Avec Hélie de Saint Marc de Patrick de Gmeline (Scénario), Guillaume Berteloot (Dessin)

Catégorie(s) : Bande dessinée => Aventures, policiers et thrillers , Bande dessinée => Légende, contes et histoire

Critiqué par JulesRomans, le 24 décembre 2013 (Nantes, Inscrit le 29 juillet 2012, 65 ans)
La note : 8 étoiles
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De Buchenwald à la prison de Tulle en passant par la case putsch des généraux d’Alger

Le commandant Hélie Denoix de Saint Marc décède en 2013 et sa vie permet d’approcher un homme droit même si les chemins tortueux de la décolonisation française obligèrent cet officier à se rebeller contre le chef des armées. Né à Bordeaux dans un milieu aux sympathies royalistes, scolarisé dans l’Entre-deux-guerres au collège privé Tivoli de cette ville, le personnage principal de ce récit entre dans la Résistance et est déporté. Hélie Denoix de Saint Marc revient toutefois de Buchenwald et de l’Indochine à l’Algérie en passant par Suez poursuit une carrière militaire d’une quinzaine d’années.

Plus qu’une BD historique nous avons affaire ici à une BD didactique à contenu militant. À ce titre est gênante, au regard de l’histoire de la fin du XXe siècle, l’idée sous-jacente qu’avec de la constante la France aurait pu garder l’Indochine et l’Algérie. Retracer la vie de cet homme c’est mettre en avant une sinon la seule personnalité honorable parmi des gens (les plus actifs dans le complot) qui pour beaucoup passèrent, à la fin de l’Algérie dans l’OAS dont les attentats firent plus de victimes que ceux du FLN.

Trois points étonnent, le premier est de dire que l’armée française va abandonner les populations vietnamiennes transférées du nord au sud, ces dernières massivement catholiques trouvèrent là un refuge certes temporaire de vingt ans, mais échappèrent aux discriminations qu’elles auraient subi en restant dans la partie septentrionale du pays sous contrôle communiste dès 1954.

Le second est de laisser croire au lecteur qu’avec le plan Challe, l’Algérie est totalement pacifiée (dernière case de la page 35), c’est faire fi qu’une guérilla est mobile et que la rébellion a infiltré les groupes d’auto-défense à cette occasion, c’est ignoré qu’en 1960 les attentats du FLN ont été nombreux en Algérie et que le conflit s’est maintenant déplacé en France métropolitaine où les actes de terrorisme se multiplient et ce n’est pas tenir compte du contexte international qui se montre très défavorable au maintien de la souveraineté française.

Enfin le troisième est, dans le cadre du rôle de Hélie Denoix de Saint Marc, en tant que chargé des relations avec la presse comme chef de cabinet de Massu, de faire dire à un journaliste à son propos :

« S’il ne nous dit pas toujours tout… il nous dit toujours la vérité ».

Ceci permet d’évacuer la question de l’usage systématique de la torture et des meurtres de musulmans et Européens perpétrés par l’armée française, utilisation officiellement niée ou du moins très aseptisée par les chefs militaires.

À la veille du putsch d'Alger d'avril 1961, le premier régiment étranger de parachutistes est commandé par intérim par le commandant Hélie Denoix de Saint Marc, le lieutenant-colonel Guiraud étant en permission, le récit suit fidèlement les propos du commandant qui se fait acteur alors que face à des officiers (dont les noms sont cités dans une note au bas de la page 39) de ce régiment appuyant unanimement le putsch (et l'ayant préparé pour certains), il aurait plutôt été suiveur. Étant donné l’importance prise par ce régiment dans ce coup d’état, cette unité est dissoute ; ceci explique pourquoi le 2e REP est le seul régiment étranger parachutiste de l’armée française (à noter l’existence durant les années 1949 à 1955 du 3e REP).

Cet album a le mérite de sensibiliser à l’histoire d’un homme pour qui la devise de la Légion "Honneur et fidélité" n’était pas de vains mots et de montrer certains aspects des évènements qui agitèrent l’histoire nationale et marquèrent l’évolution de la société depuis la Grande Guerre (que fit en tant que gendarme aux armées le père d’Hélie de Saint Marc) jusqu’au début du XXIe siècle. L’illustration très précise et fouillée dans les cadres historique et géographique, sachant jouer intelligemment sur les tailles et cadrages des vignettes aide beaucoup dans la dramatisation de ce destin exceptionnel. Une BD qui aurait bien sa place dans les centres de documentation des lycées dans le rayon histoire.

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