Eric Eliès
avatar 16/03/2024 @ 09:12:57
Je sais qu'il y a plusieurs amateurs de poésie sur le site et aussi des personnes intéressées par la recherche scientifique, par les travaux sur l'infiniment petit (quantique) et l'infiniment grand (cosmologie). Les liens et résonances entre la poésie, les sciences et les mathématiques sont quelque chose qui me passionnent depuis des années et j'en parle parfois dans mes notes de lecture sur CL, surtout quand il m'arrive de présenter des ouvrages écrits par des scientifiques (comme Schrödinger ou Heisenberg, bien plus accessibles que leur réputation de "génie de la mécanique quantique" ne pourrait le faire craindre) ou des philosophes des sciences, notamment Etienne Klein ou Michel Serres qui s'intéressent aussi au langage et manifestent une sensibilité qui me semble intrinsèquement poétique. Par ailleurs, ce n'est pas toujours bien su mais beaucoup de poètes se sont également intéressés à la science, et à son impact sur notre manière d'être "humain". L'un des textes les plus remarquables que je connaisse à ce sujet, mais que je n'ai découvert que récemment, est le discours de réception du prix Nobel de Saint John Perse, qui présente le poète et le savant comme deux jumeaux interrogeant réel absolu.

Je me suis donc lancé en début d'année dans l'écriture d'un article (ce qui - avec le peu de temps que me laisse le boulot - m'a pris environ deux mois !) sur les liens entre science et poésie, sur la nécessité vitale que science et poésie dialoguent et se nourrissent mutuellement pour enrayer une spirale infernale de développements technologiques uniquement asservis à des enjeux économiques ou de puissance, qui in fine ravagent la planète et notre rapport au monde (menace accrue par l'essor des IA génératives). Je me suis beaucoup appuyé sur mes lectures mais il y a aussi beaucoup de ressenti personnel. L'article est actuellement en cours de publication sur le site Poesibao. Comme il est assez long, le site a décidé de le publier en feuilleton (6 chapitres au rythme d'un chapitre tous les 2 jours). Si certains sont curieux du sujet et souhaitent y jeter un oeil, je me permets de vous recopier ci-dessous les liens vers les 3 premiers chapitres (les 3 suivants à paraître semaine prochaine) :

chapitre 1 : les nombres et les mots, creusets de la présence
https://poesibao.fr/eric-elies-poesie-et-science-v…

chapitre 2 : rupture avec le monde
https://poesibao.fr/eric-elies-poesie-et-science-v…

chapitre 3 : vers l'effacement de la parole
https://poesibao.fr/eric-elies-poesie-et-science-v…

Débézed

avatar 16/03/2024 @ 12:00:02
J'ai eu et j'ai encore l'occasion de lire des poèmes écrits par de grands scientifiques.

Eric Eliès
avatar 16/03/2024 @ 12:40:25
J'ai eu et j'ai encore l'occasion de lire des poèmes écrits par de grands scientifiques.


A part Jean-Pierre Luminet, je ne connais pas de grand scientifique qui soit aussi réellement poète. Schrodinger, Ampère et quelques autres ont écrit des poèmes tout au long de leur vie mais ça n'était pas vraiment de la "vraie" poésie. Il y a aussi Ion Barbu et Jacques Roubaud, tous deux poètes et mathématiciens, mais, en général, on a plutôt des scientifiques qui ont une sensibilité poétique (comme Hubert Reeves, etc.) et des poètes intéressés par la pensée scientifique (comme Poe, Saint John Perse, Adonis, etc.). L'important, il me semble, n'est pas que les scientifiques écrivent des poèmes mais qu'ils aient un regard sur le monde et une exigence de vérité qui se nourrissent de poésie.

Nathafi
avatar 16/03/2024 @ 13:09:15

Je lirai tes articles avec attention Eric, il faut que je me mette en condition, parce que la science et moi... :-)
Mais la poésie, j'aime, et ce rapprochement m'intrigue !

Eric Eliès
avatar 16/03/2024 @ 13:35:11
@Nathafi : mon article peut - en tout cas j'espère ! - se lire aisément par quelqu'un qui ne connaît rien au sujet mais serait assez toutefois intéressé pour avoir envie de s'y plonger ! :P. Par ailleurs, il n'y a rien de très audacieux dans ce rapprochement, qui a été fait par d'autres, notamment Saint John Perse qui (sans aller à les confondre ou les dénaturer - science et poésie n'ont pas non plus le même regard sur le monde !) a articulé son discours de réception du prix Nobel en 1960 (voir les para du début) sur un rapprochement et une comparaison. Je t'en donne un lien ci-dessous, si tu veux le lire :

http://fondationsaintjohnperse.fr/html/…

Feint

avatar 16/03/2024 @ 18:36:49
Je vais lire ça avec intérêt : les sciences me passionnent (surtout celles en rapport avec la vie). Il y a même eu une période de ma vie où je n'arrivais plus à lire de littérature ; heureusement qu'il y avait les sciences !

Saule

avatar 17/03/2024 @ 04:03:21
J'ai eu et j'ai encore l'occasion de lire des poèmes écrits par de grands scientifiques.

Kinbote ? Mathématicien et poète

Eric Eliès
avatar 18/03/2024 @ 18:58:15
Pour ceux qui sont intéressés et n'auraient pas été rebutés par les trois premiers paragraphes, je vous transmets le lien vers le 4ème chapitre (qui se trouve être le plus court) :

Chapitre 4 : Le monde asservi par les technosciences
https://poesibao.fr/eric-elies-poesie-et-science-v…

Eric Eliès
avatar 20/03/2024 @ 11:28:45
Pour ceux d'entre vous qui n'auraient toujours pas été rebutés, je vous transmets le lien vers le 5ème chapitre, publié sur Poesibao ce jour (chapitre le plus long, qui est celui où je développe le plus les racines poétiques de la science) :

Chapitre 5 : Habiter poétiquement le monde
https://poesibao.fr/eric-elies-poesie-et-science-v…

Eric Eliès
avatar 21/03/2024 @ 23:21:05
Au cas où il y aurait une (ou deux - soyons optimiste ! :D) personne(s) intéressée, le dernier chapitre a été publié ce jour sur Poesibao, avec un lien vers l'article complet :

Chapitre 6 : Urgence
https://poesibao.fr/eric-elies-poesie-et-science-v…

Nathafi
avatar 22/03/2024 @ 08:01:00


http://fondationsaintjohnperse.fr/html/…


Eric, je ne parviens pas à accéder à ce lien.

J'ai lu ton article complet, je le relirai certainement, le flux d'informations étant conséquent et ton analyse très riche.
Je suis tout de même bousculée par ce rapprochement, le domaine scientifique étant celui que je fuis en courant depuis toute jeune, mais je dois admettre que j'ai hoché la tête régulièrement à la lecture de tes arguments.
C'est pointu et très technique pour une lectrice comme moi, c'est pourquoi je relirai le tout pour une meilleure compréhension.
Merci pour les références d'auteurs et d'œuvres qui jalonnent ton article, il sera intéressant de s'y pencher pour suivre ton raisonnement.

Jusqu'à présent la poésie pour moi était quelque chose d'impalpable, au dessus de toute chose, réclamant une certaine sensibilité ou un regard différent sur les choses, indicible...

Eric Eliès
avatar 22/03/2024 @ 21:40:46
@Nathafi, je t'envoie un autre lien vers le discours, sur le site du prix Nobel :
https://nobelprize.org/prizes/literature/…

Par ailleurs, merci de tes mots sur mon article, et je suis heureux d'avoir - si je t'ai bien comprise - ébranlé ton aversion envers la science ! :D J'ai essayé de ne pas être technique ou abscons (cela dit, si je ne suis pas totalement novice - j'ai effleuré du bout du doigt les principales équations de la Relativité et de la physique quantique en maths spé - je ne suis pas allé plus loin et ne suis pas non plus un spécialiste !) mais le format de l'article impose une certaine densité, qui aurait peut-être été plus digeste si j'avais pris le temps de développer davantage. Néanmoins, si tu veux découvrir la relation entre poésie et science, le mieux est de te lancer dans la lecture d'Hubert Reeves (que je n'ai pas cité dans l'article mais j'aurais aisément pu le faire quand j'évoque le ciel étoilé), notamment celle de ses deux titres les plus connus "Poussières d'étoiles" et "Patience dans l'azur" où il présente les découvertes de l'astrophysique et de la cosmologie avec un souffle d'une grande poésie. Pour une approche un peu plus philosophique, je peux te conseiller deux titres, tous deux remarquables mais aux thèses assez opposées même si elles se rejoignent dans leur dénonciation de l'emprise de la techno-science : "Retour à la parole sauvage" de Monchoachi, un poète antillais radicalement hostile à la vision "hyper-technologique" occidentale qu'il accuse d'avoir ravagé le monde, et "Galilée et les indiens", d'Etienne Klein, qui défend la pensée scientifique mais souligne la nécessité de l'enraciner dans une pensée poétique. Si tu veux y jeter un oeil, j'ai présenté sur CL le livre d'Etienne Klein dans une note de lecture où tu retrouveras les accents de mon article :
https://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/66359

Saule

avatar 23/03/2024 @ 04:23:36
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt la série d'articles. Mais il me faut du temps pour digérer.

Dans l'article un il me semble que tu fais l'erreur d'associer la mystique avec la religion. Pourtant le rapport entre la mystique (hors de tout concept religieux) et les mathématiques est quelque chose qui m'intéresse beaucoup. Les plus grands mystiques catholiques étaient poètes : Saint Jean de la Croix, Sainte Thérèse de Liseux,... comme si le language du mysticisme ne peut s'exprimer autrement que par la poésie. D'ailleurs la Bible a beaucoup de récits poétiques.

Que la poésie et la science soient tronquées, asservies à des fins technologiques, je le concois pour la science (l'intelligence artificielle et les énormes enjeux commerciaux), moins pour la poésie qui a - dans mon esprit - l'avantage d'etre dans le domaine de l'inutile. Mais je vais relire la suite d'abords...

Eric Eliès
avatar 23/03/2024 @ 09:52:53
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt la série d'articles. Mais il me faut du temps pour digérer.

Dans l'article un il me semble que tu fais l'erreur d'associer la mystique avec la religion. Pourtant le rapport entre la mystique (hors de tout concept religieux) et les mathématiques est quelque chose qui m'intéresse beaucoup. Les plus grands mystiques catholiques étaient poètes : Saint Jean de la Croix, Sainte Thérèse de Liseux,... comme si le language du mysticisme ne peut s'exprimer autrement que par la poésie. D'ailleurs la Bible a beaucoup de récits poétiques.

Que la poésie et la science soient tronquées, asservies à des fins technologiques, je le concois pour la science (l'intelligence artificielle et les énormes enjeux commerciaux), moins pour la poésie qui a - dans mon esprit - l'avantage d'etre dans le domaine de l'inutile. Mais je vais relire la suite d'abords...


Je n'évoque la religion et la mystique (en les associant effectivement, car dans mon esprit elles sont intimement liées !) que dans la petite introduction, qui m'a été demandé par le site, et je ne le fais que pour expliquer brièvement pourquoi je n'évoque pas la spiritualité alors qu'elle aurait sa place à plusieurs endroits de l'article. En fait, je fais partie de ceux qui considèrent la poésie comme une sorte de "mysticisme athée", pour reprendre un terme qui n'est pas de moi, et pour qui la poésie comble l'absence qu'aurait pu creuser leur non-religiosité. Mais je n'ai pas évoqué cette direction de la poésie moderne car elle m'aurait trop éloigné du thème que j'avais choisi, la relation entre poésie et science.

Concernant l'asservissement de la poésie, il n'est pas de la même nature que celui de la science, dont les travaux ont des débouchés technologiques. En revanche, il existe, notamment dans le dévoiement de la poésie en instrument d'éloquence au service de quelque chose, et même Villani, que je cite en m'y appuyant, n'y échappe pas quand il présente (cf le titre de son petit livre, présenté sur CL) "les mathématiques comme la poésie des sciences", ce qui est une formulation qui marque une nette incompréhension de la poésie, qui n'est jamais "poésie de". Il est assez frappant de voir que beaucoup de gens confondent "poésie" et "formalisme prosodique" et/ou "jolies phrases". Néanmoins, ce que j'ai voulu évoquer, surtout au chapitre 3, avec l'exemple du poème composé par chaptGPT, c'est que la technologie envahit tout, y compris la poésie, et que l'IA a la prétention d'assimiler et de s'accaparer tous les champs de notre humanité, au risque de la dénaturer et de la détruire.

Eric Eliès
avatar 23/03/2024 @ 11:01:27

Les plus grands mystiques catholiques étaient poètes : Saint Jean de la Croix, Sainte Thérèse de Liseux,...

Très vrai, et tu peux y rajouter Lanza del Vasto également. Mais c'est en fait le cas de toutes les religions, notamment de l'islam avec Rûmî, Omar Khayyâm, Yunus Emre, etc. Et même la plupart des grands philosophes socialistes et communistes : les premiers écrits de Karl Marx, de Jean Jaurès, etc. furent de la poésie... C'est comme si toute conviction devait d'abord s'enraciner et se nourrir de poésie pour ensuite avoir la force de s'épanouir. J'ai choisi le lien entre science et poésie mais je pense que tout peut et doit se nourrir de poésie pour être vrai. En fait, toute poésie authentique porte un regard sur le monde et affirme une matière d’être au monde.


(...) moins pour la poésie qui a - dans mon esprit - l'avantage d'etre dans le domaine de l'inutile.

C'est pour ça que je ne dirai jamais que la poésie du domaine de l'inutile alors qu'elle est du domaine de l'essentiel.

Thaut 23/03/2024 @ 12:06:20
Bonjour,

Merci pour ce bel article. Je suis complètement en phase avec cette réflexion, hormis sur quelques points spécifiques (comme la réflexion sur les IA dans leur état actuel). Mais l’idée principale – qui me semble être celle de poétiser la science, parce qu’il est important pour le scientifique d’adopter un regard poétique, celle-là, j’y souscris entièrement.

A dire vrai je pense même que l’on peut aller plus loin : il n’y a pas de véritable scientifique qui ne soit d’abord poète. Etymologiquement, « poésie » signifie « création » ; le poète invente, trouve. L’ancien français garde la trace de cette idée d’une poésie exploratrice : « trouvère » et « troubadour » dérivent en effet du verbe « trouver ». Il s’agit donc d’une poésie qui fouille, qui creuse le monde, qui tâtonne dans ses recoins les plus sombres, à côté desquels on passe habituellement sans s’arrêter.
Je fais ce petit détour par l’étymologie car pour moi, cette définition de la poésie n’a jamais cessé d’être valide ; et on a aujourd’hui un cruel besoin d’une telle poésie. C’est elle qui fait changer le regard porté sur le monde, qui informe non pas la réalité observable mais le regard que l’on porte dessus.

Cette « poésie » ne se trouve pas forcément dans les textes qu’on appelle aujourd’hui des « poèmes » : Rimbaud, Apollinaire font de la poésie, mais il est aussi d’habiles rimailleurs qui ne sont pas poètes (Musset par exemple), car ils ne font que ressasser des clichés, et n’apportent rien à notre regard collectif sur ce qui nous entoure ; des romanciers à l’inverse, sont de véritables poètes ; Flaubert, Proust (Volodine pour citer un contemporain) : ils poétisent car ils cherchent et trouvent, ils enrichissent notre humanité et notre relation à un monde qu’ils ne nous permettent pas de comprendre, mais bien de côtoyer, d’habiter, et aussi de penser, de réfléchir (en inventant de nouvelles manières de désigner, de nommer, en creusant aussi le langage, en parlant différemment d’une chose, ils réinventent et nous forcent à repenser notre relation à cette chose – le langage est un acteur souvent impensé mais essentiel de notre rapport à la réalité, et le poète le travaille).


Or cette vision de la poésie (qui ne me semble pas si éloignée de celle proposée dans l’article) me semble aussi parfaitement convenir à la science. Le véritable scientifique doit avoir le regard du poète, son attention au monde, sa volonté de le décrire et le fouiller dans ses moindre détails, en toute humilité et en toute conscience que la tâche ne sera par définition jamais complète ; la science doit être recherche et tension perpétuelle vers l’inconnue.
Sans cela, et comme tu le dis fort bien dans ton article, en guise de science, on n’a guère que de l’ingénierie et du technicisme. La science, la vraie, c’est d’abord un regard, et force est de constater que, même dans la bien mal-nommée « recherche » scientifique actuelle, ce regard est absent. On finance des travaux d’application sur des sujets déjà connus, on pense aux résultats concrets (et notamment aux possibles applications économiques) des recherches avant de les lancer, ce qui décourage évidemment toute pensée véritablement originale, toute idée qui pourrait mener à faire évoluer notre rapport au réel.

Schrödinger, Galilée, Einstein, Copernic étaient des poètes au sens plein du terme (et pas parce qu’ils ont sans doute écrit quelques vers dans leur jeunesse, mais parce qu’ils pensaient le monde différemment, ou essayaient de le faire. Aujourd’hui, tout est fait pour séparer la science de la poésie, qui pourtant lui est consubstantielle, donc pour la réduire au scientisme, à une technolâtrie stérile et mortifère du point de vue environnemental (au passage, Aurélien Barrau vient de sortir un livre précisément sur cette idée ; je l’ai entendu en parler à la radio et il me semble développer des thèses assez proches).

Pour finir, je reprends de l’article cette citation d’Etienne Klein, qui me semble-t-il, s’applique aussi bien à la science qu’à la poésie, et explique parfaitement bien pourquoi elles sont aujourd’hui, plus que jamais, essentielles.

il me semble que la science a le pouvoir de transformer le regard que nous portons sur le monde et de le dessiller des fausses certitudes



Pieronnelle

avatar 23/03/2024 @ 17:01:48
Eric, Thaut,
Mon Dieu (oui j"ose le dire moi qui suis athée..) comme ça fait plaisir, ça rassure, ça réconcilie avec l'humain qui semble parfois si décevant, ça apaise aussi dans l'éternel questionnement et l'inquiétude sur ce qui nous échappe...oui je le dis, merci pour votre intelligence, votre disponibilité pour transmettre, et pour cette fenêtre grande ouverte vers la compréhension...
Je ne sais ce qu'il va advenir dans cet avenir sombre mais tant qu'il y aura la poésie dans la profondeur des choses nous aurons l'espoir d'apaiser le monde...
Un grand merci !

Pieronnelle

avatar 23/03/2024 @ 19:31:05
Eric
Concernant ton article je dois reconnaître que je n'ai pas été derangée par le côte scientifique qui pour une fois m'est apparu clair et presque évident. J'avais de l'appréhension sur ce point et je me suis faite embarquer totalement. Comme Nath j'ai souvent "hoché la tête" et même noté plusieurs passages :-) et je me suis surprise après la lecture, à prendre mon stylo pour écrire sur mes premiers rapports avec les mathématiques dont la géométrie qui me fascinait , et ton texte m'a fait prendre conscience du rapprochement que je faisais inconsciemment avec la poésie et l'art (J'adorais le dessin ) et il y avait pour moi une sorte de correspondance avec le désir de m'evader du concret par ce sentiment d'infini aussi angoissante qu'attirante...Merci de m'avoir permis ce retour en arrière bien éloigné :-)
Tout ce que tu as écrit sur la Science actuelle est assez terrifiante et son impact sur notre monde futur et même immédiat assez déprimant mais tellement juste. Comme on dit c'est clair comme de l'eau de roche!
J'ai lu les livres d'Hubert Reeves il y a quelques temps dejà, c'est vraiment lui qui m'a permis de remettre en cause certains à prioris que j'avais sur les scientifiques, pas la Science...
Malheureusement notre sympathique poète barbu rêveur dans le cosmos n'a pas été bien suivi...
Me restent les deux derniers chapitres à lire...

Saule

avatar 23/03/2024 @ 22:47:26

Cette « poésie » ne se trouve pas forcément dans les textes qu’on appelle aujourd’hui des « poèmes » : Rimbaud, Apollinaire font de la poésie, mais il est aussi d’habiles rimailleurs qui ne sont pas poètes (Musset par exemple), car ils ne font que ressasser des clichés, et n’apportent rien à notre regard collectif sur ce qui nous entoure ; des romanciers à l’inverse, sont de véritables poètes ; Flaubert, Proust (Volodine pour citer un contemporain) : ils poétisent car ils cherchent et trouvent, ils enrichissent notre humanité et notre relation à un monde qu’ils ne nous permettent pas de comprendre, mais bien de côtoyer, d’habiter, et aussi de penser, de réfléchir (en inventant de nouvelles manières de désigner, de nommer, en creusant aussi le langage, en parlant différemment d’une chose, ils réinventent et nous forcent à repenser notre relation à cette chose – le langage est un acteur souvent impensé mais essentiel de notre rapport à la réalité, et le poète le travaille).

Intéressant, j'ai souri pour Musset. Ca veut dire que l'IA, par définition, ne pourra pas produire des oeuvres d'art vu qu'une oeuvre est l'expression d'une vie intérieure.

Malgré tout, quand on lit une oeuvre c'est aussi notre propre monde intérieur qu'on projète, j'ai été perplexe à propos du poème généré par IA, sur lequel des lecteurs non-avertis ne verront pas l'imposture. Je ne sais pas quoi penser; en fait l'IA ne fait jamais que compiler de l'existant.

Par rapport à la science, je ne sais pas quoi penser non plus, Bill Gates est persuadé que la science peut résoudre la crise climatique, la faim dans le monde,..on pourra faire des tomates qui résistent à la sécheresse, des médicaments contre la malaria,... c'est la meme foi dans la science que celle dont parle Eric dans l'article.

Je dois dire que la révolution qui est en cours avec l'IA me passionne et me donne beaucoup d'espoirs (mais beaucoup de craintes sur ce que sera le monde du travail une fois que les algorithmes et les robots feront tout). Mais c'est un autre sujet.

J'ai tout lu Eric, deux fois, et c'est très intéressant. Ca donne envie de s'informer sur où va la science.

Eric Eliès
avatar 23/03/2024 @ 22:47:31
@Thaut : il me semble que nos visions de la poésie et de la science se rejoignent et je n'ai rien à rajouter à ce que tu dis sauf que je te trouve un chouilla trop dur avec Musset, qui vaut plus que sa réputation de rimailleur. Je ne sais si tu l'as lu mais j'avais été surpris (cela dit, c'était il y a longtemps et peut-être que je n'aurais plus le même regard) par une complexité et une noirceur que je n'attendais pas... Il y a des "anti-poètes" qui se déclarent poète parce qu'ils savent compter jusqu'à 12 pour faire un alexandrin mais je n'y mettrai pas Musset !
Concernant Aurélien Barrau, j'aurais effectivement pu le citer, de même que j'aurais pu citer Hubert Reeves ou même Jean Giono, qui a par exemple écrit dans les années 60 (en présentation de son livre Le bestiaire) : "La science (dont c'est l'ère, incontestablement) ne désenchante pas le monde, au contraire. Seuls sont désenchantés les médiocres et les scientifiques du juste milieu." mais j'ai préféré évoquer Michel Serres et surtout Etienne Klein, dont je suis un lecteur assidu car il est pour moi le meilleur philosophe des sciences, qui a aussi une vraie passion pour le langage (il est notamment très doué pour les anagrammes et les doubles sens !). Je me permets juste une petite précision pour t'éviter de re-utiliser à mauvais escient la phrase que tu copies comme une citation d'Etienne Klein ("il me semble que la science a le pouvoir de transformer le regard que nous portons sur le monde et de le dessiller des fausses certitudes"), ce n'est pas une phrase d'Etienne Klein mais de moi évoquant Etienne Klein (bon, j'avoue immodestement que ça me fait plaisir que tu l'aies prise pour une phrase d'Etienne Klein ! :P). Dans l'article, toutes les citations sont en italique (et attribuées à leur auteur).

@Piero : je te répondrai plus en détail après ta lecture des deux derniers paragraphes, qui réorientent davantage le texte vers la poésie (je conclus l'article avec des poètes et non des scientifiques). Les dessins dans les deux premiers chapitres ont été choisis par le site, pour accompagner le texte, et non par moi. Je pense que l'éditrice (Florence Trocmé) est comme toi sensible à la beauté des formes géométriques (beauté qui était aussi ressentie par les Grecs anciens, qui ont beaucoup réfléchi aux rapports d'harmonie et idolâtraient presque la géométrie comme un savoir ésotérique) mais ce n'est pas dans cette beauté esthétique que me semble résider la "poésie" des mathématiques et des sciences. Je pense que cette poésie n'est réellement ressentie que quand on comprend que les mathématiques sont un langage permettant d'exprimer et de mettre en rapport une pensée subjective (celle du mathématicien ou du scientifique) et une réalité objective immatérielle (celle des objets mathématiques), qui adhère de manière extraordinaire au "réel absolu". L'exemple le plus frappant que je connaisse est celui de l'anti-matière, dont nul n'avait jamais eu l'intuition avant qu'elle émerge du formalisme mathématique de la physique quantique... Si, comme l'affirma Rimbaud, la poésie a bien pour vocation d'étreindre le réel, tout l'objet de mon article était de montrer que la science et la poésie partagent le même projet et la même ambition, et que de nombreux poètes et de nombreux scientifiques ont une double sensibilité.

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