Les oiseaux de l'hiver de Jim Grimsley

Les oiseaux de l'hiver de Jim Grimsley
( Winter birds)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Nirvana, le 15 février 2005 (Bruxelles, Inscrite le 7 avril 2004, 51 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 191ème position).
Visites : 3 846  (depuis Novembre 2007)

Coup de coeur pour récit sombre!!!

J'ai adoré ce récit poignant, dur, qui utilise un procédé narratif inhabituel, puisque l'auteur tutoie son héros, et explique ainsi ce qu'il lui fait vivre.
Je vous en livre un aperçu :
"Quand les lumières ont disparu tu contemples l'étendue de neige. Les nuages sont réduits en lambeaux et la neige ne tombe plus. Les sillons des champs que la pluie a érodés, les fossés profonds creusés dans la sombre argile des rives ne sont que blancheur parfaite. Tu la contemples et une partie de toi s'y perd, s'y dissous, et tu n'as pas peur, tu es vide. Mais tu sais déja qu'un tel vide absolu ne durera pas".

Dan est un jeune garçon de huit ans, qui suit au gré des opportunités de travail, sa famille sur les routes du Sud, dans les années soixante.
Il s'est construit un compagnon imaginaire, l'Homme de la Rivière", sorte de Tarzan substitut de père, pour échapper aux conflits familiaux : son père, qui a eu un bras arraché dans un accident de travail , se réfugie dans l'alcool, et a des accès de violence dûs à une jalousie maladive.
La mère, perpétuellement enceinte, mais lumineuse et tendre est d'un grand réconfort, à ce petit garçon, dont la maladie- il est hémophile- plane comme une menace permanente.
Le roman commence et se termine sur le soir de Tanksgiving, et l'auteur nous mène, de manière irréversible vers le drame dans toute son horreur, pour nous laisser, impuissants, un goût amer dans la bouche.
C'est un roman court, mais puissant, impossible à lâcher. Si j'ai souvent de l'enthousiasme pour mes lectures, je distribue mes cinq étoiles avec parcimonie et ce roman, (qui a eu le premier prix de l'Académie des Beaux-Arts de New-York) les mérite largement.

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Les éditions

  • Les oiseaux de l'hiver [Texte imprimé] Jim Grimsley trad. de l'anglais (États-Unis) par Annie Saumont
    de Grimsley, Jim Saumont, Annie (Traducteur)
    Métailié / Bibliothèque anglo-saxonne.
    ISBN : 9782864241782 ; 17,50 € ; 01/04/1994 ; 188 p. ; Broché
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Sang

10 étoiles

Critique de Heyrike (Eure, Inscrit le 19 septembre 2002, 56 ans) - 27 juillet 2005

"Tu marches vers la rivière et tu as peur. De ton père, de ton sang pas normal, de tout ce qui pourrait le faire couler, Il t'a fallu apprendre à avoir peur. Toujours tu prends garde de ne pas tomber"


Les maisons se succèdent au gré des boulots décroché par le père, chacune d'entre elles devenant, au fil du temps, le théâtre des drames qui secouent l'existence de Danny. La brutalité du père s'est accentué depuis qu'il a perdu un bras lors d'un accident du travail. Une rage aveugle qu'il dirige contre sa femme.

La maman de Danny tente désespérément de préserver ses enfants des fureurs du père. La naissance de chaque enfant, venus au monde les uns après les autres, est perçue par le père comme une trahison de la part de sa femme. Isolée du monde extérieur, elle s'occupe toute la journée de ses enfants, ce qui n'empêche pas les crises de jalousie de son mari, quand il la soupçonne d'être l'objet de regard ou d'attention d'un autre homme.

Danny observe tout cela de ses yeux d'enfant de huit ans, son cœur, qui draine un sang fuyant ses veines à la moindre blessure, est meurtri de voir sa mère, si belle lorsqu'elle porte sa robe rouge, subir les pires humiliations.

Les enfants font front commun lorsque éclate la fureur paternelle. Mais que peuvent-ils faire pour défendre leur mère contre une brute ignoble ? Son petit frère, Grove, est hémophile lui aussi, chaque coup, chaque blessure provoque des saignements et des souffrances interminables.

C'est dans la maison du cercle que se joue le drame le plus épouvantable, un soir de thanksgiving. Sa mère, si belle, si pleine d'amour et de rêves pour tous ses enfants, est broyée par la folie démentielle d'un homme devenu un monstre.

Cette histoire nous entraîne vers les bas fonds de la violence conjugale, là où sont brisées des vies à tout jamais, où règne l'angoisse permanente des lendemains qui ne chanteront pour personne.

Un récit terrible et sensible à la fois, magnifié par une écriture où chaque mot, chaque phrase sonnent tellement juste, que l'histoire dramatique du jeune Danny m'a renvoyé à celle d'un petit garçon, devenu adulte aujourd'hui. Toutes ces descriptions de scènes violentes ont ravivé des souvenirs douloureux qui étouffèrent ses joies et ses rêves d'enfant, saccageant prématurément sa foi naissante en la magie de la vie.

On retrouve le personnage de Danny vingt cinq plus tard dans le roman "Confort et joie".




Extrait:

(Mama a mis tout ce qu'elle avait de cœur pour préparer le repas de thanksgiving, espérant que le père se tiendrait tranquille, peine perdue.)

"Merde à toi et à ta putain de sœur et merde à ces mômes geignards et merde à ton dîner de merde."
"Mama ne peut rester plus longtemps sans réagir, elle tente de s'éloigner. Il n'attendait que ça, elle crie, épouvantée, quand la main prend son élan et tu entends l'horrible bruit du choc contre son visage. Sa tête heurte la porte du réfrigérateur. Elle jette encore un cri bref et aigu et elle ferme les yeux ; les pieds chaussés de lourds rangers martèlent ses jambes et elle s'affaisse lentement jusqu'au sol ; alors papa se tourne vers le fourneau et envoie valser les casseroles à travers la cuisine, projetant à l'entour l'eau bouillante et la vapeur, les pommes de terre, les haricots, sur le visage et les genoux de Mama, sur tes bras, sur la culotte d'Allan. Papa crie si fort qu'on croirait que ce bruit qu'il fait va le fendre en deux. Il se dirige à nouveau vers Mama, recroquevillée, douloureuse, au milieu de tout ce saccage, mais cette fois, quand la jambe de Papa prend son élan pour lui porter un autre coup elle se redresse. Elle a dans les mains les pommes de terre fumantes, elle sent à peine que ça brûle. Elle les plaque contre le visage de Papa et il sursaute en hurlant ; ça pourrait permettre à Mama de s'échapper mais les pommes de terre sont tombés et la font trébucher. Le temps qu'elle retrouve son équilibre et déjà Papa a bondi vers elle. Amy se précipite pour ouvrir la porte de la pièce voisine. Mama fonce dans la chambre, en jetant un regard en arrière et elle a l'air d'un animal apeuré quittant le couvert du bois pour traverser un champ, la meute des chiens à ses trousses. Papa la suit de près, tu les entends traverser les chambres, tu as juste le temps d'ouvrir la porte de derrière pour que Mama puisse fuir dans la cour. Tu fais claquer le battant aussi fort que tu peux contre les genoux de Papa et toi et tes frères vous filez dehors, mais Papa est sur vos talons et il gagne du terrain. Pas très loin devant vous, Mama a encore glissé dans l'herbe et s'arrête pour enlever le morceau de pomme de terre qui colle à sa semelle. Quand Papa la rejoint elle s'est redressée, et il la frappe si durement que son cou se tord. Il la fait tomber et lui donne des coups de pied, les horribles godillots meurtrissent ta Mama si douce et tu pleure. Un coup de pied, un autre. A la façon, dont elle courbe la tête tu crains qu'elle ne puisse plus bouger ; mais Papa dans son ivresse a perdu ses réflexes et plus rapide que lui Mama s'engouffre à quatre pattes sous le bord de la maison."

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