Les Plouffe de Roger Lemelin

Les Plouffe de Roger Lemelin

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 12 mai 2005 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 8 étoiles
Visites : 3 622  (depuis Novembre 2007)

Le Québec des années 1940

La Famille Plouffe de Roger Lemelin est un roman charnière dans notre littérature de la même manière que Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy. Ces deux romans des années 1940 situent l’évolution du peuple québécois vers des préoccupations extérieures à la paroisse à laquelle sont rattachées les familles. Évolution du microcosme paroissial replié sur lui-même et dominé par le curé et la mère, sa précieuse auxiliatrice.

La première partie du roman souligne l’apport des femmes dans la cohérence du peuple. C’est autour de la table que chacun reçoit les prescriptions à suivre pour que la honte ne rejaillisse pas sur la famille. La bouche pleine, il est bien difficile de faire valoir son point de vue d’autant plus que la mère prône celui du curé. C’est ainsi que Joséphine Plouffe, détentrice du pouvoir de l’abbé Folbèche dans son foyer, condamne et fustige tout son petit monde. Mieux vaut rester sous sa jupe que de perdre son âme en allant voir si le gazon du voisin est plus vert.

La deuxième partie amène tout ce qui vient menacer son rôle séculaire. Les familles ouvrières, dont les Plouffe font partie, habitent le bas de la falaise de la ville de Québec, et les plus riches président du sommet à sa destinée. Il n’est pas question de mêler les classes sociales. Mais un jour, plusieurs événements viennent troubler la paix paroissiale. Napoléon, l’aîné, remporte un championnat du tir du fer à cheval contre des joueurs de la Haute-Ville; Guillaume, le benjamin, se fait remarquer par un entraîneur américain et protestant de surcroît parce qu’il excelle au base-ball, et Ovide désire monter les échelons sociaux en entrant dans les ordres. Et quand Joséphine apprend que Cécile, son unique fille, fréquente un homme marié, c’est le comble de l’opprobre.

Cette ouverture sur le monde extérieur est renchérie par la visite du roi d’Angleterre qui, à l’aube de la Deuxième Guerre mondiale, vient sonder le cœur des Canadiens. Il apprendra à ses dépens que les habitants de tout le Québec se moquent de ses soucis quand Guillaume lancera une balle de base-ball en direction du cortège royal. Ce sursaut de nationalisme sera vite combattu par une loi, appuyée par le Cardinal Villeneuve de Québec, obligeant tous les Canadiens célibataires de se rendre au front pour défendre sa majesté contre les visées hitlériennes. Le réveil de la population aux problèmes mondiaux est sonné. Jamais la vie des familles québécoises ne sera pareille. Il y a un mécanisme séculaire qui s’est brisé. On s’est incliné devant les ordres des autorités politiques et religieuses. Ces événements ont entraîné une ouverture d’esprit qui a surtout brisé le cœur des mères qui ont perdu leur autorité morale. Quelle déception pour Joséphine d’apprendre que son fils Guillaume est devenu un meurtrier au sein de l’Armée canadienne! Elle aurait été drôlement plus surprise si Ovide lui avait lu toutes les fredaines de son frère Guillaume, contenues dans la lettre qu’il lui a envoyée.

En fait, La Famille Plouffe annonce la fin de l’époque décrite par Louis Hémon dans Maria Chapdeleine et l’arrivée d’une société plus ouverte. Pour cette œuvre, Roger Lemelin a énormément travaillé son style. Par contre, il a perdu en dynamisme ce qu’il a gagné en technique. Au pied de la Pence douce, le roman précédent de cet auteur, débordait de fraîcheur tandis que celui-ci charrie l’image pessimiste d’une société qui a perdu sa joie de vivre. Il faut dire qu’il en est ainsi quand on vit un moment charnière de l’Histoire.

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