Image d'une époque

Quotient intellectuel à vendre est le troisième roman de John Boyd que j'aborde. Les prémices laissaient présager une suite intéressante, quoique déjà exploitée par ailleurs: la possibilité de stimuler l'intelligence humaine grâce à un traitement. Dans Quotient intellectuel à vendre, Dorsey et Lisa ont un fils, Marlon, qui, à dix-sept ans, se comporte comme s'il en avait cinq ou six. Pour donner la chance à son fils de se "faire une situation" (p. 20), plus précisément d'échapper à la vie d'homme-enfant, Dorsey expérimente l'Hexagone Six, un produit censé décupler les facultés intellectuelles, jamais encore expérimenté sur l'homme. Ce qui aurait pu être le point de départ d'une nouvelle se déploie ici dans un roman de près de 250 pages.
Comme dans les autres romans de Boyd (Dernier vaisseau pour l'enfer, Planète Fleur, par exemple), les péripéties sont peu nombreuses. Si l'événement extraordinaire appréhendé est annoncé dès le départ, il faudra attendre le dernier quart du roman pour qu'on en mesure toutes les conséquences. En fait, ce qui intéresse le narrateur, ce sont davantage les relations sociales, familiales, le quotidien parfois banal des personnages, plutôt que leur destin hors du commun.
Aucune date ne vient cadrer le récit. Pourtant, les relations sociales décrites laissent deviner le moment de la rédaction. Les Clayton forment un couple assez traditionnel des années soixante: Lisa, l'épouse, demeure au foyer où elle s'ennuie, accueille son mari qui revient du travail; elle passe ses heures à lire divers ouvrages tout en buvant un peu trop d'alcool. Dorsey, lui, fait de la recherche et gère son entreprise pharmaceutique qui a déjà été plus prospère. Boyd propose le couple bourgeois, aisé, habitant une maison luxueuse, et qui peut se payer les services d'une bonne à temps plein. Le milieu scientifique et celui du travail est essentiellement masculin. Autre signe des temps, les références culturelles: le fils s'appelle Marlon, c'est en référence à l'acteur hollywoodien Marlon Brando. Cette référence au célèbre acteur hollywoodien peut être assez intemporel en raison de la renommée de Brando, mais pas le fait que Dorsey, tant qu'à s'inspirer d'un acteur de cinéma, aurait préféré Tom Mix ou Ken Maynard ! Ces deux derniers sont bien moins illustres (à moins d'être des fans inconditionnels des films westerns des années 30 et 40).
Ce roman est d'un certain intérêt, disons sociologique, parce qu'il est imprégné des préoccupations et des valeurs dominantes à la fin des années soixante, tout en prétendant se projeter dans un futur plus ou moins défini. On sourira à l'idée que soient considérés les théories du docteur Spock comme étant les plus avant-gardiste ou encore à l'importance accordée à certains psychanalystes. On s'étonnera aussi des discussions autour de la sexualité: autant Lisa se présente comme une femme affranchie sur ce plan (elle imagine même de mettre en place un système d'échange entre couples); autant Dorsey est décrit comme le mâle bien dans sa peau et à l'appétit sexuel bien aiguisé; autant ils sont des idées sur la sexualité de leur fils, qui surprendront le lecteur d'aujourd'hui. En effet, ils s'inquiètent que Marlon ne manifeste aucun désir pour les femmes et redoutent qu'il soit homosexuel ! De plus, quand Marlon se laisse pousser les cheveux, Lisa s'imagine qu'il prend de la drogue ! Ouf.
Bref, tout cela m'a bien fait sourire.

Je vous propose en terminant un petit extrait non représentatif, mais qui m'a un peu étourdi:
""Les isolateurs anode-cathode qu'avait conçu Dorsey, destinés à amplifier et à concentrer le déclenchement des ondes électro-magnétiques et des lignes de force cohérentes ne dépassant pas le diamètre d'un neutron, seraient projetés presque simultanément à travers une solution de phosphate de glucose et de sulfate de fer animée d'un constant mouvement d'inversion-réversion. En théorie, quand l'opération atteindrait son point maximal, les atomes ferreux brusquement magnétisée par une contre-charge seraient arrachés à la molécule mère et précipitée -- les lourds ions ferreux portant chacun deux électrodes de sulfure -- dans le fond du bac.
La réaction arriverait à son point critique. Amputée de deux électrons, la valence éclatée de l'atome de sulfure unirait une section de son anneau extérieur au radical de méthane de l'anneau de dexaméthasone, et simultanément, sur une section opposée, se combinerait avec un radical de phosphate de glucose, réaction qui aboutirait à former une molécule à double hélice circulaire de configuration identique à celle de l'anneau simple de dexaméthasone déjà existant.
Autrement dit, dans le jargon des chimistes, on aboutirait à de l'hexadexaméthasulfide, ou encore à de la dexahexasulphaméthadone." p. 212
Y a-t-il un chimiste dans la salle ?

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  Quotient intellectuel a vendre

  de Boyd, John
  Denoël / Présence du futur
  ISBN : 9782207302101 ; 6,05 € ; 23/04/1976 ; 255 p. ; Poche

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