Saule

avatar 31/01/2005 @ 22:54:12
Les travailleurs considèrent à juste titre que l'ennemi c'est le patron. Alors qu'un réalité, l'ennemi c'est la concurrence !

La concurrence en effet, qui est la base de notre système capitaliste (recherche du profit maximum). Mais justement c'est peut-être le capitalisme qui a fait son temps et qu'il faut remplacer, ou à tout le moins réguler.


Je trouve qu'aucun traitement ne devrait dépasser le triple du salaire moyen de l'entreprise. Si le salaire moyen est 50, le plus gros salaire serait 150 et pas plus.

Tout à fait d'accord avec vous camarade Illitch Baptitch ! Au moins aux US les salaires et les bonus sont publiés, c'est déjà ça. Mais ces patrons super-payés sont loin d'être des surhommes, personne ne vaut des salaires ridiculement élevés comme ceux-là.

Fee carabine 01/02/2005 @ 01:11:06
Puisque Saule et Benoit mentionnent Howard Zinn - fort à propos, je pense. Je profite de l'occasion pour attirer votre attention sur son livre "Nous, le Peuple des Etats-Unis..." paru récemment en traduction française. Il s'agit d'un recueil d'essais sur "la liberté d'expression et l'anticommunisme, le gouvernement représentatif et la justice économique, les guerres justes, la violence et la nature humaine"... tout un programme! Le but d'Howard Zinn dans ce livre est de "détricoter" les idéologies sous-jacentes à la politique des Etats-Unis (réalisme politique inspiré en droite ligne par Machiavel, libéralisme économique...) afin de permettre l'élaboration de nouvelles façons de penser.

Un petit extrait (qui fait directement suite à celui que j'ai posté dans le fuseau des citations):

"Le XXème siècle nous a appris que les vieilles orthodoxies, les idéologies classiques, les paquets d'idées trop bien ficelés - capitalisme, socialisme et démocratie - doivent absolument être défaits pour que nous puissions tenter des expériences nouvelles, jouer avec les différents ingrédients qui les composent, en ajouter d'autres et créer de nouvelles combinaisons moins rigides. Nous savons, en ce début de XXIème siècle, que nous avons désespérément besoin de nouvelles approches particulièrement imaginatives pour aborder les problèmes humains de notre temps."

Howard Zinn, "Nous, le Peuple des Etats-Unis..." , p.17

Je ne suis pas encore arrivée très loin dans ma lecture et c'est un peu tôt pour donner un avis circonstancié... mais jusqu'ici, je trouve ce livre très très intéressant.

Saule

avatar 01/02/2005 @ 13:50:37
Un ami m'a forwardé cet article paru dans le Nouvel Obs du 10/01/2004.

C'est exactement ce que je constate autour de moi, dans la grosse boite pour laquelle je fais semblant de travailler, comme la plupart de mes collègues. En sachant bien tous qu'on peut sauter du jour au lendemain et que ce qu'on fait, finalement, ne sert qu'à remplir les poches de gens qui ont déjà trop d'argent !

Deux court extraits pour ceux qui n'ont pas le temps de tout lire ;

On entend déjà les divas libéralo-libérales entonner le refrain bien
connu: «Il faut remettre la France au travail. C'est la faute aux 35
heures!» Les Français seraient devenus flemmards! Paresseux! Pas si
simple. Si Catherine la CDDiste refuse le moule, ce n'est pas pour se la
couler douce: «Je gagne moins qu'avant et je travaille bien plus. Mais au
moins je n'ai pas de hiérarchie absurde à respecter. L'entreprise
érige l'inefficacité en règle de fonctionnement.»



Ah! se sentir utile! Comme Jean, de plus en plus de pionniers décident
de quitter des jobs apparemment enviables pour des boulots moins payés
mais porteurs de sens.



Le texte complet :

NouvelObs Hebdo
Lundi 10 janvier 2005 - 18h59
sur le site sur le web



Semaine du jeudi 23 septembre 2004 - n°2081 - Document

Ils sont de plus en plus nombreux

Les révoltés du boulot

Jeunes abonnés au chômage, moins jeunes traités comme des salariés Kleenex,
cadres stressés, la troupe des dissidents de l'entreprise ne cesse de
grossir. Ils ne font pas la révolution. Pas même la grève. Ils
sont simplement dé-mo-ti-vés. Certains sortent du système. D'autres traînent
les pieds ou s'investissent ailleurs. Mais tous rejettent des boulots qui ne
leur offrent plus de sens. Une enquête surprenante qui
explique pourquoi, en France aujourd'hui, un livre intitulé «Bonjour
paresse» arrive en tête des ventes

Il est 18 heures. Dans le jardin du pavillon de banlieue de son père, à
Antony, Minh peut entendre le grondement des RER qui charrient leur lot
quotidien de travailleurs en transit. Aujourd'hui, comme hier, Minh, 31 ans,
n'ira pas au bureau. Cela fait un an que, faute de salaire mensuel, il a
laissé tomber son appartement parisien pour revenir habiter chez
son père. Celui-ci, qui a trimé toute sa vie comme ingénieur, ne
comprend toujours pas. On pourrait prendre Minh pour un Tanguy attardé
qui renâclerait à quitter le nid. Un fumiste. Pas du tout. Il y a peu
encore, fraîchement diplômé de Sup de Co-Rouen, le jeune homme incarnait
au bouton de manchette près le parfait jeune cadre dynamique. Le genre à
lire «les Echos» le matin, le genre beau parleur, CV en béton, avec stage
chez Arthur Andersen et tout le tintouin. Il avait été embauché
chez LVMH. Un salaire confortable, des voyages. La classe. Puis la
machine s'est enrayée. «A un moment, on comprend que le but du jeu c'est
vendre du cognac et de maximiser les profits. Et niquer les autres pour
avoir son avancement. Quel intérêt?» Alors, après quatre ans, il a
démissionné. Ses supérieurs ont sorti le grand jeu pour le retenir. Rien
n'y a fait. Avec ses économies - «je bossais tellement que je n'avais
même plus le temps de dépenser!» -, il est parti en congé sabbatique,
six mois, en Amérique latine. De retour en France, il se résigne à
rechercher un job. Va pour le marketing puisque c'est sa spécialité. Son
profil intéresse L'Oréal. Entretien d'embauche: «C'était un vendredi. On
a terminé à 20 heures. Il y avait encore des cadres devant leur
ordinateur. J'ai eu un flash. C'était le même blabla que LVMH sauf qu'il
s'agissait de vendre des shampoings. J'ai dit stop.»
Publicité
Minh n'a rien d'un cas exceptionnel. Comme lui, ils sont de plus en plus
nombreux à rejoindre la rébellion antiboulot. Une troupe de révoltés, le
plus souvent passive, et qui ne cesse de grossir. S'y retrouvent la
tribu des trentenaires rompus à la précarité et au déclassement (30% des
salariés s'estiment, selon l'Insee, surdiplômés par rapport au poste
qu'ils occupent), la cohorte des débutants qui n'arrivent pas à débuter,
les abonnés à l'ANPE. Il y a aussi les HEC et les polytechniciens, ces
élites chouchoutées qui se contrefichent des grandes entreprises et se
précipitent vers l'associatif, le service public ou préfèrent filer à
l'étranger. Un signe: la chaire «entrepreneuriat social» de l'Essec et
le forum humanitaire de HEC n'ont jamais connu un tel succès.
«Nous constatons une mise à distance, un regard critique sur
l'entreprise chez l'ensemble des jeunes», assure Pascale Levet,
responsable du Lab'Ho, l'organisme d'études de la société d'intérim
Adecco. Et les quadras ne sont pas en reste. Peut-être même sont-ils les
plus désa-busés. Prenez Catherine, 40 ans, travaillant dans le milieu
glamour et convoité de l'édition. En rupture de banc, elle a refusé un
CDI et préfère multiplier CDD et missions en free-lance: «La carrière,
la grande entreprise, très peu pour moi.» Dans le lot, il y a même des
cadres sup écoeurés d'être vendus avec les meubles à chaque fusion,
surtout lorsqu'ils voient leurs patrons se faire la malle avec des
golden parachutes et des retraites béton.
Faites un rapide sondage autour de vous. Les antiboulot sont partout, et
ils n'ont jamais été aussi nombreux! Ils vous expliquent qu'ils
s'ennuient au bureau. Se fichent royalement des plans de carrière et de leur
CV. Prônent l'IVC, l'Interruption volontaire de Contrat: départ en
congé sabbatique, formation pour une reconversion...
Signe des temps. Le best-seller de la rentrée s'appelle «Bonjour
paresse», un pamphlet signé Corinne Maier, 40 ans, psychanalyste et
cadre rebelle d'EDF (voir p. 20). Initialement tiré à 4000 exemplaires,
le livre a déjà dépassé les 100000 en France et va sortir en
Grande-Bretagne, en Espagne, aux Etats-Unis, en Corée, au Japon, etc. Du
jamais-vu! La voilà aujourd'hui sacrée par la presse internationale comme
une icône de la contre-culture, la Michael Moore des machines à café.
En exhortant les cadres à se servir de l'entreprise comme elle se sert
d'eux, Corinne Maier a fait mouche. «Bonjour paresse» est devenu le
manifeste des révoltés du boulot. Chacun, cadre ou non, salarié ou chômeur,
s'y reconnaît et s'y retrouve, moins isolé qu'il n'aurait cru.
«J'ai respiré en découvrant que Damien n'était pas le seul à fuir le
monde du travail!», confesse cette mère d'un jeune Sup de Co. Bien sûr,
on avait déjà eu le cultissime «Droit à la paresse», de Paul Lafargue,
ou les «prisonniers du boulot», d'Henri Salvador, en passant par
l'ineffable et suranné Gaston Lagaffe. Mais jamais la thématique
antiboulot n'a été aussi tendance. Exit l'entreprise triomphante et
paillettes des années 1980. Ringard le jeune cadre qui se défonce au bureau!
«L'Horreur économique», version Viviane Forrester, le harcèlement moral
sont passés par là. Les scandales Enron, Vivendi aussi. Aujourd'hui, ce
sont les livres anti-entreprise, les pamphlets altermondialistes - même les
plus ardus - qui se vendent comme des petits pains. A Montpellier
s'est même tenu en mai dernier un festival des films antiboulot! «C'est
le pendant naturel de l'intensification de travail à laquelle sont
soumis les salariés», explique Michel Gollac, chercheur au Centre
d'Etudes de l'Emploi et coauteur d'une vaste enquête parue l'an passé
sur le bonheur au travail.
On entend déjà les divas libéralo-libérales entonner le refrain bien
connu: «Il faut remettre la France au travail. C'est la faute aux 35
heures!» Les Français seraient devenus flemmards! Paresseux! Pas si
simple. Si Catherine la CDDiste refuse le moule, ce n'est pas pour se la
couler douce: «Je gagne moins qu'avant et je travaille bien plus. Mais au
moins je n'ai pas de hiérarchie absurde à respecter. L'entreprise
érige l'inefficacité en règle de fonctionnement.» Son compagnon vient
d'ailleurs à son tour de lui emboîter le pas, réalisant que
«l'entreprise n'avait plus rien à lui apporter».
Phénomène de mode? Diabolisation de la méchante multinationale?
Peut-être, mais Michel Gollac constate: «Dans les enquêtes européennes,
la France est toujours mal placée pour les conditions de travail. Nos
entreprises ont de gros problèmes d'organisation. Elles soumettent leurs
salariés à des injonctions contradictoires, des demandes irréalistes
particulièrement insupportables.» Nos grands managers voudraient
rationaliser, mais nombre d'entre eux restent dans le fond vaguement
allergiques aux préceptes et à la langue anglo-saxonne. La
mondialisation avance pour le meilleur ou pour le pire, y compris chez
nous, mais elle s'accommode mal avec certains de nos particularismes
locaux. Notamment «une hiérarchie encore traditionaliste qui ne sait pas
déléguer. Sans compter l'absence de développement personnel, de
formation, d'évolution», explique Douglas Rosane, directeur en France du
cabinet américain ISR (International Survey Research), qui établit des
comparaisons internationales. Et Corinne Maier d'enfoncer le clou:
«Depuis Louis XIV, rien n'a changé.»
Evidemment, la complainte des antiboulot peut apparaître comme
paradoxale dans un pays où le taux de chômage est l'un des plus élevés
d'Europe et la durée hebdomadaire du travail, la plus courte. Mais, en fait,
là se trouve bien la racine du mal. «CDI ou pas CDI, on est tous en sursis.
On sait qu'on peut être viré du jour au lendemain. Comment,
dans ces conditions, voulez-vous vous épanouir dans votre boulot?», dit
cette salariée désabusée. Comment s'investir dans une carrière quand
débuter est devenu un parcours du combattant et durer, une gageure?
Antijeunes, les entreprises sont également allergiques aux «vieux»: jetés
comme des Kleenex dès 55 ans, c'est en France que les seniors travaillent le
moins!
«Travaille dur et tu réussiras.» C'est ce que le patron paternaliste de
l'entreprise familiale à l'ancienne promettait à ses salariés: une
carrière à long terme, de l'avancement. A l'époque, c'était donnant-donnant.
Plus maintenant. Le contrat social a explosé. Vous
n'avez pas les bons diplômes, les bons réseaux? Dommage, il n'y a plus
de place à la table des nantis: «L'ascenseur social n'existe plus. Si
vous n'avez pas tous les atouts dans votre manche, vous n'avez aucune
chance», raconte Patrick Lemattre, professeur à HEC et consultant.
Le cynisme brutal affiché par certains dirigeants, comme Patrick Le Lay,
l'auteur de la désormais célèbre épître «TF1 vend du temps de cerveau
disponible à Coca- Cola», n'arrange sans doute rien. Mais au moins sa
définition du business a le mérite de la clarté. Le vocabulaire
affectionné par les entreprises n'est pas plus délicat. «Réduction des
centres de coût» (= licencier), «allocation ressource» (= où placer les
salariés). Et certaines équations font franchement froid dans le dos: dans
les devis des multinationales, on calcule en jour/homme les coûts de
production, on troque l'ingénieur roumain contre l'informaticien indien, ou
l'ouvrier tunisien contre le chinois. Bel humanisme!
Comment continuer à mettre du sien dans une entreprise qui vous nie en
tant qu'individu? Sylvie Claudot, 33 ans, ex-chargée d'études dans une
boîte de conseil à Lyon, raconte: «Je ne me sentais pas considérée comme
une personne mais comme une ressource. On me faisait sentir que j'étais
remplaçable du jour au lendemain.» Elle a démissionné pour devenir
institutrice. Comme elle, de plus en plus de salariés ne supportent plus de
trimer pour des entreprises qui s'enivrent de share holder value, la
sacro-sainte plus-value pour l'actionnaire, se dopent aux mégafusions et
s'enflamment pour de lointains fonds de pension.
Les rebelles du boulot fleurissent partout sur la planète - du moins
dans les pays développés, qui peuvent s'offrir ce luxe (voir p. 26) -,
mais nous sommes les quasi-recordmen mondiaux de la démotivation. Dans
le classement réalisé par ISR, la France arrive, pour ce qui est de la
satisfaction au travail, au huitième rang des dix pays les plus riches. La
CFDT et la CGC-PME, qui auscultent régulièrement le moral des cadres,
livrent depuis quelques années des chiffres franchement alarmants. Ainsi 87%
des cadres, ceux qui par principe devraient être les plus impliqués,
ne se sentent pas associés aux choix de leur entreprise, et 62% jugent
faible ou inexistante la gestion de leur carrière.
Le torchon brûle entre employeurs et employés. D'autant qu'en France la
méfiance envers l'entreprise est atavique. Selon un récent sondage de la
Sofres, 62% des Américains pensent que la plupart des entreprises se
comportent de façon éthique et responsable, contre seulement 38% de
Français! Il y a bien eu le bref intermède de la bulle internet.
Parenthèse enchantée pendant laquelle les jeunes entrepreneurs
s'enflammaient pour le «Mai-68 de l'économie». L'entreprise des copains,
sympa, humaniste, où démocratiquement chaque employé, du salarié au PDG,
recevrait généreusement sa manne de stock-options! Plus dure a été la
chute: les désillusionnés, rentrés depuis dans le bercail des grosses
entreprises, ont du mal à avaler la pilule. Selon un baromètre mis sur pied
par le syndicat CFE-CGC, 43% des cadres affirment accomplir des
tâches contraires à leur éthique personnelle dans le cadre de leur travail.
Idéaliste, Jean, commercial à Chambéry, 31 ans, rêvait d'une entreprise
égalitaire où les bénéfices seraient équitablement partagés. Il y a cru.
Presque. Dans une petite société d'études qui voulait l'engager après
sept mois de CDD. Le patron «lisait "Libé", se la jouait social». Un idéal
vite terni. «Quand j'ai vu les écarts de salaires, complètement
arbitraires, cela m'a fait péter les plombs. Ce qui comptait en fait,
c'était l'intérêt du patron lui-même, c'est tout!» Alors il a refusé le
fameux CDI. Dieu sait pourtant qu'il rêvait d'un boulot stable. Depuis
la fin de son DESS, en 1999, Jean avait cumulé les CDD «où l'on vous
colle dans un coin en poussant les cartons», et autant de périodes de
chômage: «J'aurais bien aimé m'investir dans un projet à long terme,
mais pas dans ces conditions...» Après six mois de chômage, il a enfin
trouvé le Graal: un boulot de prof de BTS, où au moins «il se sent utile».
Ah! se sentir utile! Comme Jean, de plus en plus de pionniers décident
de quitter des jobs apparemment enviables pour des boulots moins payés
mais porteurs de sens. Ainsi à l'IUFM de Lyon, qui forme aux concours du
professorat, on croule sous les candidatures. Il a fallu doubler les
effectifs de classes, avec 170 places cette année, mais vu l'engouement les
inscriptions étaient déjà closes au bout d'un mois! Sur les bancs
des aspirants profs, on trouve des ingénieurs, des banquiers, des cadres
commerciaux. Tous désabusés. Tous prêts à faire une croix sur primes et
bonus pour enfin «servir à quelque chose». Aux côtés de cette minorité
grandissante de rebelles, il y a aussi la grande majorité silencieuse
des révoltés, celle qui continue à faire semblant.
Corinne Maier explique: «Tous mes amis qui font des "vrais" métiers - prof,
avocat, peintre - sont heureux, même si parfois c'est la galère
ils ne regrettent pas; ceux qui travaillent dans les grandes boîtes
s'ennuient, n'y croient pas.» En fait, ils rêvent eux aussi de passer le
cap. De faire leur révolution culturelle. Sandrine Bugegat,
ex-conseillère au Crédit agricole, témoigne: «Je détestais mon métier,
et j'ai mis du temps à penser à ma reconversion. Aujourd'hui, tous mes
collègues m'envient. Parlent de devenir kiné, aide-éducateur.» Même
Catherine, la précaire assumée, fait fantasmer ses amis salariés avec ses
CDD! «Ma liberté les fait bisquer. Et finalement je ne me sens pas plus
précaire qu'eux: mes collègues en poste stressent tous d'être dans
le prochain plan de licenciement. Sans compter les quinquas licenciés:
eux ne se caseront jamais parce que leur boîte les avait mis sur la
touche depuis longtemps...»
Alors, en attendant, l'antiboulot, retranché dans son bureau, se met en
pilote automatique. Pas question de s'investir affectivement dans
l'entreprise. «A LVMH, on faisait des séminaires, on jouait au golf, cool,
en polo, sans cravate. C'était juste histoire de te bourrer le crâne. Plus
personne n'est dupe!», dit Minh. Idem pour Jean le Savoyard:
«Se défoncer pour une grande entreprise, c'est trop con! Tu es sûr de te
faire avoir!» Un discours que les chefs d'entreprise préfèrent ignorer
(voir p. 28). «Pour provoquer un choc salutaire, leur faire comprendre
ce qui se passe dans la tête de leurs salariés, je donne à lire aux patrons
"Bonjour Paresse", explique Patrick Lemattre. Souvent en vain,
car ils n'acceptent pas le débat. A leurs yeux, remettre en cause
l'entreprise c'est être un mécréant!» Bon nombre de patrons préfèrent se
gargariser de discours sur l'éthique, le développement durable, la quête
de sens dans des rapports annuels dodus bourrés de tableaux. Les
publicitaires et les cabinets de conseil se frottent les mains. Les
salariés, eux, ne voient rien venir. Mais gare! Le jour où nous serons tous
des antiboulot, qui fera donc tourner notre économie?

Arnaud Gonzague Doan Bui Véronique Radier

Benoit
avatar 01/02/2005 @ 16:32:06
Et une petite "monarchie tempérée par l'assassinat"?

Apparemment, cela demande des sous-titres.

Heu... Désolé, Sib, mais j'avoue avoir des lacunes dans l'oeuvre de Stendhal et de ne pas connaître sur le bout des doigts tous ses écrits. I know : shame on me...

Benoit
avatar 01/02/2005 @ 17:42:49
Merci pour ce texte très intéressant, Saule! Je vais en faire un copier-coller et le diffuser de mon côté...

Benoit
avatar 01/02/2005 @ 20:51:57
Avez-vous vu cette petite perle de Dassault dans Le Monde?? C'était à propos du nouveau Pacte qui permettra aux jeunes d'avoir accès à la Fonction Publique sans concours. Borloo et Dutreuil s'en sont donc allés à la rencontre des jeunes avec Dassault, marchand d'armes et de livres en son état. Voici ce qui est écrit :

Venu en voisin, le sénateur (UMP) de l'Essonne et président de la Socpresse, Serge Dassault, maugréa : "Je ne suis pas pour multiplier le nombre de fonctionnaires. Ça coûte cher. Si on supprimait l'obligation scolaire jusqu'à 16 ans, ça résoudrait beaucoup de problèmes."

Franchement, j'en rigole encore, à moins qu'il faudrait en pleurer... Pensez donc, ça fera des ouvriers pas très différents de machines et cela allègera le budget de l'Etat. Que demandent les patrons?? Ecoutez-les, ce sont des hommes de raison...

Benoit
avatar 01/02/2005 @ 20:53:39
"à moins qu'il fasse..." bien sûr... J'aurais pu éviter d'aller à l'école si c'est pour écrire de telles énormités...

Fee carabine 01/02/2005 @ 21:05:28
"à moins qu'il fasse..." bien sûr...


T'es vraiment sûr ;-)?
J'aurais plutôt tendance à écrire "à moins qu'il ne faille"... mais comme je ne suis pas vraiment sûre non plus, j'écrirais "à moins que je ne doive en pleurer" (courageuse mais pas téméraire, comme dirait l'autre...)

Ceci dit, cette petite histoire est révélatrice...

Fee carabine 01/02/2005 @ 21:06:39
Au fait, Dassault vend des livres?

Benoit
avatar 01/02/2005 @ 21:08:05
J'ai pris le bonnet d'âne et suis allé au coin tout seul... Shame on me!

Benoit
avatar 01/02/2005 @ 21:19:53
Double bonnet d'âne pour moi! (ça m'apprendra à ne pas tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant d'écrire). Dassault ne vend que des journaux, j'ai confondu avec Lagardère qui, lui, vend et des canons et des livres... Dans les deux cas, ça n'annonce rien de bon...

Fee carabine 01/02/2005 @ 21:29:24
Je ne savais pas que Dassault vendait des journaux, ni que Lagardère vendait des canons... mais il y a une logique dans tout ça: journaux et livres peuvent être de redoutables instruments de matracage, non? Alors on reste dans l'armement...

Saint Jean-Baptiste 01/02/2005 @ 23:08:44
Oui, oui, c'est bien vu ça ! L'écrit mais aussi la parole peuvent être des armes redoutables !

Saint Jean-Baptiste 01/02/2005 @ 23:25:53
En attendant, moi je cherche désespérément quelque chose d'intelligent à répondre à cet article donné par Saule, pour vous dissuader de faire la révolution, mais je ne trouve rien ! Grrr.!
Tout ce que je trouve à dire c'est qu'il ne faut pas généraliser : toutes les hiérarchies ne sont pas nécessairement absurdes. Même s'il est bien vrai que les chefs ne savent que très rarement déléguer, ce qui est pourtant indispensable !
Certaines choses sont carrément fausses dans cet article : "l'entreprise érige l'inefficacité en règle de fonctionnement." C'est justement le contraire qui se passe.
Et puis celui qui dit : l'entreprise n'a plus rien à m'apporter, devrait plutôt dire : puis-je encore apporter quelque chose à l'entreprise qui m'emploie. Mais soit, c'est pas très convainquant tout ça !
Alors, il est tout à fait vrai et combien regrettable que le contrat social a explosé.
Mais affirmer que rien n'a changé depuis Louis XIV, je suppose qu'on rigole, là !
C'est peut-être l'occasion de relire Germinal.
En tout cas, si vous faites la révolution, essayer de la gagner, et alors souvenez-vous que nous sommes des amis, hein !

Libris québécis
avatar 01/02/2005 @ 23:40:28
Il faut d'abord faire la conquête du silence et faire taire la voix de tout ce qui en nous n'est pas de nous. Les mots sont de trop et nous écrivons trop. Nous donnons du sens à ce qui ne devrait être que du son. Les Orientaux ont raison : mantras et silence.
Gauthier, Louis. Voyage en Irlande avec un parapluie. Éd. VLB, 1984, p. 66.

Saint Jean-Baptiste 01/02/2005 @ 23:58:12
D'accord, Libris, nous allons plutôt faire la révolution silencieuse !
;-))

Benoit
avatar 02/02/2005 @ 16:48:15
Au fait, Lagardère vend aussi des journaux (en plus des livres et des armes).
Quant à Dassault, il contrôle entre autres Le Figaro (il aurait été étonnant que ce soit L'Humanité...).

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