Crois-moi de Pascale Fonteneau

Crois-moi de Pascale Fonteneau

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Lucien, le 26 septembre 2005 (Inscrit le 13 mars 2001, 68 ans)
La note : 8 étoiles
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Balade pour une mytho paumée

Hélène la protagoniste, Werner son compagnon ennuyeux, l’affreux voisin Gilbert Campain, sa femme aux jambes moches, leur fille Adeline et le chien Tuffy.
Françoise, la sœur d’Hélène. Un coup de fil : viens vite, j’ai un gros problème ! Un très gros problème, vraiment : un Noir, Boniface, pendu dans la chambre à coucher. Il bandait mieux avec la gorge serrée, mais là… (on songe à Godot : « Si on se pendait, peut-être qu’on banderait ? »)
N’oublions pas Philippe Morlant-Salus, candidat aux prochaines élections, le « monsieur Karscher » de la petite ville de H. où l’on saccage les boîtes aux lettres des honnêtes gens dans les immeubles, où l’on menace les profs, où l’on retrouve de tout dans les déversoirs… Philippe Morlant-Salus, alias Karl, l’amant d’Hélène, enfin son amant du jeudi.
N’oublions pas le journaliste, Simon Beck, qui aime fouiner dans le linge sale des familles et des municipalités.
N’oublions surtout pas : « Hélène ment. Tout le temps. »


Nous avons toutes les cartes en main. Pascale Fonteneau également, qui brode sur ce canevas de polar glauque un livre pétillant, mélange de caricatures plus vraies que nature et de littérature mise en abyme. Car la description sans complaisance du petit monde de H. s’inscrit dans un récit dont les principaux protagonistes sont Hélène, la traductrice mythomane, et Werner, le prof parano. Dans les deux cas écrivains sans l’être, ou l’étant trop : Hélène n’écrit – en les transformant à sa fantaisie – que des histoires inventées par les autres, ce qui ne l’empêche pas d’inventer la sienne, de la varier, de la fantasmer, de l’infléchir au gré de ses caprices ou de ses dépressions, de nous y prendre par la main, de nous y perdre, Ariane inverse, dans un labyrinthe où le fil des mots nous dirige vers le centre plutôt que vers la sortie ; Werner, de son côté – Werner au prénom de poète (!) – enseigne la littérature faute d’en produire, quoique… n’oublions pas ce recueil de proses poétiques qu’il offre et dédicace au tout venant. Werner qui « a le profil d’un parano. C’est courant chez les écrivains. Surtout s’ils n’écrivent pas. » On pourrait même compléter le duo pour en faire un trio : Gilbert Campain aussi écrit. Cent huit cahiers ! Pas un de moins. Nous apprenons bientôt qu’il y recopie de vieux livres empruntés à la bibliothèque municipale, puis qu’il fait passer ces œuvres pour siennes après avoir déchiré les originaux… Variations bien intéressantes sur l’écrit / non-écrit de la part d’une auteure qui sait très bien de quoi elle parle puisqu’elle anime une importante association d’ateliers d’écriture. Si elle pousse un maximum de gens à s’exprimer par la plume, elle montre ici un beau sens de l’autodérision en analysant les dérives de cette « écrivite » (que l’on pourrait lire « écrit/vite ») chronique qui s’empare de notre époque.

Un récit rapide et efficace où alternent les chapitres narratifs proprement dits, en caractères romains, dans une classique alternance imparfait / passé simple, et des « bonus » en italiques insérés entre les chapitres, où le narrateur nous dévoile en quelque sorte le dessous des cartes : « A propos d’Hélène », « A propos de Karl »… Notations souvent brèves et toujours précises, au présent, où nous apprenons tout d’un personnage : son enfance, son inconscient, ses fantasmes, ses phobies… Un procédé intéressant qui allège le récit et permet à l’auteur quelques bijoux (la fiche du chien Tuffy est particulièrement réussie).

Pascale Fonteneau n’invente pas la poudre mais la fait exploser en pétards jamais mouillés, comme une gamine qui aime les bonnes farces (les « commandos lecture », c’est elle), ou en feux d’artifices colorés qui attirent nos petites exclamations in petto : « Oh ! la belle rouge ! », « Oh ! la belle bleue ! », car la vérité n’est jamais monochrome, jamais figée.

Alors, mythomane, parano, plagiaire, l’écrivain ? Un peu de tout ça, bien sûr. Mais aussi grand enfant qui s’amuse, comme Pascale Fonteneau. Et qui soigne ses « infirmités » en amusant un peu les autres.

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  Balade, ballade... 1 Lucien 26 septembre 2005 @ 19:32

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