien documenté. On peut y découvrir des documents qui figurent dans le dossier Ranucci, des entretiens avec des personnes ayant approché cette affaire et des photographies qui permettent de mieux comprendre certaines contre-vérités.
Oui, comme Gérard Bouladou, je suis intimement convaincue que le livre de Gilles Perrault « Le pull-over rouge est une imposture.

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