Les forums

Forums  :  Vos écrits  :  MM : Episode 8.

Lyra will 06/03/2005 @ 18:08:55
La porte se referme lentement derrière elle. Quelques pas en avant, des regards discrets, curieux, anxieux. Pelagia avance dans l’allé déserte, en silence. Il n’y a personne, elle frissonne, il fait frais, l’atmosphère pesante l’enveloppe comme un torrent glacé. Elle n’entend que ses pas se heurter contre le sol qui diffuse l’écho, l’irrégularité de ses mouvements trahissant une anxiété évidente. Elle se dirige vers l’autel, avec retenue, les chaises vides défilent sous ses yeux, fidèles à des générations de croyants. Soudain, un bruit vient narguer le silence, Pelagia se retourne brusquement, affolée, et observe la salle de ses yeux clairs, légèrement voilés par l’obscurité. Regards curieux, regards anxieux, sa respiration se bloque, le silence devient oppressant, comme un cri aigu qui s’infiltre dans ses veines, qui la glace un peu plus. Elle ferme les yeux, retrouve peu à peu son calme, un rythme cardiaque régulier, et pense au calas, aux oranges, au café, à l’homme qu’elle aime, à toute ces années… Elle ouvre de nouveau les yeux, illuminant de son regard vert la pièce froide, et l’examine avec toute la lucidité possible, mais son esprit devient embrouillé, embrumé de questions. Elle ne voit rien, elle n’a pourtant pas rêvé, elle a entendu quelqu’un chuchoter, elle en mettrait sa main au feu, même dans la maison de dieu. Elle jette un rapide coup d’œil au plafond, se perd une demi seconde dans ses pensées et relève les yeux. Le monde. Elle voit le monde. Dieu lui a cédé sa place. Elle ne peut détourner le regard.
Elle se perd dans les couleurs, dans les couleurs du ciel, dans les teintes de la mer, dans les nuances de vert.
Elle distingue également des visages, anges ou démons, difficile à dire. Des regards diaboliquement beaux, des expressions si gracieuses que la perfection, si divine soit-elle, en mourrait de jalousie.
Pelagia se sentit soudain mal à l’aise, ces chuchotements tout à l’heure, et ces yeux qui la regardent, ces yeux d’un feu où l’on rêverait de se noyer, et cette odeur, entêtante, cette odeur de peinture fraîche, qui lui donne l’impression d’être un tableau, et ses sens qui commencent à l’abandonner, ses sens qui se mélangent et s’enfuient comme attirés vers le plafond, elle se sent partir, il faut qu’elle sorte, qu’elle s’éloigne d’ici, qu’elle fuit cette toile satanique, qu’elle atteigne la porte, mais tout tourne, la pièce tourne, les couleurs se mélangent, les visages descendent, ils rient, ils crient, ou bien c’est elle qui est aspirée vers le haut , elle ne sait plus, elle vole, elle pleure, elle ne voit plus, elle…

Andréa, assis dans le canapé du salon, attend Pelagia, il commence à s’inquiéter. Il se lève, se dirige vers la terrasse, mais arrivé à la porte du salon, il s’arrête brusquement, le souffle coupé. Une douleur lancinante, insupportable, parcourt son corps, il est attiré par la porte de la petite chambre, c’est comme un appel, un cri, il ne contrôle plus ces mouvements, il doit retourner dans cette pièce, il se passe quelque chose, il ne comprend pas, Pélagia…Pélagia…
Il serai tellement simple de s’abandonner, de laisser l’inconscience s’emparer de lui, la douleur est si forte, mais non, il n’est qu’à quelques mètres de la pièce, il doit y parvenir, il le doit, il entend quelque chose là bas, derrière la porte, comme un bruit qui caresse le sol, quelque chose d’inhumain…
Agenouillé sous le poids de la douleur, il parvient à se relever lentement, animé par le désir et la peur de savoir ce qu’il se passe dans la chambre, il se tient maladroitement aux meubles, sa tête tourne, il ne lui reste que quelques centimètres…il reste immobile dix secondes afin de rassembler le peu de forces qu’il lui reste, pose la main sur la poignée, respire bruyamment, et ouvre d’un geste brusque.
Il veut hurler mais ne peut pas, le son de sa voix se perd, il regarde la pièce avec horreur, le sol, le sol que l’on ne perçoit plus sous le torrent de peinture qui dévale les murs, les meubles, du rouge, du bleu, du noir, mais surtout cette dominante de vert, ce vert qu’il connaît si bien…
Il ne distingue plus rien dans la pièce, toute cette peinture, il ne distingue plus rien à part une toile au centre de la pièce, une toile qui flotte, un tableau blanc…

Tistou 06/03/2005 @ 19:06:33
Whaou! C'est qui après Lyra Will? Y a du boulot!
Et Lyra qui nous fait chaque fois le coup du ... je saurai pas, je suis pas bonne!
Ca me semble très bon à moi. Et plutôt diabolique!
Tu as eu vite fait de reprendre la balle au bond, bravo!

Tistou 06/03/2005 @ 19:07:54
Kicilou, ne t'y trompe pas. Olivier ayant déclaré forfait, c'est ton tour.

Percute 06/03/2005 @ 19:39:23
C'est plutôt pas mal en effet. Alors ça y est tu en as massacré une ?
J'ai bien aimé la scène de la chambre pleine de peinture et ... la toile blanche !

Un truc qui m'a gênée, ce sont les répétitions ... Tu en as fait beaucoup.

Sibylline 06/03/2005 @ 21:22:12
Whaou!!! bis Ca chauffe. Moi qui me plaignait du train train que je voyais s'installer, je suis contente de voir les choses bouger sérieusement.
Pour le style, Lyra, j'ai été frappée de voir que des maladresses (concordance des temps par exemple) étaient sans arrêt relativisées par des trouvailles d'images ou d'esxpression qui rattrapaient tout. Ca rattrape toutes les erreurs.
L'histoire est très bien menée. Tu as fait un très beau morceau.
Mais qui a eu la peau de (Roger Rabbit) Pélagia?

Kicilou 06/03/2005 @ 21:26:15
Kicilou, ne t'y trompe pas. Olivier ayant déclaré forfait, c'est ton tour.
AAHHHHHHHHHHHHH!!!!!!!!!!!!!!! quoi quoi quoi!!! C'est à moi??, Déjà??!!! Juste pour la reprise de mes cours... oups...


Lyra, ton texte c'est... WAHOU!! Enfin, je suis partagée entre deux impressions: ce "WAHOU" qui résume à lui tout seul combien tu m'as impressionnée (texte magnifique, idées sensationnelles, images sublimes) et quelques maladresses qui me gènent, qui cassent un peu la magie:
"Elle n’entend que ses pas se heurter contre le sol qui diffuse l’écho", "mais son esprit devient embrouillé". Mais c'est secondaire, il y a de jolies expressions aussi: "elle en mettrait sa main au feu, même dans la maison de dieu".

En résumé, je suis.... impressionnée! Tu devrais te lancer plus souvent dans la prose. Mais on retrouve, justement dans "elle en mettrait sa main au feu, même dans la maison de dieu" (entre autre), ton goût pour la poésie.

C'est un très beau texte que tu nous donnes ici !

PS: qui s'occupe d'envoyer les cartes de membre du "Fan club Lyra"? ;-)

Yali 06/03/2005 @ 23:42:36
Tu t'en sors très bien Lyra.
J'ai eu juste un petit problème avec le passage du plafond où j'ai bêtement cru que Pelagia se projetait dans la fresque, et je me suis dit "Quelle mer ?"
Tu aurais pu Lyra, t'appuyer sur les œuvres ornant Santa Maria Della Vittoria. Certaines sont très étranges (magnifique Bellini), et une surtout, auraient pu servir ton récit, sauf qu’elle est au sol.
Là :
http://teggelaar.com/rome/paginas/4.0.htm

N'empêche, chapeau !

Charles 07/03/2005 @ 09:06:52
Yali, tu parles allemand ? effectivement, la dernière oeuvre de la page est particulière !

Lyra, j'ai bien aimé ton texte malgré effectivement quelques petites maladresses qu'une relecture supplémentaire aurait peut être gommé.

A chaque épisode, la tension monte et le récit prend de la vitesse. Je sens que tout le monde va mourir avant le deuxième tour ! La grande explication approche.

Killgrieg 07/03/2005 @ 09:45:56
Lyra, c'est effrayant... Tu risques de faire un malheur dans le prochain appel à texte :))
Tu enchaînes avec bonheur sur le texte déjà inquiétant de Tistou.
Je suis impressionné. Bravo.

Un regret pourtant. :-)), il en faut!
J'ai trouvé que tu essayais trop souvent de formuler l'image originale, la phrase qui tue et, à mon avis, ça donne un petit côté forcé à ton texte, qui sans cela serait de toute beauté. Je me permets de te dire ça car, moi même, j'ai un problème de ce côté là Et oui je fais parti des "AA" (aphoristes amateurs) qui ne peuvent s'empêcher de toujours en rajouter et qui pourtant rêvent de simplicité… Alors pour me soigner, régulièrement, je relis « l’étranger » de Camus pour bien me rappeler que le génie n’est pas toujours dans ce qui brille le plus.

pour moi, c’est un peu tard, mais toi tu es l’Avenir, un avenir qui me fais sourire et me réchauffe le coeur...

Kilis 07/03/2005 @ 17:00:05
D'abord: bravo Lyra!
Plein de jolis... non: beaux passages.

La qualité de ta prose commence à s'alligner sur celle de ta poésie, Lyra, clairement. Tu pourras plus nous la faire à la "je ne sais pas y faire, moi", ça non.
Je rejoins l'avis de Yali pour ce qui est des descriptions des fresques et comme Killgrieg, je pense qu'il faut essayer de ne pas laisser se faire avaler une belle formulation par une autre, je veux dire de les enchaîner comme ça à la suite, ça peut les annuler et ça rend le récit moins cohérent. Question de trouver le bon dosage. Bref, en prose faut faire moins compact, on peut diluer, le tout est de trouver son rythme.
Mais, t'es déjà en excellente voie, Lyra.

Bluewitch
avatar 07/03/2005 @ 17:54:35
Lyra, tu as fait fort. Et vas-y que j'efface, que je raie, que je gomme! Plus de Pelagia, déjà, vraiment???
Les idées y sont, il y a du déménagement, dans ce MM, et, comme disait Sib, c'est bien.

Il y a une note très dramatique, dans ce texte, une certaine urgence. Et pour l'excès d'images, je rejoins les avis précédents tout en gardant le front baissé car c'est une faute que je commets aussi souvent sans le vouloir. Il m'a aussi fallu une seconde lecture pour cette histoire de peinture, je croyais comme Yali qu'elle y était entrée mais, du coup, la chambre remplie de peinture et le tableau blanc, j'apprécie l'idée.

Bref, la prochaine fois que tu fais encore ta Lyra-qui-dit-toujours-qu'elle-n'écrit-pas-bien-de-la prose, gare à toi!

Bluewitch
avatar 07/03/2005 @ 17:59:29
Et puis, pour Charles: le lien de Yali est en Néerlandais et pas en Allemand. ;o)

Et une question pour Yali: ne serait-ce pas plutôt Bernini, l'artiste (et Bellini le compositeur de Norma?)?

Sibylline 07/03/2005 @ 18:17:22
Bernini, oui, mais en Hollandais :-))

Bluewitch
avatar 07/03/2005 @ 18:33:08
Me semble que Néerlandais et Hollandais, c'est comme gouda et gouda, non?

Kilis 07/03/2005 @ 18:43:27
Me semble que Néerlandais et Hollandais, c'est comme gouda et gouda, non?

Qu'est-ce que t'as contre l'Edam, Blue?

Lyra will 07/03/2005 @ 18:59:39
Oui, j'ai cherché des photos de l'intérieur Yali mais je ne trouvais pas, donc j'ai pris quelques libertés...j'espère que Rome ne va pas me faire un procés.
;0)

Sibylline 07/03/2005 @ 19:04:20
Me semble que Néerlandais et Hollandais, c'est comme gouda et gouda, non?

je voulais dire que Bellini, c'est peut-être Bernini en hollandais ;-)

Bluewitch
avatar 07/03/2005 @ 19:05:41
Qu'on me damne, l'Edam, madame! A son grand dam, comme un quidam je l'ai laissé sur le macadam!

Où avais-je donc la tête?

Bluewitch
avatar 07/03/2005 @ 19:06:21
S'cuse, Sib, j'avais la tête comme un gruyère, je n'avais pas compris! ;o)

Yali 07/03/2005 @ 20:10:18
Oh Mon Dieu, j'ai écrit Bellini ?!! Oui ! Bernini, peintre et sculpteur. Merci Blue.
Hum, si vous voulez me trouver, louez une foreuse, suis à 100 pieds sous terre, de honte.

Page 1 de 2 Suivante Fin
 
Vous devez être connecté pour poster des messages : S'identifier ou Devenir membre

Vous devez être membre pour poster des messages Devenir membre ou S'identifier