Alias Caracalla de Daniel Cordier

Alias Caracalla de Daniel Cordier

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Veneziano, le 24 décembre 2009 (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 777ème position).
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Un monarchiste rentré en Résistante - Prix Renaudot 2009

Ce jeune monarchiste maurrassien, apprenti journaliste, est abattu par l'armistice signé par Pétain et rentre en Résistance. L'entrée en matière a de quoi faire frémir. Cet extrêmiste, porté par son patriotisme, quitte Pau et débarque pour Londres retrouver De Gaulle. Il devient secrétaire et a la lourde tâche de transmettre câbles et messages, ce qui constitue une fonction lourde de charges et hautement source à erreurs fatales. L'essentiel de sa mission est opérée à Lyon, avec un passage à Paris, sous l'autorité de Rex, dont il ne connaît pas le vrai nom, mais dont il mesure, dès le départ, le poids dans le mouvement, l'importance qu'il prend et les frictions relationnelles qui finissent par lui devenir fatales, puisqu'il se fait arrêter à Caluire. Si vous avez quelques réminiscences minimales de l'histoire de cette époque, ou si vous avez l'idée de jeter un oeil sur le tableau de concordance entre noms et pseudonymes, vous trouvez assez vite qui est Rex.

L'épopée dramatique de ce personnage côtoyé de prêt vaut le détour et mérite de surmonter les frissons de départ, quand on découvre les idées du narrateur. Son histoire à lui n'est pas non plus dénuée d'intérêt : il est condamné à évoluer idéologiquement, abandonnant Pétain et Maurras, les délogeant de son panthéon personnel. Son antisémitisme tombe et se regarde rétrospectivement de manière amère. Les risques qu'il encourt, ses réactions, tantôt fines et juvéniles, font frémir de diverses façons. Les intrigues de pouvoir au sein de la Résistance, les dangers imminents sont retracés en temps réel, ce que permet la retranscription de ce qui est formellement un journal.

Ce témoignage s'avère évidemment crucial. Il faut arriver à vaincre l'austérité et les barrières premières du récit, puis cette auto-biographie se transforme en polar amer, qui a finalement pour but, avoué et clair, de rendre hommage au héros pour qui il a travaillé, dont il ne connaît l'identité qu'après sa mort.

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Les éditions

  • Alias Caracalla [Texte imprimé] Daniel Cordier
    de Cordier, Daniel
    Gallimard / Collection Témoins (Paris. 1966)
    ISBN : 9782070743117 ; 34,00 € ; 15/05/2009 ; 931 p. ; Broché
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Témoignage essentiel

10 étoiles

Critique de Falgo (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 84 ans) - 14 février 2017

Daniel Cordier a été de juillet 1942 au 22 juin 1943 le secrétaire de Jean Moulin. A ce titre son témoignage, livré dans ce gros livre, est essentiel pour la connaissance et la compréhension de cette époque troublée.
Jeune maurassien, élevé dans une tradition catholique, antisémite, nationaliste et royaliste, Daniel Cordier se révolte contre la signature de l'armistice par Pétain et n'a plus qu'un seul désir: casser du "boche", comme on dénomme généralement les allemands. Il réussit avec des camarades à s'échapper de France et à rejoindre Londres où il s'enrôle dans les Forces Françaises Libres et fait allégeance au Général de Gaulle. Au cours des 2 années de formation en Angleterre, il se militarise, s'aguerrit et entend les prises de position largement différentes des siennes jusqu'à ce jour de juillet 1942 où il est parachuté en France et rejoint Lyon où il est recruté personnellement par Jean Moulin. Il sera donc pendant de longs mois au coeur des débats qui animent la Résistance, ce qui explique le caractère essentiel et étonnant de son témoignage qu'il a choisi de formuler au jour le jour, fondé sur la consultation des archives et une mémoire exceptionnelle.
Son optique est celle de son poste en contact avec les chefs de la Résistance en France et à Londres, pas du tout celle des militants de base (sabotages, exécution, relevés de plans, informations, etc.) dont nous avons plus l'habitude. Et son compte-rendu diffère sensiblement de l'hagiographie générale à laquelle est consacrée la doxa. Les axes que relève Cordier sont les suivants:
- le premier est connu, Jean Moulin a dû déployer des efforts considérables pour unifier les mouvements de Résistance et imposer la ligne de de Gaulle,
- les chefs de mouvement ont mené une guérilla parfois violente contre Jean Moulin, contre de Gaulle et entre eux,
- ce qui a tenu le mouvement général, c'est l'argent - considérable - versé par Londres et par Moulin à tous ou presque tous,
- les responsables des anciens partis ont tenté de reprendre la main sur les mouvements souvent partis sans eux, à l'exception des communistes,
- ce qui a été en jeu parmi les chefs a plus été la suite des èvènements après la Libération que la construction de celle-ci qui est retombée sur le militants de base,
- les conditions de sécurité n'ont pas été respectées par beaucoup, ce qui a conduit à l'arrestation de 100 000 personnes ( chiffre énorme) sur les 300 000 dénombrées en 1942-43, avant que le Service du Travail Obligatoire (STO) ne nourrisse abondamment les maquis.
C'est donc à un tableau passionnant et significatif par son décalage avec d'autres que se livre Cordier. personne ne peut prétendre connaître cette période sans avoir lu ce livre. j'ajoute que les 300 premières pages du livre sont consacrées au séjour en Angleterre et sont loin de présenter le même intérêt que les suivantes (à partir de la page 310) consacrées à la France.

Des hommes dans l'ombre

9 étoiles

Critique de Hamilcar (PARIS, Inscrit le 1 septembre 2010, 68 ans) - 29 avril 2014

L'engagement de Cordier envers la France libre de De Gaulle l'avait destiné, comme bon nombre de jeunes français déçus de l'armistice de Pétain, à combattre l'occupant sur le champs d'honneur. Las. Son envie d'en découdre physiquement sous le drapeau s'est alors transformé en une mission qu'il ne souhaitait pas; secrétaire d'un homme de l'ombre dont il ne connait que le pseudonyme.
Le livre nous plonge alors, sortis d'une préparation militaire à Londres, dans l'inconnu des réseaux de résistance. Et le combattant en devient un autre, relais indispensable entre patriotes évoluant tous sous des alias, mais dont les noms ne nous sont pas inconnus. Ces grands hommes qui ont fait l'histoire, Daniel Cordier en a fréquenté beaucoup et en a subi plus que nécessaire. Car il nous livre ici les tensions effectives entre les uns et les autres, nous révèle une autre facette de la Résistance, moins unie et organisée qu'on ne le pensait. Et la solitude du chef qu'il affectionne, ce "Rex" dont il ignore quasiment tout, ressort à chaque page que l'on tourne.
Cet écrit autobiographique majeur est un des témoignages les plus affinés sur cette clandestinité mise au grand jour.
Passé d'une idéologie maurassienne au gaullisme que "Rex"" incarnait, Daniel Cordier avait le respect de sa mission et ne s'en est jamais écarté, jusqu'à ne pas chercher à savoir qui se cachait derrière "Rex". Artiste peintre ou galeriste, peut-être, tant l'art semblait le passionner.
C'est bien après Caluire et l'arrestation de son chef, que Daniel Cordier entendit pour la première fois son nom: Jean Moulin.

Un très grand livre

9 étoiles

Critique de Fabrice (, Inscrit le 22 novembre 2009, 38 ans) - 9 mai 2012

Il ne faut pas être impressionné par l'épaisseur de ce grand roman autobiographique rédigé à la manière d'un carnet de guerre.
C'est la guerre de Daniel Cordier, jeune homme proche de l'extrême droite avant-guerre, qui renie Pétain le soir où ce dernier annonce l'armistice et s'embarque avec quelques amis pour l'Angleterre. De là, après de longs mois d'entraînement dans les camps de la France Libre avant d'être envoyé en France où il devient le secrétaire de l'homme chargé par de Gaulle de faire l'unité de la Résistance : Jean Moulin.
Au-delà du témoignage historique de premier ordre qui nous rappelle l'effroi et l'esprit d'abandon qui saisissent les Français en 1940, l'extraordinaire isolement du Général de Gaulle, le courage indomptable des citoyens britanniques, le dénuement extrême de la résistance intérieure, les divergences politiques et stratégiques qui existent entre les deux mouvements et que Jean Moulin se fait fort d'atténuer avec une patience sans borne, cette autobiographie est vraiment d'un grand intérêt littéraire : brillamment écrite, elle se présente comme un roman d'apprentissage, où un jeune homme royaliste devient un résistant de gauche, s'interroge sur sa sexualité et ses affinités sentimentales, et se retrouve au service d'un homme, Jean Moulin, chef vénéré, adulé et respecté, véritable second père de l'auteur. Ce roman s'achève d'ailleurs par la capture, en juin 1943, du héros de la Résistance. Comme si une partie de la vie de Daniel Cordier s'était arrêtée ce jour-là.
Un très grand roman autobiographique et historique, oeuvre littéraire de premier plan. Lisez Daniel Cordier, un des derniers Compagnons de la Libération encore en vie.

L'enthousiasme courageux et inconscient de la jeunesse!

8 étoiles

Critique de Donatien (vilvorde, Inscrit le 14 août 2004, 81 ans) - 15 juin 2010

D'abord séduit par les idées antisémites et la fréquentation des camelots du roi, Daniel Cordier alias Caracalla rejoint Londres afin de continuer le combat contre l'envahisseur allemand.
Il y rencontre d'autres jeunes hommes issus de milieux divers et d'opinions différentes qui lui font horreur au début. Mais au fil du temps, suivant de près les évènements de France et le comportement de Pétain et de ses ministres, il ouvre les yeux.
Il est désigné pour faire partie de la résistance et devenir le "secrétaire" de Jean Moulin.
Ce récit nous révèle, en tout cas à moi, les luttes d'influence et le carriérisme au sein des différents mouvements de résistance qui s'organisent lentement sur le territoire français. J'ai aussi appris , mais c'était logique, que de gros capitaux ont été nécessaires à l'engagement des "courrier", "radios", "cadres", "secrétaires", etc..
La résistance a d'abord été très dure envers De Gaulle qui lui-même avait à lutter contre Winston Churchill et les Américains qui le craignaient.
Mais c'est avant tout un formidable portrait de Jean Moulin qui pour moi, est un personnage magnifique, un "condottiere". Courageux, déterminé, intelligent et de plus amateur d'art moderne. Je comprends l'admiration presque "amoureuse" de ce jeune homme pour ce grand combattant. Très beau témoignage.

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