Le Christ dans les champs de Eugene McCabe

Le Christ dans les champs de Eugene McCabe
( Christ in the fields : a Fermanagh trilogy)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Eireann 32, le 10 mai 2005 (Lorient, Inscrit le 7 novembre 2004, 76 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 191ème position).
Visites : 3 160  (depuis Novembre 2007)

Le bonheur est dans le cercueil*

Eugene Mc CABE est un écrivain rural de la vieille école, né en 1930 en Ecosse de parents irlandais, il vit dans une ferme près de la frontière avec le Nord. Loin des images vues et revues du conflit irlandais et de sa guérilla urbaine, ce roman se situe dans le comté de Fernamagh où la mort peut survenir en rentrant son troupeau ou en portant le courrier. Nous sommes dans les années 1970,la violence commence, la haine s’installe.
Trois récits forment cette œuvre : « Le Cancer », «l’Héritage» et «Les Victimes ». Le cancer c’est la haine qui ronge la campagne, l’héritage est ce dont se sentent investis les fermiers protestants, et les victimes sont les jeunes de tous bords.
Dans «L’héritage» tout semble prétexte à l’affrontement, un colonel et sa meute veulent passer par un champ catholique, les fusils jaillissent et les insultes fusent en attendant mieux. Les dialogues sont des dialogues de sourds entre les 2 communautés et souvent entre même clan. Les vieux protestants au nom de la terre tiennent des discours qui sont des appels aux meurtres. Les tueries d’un côté sont la réponse au carnage de l’autre bord. Deux fermiers catholiques seront abattus en représailles de la mort de deux fermiers protestants.
Dans «Les Victimes» les hommes de l’I.R.A. prennent des otages dans un manoir pour obtenir la libération de trois de leurs chefs, emprisonnées à Belfast. Le huis clos entre les otages et les victimes ne fait qu’aggraver les tensions, même entre les preneurs d’otages la discorde s’installe. Mais la réalité politique fera plier toutes les idéologies, il y aura des victimes, sacrifiées au nom de l’intérêt général. Pour, comme le dit pudiquement le gouvernement britannique «que la violence reste à un niveau acceptable ».
Eric est un jeune supplétif protestant de la police locale, la peur et la haine forment son lot quotidien «J’ai peur de haïr et j’ai peur d’aimer». Pour lui la tension sera trop forte, seule la fuite lui paraît une solution.
Lynam ne sait plus pourquoi elle se bat, la violence la dépasse. Dans ce manoir parmi les otages, dont une est une camarade d’université, elle réalise que ces idéaux ne sont que des paroles en l’air. Pour ces jeunes, les membres de l’I.R.A. et les durs des colons protestants sont à mettre dans le même sac.
Pratiquement tous les dialogues expliquent le décalage entre les deux communautés. La rancœur est palpable dans chaque réplique.
-Elle est belle la culture irlandaise ; quant à moi c’est l’idée que je me fais de l’enfer.
Qu’en reste t-il 35 ans après ? Les partis nationalistes ont gagné tous les comtés frontaliers aux élections de la semaine dernière, mais les problèmes demeurent sûrement ? Toutes ces victimes innocentes au nom d’une partition qui en 1921, portait déjà ces problèmes en elle-même. L’histoire est toujours là, pleine de rancœur pour les uns, pleine de symboles passés pour d’autres.
*Parole d’un personnage du roman.

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La tragédie sans fard

10 étoiles

Critique de Spirit (Ploudaniel/BRETAGNE, Inscrit le 1 février 2005, 63 ans) - 25 mai 2010

Comme pour toute chose il y a un avant et un après. Avant la lecture de ce livre et après. Au milieu il y a une mise au point brutale sur ce qui était le ressenti des événements et de l’histoire et la confrontation avec la réalité cruelle des faits. La cause est toujours juste, les moyens peut-être toujours indispensables mais la réalité a dirigé ses faisceaux de lumières inexorables sur l’histoire, lui donnant la terrible véracité de la vie.
Ce livre est pour moi un choc tant il décrit avec des mots simples des haines ancestrales. Les choses sont dites sans aucun fard et sans aucune paillette, pas un seul effet de manche, pas de mots superflus qui pourraient enjoliver ces trois histoires. Non Eugène McCabe nous montre la vérité dans toute sa cruauté, sa violence. Il nous montre que personne n’a plus, dans ce conflit, le choix de son destin, les choses ont été tracées par des années de honte et de haine, de mort et de sang. La chape s’est inexorablement refermée sur un pays, lui ôtant toute possibilité de vivre dans l’abstraction de la réalité sanglante et haineuse de son histoire. Les choses seront ce qu’elles sont mais elles ne le seront que parce qu’elles ont été, c’est un point de non retour absolu où les faits se mordent la queue pour mieux se dévorer tout aux long des siècles, présent et à venir.
C’est un livre terrible qu’il faut avoir lu avant de prétendre à une connaissance des tenants et des aboutissants de ce conflit millénaire.
Je ne cite pas habituellement de passage des livres mais qui pourrait mieux parler de lui que lui-même :

« Elle se dit que la naïveté apparente des deux fils de Hugh et Rosie McAleer cachait des racines plus profondes ;une culture aussi vieille que l’Europe pastorale enchainée par l’histoire à la défunte autocratie de Rome et au gâchis prétentieux de l’empire britannique, ceux-ci à leur tour submergés par le clinquant américain et la menace sournoise de la paralysie russe, toutes les croyances, tous les systèmes se confondant à mesure que mouraient les cultures anciennes. C’était inévitable et mélancolique comme la musique, comme l’assèchement des affluents quand se creusent les lits des grands fleuves. »

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