Débézed

avatar 09/06/2009 @ 14:42:37
Je viens de publier une critique éclair qui n'a d"éclair que le nom et surtout pas la fulgurance, mais comment parler d'un tel livre en quelques lignes seulement. Il est vrai que j'ai lu ce livre plus comme un document historique et historiographique que comme un roman et que j'en ai tiré beaucoup d'enseignements. Il y aurait beaucoup de choses encore à dire sur ce livre.

Je culpabilise un peu en constatant la longueur de ma critique mais je me console en pensant que peu lirons sans doute ce livre un peu rébarbatif pour qui n'y recherche pas un intérêt historique.

Si d'autres l'ont lu, j'aimerais connaître leur avis sur le côté maçonnique de ce livre.

Stavroguine 09/06/2009 @ 15:49:52
Comme annoncé, j'ai lu ta critique avec beaucoup d'attention.

Ce qui me frappe tout d'abord, ce sont les différences avec la version que j'ai lue - au point que je me dis qu'il aurait peut-être valu que tu crées une nouvelle fiche (de toute façon, je compte le faire moi-même pour la version de 1810). Le début, notamment, n'a rien à voir et comme je le dit dans ma critique, la version de 1804 ne comporte pas de fin et donc aucune information sur les racines et le futur d'Alphonse.
De même, aucun souvenir de la caravane croisé par le groupe des bohémiens et d'après la préface de mon édition, le rôle et l'importance des personnages ne doit pas être le même. Si je me souviens bien des notes, le Juif errant, omniprésent dans la seconde partie de ma version est totalement absent de celle de 1810...

Au-delà de ces (apparemment) nombreuses différences, tout à fait d'accord avec toi sur le fait que ce roman soit un puis d'érudition et une belle illustration du roman gothique.
Je suis de même assez d'accord avec ton analyse de la place de la religion bien qu'elle me semble moins omniprésente dans ma version.
Enfin, j'étais complètement passé à travers la piste de la franc-maçonnerie qui semble extrêmement intéressante...

Excellente critique en tout cas qui mérite à mes yeux une fiche distincte, mais je te laisse en décider avec Saule et les autres administrateurs du site.
Du coup, tu me donnes envie d'attaquer la version de 1810 mais elle attendra un peu (je suis enfin rentré dans L'Homme sans qualité après 450 pages...). D'ici-là, on en parle quand tu veux !

Nance
avatar 09/06/2009 @ 16:25:50
Le choix de la version semble vraiment avoir son importance...

Feint

avatar 09/06/2009 @ 16:26:42
C'est vrai qu'à éviter les doublons, on crée parfois des simplons. Quand il s'agit d'éditions différentes, pour peu que la critique fasse état de cette différence, il me semble qu'une nouvelle fiche s'impose, puisque au fond il ne s'agit pas vraiment du même livre.

Saint Jean-Baptiste 09/06/2009 @ 20:57:11
Moi je trouve qu'il serait dommage de séparer ces deux critiques.
Ce n'est pas par esprit de contradiction.
Mais je trouve qu'elles sont toutes les deux excellentes et exemplaires et qu'il serait dommage de les séparer parce que, finalement, elles parlent du même ouvrage en expliquant bien qu'il en existe plusieurs versions.

Stavroguine 09/06/2009 @ 21:59:55
Merci beaucoup SJB, mais je pense moi que nous sommes devant deux objets différents. Il ne s'agit pas seulement d'une couverture ou d'une traduction différente, mais d'un texte différent. A mon avis, le seul fait que dans la version de DBZ, Les Manuscrits soient présentés comme une seule oeuvre tandis que dans la mienne, ils en sont deux justifie de créer deux fiches.
En plus, je compte bien lire et critiquer la version de 1810 et ayant déjà critiqué celle de 1804, je serai obligé de créer une nouvelle fiche (non pas que je ne le veuille pas de toute façon, mais tout de même). Donc quoi qu'il arrive, il y aura un "doublon" (encore que pas vraiment) pour cette oeuvre.
Et puis, ce n'est pas comme si l'oeuvre de Potocki était quelque chose d'immense : même en créant une fiche différente pour chaque version des Manuscrits publiée depuis 1958, sa biblio resterait moins étoffée que celle d'un Dumas par exemple.

Saule

avatar 09/06/2009 @ 22:13:45
On pourrait faire deux fiches, et ensuite on les reliera en créant une série? Ces critiques sont intrigantes en tout cas. Les séries existaient dans l'ancien CL, ça a disparu mais je vais refaire ça.

Débézed

avatar 09/06/2009 @ 22:44:43
Je me suis posé cette question en lisant ta critique que je n'ai pas voulu lire avant de faire la mienne et j'ai hésité un moment. Il y avait d'un côté un intérêt comme dit SJB à proposer aux lecteurs un aperçu des deux versions et de l'autre côté j'avais un peu l'impression de commettre une fraude sur la marchandise en rédigeant une notice ne correspondant pas au produit proposé.

Saule va bien trouver une solution technique pour que les deux versions de cette oeuvre puissent être mises à la disposition des lecteurs en mettant bien en évidence la différence existant entre ces deux versions.

La version que j'ai lue comporte une préface qui explique bien l'origine de l'oeuvre et une notice, en fin d'ouvrage, qui explique comment Radrizzani a établi le texte et liste les sources qu'il a utilisées pour cette édition.

Stavroguine 09/06/2009 @ 22:56:29
Je trouve que l'idée de Saule serait l'idéal, si ce n'est pas trop de travail bien sûr : de créer une nouvelle fiche et d'afficher un lien entre les deux.

Dans ma version aussi, il y a une notice dans laquelle les deux chercheurs du CNRS expliquent leur démarche. Le problème avec ce livre, d'après ce que j'ai pu en lire, c'est que régulièrement de nouvelles recherches sont faites et leur résultat brandit comme la résolution de l'énigme des Manuscrits et l'établissement de la version du livre la plus complète possible.
Jusqu'à la prochaine...

Mais je ne sais pas ce que tu en penses, mais moi, je trouve que tout ça confère un vrai charme au livre, on a l'impression de découvrir quelque chose de secret et mystérieux. Comme si c'étaient réellement des manuscrits trouvés à Saragosse au cours d'une fouille quelconque, éparpillés, incomplets...

Débézed

avatar 09/06/2009 @ 22:56:54
Pour la version que j'ai lue, Radrizzani a eu accès à des archives de Varsovie, Leningrad, Poznan, Pontarlier (à 60 km de chez moi), Cracovie et aux éditions partielles de 1813 (Avodaro), 1814 (Dix journées de la vie d'Alphonse van Worden),1847 (une édition polonaise). La liste des sources est très précise et très détaillée.

A la fin de chaque journée, Radrizzani note toutes les différences qui existent dans les diverses sources qu'il a utilisées, c'est un vrai travail de publication historique.

Je regrette de n'avoir pas dressé l'organigramme de ce livre en faisant un schéma représentant les récits avec les histoires auxquelles ils se rattachent et les liens transversaux qui existent entre divers récits. Je pense que ça serait un vrai travail très intéressant, un bon sujet de maîtrise, master plutôt maintenant, pour un étudiant en lettres.

Stavro, si tu n'as la fin tu manques évidemment d'éléments importants pour ouvrir de nouvelles portes sur la compréhension du texte.

Débézed

avatar 09/06/2009 @ 23:09:08
C'est beaucoup plus qu'un livre et il est très difficile de le recommander car ce n'est pas vraiment un roman. Pour moi c'es tun document historique de première valeur.
L'histoire même du document est très romanesque et dès le début le texte se confond avec le manuscrit de Saragosse et Potocki avec l'officier napoléonien qui a découvert celui-ci. Et le résultat est là aujourd'hui, avec deux édition comportant des morceaux différents découverts à travers toute l'Europe.
Et pour ajouter à la confusion, on connait apparemment très mal les conditions dans lesquelles Potocki s'est suicidé et si c'était un coup des Gomelez ?

L'hypothèse maçonnique m'est venue assez tard, j'ai d'abord pensé à une forme de synchrétisme entre le paganisme grec et la religion chrétienne (Sainte Trinité, Triade létoïque) car l'ésotérisme et le rapprochement des grandes religions sont très souvent évoqués dans le livre et c'est seulement en arrivant à la fin de ma critique que j'ai pris le temps de jeter un oeil sur la toile et que j'ai constaté que d'autres y avaient pensé avant moi. Mais, je n'ai pas pour autant récrit mon billet. J'y ai passé un petit moment tout de même allongé par une micro coupure assassine.

Ca sentait un peu trop les rites initiatiques et je pensais un peu à "La flûte enchantée" et à cette période faste de la maçonnerie.

Avada

avatar 10/06/2009 @ 17:13:37
C'est un sujet passionnant. J'ai juste survolé les critiques de Dbz et de Stavroguine (car je préfère lire les critiques après avoir lu le livre).

Mais je suis très intriguée par certaines de tes remarques Dbz :
- En quoi ce livre est-il un document historique de première importance ?
- Pourquoi dis-tu que Potocki est un précurseur du roman gothique alors que Walpole a écrit « le Château d’Otrante » en 1764, Radcliffe « le Château d’Udolphe » en 1794 et Lewis « le Moine » en 1796, qui sont, me semble-t-il les modèles du genre ? Je pensais que, comme Melmoth, « le Manuscrit trouvé à Saragosse » apportait plutôt une certaine complexité, une certaine profondeur, au roman gothique et dépassait même le genre.
- Est-ce que la structure de ce livre est encore plus complexe que celle de « Melmoth » de Maturin ?

Autres bizarreries à propos de ce livre : Pourquoi y a-il deux versions ? Pourquoi sont-elles toutes les deux publiées ? Potocki s’est-il suicidé ? Intervient-il directement dans le récit?

Beaucoup de questions pour quelqu’un qui ne veut pas avoir trop d’infos avant de commencer le livre : -)))…

En tout cas, votre discussion est vraiment intéressante et ne fait qu’ajouter au mystère qui entoure ce roman…

Stavroguine 10/06/2009 @ 18:50:03
Pour les deux premières questions, n'étant DBZ et n'étant pas non plus expert de roman gothiques, je ne pourrais pas répondre. Sur l'aspect historique, je pense surtout que c'est un beau témoignage sur l'avancement des connaissances à l'époque et l'approche de la religion et des sciences. Potocki est un savant universel et il nous livre donc une description minutieuse de la société dans laquelle il évolue.
En ce qui concerne la structure du roman, je ne peux pas la comparer à Melmoth, que je n'ai pas lu, mais elle est quand même loin d'être facile à appréhender. Comme le dit DBZ, le roman est divisé en journées (dont le nombre varie selon les versions) au cours desquelles les personnages racontent leurs histoires. On assiste donc à des successions de flashbacks. Jusqu'ici ça va, mais le problème c'est X en racontant son histoire (narrateur à la 1ere personne) va parler d'Y qui va lui raconter son histoire (narrateur différent mais toujours à la première personne) dans laquelle il va à son tour rencontrer Z qui lui racontera lui-même son histoire (même chose) et ainsi de suite jusqu'à 5 ou 6 niveaux. En l'absence de notes, je mets quiconque au défit de savoir à tout moment qui parle et qui est le narrateur original (l'histoire d'un seul personnage - le chef des bohémiens notamment - pouvant s'étaler sur plusieurs dizaines de journées). Ajoutez à cela que certaines histoires se recoupent, que Y, par l'intermédiaire de X, va parler de A, qui est justement un compagnon de X auprès des bohémiens, sans que X sache que la personne dont Y lui a parlé est le même A que celui qui est à ses côtés... Bref, tout ça n'est pas de la plus grande clarté.

Quand à Potocki et à l'oeuvre elle-même :
- Oui, Potocki s'est suicidé (du moins je n'ai rien lu qui permette d'en douter). Ce qui fait débat est la mise en scène entourant sa mort (est-ce qu'il a vraiment fait fondre et bénir la balle qu'il a retournée contre lui...?).
- Non, Potocki n'intervient pas dans l'oeuvre en tant que personnage. Cependant, on peut penser qu'il se confond largement avec le personnage principal, et dans une certaine mesure avec tous les personnages vu que, savant universel, il réunit en sa personne les spécialisations de chacun (cabaliste, prêtre, géomètre, historien...).
- Pourquoi y a-t-il plusieurs versions ? Tout simplement parce que Potocki a passé vingt ans à remanier son texte sans qu'aucune version définitive n'ait été publiée avant sa mort. Après elle, tout ça s'est retrouvé éparpillé et des versions incomplètes ont été publiées. Jusqu'aux recherches faites par les chercheurs du CNRS qui ont donné lieu à la version que j'ai lu, on pensait que Potocki avait fait de nombreuses ébauches, les avaient retravaillées, modifiées... dans le but de ne faire qu'une version finale (dont l'une d'elles - car il y en a eu plusieurs depuis 1958, date de la première publication en France - est celle lue par DBZ). Les recherches menées récemment par deux membres du CNRS concluent à l'existence de non pas une mais deux versions successives des manuscrit, la première de 1804 (que j'ai lue) et la seconde, largement remaniée, de 1810.

Avada

avatar 10/06/2009 @ 19:22:58
D'accord, je comprends mieux en quoi le roman présente un intérêt historique...
En tout cas, le livre a l'air largement plus compliqué que Melmoth :))). C'est apparemmment un roman dont la structure mérite d'être décortiquée. Encore un livre que Borges devait adorer ^^.
Merci pour les infos sur l'auteur et le personnage principal : il y a décidément tous les ingrédients pour en faire un livre sulfureux.
Et finalement les deux versions sont assez différentes et restent inachevées. DBZ a donc lu la version de 1810 et toi celle de 1804.

Avada

avatar 10/06/2009 @ 20:02:38
J'ai la même édition que Dbz.

Stavroguine 10/06/2009 @ 20:16:56
Non, non, DBZ a lu une version antérieure à celle des chercheurs du CNRS, à l'époque où on croyait encore qu'il n'existait qu'une seule version. Donc une version que lesdits chercheurs présentent dans leur préface comme un patchwork de celles de 1804 et 1810.
Moi, j'ai lu celle de 1804.
Et jusqu'ici, personne ne semble avoir lu celle de 1810.

Stavroguine 10/06/2009 @ 20:24:23
Quand au livre sulfureux, il faut se méfier. Moi, justement, c'est un peu le piège dans lequel je suis tombé: vu tout le mystère entourant ce livre, je m'attendais à quelque chose d'énorme. Et j'ai été déçu. Le livre n'est pas déplaisant mais en-dehors de son apport historique et des pistes franc-maçonniques soulevées par DBZ (mais à côté desquelles je suis passé), il est relativement anodin et je dirais que le mystère qui entoure l'ouvrage est bien plus excitant que le livre lui-même.

Avada

avatar 10/06/2009 @ 20:38:41
Ah, d'accord pour l'édition.

Oui, je crois que je vois ce que tu veux dire à propos du livre sulfureux : c'est un roman intéressant du point de vue de la narration mais finalement un peu ennuyeux et difficile à lire.

Débézed

avatar 10/06/2009 @ 21:35:58
D'accord sur tout ce que dit Stavro !

En ce qui concerne le côté gothique je ne suis pas un spécialiste mais j'ai lu Melmoth et celui-ci et j'ai le sentiment qu'il y a comme une filiation entre ses deux oeuvres qu'on peut retrouver chez Ponson du Terrail et d'autres ensuite, ces grands romans volumineux qui mettent en scène tous les personnages et accessoires de ce que l'on qualifie aujourd'hui de gothique.

Avec la version que tu possèdes tu verras que tout cet assemblage de textes qui ne parait pas forcément cohérent rentre in fine dans un grand tout qui donne un sens plus concret à l'ouvrage. On serait presque dans une ébauche de Da Vinci Code, mais comme je n'ai pas lu celui-ci, je ne m'avance pas plus avant. Et, surtout, je ne veux pas dévoiler l'épilogue du livre qui est très important pour la compréhension générale.

L'intérêt historique réside surtout dans son aspect historiographique qui donne des informations importantes sur l'état de la connaissance au moment où le livre a été écrit et surtout sur la perception que les gens de cette époque avaient de leur histoire, de leurs origines et de l'évolution possible de la société. Potocki semble bien envisager une voie possible entre la raison, la religion, l'ésotérisme et la science et il propose aussi implicitement une synthèse des religions.

Même si le roman est un peu satanique, Satan n'est jamais le véritable maître, donc le diable existe, il faut en tenir compte mais la religion, les religions, reste la voie qui mène au ciel. Donc on ne peut pas parler de livre sulfureux, il ne remet en cause ni le dogme, ni la connaissance scientifique, ni les forces occultes, il propose plutôt une synthèse de toutes les formes de connaissance.

Le livre n'est pas franchement difficile à lire, ce sont toutes des petites histoires assez simples, vivantes, factuelles et romanesques. La difficulté provient de la multitude d'histoires et de leur organisation dans le livre. Je te conseille de noter les histoires comme on écrit un organigramme dans une entreprises ou un programme informatique en indiquant les liens hiérarchiques et les relations transversales.

Avada

avatar 10/06/2009 @ 22:11:23
Merci beaucoup pour tous ces renseignements !

Le livre n'est pas franchement difficile à lire, ce sont toutes des petites histoires assez simples, vivantes, factuelles et romanesques. La difficulté provient de la multitude d'histoires et de leur organisation dans le livre. Je te conseille de noter les histoires comme on écrit un organigramme dans une entreprises ou un programme informatique en indiquant les liens hiérarchiques et les relations transversales.


Mais c'est justement cet enchevêtrement d'historiettes qui me fait craindre une lecture difficile, c'est-à-dire lassante (j'ai déjà du mal avec les recueils de nouvelles). Mais peut-être qu'essayer de garder en vue la structure de l'oeuvre, en prenant des notes comme tu le suggères, permet d'apprécier finalement le roman.

Page 1 de 2 Suivante Fin
 
Vous devez être connecté pour poster des messages : S'identifier ou Devenir membre

Vous devez être membre pour poster des messages Devenir membre ou S'identifier