La cloche de détresse de Sylvia Plath

La cloche de détresse de Sylvia Plath
( The Bell jar)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Clarabel, le 2 février 2005 (Inscrite le 25 février 2004, 48 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 445ème position).
Visites : 7 728  (depuis Novembre 2007)

Une grande âme !

Esther Greenwood a dix-neuf ans, elle est très intelligente, réussit tout ce qu'elle entreprend et débarque un mois à New York avec onze autres jeunes filles en tant que rédactrice invitée par un magazine. Cette expérience devient vite un tourbillon de dîners, défilés et autres invitations des plus fantasques et futiles dans lequel Esther va très vite perdre pied. D'elle-même elle va se mettre en retrait de cette effervescence, porter un regard critique sur la vie alentour et sur elle-même. Lorsqu'elle rentrera finir l'été chez elle, Esther va s'enfoncer dans ce sentiment d'inutilité et d'oppression, indéfinissable et incompréhensible pour sa mère ou les médecins. Enfermée dans des hôpitaux ou des asiles, Esther va tenter de guérir de ce mal inqualifiable qu'est la dépression nerveuse.
Le récit est planté dans les années 50 où l'Amérique, assez puritaine et protectionniste, blâme sévèrement les jeunes filles en perdition. La voie dictée par la société est de parfaire une éducation basique pour finalement se combler dans la vie maritale, les enfants, le ménage, etc... Mais Esther est profondément convaincue de ne jamais se marier, elle se sent poète dans l'âme, et son histoire platonique avec Buddy Willard, le fils de la meilleure amie de sa mère, étudiant en médecin, beau et charmeur, va conduire la jeune fille à la déconfiture. L'esprit de pureté à cultiver, bafoué par les hommes qui conçoivent qu'un minimum d'expérience tend à être acquis avant le mariage, va être mûrement réfléchi par Esther, encore vierge et fière de le défendre.
Et si tout n'était qu'un poids pour elle ?.. Qu'une cloche de verre qui l'étouffe et l'empêche de respirer, d'être elle-même et de vivre pleinement, sereinement ? ! Esther va plonger dans la mélancolie, va tenter de se suicider, va subir des séances d'électro-chocs, va couler dans un marasme duquel elle pensera ne jamais guérir. Mais tout espoir semble permis, même si la fin se termine en demi-teinte...

C'est étrange que l'auteur n'ait pu tirer parti des leçons enseignées à son héroïne pour se sortir de son mal de vivre. Un mois après la parution de son roman, Sylvia Plath se suicidait, prisonnière de ses propres démons. "La cloche de détresse" est LE roman d'une époque, d'une condition féminine qui peine à éclore, d'un processus de démence avant d'être diagnostiqué dépression nerveuse. L'histoire révèle les hauts et les bas, la lente descente aux enfers, le pourquoi, le comment. C'est loin d'être glauque malgré le sujet, car Sylvia Plath possédait un talent extraordinaire ! Un sens poétique pour tourner ses phrases, une logique et un soin scrupuleux dans la construction de son récit, lequel combine à merveille les propres événements personnels à de la fiction. Sylvia Plath portait en elle cette jeune Ethel Greenwood depuis de nombreuses années lorsqu'elle s'est enfin décidée à écrire son premier roman. Mais elle a préféré donner des ailes à son personnage plutôt qu'à elle-même, quel dommage !

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Les éditions

  • La Cloche de détresse [Texte imprimé] Sylvia Plath trad. de l'anglais par Michel Persitz préf. de Colette Aubry, note biographique de Lois Ames
    de Plath, Sylvia Audry, Colette (Préfacier) Ames, Lois (Préfacier) Persitz, Michel (Traducteur)
    Gallimard / Collection L'Imaginaire.
    ISBN : 9782070712182 ; 10,50 € ; 14/01/1988 ; 270 p. ; Poche
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L'oiseau en cage

8 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 28 juillet 2014

« C’était un été étrange et étouffant. L’été où ils ont électrocuté les Rosenberg », Esther Greenwood, l’auteure elle-même, une jeune fille de dix-neuf ans, débarque à New-York après avoir gagné, avec quelques autres lauréates, un concours de poésie organisé par un magazine de mode. Elle découvre alors la grande ville, les idoles, les élites, les étudiants des écoles prestigieuses, la vie facile, les soirées mondaines, les frivolités et entrevoit même la possibilité de faire carrière dans une compagnie prestigieuse. Parallèlement, elle se souvient de son enfance qui a basculé quand son père est décédé, de son adolescence, de ses premiers amours, de ses premières désillusions, et de ses premiers échecs.

Cette fille qui semble, comme l’auteure, avoir toutes les capacités et tout le talent nécessaires pour entrevoir une belle carrière et espérer un beau mariage sombre brusquement dans la déprime et commence alors un long chemin de croix d’asile psychiatrique en maison de soins plus sordides les uns que les autres. L’idée de la mort l’obsède de plus en plus, elle se sent inutile - « Je me sentais comme un cheval de course dans un monde dépourvu d’hippodromes » -, incapable, rejetée par tous, elle ne trouve pas sa place sur terre. L’idée du suicide germe dans son esprit un jour où elle fait du ski sur une pente trop dangereuse pour elle, « l’idée que je pourrais bien me tuer a germé dans mon cerveau le plus calmement du monde, comme un arbre ou une fleur », alors progressivement elle l’envisage, le prépare, l’essaie, l’élude au dernier moment mais finit tout de même par organiser une vraie tentative qui échoue de peu. Son récit s’arrête là, au moment où elle sort de l’hôpital après le long chemin qu’elle a accompli pour guérir de son suicide et de son désir de mort. Là où Oriane Jeancourt Galignani a repris le récit dans « La mort est un art, comme tout le reste » pour raconter, de manière certes un peu romancée, la longue désescalade qui a conduit Sylvia vers une ultime et fatale tentative de suicide.

Ainsi, dans « La cloche de détresse », Sylvia Plath raconte la grande crise suicidaire qu’elle a traversée quand elle avait à peine plus de vingt ans, en 1953. Elle précise bien que ce texte n’est pas une biographie fidèle, ce n’est que le roman qu’elle voulait écrire depuis longtemps et qu’elle n’arrivait pas à coucher sur le papier. « Ce que j’ai fait c’est ramasser ensemble des événements de ma propre vie, ajouter de la fiction pour donner de la couleur… cela donne une vraie soupe, mais je pense que cela indiquera combien une personne solitaire peut souffrir quand elle fait une dépression nerveuse ». Ce livre publié en 1963 connait un beau lancement qui lui promet un joli succès, et c’est à ce moment que Sylvia met définitivement fin à sa vie à la grande surprise de ceux qui l’entourent et à l’incompréhension de tous. Elle n’avait pas trouvé la place qu’elle cherchait à vingt ans, sa vie n’était qu’une suite d’échecs, son mari l’étouffait, elle menait une vie difficile, démunie de tout.

La vie de Sylvia est construite autour de deux grands objectifs qu’elle n’arrive pas à concilier, ni même à réussir individuellement, d’une part elle n’accepte pas d’exercer les métiers indignes d’elle qui lui sont accessibles mais refuse d’entreprendre les études nécessaires pour accéder aux métiers qui lui sembleraient supportables et correspondre à son talent. D’autre part, elle ne se considèrera pas comme une femme tant qu’elle restera vierge, elle cherche donc l’homme qui la fera femme en étant aussi un mari acceptable, respectueux de sa carrière et de ses ambitions. Un ensemble de contraintes qui compromet sérieusement son avenir et complique la perception de sa vie. « Si c’est être névrosée que de vouloir au même moment deux choses qui s’excluent mutuellement alors je suis névrosée jusqu’à l’os. Je naviguerai toute ma vie entre deux choses qui s’excluent mutuellement». Sa névrose est certainement dans ces contradictions et son incapacité à se donner les moyens de ses aspirations et ambitions.

Ce livre est le récit d’une tentative de suicide perpétrée en 1953 et du cheminement qui a conduit l’héroïne, et certainement l’auteure, à cette douloureuse extrémité, ce n’est surtout pas le récit du suicide de Sylvia Plath qui est survenu en 1963, mais on ne peut bien évidemment pas ignorer ce texte pour comprendre l’acte fatal commis par la poétesse. Entre 1953 et 1963 d’autres événements affecteront sa vie et contribueront certainement aussi à son suicide, notamment son mariage peu heureux avec un écrivain célèbre à l’époque qui ne lui permettait pas de valoriser son talent pour ne pas faire de l’ombre au sien. Déjà en 1953, elle manifestait des penchants féministes, au moins une volonté de voir les femmes s’assumer par elles-mêmes, réussir par leur propre talent, mener une vie aussi libre que celle des hommes : « Je n’acceptais pas l’idée que la femme soit obligée de rester chaste alors que l’homme lui peut mener un double vie, l’une restant pure, l’autre pas ». La suite est à lire sous la plume d’Oriane Jeancourt Galignani, il est bien difficile de dissocier les deux textes pour comprendre la vie et surtout la mort de Sylvia. On peut même penser que la publication de « La cloche de détresse » n’est pas pour rien dans sa décision finale.

L’héroïne, comme l’auteure, ne s’est pas cantonné dans une vie passive, elle ne s’est pas contentée de constater ses contradictions et d’évaluer ses envies, elle s’est souvent remise en question, a pris des décisions, s’est botté les fesses, « Tu n’arriveras jamais à rien comme ça ! » Elle le savait, elle se le répétait mais elle ne pouvait pas soulever la cloche qui l’enfermait dans son piège. Comme souvent les personnes atteintes de maladie neurologique, l’héroïne a une perception exacerbée et très perspicace de la vie et de tous les petits détails qui peuvent être interprétés pour donner des indications sur les intentions de ceux qui jouent un rôle dans leur existence. Elle sait ce qui l’attend mais ne sait pas l’empêcher, « Pour celui qui se trouve sous la cloche de verre, vidé et figé comme un bébé mort, le monde lui-même n’est qu’un mauvais rêve ».

Et, hélas, on peut interpréter cette phrase prémonitoire comme une belle preuve de cette lucidité et la garder comme conclusion : « Cela me semblait une vie triste gâchée pour une jeune fille qui avait quinze ans de sa vie ramassé des prix d’excellence ».

Une oeuvre profondément égocentrique

6 étoiles

Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 68 ans) - 12 mars 2011

Difficile, très difficile d'exprimer un avis sur ce livre. Bon j'y vais en vrac, spontanément comme cela me vient à l'esprit. J'ai beaucoup aimé la première partie qui se passe à New York. Je trouvais Esther touchante et rigolote avec ses maladresses et son inadaptation au monde réel. Elle en est pleinement consciente d'ailleurs et l'exprime très bien surtout lorsqu'elle commence à énumérer ce qu'elle ne sait pas faire. Ce passage m'a fort amusée mais voilà que s'amène la deuxième partie et le ton change du tout au tout. Notre charmante héroïne commence à vraiment dérailler, elle sombre de plus en plus dans la paranoïa et son discours devient fort inquiétant. Elle affirme ne plus dormir, ne se lave plus, ne mange plus, bref, elle devient de plus en plus une épave humaine obsédée par l'idée du suicide. Sa mère doit se résoudre à la faire soigner dans un asile et toutes ses économies durement amassées y passeront. Ensuite, grâce à la générosité d'une mécène, Esther sera soignée dans une clinique privée où elle côtoiera des femmes du monde amères et désillusionnées.

L'histoire est touchante mais ce ne sont que beuveries, sorties avec des inconnus et séance de vomissage pour la première partie alors que la deuxième se concentre sur la vie en asile psychiatrique et les séances d'électrochocs que subira Esther. Lecture assez malsaine qui m'a plongée dans l'angoisse. Un univers glauque, désespérant et surtout, privé de repères.

L'écriture m'a légèrement déçue, je m'attendais à mieux de la part de cette écrivaine compte tenu de sa réputation. Mais il faut garder à l'esprit que cette oeuvre est son tout premier roman et aussi son dernier hélas car elle s'est donné la mort quelques mois après sa parution. J'aurais aimé faire un petit bout de chemin en sa compagnie malgré les mauvais souvenirs que ses écrits font resurgir de ma mémoire mais enfin, je trouve dommage cette disparition soudaine quoique la souffrance était sans doute très forte pour en arriver à une telle extrémité.

C'est une oeuvre profondément égocentrique, l'auteur étant centrée sur elle-même du début jusqu'à la fin. Pas une seule fois elle n'a fait preuve de compassion ou de compréhension devant la souffrance d'autrui et en particulier, celle de sa mère qui pourtant, fait beaucoup pour elle lors de sa maladie. Esther déclare tout simplement à son psychiatre qu'elle déteste cette femme qui est sa mère. Bon, cela m'a un tantinet fait tiquer et Esther a commencé à effectuer une chute libre dans mon estime. Mais je ne veux pas juger, non, surtout pas quelqu'un d'aussi souffrant mais la tentation est pourtant forte de le faire.

Une lecture fort déprimante et qui laisse un goût amer.

Le monde n'est qu'un mauvais rêve

9 étoiles

Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 58 ans) - 14 janvier 2011

Ce récit autobiographique raconte la dépression qu'a vécue Sylvia Plath alors qu'elle avait 18 ans. Le titre, "la cloche de détresse", est cette cloche de verre à travers laquelle la narratrice voit le monde de manière déformée, et qui l'empêche de respirer. Comme elle le dit elle-même : “Pour celui qui se trouve sous la cloche de verre, vide et figé comme un bébé mort, le monde lui-même n'est qu'un mauvais rêve.”

C'est en lisant "Les femmes du braconnier", de Claude Pujade-Renaud, qui raconte l'histoire du couple de la poétesse Sylvia Plath et du poète anglais Ted Hughes, que j'ai eu envie d'en apprendre plus sur Sylvia Plath. Cette américaine, surtout connue pour ses poèmes, est née en 1932 et elle s'est suicidée en 1963. Elle venait d'écrire ce roman qui relate une période dépressive alors qu'elle était étudiante.

La première partie raconte un mois passé à New York par cette jeune étudiante brillante, en compagnie de jeunes filles qui ont comme elle gagné une bourse : c'est la grande vie, avec réceptions mondaines, hôtels, restaurants. Tout lui réussit. Mais la narratrice, trop lucide et dédaigneuse des futilités de cette vie sociale factice, se laisse dériver et est minée par un mal vivre existentiel. Cette partie m'a fait penser au roman de Salinger, l'attrape-coeur, qui donne la même sensation de dérive dans une grande ville.

La deuxième partie est plus sombre. Après ce mois passé à New-York, la jeune fille retourne dans sa banlieue pour passer le second mois d'été avec sa mère. Elle perd pied et s'enfonce dans une dépression qui la conduira à l'hôpital psychiatrique.

J'ai été fasciné par cette histoire et la qualité d'écriture de Sylvia Plath : elle a une plume lumineuse, et une réelle empathie se construit pour la narratrice. La narratrice dépeint son entourage et se proches de manière très noire. Le regard porté par la narratrice est excessif, mais ça fait ressortir les contrastes, et c'est très percutant. Malgré le sujet, le livre n'est pas triste et dégage une certaine énergie.

Un extrait, qui met en évidence la qualité de sa plume. Elle revient de New-York pour passer un mois chez sa mère : "En sortant du wagon climatisé sur le quai de la gare, le souffle maternel de la banlieue m'a enveloppée. Cela sentait les jets d'arrosage sur les pelouses, les breaks et les raquettes de tennis, les chiens et les bébés. Une quiétude estivale recouvrait toute choses de sa main apaisante comme la mort".

Désespérée

10 étoiles

Critique de Janiejones (Montmagny, Inscrite le 20 avril 2006, 38 ans) - 15 mai 2007

Une histoire désespérée et émouvante d'une écrivaine de très grand talent.

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