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Forums  :  Vos écrits  :  THEATRE : Le Bûcher

Bluewitch
avatar 10/10/2004 @ 22:22:57
Un peu moins à l'aise avec ce type de thème. J'occulte délibérément la présentation, je pense que c'est suffisamment explicite.

_______________LE BÛCHER_____________

(…)

ACTE III

Scène I V


Salle paroissiale.
Sont présents quelques villageois, Romain, Guillaume, Marguerite et Pierre. François et Bernardin sont en retrait à l’arrière de la salle, observateurs. Entrent Rachel, Alice, suivies de Guibert.


BERNARDIN – Ah ! Les voilà ! Tu crois qu’ils vont les brûler, ces deux sorcières ?

FRANCOIS – M’est avis qu’elles sont bien prêtes de griller, ça nous fera un beau feu de joie ! Après tout ce qu’on leur a mis sur le dos, pas danger qu’l’Evêque leur fasse miséricorde…

BERNARDIN – Bien vrai, le François. C’t Evêque, paraît qu’il a fait le tour de tous les coins de Pyrénées pour débusquer les mauvais esprits. M’fiche la frousse, quand même.

FRANCOIS – Ouais ! Même que depuis qu’il est là, j’ai p’u vu un seul fichu lapin venir faire ses fricassées dans mon potager ! Suis sûr qu’avec son poids, ils l’entendent à des centaines de mètres !

BERNARDIN – Jamais vu de bonhomme si gros de ma vie ! Sûrement plus gros que ma dernière génisse !

FRANCOIS – Tais-toi, triple mulet ! Il arrive…

(Entre L’Evêque)

L’EVÊQUE – Chers enfants de notre Sainte Mère l’Eglise, voilà que se termine cette terrible tâche qui fut la mienne : définir l’étendue du Mal dans l’âme des deux femmes ici présentes. Et ma conclusion ne fut pas le fruit d’une hâtive délibération mais charriée de tous ces témoignages dont vous fûtes les porteurs, inspirée de la sagesse du Très-Haut. Nous avons entendus vos plaintes…

BERNARDIN (chuchote) – Qu’est-ce qui dit ?

L’EVÊQUE – Ces deux femmes, Rachel et Alice, ont été amenées devant le jugement du Seigneur pour leurs actes païens, que nous avons déjà longuement abordés depuis mon arrivée parmi vous. Ces faits ont été mis à jour grâce à la sagesse de l’un d’entre vous, Pierre dit « le tisserand », qui s’est désigné porte-parole de vos multiples craintes.

PIERRE – Merci, Monseigneur, ce fut une lourde responsabilité...

(Grondement dans l’assemblée)

L’EVÊQUE – Et vous avez bien fait, mon fils, en disciple fidèle de notre très juste Eglise… Car le jugement du Seigneur est le suivant : Rachel, vous êtes accusée, vous et votre complice Alice, de sorcellerie ! Votre destin sera lié aux flammes à moins que vous ne reconnaissiez vos actes et demandiez l’absolution…

RACHEL – Je n’ai aucun crime à avouer Monseigneur, comme l’ont dit la plupart des témoins venus se présenter devant vous. Pas plus qu’Alice. Nous vous supplions de revoir votre jugement, trop enclin sans doute à conforter l’accusation.

ALICE (sanglote) – Monseigneur… Nous n’avons rien fait…

L’EVÊQUE – Dans ce cas, Dieu jugera par lui-même… Je ne tolèrerai ni votre insolence, ni votre pitoyable comportement. Vous serez lavées de vos péchés ce soir. Guibert, reconduisez ces… femmes dans leur cellule et veillez bien à ce qu’elles ne s’approchent de quiconque. Qu’elles demeurent à jeun, leur corps a été suffisamment perverti !

(Un cri retentit dans la salle, murmure collectif)

MARGUERITE – Monseigneur, ma fille Alice est innocente! Les gens qui vous ont affirmé le contraire ne sont que menteurs !

L’EVÊQUE – Madame… Si vous persistez à nier la sagesse de notre Eglise, je me verrai contraint de vous considérer comme suspecte !

(Le gros homme devient rouge et dévisage l’assemblée pour la mettre en garde)

L’EVÊQUE – Ces femmes seront brûlées ce soir, près des trois oliviers. Pierre, je vous enjoins à trouver des hommes afin de vous aider à préparer le bûcher… Cette assemblée est levée !

(L’Evêque déplace sa lourde masse et sort. Pierre sort, accompagné de François et Bernardin. Guibert emmène les deux accusées. Restent Marguerite, Romain et Guillaume qu échangent quelques mots et pleurs avant de sortir à leur tour)

****

Scène V

Près des trois oliviers. Les villageois sont rassemblés. L’Evêque préside de son ombre imposante. Marguerite, Guillaume et Romain se tiennent en retrait. Pierre, Bernardin et François ajoutent les dernières branches au bûcher

ROMAIN (s’approche de l’Evêque) – Monseigneur, nous implorons au moins votre clémence… Ne les laissez pas souffrir.

L’EVÊQUE – Elles n’ont pas désiré être absoutes, je ne peux dans ce cas être clément. Le feu du Seigneur les lavera de leurs crimes et peut-être auront-elles une place à ses côtés… Veuillez donc ne pas m’importuner.

ROMAIN (s’éloignant et s’adressant à Guillaume) – Rien n’y fait, père. Nous les avons perdues…

GUILLAUME – Garde l’esprit en paix mon fils. Le Seigneur ne laissera pas une telle injustice se commettre…

MARGUERITE (en larmes) – Seriez-vous donc si naïf, Guillaume ? Croyez-vous que tous les bûchers n’ont brûlé que des coupables, que des possédés du Diable ?? Croyez-vous qu’il y aura une exception pour nos filles ? Dans cette chasse, personne n’est à l’abri. Oh, Mon Dieu, les voilà…

(Rachel et Alice sont menées vers le bûcher par Guibert, accueillies dans un mélange de cris, de pleurs et de huées)

GUIBERT – François, viens m’aider. Il faut les attacher solidement.

FRANCOIS (visiblement mal à l’aise) – Oui, m’sieur, tout de suite.

(Il n’y a plus trace d’angoisse sur le visage des deux femmes mais un masque de fierté. Alice et Rachel gardent la tête haute lorsqu’on les encorde, même si la première laisse une larme s’éloigner de son œil fixé au loin. Un sourd grondement se fait entendre)

ROMAIN – Un orage se prépare… C’est peut-être un signe !

MARGUERITE – Si seulement, mon garçon, si seulement…

L’EVÊQUE – Tout a été dit, rien ne nous sert d’étendre ce moment difficile pour vos proches. Guibert, allez-y !

(L’homme prend la torche préparée dans un brasier proche et amorce le feu aux pieds des deux jeunes femmes. La foule retient son souffle, rapidement, une épaisse fumée se dégage du bûcher)

L’EVÊQUE – Comment cela se fait-il ?

GUIBERT – Le bois était humide, Monseigneur…

(Les deux jeunes femmes posent leur regard sur l’assemblée, celui de Rachel s’arrête sur son père et son frère et, à travers le rideau de fumée, celui-ci peut apercevoir un étrange sourire sur les lèvres de sa fille)

MARGUERITE – L’espoir est mort, Guillaume, regardez ces flammes qui grandissent et mangent l’espace de vie qui reste à nos filles…

(Elle s’effondre et pleure à lourds sanglots. Guillaume reste figé, le regard sur le bûcher où il ne peut même plus distinguer sa fille)

ROMAIN – Père, il pleut !! Ecoutez ce grondement ! Ces éclairs ! Regardez !! Peut-être le Seigneur a-t-il décidé de les sauver…

(La pluie tombe soudain plus abondamment, les gens s’agitent, le tonnerre fait trembler le sol)

L’EVÊQUE – Non ! C’est impossible ! Pas maintenant !

(Mais la pluie persiste et signe : les flammes s’amenuisent et la fumée se déchire. Guibert accourt vers le bûcher, tente de ranimer le foyer mais soudain s’interrompt, blême)

L’EVÊQUE – Qu’y a-t-il, Guibert ?!

GUIBERT – Elles… Elles ont disparus, Monseigneur !!!

L’EVÊQUE – Comment ?! Je vous avais dit de les attacher solidement !

GUIBERT – Nous l’avons fait… les liens sont intacts, Monseigneur…

L’EVÊQUE – Aaaah ! Je le savais ! Je l’avais dit ! Sorcières !! Sorcières ! Sor…

Coupez ! STOP ! Arrêtez-moi cette mascarade ! Mais qu’est-ce que c’est que ces « Sorcières, sorcières » ? Arrêtez de vous dandiner comme ça, bon dieu ! On dirait que vous avez une colique ! Vous êtes quoi, un acteur de sitcom ? Nom de Dieu, on fait un film, ici ! Pas une thérapie par le rire ! Vous êtes risible, mon brave, je vous le dis ! J’en ai marre, moi ! Alex, rappelle-moi de ne plus jamais baser un de mes films sur une pièce, ok ? Qui plus est quand elle est à ce point passable et qu’il faut compter sur les acteurs pour la mettre d’aplomb. Dans notre cas, c’est la cata assurée… Heureux qu’il y ait encore nos deux ensorceleuses pour donner un peu d’atmosphère. Va me les chercher, Alex, ok ? Et arrêtez-moi cette pluie, bordel ! Bon : break pour tous et surtout, qu’on me fiche la paix pendant un heure, ok ?! Et la Marguerite peut sortir de son rôle et faire une autre tête, elle veut bien ? Ca me fiche le bourdon. Allez, que je ne vous voie plus, va falloir que je me remette les idées en place ! Sinon, c’est tout juste si on fera le téléfilm du dimanche après-midi ! Et Alex, je t’ai dit de m’amener les filles ! Hein, quoi ? Comment ça introuvables ?? Tu te fous de moi ? Non ? Non, je le vois à ta tête de poisson rouge... Mais… Et merde, c’est quoi ce cinéma ?!

Kilis 10/10/2004 @ 22:45:14
Ah, tu m'as eue: la pièce est dans le film. Bien ça. Je me disais aussi : pourquoi commence-t-elle par l'acte 3?
La pluie providentielle, une injonction de Dieu, ça n'a pas dû être souvent le cas.
Merci Sorcière Bleue de nous rappeler à toutes que nous sommes des sorcières. Enfin ... oui, je crois que j'en suis une et mes deux filles aussi. Il y en a, c'est vrai, qui ne le méritent pas, hein, t'es d'acc?
Bon je vais cuire mes grenouilles avec une mèche de cheveux de... Hé hé!

Bluewitch
avatar 10/10/2004 @ 22:50:49
Met plutôt deux mèches, conseil de sorcière. ;o)

Olivier Michael Kim
10/10/2004 @ 23:08:44
Merci BlueWitch pour ton texte !

Je me suis fendu la poire en lisant la chute ! Tu m'as bien eu. Il y a aussi du suspens, je prenais peut-être ton texte trop au sérieux au départ.

Tu portes bien ton nom !

Je me suis fait avoir comme un bleu, sorcière !

Tistou 11/10/2004 @ 13:56:00
Le but est en effet atteint. Je crois qu'on s'est tous fait avoir. Et je n'ai même pas réalisé qu'avec un pseudo pareil ...
Ah, les sorcières ...!
Tu m'as paru bien à l'aise dans l'exercice. En lisant la partie bûcher, je me disais, "mais comment veut-elle mettre le feu à un bûcher dans un théâtre?" Tout s'est expliqué après bien sûr.
Finalement la fin, c'est la différence entre le vraie vie des vraies sorcières, et la vie donnée en représentation au cinéma ou à la télévision.

Sorcius
avatar 11/10/2004 @ 21:37:27
Bravo et merci pour nous, soeurette! ;-)

Felixlechat

avatar 11/10/2004 @ 22:58:27
C'est une histoire qui se répète: la femme est une sorcière. Je n'en crois pas un mot. Depuis 2.000 ans le monde des hommes essaye de faire croire à ces absurdités. Un esprit machiste et dominateur tente d'imposer une image de la femme qui est falsifiée; tentatrice, sensuelle, elle est devenue la pevertrice de l'homme. Qu'est-il, lui? Guerres, exploitations, dominations, etc...
J'attends d'une femme qu'elle soit ce qu'elle est et non ce que nos gouvernants(ou d'autres) voudraient.

Bluewitch
avatar 12/10/2004 @ 16:57:24
Qui te dit qu'être "sorcière" est forcément une idée macho et péjorative? On peut y mettre ce que l'on veut, après tout... Et pas forcément la perversion...

Yali 13/10/2004 @ 15:19:25
Des oliviers dans les Pyrénées ? Bordel, allez me chercher le scénariste… Le décorateur aussi !
Belle pirouette Bluewitch.

Felixlechat

avatar 14/10/2004 @ 00:47:07
Qui te dit qu'être "sorcière" est forcément une idée macho et péjorative? On peut y mettre ce que l'on veut, après tout... Et pas forcément la perversion...

Dans ton texte, ce sont des hommes qui qualifient les femmes de sorcières. Aprés un simulacre de procés, elles sont amenées au bûcher et la nature les sauve momentanément.
Je ne parle pas de perversion quant à elles ni à ce qu'elles sont.

Bluewitch
avatar 14/10/2004 @ 17:21:47
Des oliviers dans les Pyrénées ? Bordel, allez me chercher le scénariste… Le décorateur aussi !
Belle pirouette Bluewitch.


Ouf, quelqu'un a tiqué!


Dans ton texte, ce sont des hommes qui qualifient les femmes de sorcières. Aprés un simulacre de procés, elles sont amenées au bûcher et la nature les sauve momentanément.
Je ne parle pas de perversion quant à elles ni à ce qu'elles sont.


Mon texte était délibérément cliché et "gros". Je l'ai sans doute mal fait percevoir. Bien que les simulacres de procès étaient sans doute moins rares que ce que l'on ne croit.
Mais tu as raison quant à cette propension qu'a eu l'homme à faire de la femme la pervertrice et l'origine des maux. Un a priori qui garde sa place dans beaucoup de situtions même si à échelle différente.
Je n'avais pas bien déterminé si tu défendais une idée ou si ton intervention était basée sur mon texte.

Benoit
avatar 14/10/2004 @ 19:23:44
Je n'ai pas été transporté par le texte. Le problème est que je n'ai pas du tout ressenti que c'était une pièce de théâtre, je l'ai lu comme de longs dialogues dans un roman. En effet, il y a peu de description du décor, tu ne joues pas avec le décor (comme le fait Azed pour te donner un exemple), tes personnages agissent comme dans la vie et on ne remarque pas que ce sont des personnages de théâtre (par exemple, pas de monologue)... Bref, rien ne distingue cette scène d'une scène d'un roman (cet effet est renforcé par tes italiques où tu écris que l'évêque domine la scène de son ombre imposante, description complètement littéraire). Ce qui fait que lorsqu'il y a eu le brasier, ça ne m'a pas étonné car je me croyais dans un roman et non sur une scène de théâtre!
Quant à la fin, elle ne m'a pas surpris, non que je m'y attendais mais je n'étais pas rentré dans ton texte avant.
J'ai été sincère mais espère ne pas avoir été trop dur!

Bluewitch
avatar 14/10/2004 @ 19:39:59
Pas de souci (j'ai donné mon opinion quant à la franchise des critiques) ;o).
Tu as très certainement bien vu car je l'ai dit d'emblée, je ne me sentais pas à l'aise avec ce style. Ca m'a moins transportée que l'exercice "La course". Mais bon, je l'ai fait pour le fun et sans regret...
Merci pour ton commentaire! ;o)

Felixlechat

avatar 14/10/2004 @ 23:57:50
Des oliviers dans les Pyrénées ? Bordel, allez me chercher le scénariste Le décorateur aussi !
Belle pirouette Bluewitch.


Ouf, quelqu'un a tiqué!


Dans ton texte, ce sont des hommes qui qualifient les femmes de sorcières. Aprés un simulacre de procés, elles sont amenées au bûcher et la nature les sauve momentanément.
Je ne parle pas de perversion quant à elles ni à ce qu'elles sont.


Mon texte était délibérément cliché et "gros". Je l'ai sans doute mal fait percevoir. Bien que les simulacres de procès étaient sans doute moins rares que ce que l'on ne croit.
Mais tu as raison quant à cette propension qu'a eu l'homme à faire de la femme la pervertrice et l'origine des maux. Un a priori qui garde sa place dans beaucoup de situtions même si à échelle différente.
Je n'avais pas bien déterminé si tu défendais une idée ou si ton intervention était basée sur mon texte.

Ton écrit dépeint la réalité. Je ne m'insurge pas contre ton texte mais contre le machisme et les abominations que subissent les femmes encore de nos jours et qui dans certains pays, sont identiques à celles d'autrefois. Ce qui est, est et ce qui n'est pas, n'est pas(Th. d'Aquin).

Lyra will 17/10/2004 @ 22:03:34
très bon texte bluewitch,bonne chute et puis le sujet:les sorcières...j'adore!!!

Felixlechat

avatar 18/10/2004 @ 23:19:11
Extrêmement intéressant pour moi. J'en suis à la dixième lecture de ce texte au moins. A chaque fois, le plaisir est aussi intense. Merci de l'avoir écrit. Félix.

Felixlechat

avatar 19/10/2004 @ 03:46:30
C'est vraiment bien. Quel plaisir!

Bravo à la sorcière bleue.
Félix le possédé.

Felixlechat

avatar 19/10/2004 @ 04:30:14
Pour le plaisir tout simple de faire remonter ton texte (qui me plait) au tout début de la liste, j'envoie ce misérable post et je te souhaite une bonne nuit. Félix, l'amoureux de la belle écriture.

Bluewitch
avatar 19/10/2004 @ 18:46:44
Ce n'est pas pour faire remonter mon texte mais juste un petit mot pour toi Félix. ;o) Je ne m'étais pas vraiment convaincue moi-même avec ce texte mais c'est bien la preuve que chaque lecture parle différemment. Contente que celui-ci t'ai plu... Il n'aura pas été posté pour rien !;o)

Felixlechat

avatar 21/10/2004 @ 21:47:24
Le hasard n'existe pas. Je pense souvent à ce fait incroyable que certaines personnes se retrouvent ensemble, dans cet immense océan qu'est le temps, au même instant, au même moment. Comme des tritons dans le coin d'un étang.

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