Les forums

Forums  :  Vos écrits  :  Les Deux Portes

Thomasdesmond
avatar 19/10/2004 @ 11:43:49
Pour vous mes amis ma dernière petite histoire, assez classique et dont je ne suis pas très très content mais bon... j'espère que vos critiques m'aiguilleront sur ses faiblesses...


LES DEUX PORTES


Marie travaillait de nuit comme aide-soignante dans une maison de retraite perdue en pleine campagne et entourée de vignobles. C'était son premier poste dans ce type d'établissement mais elle s'était très vite habituée aux horaires et à la solitude inhérente à son poste. Elle prenait son service à 21h et le terminait vers les 7h du matin. Marie rentrait alors chez elle épuisée, les yeux lourds, et se couchait seule dans le grand lit encore tiède de la présence de son mari. Lui embauchait comme tout le monde vers 8h, ce qui faisait qu'ils ne se voyaient presque pas. Dans ses rêves, Marie partageait avec son homme les instants qui ne leur appartenaient plus.
Durant sa première semaine de travail Marie était assez inquiète lorsque ses collègues du soir quittaient l'établissement, vers 21h15.
Ils la laissaient seule avec tous les patients couchés dans leur chambre, seule dans les sombres couloirs vides de vie et silencieux. Seule dans ce vieux bâtiment qui semblait hanté et plein de sombres recoins, isolé à plusieurs kilomètres des premières habitations.
Parfois elle devait changer les lits des vieillards qui s'étaient souillés, mais le plus souvent ses nuits étaient vides d'animation. Elle s'occupait en faisant un peu de ménage dans le foyer et les couloirs, et parfois elle bouquinait ou faisait des mots croisés.
Il lui arrivait d'avoir la frousse. Le bâtiment était assez vieux et la nuit de nombreux bruits de toutes sortes résonnaient et craquaient dans les planchers et les murs. Elle restait souvent aux aguets, traquant le moindre bruit suspect. Il lui arrivait de se retourner brusquement pour vérifier que la présence qu'elle croyait sentir dans son dos n'était pas réelle. et quelques fois elle entendait une faible voix gémir ou pleurer, sans savoir d'où cela venait exactement. Elle inspectait alors toutes les chambres unes par unes pour parfois constater que tout le monde dormait et que personne ne pleurait. Les lieux regorgeaient de mystères mais elle n'était pas très désireuse de les découvrir.
Marie aimait son métier et respectait les personnes âgées dont elle avait la charge, les plus conscientes comme les plus déconnectées du monde réel. Elle ressentait de la tristesse devant la souffrance de ces gens tenus en vie par les médicaments et les traitements, qui n'ont presque plus conscience d'eux-mêmes et du monde qui les entoure.
Elle détestait les voir régresser pour retrouver les attitudes et les raisonnements d'enfants en très bas âge.
Certains pensionnaires complètement fous la prenaient pour quelqu'un de connue comme Lady Di ou Catherine Deneuve. Des fois ils la reconnaissaient comme membre de leur famille : une mère, une fille, et parfois même un frère ou un fils.
La dégénérescence qui régnait dans certaines chambres était palpable : elle flottait dans l'air comme un poison à la fragrance mortelle, et semblait recouvrir les murs aux couleurs tristes d'une épaisseur d'humidité puante.
Les pensionnaires qu'elle gardait attendaient la mort, mais la plupart l'ignoraient. Elle ressentait de la pitié en les voyant jouer avec leurs excréments avec un air enfantin. Elle était en colère contre la vie elle-même, cette vie qui dénature les personnalités de ces gens autrefois doux et intelligents, et qui les faisait parfois grogner d'un plaisir malsain quand on leur faisait leur toilette intime.
Malgré toute cette noirceur, Marie était satisfaite d'aider et d'avoir à sa seule charge pendant la nuit toutes ces personnes en manque d'espoir et d'amour.


Lors d'une chaude et moite nuit d'été, dans une des chambres d'un patient très malade, Marie vécu dans une des chambres un événement qui allait changer le cours de sa vie (ainsi que peut-être celui de sa mort).
La soirée avait commencé normalement, comme tant d'autres. Les fenêtres du grand couloir étaient entrouvertes, faisant ainsi pénétrer dans l'établissement silencieux le concert des grillons.
Après son petit tour d'inspection, elle fit un peu de ménage dans la salle à manger puis se fit du café vers les deux heures du matin. Elle était plongée dans un roman de Mary Higgins Clark quand une des chambres sonna.
Elle alla voir ce que le patient avait et découvrit la chambre et son mobilier sens dessus dessous. Le patient, un dénommé M. Thibault, était écrasé contre le mur du fond, à moitié enroulé dans sa couverture souillée par les excréments et l'urine. Marie se précipita et l'aida à se redresser.
– Vous allez bien M. Thibault ? demanda-t-elle assez fort, l'homme étant quasiment sourd des deux oreilles.
– M. Thibault ? Vous m'entendez ? M. Thibault ?
Il avait les yeux révulsés et Marie sentit un haut-le-cœur grimper le long de sa gorge à la vue du blanc sanglant des globes oculaires cerclés de croûtes jaunâtres. Elle le secoua légèrement et commença à paniquer. L'homme se mit à gémir, sans toutefois reprendre vraiment conscience. Il lâcha plusieurs pets et elle sentit l'odeur chaude et piquante des excréments qui coulaient le long de ses cuisses.
Elle l'agrippa sous les aisselles et le hissa avec difficulté sur son lit, centimètre par centimètre. Elle était assez petite et mince mais elle avait hérité de la force de sa mère, elle aussi aide-soignante dans son temps.
Elle allongea le vieillard et lui prit le pouls.
Très faible.
Le cœur battant, elle sortit de la chambre en courant et alla jusqu'au standard pour alerter le médecin de garde.
Attente au bout du fil.
Ses genoux se mirent à trembler.
Le médecin décrocha enfin.
Il lui répondit de se calmer et qu'il ne pouvait être sur les lieux avant une vingtaine de minutes. Il avait déjà une urgence sur les bras à gérer.
Elle raccrocha d'un geste sec.
– Et Zut !!
Déçue et nerveuse, elle retourna rapidement dans la chambre saccagée et s'approcha du lit de son patient. Sa respiration était très faible mais elle pouvait voir sa poitrine décharnée se soulever irrégulièrement. Les yeux fermés, il semblait dormir.
Marie toucha son front.
Le vieillard ouvrit brusquement des yeux fous totalement injectés de sang et fixa le mur en face de lui avec intensité, la face très vite écartelée comme s'il était pris d'une terreur sans nom. Son corps se mit à trembler très fort. Les rambardes métalliques du lit médicalisé se mirent à grincer.
Des larmes de sang se mirent à couler le long de ses joues ridées, puis tout doucement, alors que le tremblement de ses membres ralentissait, il marmonna quelques paroles quasi-inaudibles et s'affaissa d'un coup contre ses oreillers en bataille.
Ses yeux restèrent entrouverts et il mourut avec une horrible expression de peur sur les traits.
Affolée et sous le choc, Marie resta là quelques instants sans savoir quoi faire. C'était la première qu'elle voyait quelqu'un mourir sous ses yeux.
Elle se mit à pleurer puis repartit dans le couloir d'un pas incertain pour prévenir le docteur. Avant qu'elle ait atteint le bout du couloir, elle entendit un petit cri étouffé. Elle se retourna. Un nouveau cri, plus fort, retentit dans le couloir. Elle fit demi-tour et avança doucement, tendant l'oreille en passant devant les portes closes. Elle arriva devant la chambre du mort et entendit un nouveau cri sourd. Ça venait de cette chambre, elle en était sûre.
Elle commença à sentir la peur s'insinuer dans son ventre et se demanda si M. Thibault était bien mort. C'était préférable d'en être sûr avant de commencer sa toilette mortuaire, lui suggéra son esprit en panique.
Elle pénétra dans la pièce à pas lents et se rapprocha du lit.
Au plafond l'ampoule grésilla, plongeant ainsi la pièce dans une obscurité tremblotante.
Des ombres aux formes étranges se dessinèrent sur les murs.
L'expression sur le visage du mort avait légèrement changé : la peur peinte sur ses traits semblait être encore plus terrible qu'avant. Ses mâchoires étaient tendues et ses sourcils froncés.
Marie se pencha lentement vers lui, tremblante, pour prendre son pouls.
Le cadavre se redressa brusquement.
Elle cria de surprise et de peur.
Un bras squelettique jaillit et attrapa son poignet qu'il serra très fort.
L'homme ouvrit les yeux, des yeux au regard qui l'hypnotisa un court instant. Elle vit dans leur iris des choses affreuses et semblant venir de très loin.
– La porte !... marmonna le vieillard d'une étrange voix nasillarde.
Marie essaya de dégager son bras, mais le mort la serrait trop fort. Elle se mit à gémir et perdit le contrôle sur elle-même.
Il la tira vers lui, rapprochant son visage du sien, comme s'il voulait lui parler à l'oreille.
Marie sentit une odeur de brûlé émaner de sa bouche.
– La porte ma fille ! Celle de gauche !! Tu m'entends ? (il se mit à la secouer et à lui tordre l'avant-bras) N'oublies jamais ça ! Celle de gauche !!
Brusquement il lâcha le bras de Marie et s'effondra sur lui-même, comme si ce terrifiant échange post mortem l'avait vidé de son énergie et faisait se ratatiner son corps petit à petit.
Marie resta quelques instants pétrifiée et choquée par ce qui venait de se passer.
Peu de gens peuvent imaginer ce que c'est que de se retrouver seule en pleine nuit dans une maison de retraite perdue en pleine campagne, à côté d'un mort qui vient de revenir à la vie pour transmettre une sorte de message mystérieux.
Elle éclata en sanglots et sortit de la chambre en courant.


Par la suite peu de personnes, son entourage comme ses collègues, crurent l'histoire de Marie.
Pendant de longs mois elle repensa à ce que lui avez dit le mort, car elle était bien persuadée qu'il était décédé quand il lui avait parlé de la porte.
La porte qu'elle devait emprunter.
Celle de gauche.
Souvent dans ses rêves elle voyait des portes par centaines, et elle entendait des voix terrifiantes lui murmurer de prendre celle de droite, et des fois celle de gauche, si bien qu'à son réveil elle ne se rappelait plus très bien laquelle était la bonne.


Quelques mois après cet événement, Marie eut un accident de voiture, au cours duquel elle fut légèrement blessée à la hanche.
A son réveil dans la chambre d'hôpital, elle se rendit compte avec stupéfaction qu'elle ne savait plus si le mort lui avait dit de prendre la porte de droite ou celle de gauche.
L'accident n'avait pas fait trop de dommage mais avait quand même effacé la petite parcelle de mémoire qui correspondait à cette information.
Elle tritura ses souvenirs sans succès et finit par questionner son mari et toutes les personnes qui étaient au courant de l'affaire.
Mais personne ne s'en rappelait clairement.
Certains jours elle croyait se rappeler que c'était la gauche et des fois la droite, si bien qu'elle ne retrouva jamais la vérité.
Au bout de quelques années elle commença à oublier cette histoire et se concentra sur sa famille et ses enfants.


Une nuit de sa quatre-vingt deuxième année, Marie se réveilla en sueur vers les cinq heures du matin.
Elle était dans son grand lit qu'elle occupait seule depuis la mort de son époux cinq années plus tôt.
Elle sentit en elle un souffle glacial et mordant irradier dans ses organes. Elle comprit très vite ce qui allait se passer mais ne paniqua pas.
Elle avait peur de mourir mais se sentait prête.
Soudain un poids immense frappa son cœur fatigué et elle ferma les yeux.


La chute est longue, très longue, et elle ne voit pas la fameuse lumière au bout du tunnel dont tant de personnes ont parlé après être miraculeusement revenues de leur voyage final. Elle tombe et se sent libérée de son enveloppe charnelle, restée là-haut pour rassurer ses proches. Elle descend à une vitesse vertigineuse et aperçoit parfois dans les ténèbres tourbillonnant des visages connus et aimés, des paysages du passé qui appartiennent au monde du dessus qu'elle vient de quitter. Elle se sent sourire mais elle n'a plus de bouche ni de lèvres à étirer. Sa course folle vers les profondeurs ralentie brusquement et elle commence à avoir conscience de ce qu'elle est désormais : elle n'a plus de corps mais elle sent ses cinq sens toujours opérationnels, et très vite elle oublie les réflexes corporels de son ancienne vie. Soudain, la lumière apparaît, une lumière bleutée avec deux petites ombres en milieu. Elle se rapproche lentement et voit la lueur grossir dans le noir qui l'entoure. C'est avec stupéfaction qu'elle distingue ce que sont vraiment les deux ombres sur le fond : deux portes aux battants plus foncés que la lueur qui les entoure. Elle s'arrête à quelque distance des deux portes quand sa mémoire s'ouvre sur le passé : elle se rappelle du vieillard revenu des morts pour lui parler de la porte, mais son inconscient se refuse à lui donner la seule information dont elle a besoin : laquelle choisir ? Elle hésite puis se dirige inconsciemment et avec curiosité vers celle de droite. Une part d'elle qu'elle ne saurait nommer saisit la poignée en fer blanc et la tourne lentement vers la gauche. La lueur bleue qui éclaire la scène s'assombrit soudain. Elle voit le battant s'ouvrir et elle regrette aussitôt son choix en voyant ce qui l'attend de l'autre côté. Elle se sent happée une nouvelle fois dans un tourbillon de noirceur. Elle hurle d'horreur mais aucun son ne sort de sa bouche, car elle n'en a plus, et elle comprend trop tard qu'elle n'a pas ouvert la bonne porte.
Celle de gauche.

FIN

Beautoucan 19/10/2004 @ 16:42:41
Bonjour,
C'est horrible, horriblement bien mené ! Je n'aurais pas dû lire, je suis un peu dans le domaine, non, je n'aurais pas dû...
Mais je suis obligée de dire que dans le genre, c'est reussi.
Pauvre aide-soignante, pensons un peu plus souvent à ces gens dévoués et souhaitons leur de ne pas avoir à subir ça !
Thomasdesmond, avec ce nom, tu écris aussi d'autres choses ?

Thomasdesmond
avatar 19/10/2004 @ 17:07:00
que du fantastique pour l'instant ! mais je vais bientôt me lancer dans des trucs plus classiques...Style Pario Puzo... :D

Bluewitch
avatar 19/10/2004 @ 18:06:37
Je connais ça, moi aussi. Deux ans en maison de repos, et maintenant depuis deux ans en service de gériatrie. Je ne suis pas infirmière ni aide soignante, je ne travaillerai donc jamais de nuit. Mais je n'ai pas manqué de ressentir ce que tu as voulu faire passer. Oui, l'angoisse de la solitude à proximité de la mort. Tableau des plus déroutants, celui du pensionnaire aux yeux révulsés, ces bruits sourds, ces cris, ce revirement. Ca mord, ce passage. ;o)
Mais j'ai un peu vécu ton texte comme une route vallonnée. Ca monte et ça descend. A vrai dire, je n'ai pas aimé ta description de la "dégénérescence" des patients. C'est mon quotidien et je ne le vois pas du tout comme ça, même s'il y a beaucoup de vrai dans ce que tu écris. Un peu trop simpliste par rapport à des relations patient-soignant si complexes.
La chronologie des événements est bien orchestrée mais je n'ai pas trop accroché à la fin.
Sinon, continue, j'adore les petites frayeurs! ;o)

Monique 19/10/2004 @ 18:17:13
Thomas, perso j'aime pas le genre, tu le sais déjà ! Mais là encore, je me suis forcée. Bon pas de sang, mais tellement d'autres humeurs... Beurk.
Bien écrit. Il manque carrément un mot je crois, je ne sais plus où, et puis, "les chambres une par une", sois un peu logique ! Pas de S à une, steuplé...
Bonne nouvelle !

Thomasdesmond
avatar 20/10/2004 @ 09:12:41
Merci à tous pour m'avoir lu !!

Pour le côté un peu simpliste de ma vision du mileu gériatique, c'est dû au fait que je retranscris maladroitement ce que ma copine m'en raconte !! C'est donc une vision un peu tronquée...

Monique pardonne-moi encore pour les quelques fautes mais mon esprit embrumé par le web a parfois du mal à les repérer... Quel mot manque ? Le mot de la fin ?

Tistou 20/10/2004 @ 23:05:58
ThomasDesmond le héraut du fantastique!
Il faut aimer le genre, si c'est le cas on ne peut qu'apprécier. C'est consistant et suffisamment bien écrit pour maintenir l'attention jusqu'au bout. Mais j'ai souvenir que le précédent texte que tu avais proposé était plus abouti. Comme ça sans le relire hein?

Monique 20/10/2004 @ 23:32:58
Monique pardonne-moi encore pour les quelques fautes mais mon esprit embrumé par le web a parfois du mal à les repérer... Quel mot manque ? Le mot de la fin ?
C'était la première qu'elle voyait quelqu'un mourir sous ses yeux. Cherchez le mot manquant... Y a rien à gagner pour une FOIS...

Bolcho
avatar 21/10/2004 @ 10:00:22
J'aime bien. Tu as bien mis en place l'atmosphère. J'aurais quant à moi lu avec plaisir une plus longue description de la première partie (avant la mort du vieux) et peut-être même quelques touches décrivant un peu tel ou tel patient. Et comme je suis lourdement rationnel, j'aurais préféré une approche plus allusive (laissant planer un doute) du bref "retour à la vie". Pareil pour la mort de ton héroine: quelque chose laissant la place à d'autres interprétations laisserait en même temps la possibilité au lecteur de se questionner...plutôt que d'avoir peur.

Thomasdesmond
avatar 21/10/2004 @ 10:57:52
Vos crtiques sont très intéressantes ! Mais tel un jeune garenne, je suis très influençable et risque de modifier tout en suivant à la lettre vos indications...arghhh

Olivier Michael Kim
21/10/2004 @ 11:37:45
Quelques remarques....

La description du personnage est très longue au début de l'histoire. Je me demande si tu ne pouvais pas y intégrer quelques dialogues, avec le mari par exemple. Elle pourrait raconter la monotonie d'une journée ordinaire en se couchant. Ceci rendrait la première partie moins lourde et plus vivante.

Ensuite concernant l'histoire, j'ai l'impression de "déjà vu". Le conseil prodigué qui n'est pas respecté, c'est un vieux concept. On savait à quoi s'attendre.
"Prendre la pilule rouge ou la pilule bleu", "N'y va pas, la terre y est acide", " Ne prononce pas cette phrase après minuit", "Ne lui donne jamais à boire", etc.
Je ne sais comment t'aider à exploiter cette idée, sans tomber dans les clichés. L'exercice est difficile, faire du neuf avec du vieux...

C'est quand même bien écrit. J'ai nettement préféré ton précédent texte.

Voilà, j'espère avoir été contructif et que ça pourra t'aider. A ton service.

Cordialement.

Olivier.

Thomasdesmond
avatar 21/10/2004 @ 14:32:23
Merci pour ton message !
Bon bah vous me confortez dans ma position sur cette nouvelle... pas assez de passion !!

Lfrobin 21/10/2004 @ 14:48:33
"Ne lui donne jamais à boire", etc.


OMK traumatisé par les gremlins ?

Thomasdesmond
avatar 21/10/2004 @ 15:43:49
Bon, voici une nouvelle mouture avec quelques agréments pour ceux qui ont le courage de relire...


LES DEUX PORTES

Marie travaillait de nuit comme aide-soignante dans une maison de retraite entourée de vignobles, perdue en pleine campagne. C'était son premier poste dans ce type d'établissement mais elle s'était très vite habituée aux horaires et à la solitude inhérente à son poste. Elle prenait son service à 21h et le terminait vers les 7h du matin. Marie rentrait alors chez elle épuisée, les yeux lourds, et se couchait seule dans le grand lit encore tiède de la présence de son mari. Lui embauchait comme tout le monde vers 8h, ce qui faisait qu'ils ne se voyaient presque pas. Dans ses rêves, Marie partageait avec son homme les instants qui ne leur appartenaient plus.
Durant sa première semaine de travail Marie était assez inquiète lorsque ses collègues du soir quittaient l'établissement, vers 21h15.
Ils la laissaient seule avec tous les patients couchés dans leur chambre, seule dans les sombres couloirs vides de vie et silencieux. Seule dans ce vieux bâtiment qui semblait hanté et plein de sombres recoins, isolé à plusieurs kilomètres des premières habitations.
Parfois elle devait changer les lits des vieillards qui s'étaient souillés, mais le plus souvent ses nuits étaient vides d'animation. Elle s'occupait en faisant un peu de ménage dans le foyer et les couloirs, et parfois elle bouquinait ou faisait des mots croisés.
Il lui arrivait d'avoir la frousse. Le bâtiment était assez vieux et la nuit de nombreux bruits de toutes sortes résonnaient et craquaient dans les planchers et les murs. Elle restait souvent aux aguets, traquant le moindre son suspect. Il lui arrivait de se retourner brusquement pour vérifier que la présence qu'elle croyait sentir dans son dos n'était pas réelle. et quelques fois elle entendait une faible voix gémir ou pleurer, sans savoir d'où cela venait exactement. Elle inspectait alors toutes les chambres une par une pour parfois constater que tout le monde dormait et que personne ne pleurait. Les lieux regorgeaient de mystères mais elle n'était pas très désireuse de les découvrir.
Marie aimait son métier et respectait les personnes âgées dont elle avait la charge, les plus conscientes comme les plus déconnectées du monde réel. Elle ressentait de la tristesse devant la souffrance de ces gens tenus en vie par les médicaments et les traitements, qui n'ont presque plus conscience d'eux-mêmes et du monde qui les entoure. Elle avait noué de nombreux liens forts avec certains patients insomniaques ou réfractaires à leur comprimés pour dormir.
Elle détestait les voir régresser pour retrouver les attitudes et les raisonnements d'enfants en très bas âge.
Certains pensionnaires complètement fous la prenaient pour quelqu'un de connue comme Lady Di ou Catherine Deneuve. Des fois ils la reconnaissaient comme membre de leur famille : une mère, une fille, et parfois même un frère ou un fils.
La dégénérescence qui régnait dans certaines chambres était palpable : elle flottait dans l'air comme un poison à la fragrance mortelle, et semblait recouvrir les murs aux couleurs tristes d'une épaisseur d'humidité puante.
Les pensionnaires qu'elle gardait attendaient la mort, mais la plupart l'ignoraient. Elle ressentait de la pitié en les voyant jouer avec leurs excréments avec un air enfantin. Elle était en colère contre la vie elle-même, cette vie qui dénature les personnalités de ces gens autrefois doux et intelligents, et qui les faisait parfois grogner d'un plaisir malsain quand on leur faisait leur toilette intime.
Malgré toute cette noirceur, Marie était satisfaite d'aider et d'avoir à sa seule charge pendant la nuit toutes ces personnes en manque d'espoir et d'amour.


Lors d'une chaude et moite nuit d'été, dans une des chambres d'un patient très malade, Marie vécu un événement qui allait changer le cours de sa vie.
La soirée avait commencé normalement, comme tant d'autres. Les fenêtres du grand couloir étaient entrouvertes, faisant ainsi pénétrer dans l'établissement silencieux le concert des grillons. Après son petit tour d'inspection, elle fit un peu de ménage dans la salle à manger puis se fit du café vers les deux heures du matin.
Elle était plongée dans un roman de Mary Higgins Clark quand une des chambres sonna. Celle de M. Thibault. Elle se leva pour aller voir ce qu'il voulait.
Devant la porte de M. Thibault, une pensionnaire, Mme Dessagne, semblait affolée. Elle portait ses pantoufles roses et était vêtue de son habituelle robe de chambre. Elle piétinait sur place et se frottait nerveusement ses doigts meurtris par l'arthrite. Elle aperçut Marie qui arrivait.
– Ah ma fille, venait vite, ils sont venus le chercher ! dit la vieille femme d'une voix qui trahissait son anxiété tout en agitant ses mains pour que Marie la rejoigne. Dépêchez-vous donc !
– Qui est venu chercher M. Thibault Mme Desagne ? Et puis d'abord que faites-vous donc debout à cette heure là ? Il est très tard ! dit Marie en se rapprochant d'elle.
– Je sais bien qu'il est tard, mais je regardais l'émission sur les arnaques – j'aime bien le présentateur – quand j'ai entendu du bruit dans la chambre de mon voisin.
– Et bien on va voir ce qu'il se passe, dit Marie tout en posant la main sur la poignée de la porte de M.Thibault.
La vieille dame interposa son corps frêle entre la porte et Marie.
– Henri n'est pas tout seul. Ils sont venus le chercher. Je le sais je les ai entendus.
Marie essaya de pousser doucement Mme Desagne mais l'autre résista.
– Mais qui est venu le chercher Mme Desagne ? Vous avez dû entendre la télévision dans sa chambre ! Personne ne traîne dans l'établissement à cette heure là !
La vieille femme la regarda sans rien dire puis fit deux pas de côtés pour laisser Marie rentrer. Cette dernière ouvrit la porte avant de se retourner.
– Allez vous coucher Mme Desagne, il est tard, demain vous allez encore avoir une de vos migraines.
Après que sa patiente fut rentrée dans sa chambre, elle pénétra dans celle de M. Thibault.
Tout était sens dessus dessous. Le vieillard était écrasé contre le mur du fond, à moitié enroulé dans sa couverture souillée par les excréments et l'urine. Marie se précipita et l'aida à se redresser.
– Vous allez bien M. Thibault ? demanda-t-elle assez fort, l'homme étant quasiment sourd des deux oreilles.
– M. Thibault ? Vous m'entendez ? M. Thibault ?
Il avait les yeux révulsés et Marie sentit un haut-le-cœur grimper le long de sa gorge à la vue du blanc sanglant des globes oculaires cerclés de croûtes jaunâtres. Elle le secoua légèrement et commença à paniquer. L'homme se mit à gémir, sans toutefois reprendre vraiment conscience.
Elle l'agrippa sous les aisselles et le hissa avec difficulté sur son lit, centimètre par centimètre. Elle était assez petite et mince mais elle avait hérité de la force de sa mère, elle aussi aide-soignante dans son temps.
Elle allongea le vieillard et lui prit le pouls.
Très faible.
Le cœur battant, elle sortit de la chambre en courant et alla jusqu'au standard pour alerter le médecin de garde.
Attente au bout du fil.
Ses genoux se mirent à trembler.
Le médecin décrocha enfin.
Il lui répondit de se calmer et qu'il ne pouvait être sur les lieux avant une vingtaine de minutes. Il avait déjà une urgence sur les bras à gérer.
Elle raccrocha d'un geste sec.
– Et Zut !!
Déçue et nerveuse, elle retourna rapidement dans la chambre saccagée et s'approcha du lit de son patient. Sa respiration était très faible mais elle pouvait voir sa poitrine décharnée se soulever irrégulièrement. Les yeux fermés, il semblait dormir.
Marie toucha son front.
Le vieillard ouvrit brusquement des yeux fous totalement injectés de sang et fixa le mur en face de lui avec intensité, la face très vite déformée comme s'il était pris d'une terreur sans nom. Son corps se mit à trembler très fort. Les rambardes métalliques du lit médicalisé se mirent à grincer.
Des larmes de sang se mirent à couler le long de ses joues ridées, puis tout doucement, alors que le tremblement de ses membres ralentissait, il marmonna quelques paroles quasi-inaudibles et s'affaissa d'un coup contre ses oreillers en bataille.
Ses yeux restèrent entrouverts et il mourut avec une horrible expression de peur sur les traits.
Affolée et sous le choc, Marie resta là quelques instants sans savoir quoi faire. C'était la première fois qu'elle voyait quelqu'un mourir sous ses yeux. Elle reprit le contrôle en entendant le son tonitruant de la télévision de Mme Desagne, de l'autre côté de la cloison.
Elle repartit dans le couloir d'un pas incertain pour prévenir le docteur. Avant qu'elle ait atteint le bout du couloir, elle entendit un petit cri étouffé. Elle se retourna. Un nouveau cri, plus fort, retentit dans le couloir. Elle fit demi-tour et avança doucement, tendant l'oreille en passant devant les portes closes. Elle arriva devant la chambre du mort et entendit un nouveau cri sourd. Ça venait de cette chambre, elle en était persuadée. Pour en être vraiment sûre elle appuya son oreille contre la porte de la chambre de Mme Desagne mais n'entendit aucun bruit. Elle avait éteint sa télévision.
Elle commença à sentir la peur s'insinuer dans son ventre et se demanda si M. Thibault était bien mort. C'était préférable d'en être sûr avant de commencer sa toilette mortuaire, lui suggéra son esprit en panique.
Elle pénétra dans la pièce à pas lents et se rapprocha du lit.
Au plafond l'ampoule grésilla, plongeant ainsi la pièce dans une obscurité tremblotante.
Des ombres aux formes étranges se dessinèrent sur les murs.
L'expression sur le visage du mort avait légèrement changé : la peur peinte sur ses traits semblait être encore plus terrible qu'avant. Ses mâchoires étaient tendues et ses sourcils froncés. Marie se pencha lentement vers lui, tremblante, pour prendre son pouls.
Le cadavre se redressa brusquement. Elle cria de surprise et de peur. Un bras squelettique jaillit et attrapa son poignet qu'il serra très fort. L'homme ouvrit les yeux, des yeux au regard qui l'hypnotisa un court instant. Elle vit dans leur iris des choses affreuses et semblant venir de très loin.
– La porte !... marmonna le vieillard d'une étrange voix nasillarde.
Marie essaya de dégager son bras, mais le mort la serrait trop fort. Elle se mit à gémir et perdit le contrôle sur elle-même.
Il la tira vers lui, rapprochant son visage du sien, comme s'il voulait lui parler à l'oreille.
Marie sentit une odeur de brûlé émaner de sa bouche.
– La porte ma fille ! Celle de gauche !! Tu m'entends ? (il se mit à la secouer et à lui tordre l'avant-bras) N'oublies jamais ça ! Celle de gauche !!
Brusquement il lâcha le bras de Marie et s'effondra sur lui-même, comme si ce terrifiant échange post mortem l'avait vidé de son énergie et faisait se ratatiner son corps petit à petit.
Marie resta quelques instants pétrifiée et choquée par ce qui venait de se passer.
Elle éclata en sanglots et sortit de la chambre en courant.
Le médecin de garde qui arriva quelques minutes plus tard trouva Marie prostrée dans le bureau des transmissions, sous le choc. Après l'avoir écoutée, ll alla constater le décès puis revint lui expliquer qu'elle avait dû croire le vieillard mort la première fois alors qu'il était juste inconscient. Elle essaya de lui expliquer l'horreur qui s'était peinte sur le vieux visage ainsi que l'étrange lueur de son regard, mais le médecin l'assura que M. Thibault n'avait pas ressuscité, même pour un court instant.


Par la suite peu de personnes, son entourage comme ses collègues, crurent l'histoire de Marie. Pendant de longs mois elle repensa à ce que lui avez dit le mort, car elle était bien persuadée qu'il était décédé quand il lui avait parlé de la porte. La porte qu'elle devait emprunter.
Celle de gauche.
Souvent dans ses rêves elle voyait des portes par centaines, et elle entendait des voix terrifiantes lui murmurer de prendre celle de droite, et des fois celle de gauche, si bien qu'à son réveil elle ne se rappelait plus très bien laquelle était la bonne.


Quelques mois après cet événement, Marie eut un accident de voiture, au cours duquel elle fut légèrement blessée à la hanche.
A son réveil dans la chambre d'hôpital, elle se rendit compte avec stupéfaction qu'elle ne savait plus si le mort lui avait dit de prendre la porte de droite ou celle de gauche. L'accident n'avait pas fait trop de dommages mais avait quand même effacé la petite parcelle de mémoire qui correspondait à cette information. Elle tritura ses souvenirs sans succès et finit par questionner son mari et toutes les personnes qui étaient au courant de l'affaire. Mais personne ne s'en rappelait clairement. Certains jours elle croyait se rappeler que c'était la gauche et des fois la droite, si bien qu'elle ne retrouva jamais la vérité.
Au bout de quelques années elle commença à oublier cette histoire et se concentra sur sa famille et ses enfants.


Une nuit de sa quatre-vingt deuxième année, Marie se réveilla en sueur vers les cinq heures du matin. Elle était dans son grand lit qu'elle occupait seule depuis la mort de son époux cinq années plus tôt.
Elle sentit qu'elle n'était pas seule dans sa chambre. Quelqu'un se tenait entre la porte et l'armoire. Elle entendait sa respiration, rauque et saccadée. Elle se blottit sous ses couvertures, les membres tremblants et la raison à la dérive.
Elle entendit le bruit humide de la bouche de l'intrus qui venait de s'entrouvrir. Il commença à parler mais elle ne put entendre ce qu'il avait à lui dire.
Elle sentit en elle un souffle glacial et mordant irradier dans ses organes. Elle comprit très vite ce qui allait se passer mais ne paniqua pas. Elle avait peur de mourir mais se sentait prête. Soudain un poids immense frappa son cœur fatigué et elle ferma les yeux.
Dans le noir de la chambre l'intrus finit sa phrase, puis disparaît comme il était apparu.


La chute est longue, très longue, et elle ne voit pas la fameuse lumière au bout du tunnel dont tant de personnes ont parlé après être miraculeusement revenues de leur voyage final. Elle tombe et se sent libérée de son enveloppe charnelle, restée là-haut pour rassurer ses proches. Elle descend à une vitesse vertigineuse et aperçoit parfois dans les ténèbres tourbillonnant des visages connus et aimés, des paysages du passé qui appartiennent au monde du dessus qu'elle vient de quitter. Elle se sent sourire mais elle n'a plus de bouche ni de lèvres à étirer. Sa course folle vers les profondeurs ralentie brusquement et elle commence à avoir conscience de ce qu'elle est désormais : elle n'a plus de corps mais elle sent ses cinq sens toujours opérationnels, et très vite elle oublie les réflexes corporels de son ancienne vie. Soudain, la lumière apparaît, une lumière bleutée avec deux petites ombres en milieu. Elle se rapproche lentement et voit la lueur grossir dans le noir qui l'entoure. C'est avec stupéfaction qu'elle distingue ce que sont vraiment les deux ombres sur le fond : deux portes aux battants plus foncés que la lueur qui les entoure. Elle s'arrête à quelque distance des deux portes quand sa mémoire s'ouvre sur le passé : elle se rappelle du vieillard revenu des morts pour lui parler de la porte, mais son inconscient se refuse à lui donner la seule information dont elle a besoin : laquelle choisir ? Elle hésite puis se dirige inconsciemment et avec curiosité vers celle de droite. Une part d'elle qu'elle ne saurait nommer saisit la poignée en fer blanc et la tourne lentement vers la gauche. La lueur bleue qui éclaire la scène s'assombrit soudain. Elle voit le battant s'ouvrir et elle regrette aussitôt son choix en voyant ce qui l'attend de l'autre côté. Elle se sent happée une nouvelle fois dans un tourbillon de noirceur. Elle hurle d'horreur mais aucun son ne sort de sa bouche, car elle n'en a plus, et elle comprend trop tard qu'elle n'a pas ouvert la bonne porte.
Celle de gauche.

FIN

Bluewitch
avatar 21/10/2004 @ 15:51:41
Ne le prends pas mal, mais, personnellement, je préférais la version sans le dialogue avec l'autre pensionnaire, Mme Dessagne. Ca enlève du mystère à la situation...

Thomasdesmond
avatar 21/10/2004 @ 16:06:16
ARGHHHHH bon dieu je perds la boule et ne sait plus où donner de la tête... Tu as sans doute raison...arghhhh

Bluewitch
avatar 21/10/2004 @ 16:12:15
Je crois que tu as trop voulu bien faire. ;o)) C'est plus que louable.
Tiens, je reprends une citation de Bobin utilisée dans un autre fuseau: "Un écrivain qui se plie aux caprices des lecteurs est un esclave qui se donne des milliers de maîtres".

Si tu veux plaire à tous, tu ne t'en sortiras pas.

Monique 21/10/2004 @ 16:20:04
ARGHHHHH bon dieu je perds la boule et ne sait plus où donner de la tête... Tu as sans doute raison...arghhhh
Thomas ! Pas d'affolement ! J'aurais du mal à dire pourquoi mais je préfère cette nouvelle version ! Peut-être que je m'habitue...
Et comme je dois toujours trouver un petit truc : on ne dit pas "s'en rappeler" mais "s'en souvenir". On se rappelle quelque chose et on se souvient DE quelque chose.
Je te promets de continuer (à me forcer) à te lire...

Bluewitch
avatar 21/10/2004 @ 16:43:13
Bien la preuve, voilà déjà deux avis avec des différences, un lecteur n'en étant pas un autre!

Thomasdesmond
avatar 21/10/2004 @ 16:58:51
Merci à vous pour votre soutien ça réchauffe le cœur et merci pour al citation elle est très sage je trouve !
Mais bon, je me considère comme apprentis alors les conseils sont tous bons à prendre !!

Page 1 de 2 Suivante Fin
 
Vous devez être connecté pour poster des messages : S'identifier ou Devenir membre

Vous devez être membre pour poster des messages Devenir membre ou S'identifier